Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



 PREMIERE PARTIE

A CARTHAGE,
AUX LIONS
LES CHRÉTIENS

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D'où viennent ces prisonniers ?

Nous avons pu remarquer jusqu'ici que ces prisonniers se connaissent bien, car ils font tous partie de la communauté de Thuburbo, d'où ils ont été conduits à Carthage, les fers aux pieds, sauf Saturus qui s'y est rendu librement. Pourquoi ? C'est parce qu'ils doivent comparaître devant le Proconsul, le tout-puissant gouverneur romain de Carthage, chef-lieu de la province Africa, conquise de longue date, à la suite de guerres interminables et ruineuses.

Le Proconsul agit en maître absolu sur l'administration, l'armée et la justice. Sa tâche est énorme. Il n'arrive pas à tout faire et peut se décharger sur des legati, des délégués. Mais cette affaire des chrétiens est trop importante ; il veut s'en occuper personnellement. L'honneur de l'Empereur est en jeu. jusqu'à quand ces gens de rien refuseront-ils de se soumettre aux édits impériaux ?

En 177 déjà, Marc-Aurèle, un empereur philosophe, réputé pour sa sagesse, interdit l'introduction de cultes nouveaux, au moment même où le christianisme se répand dans tout l'empire et principalement dans les provinces africaines. C'est, croit-il, porter un coup quasi mortel à la religion nouvelle. De plus, il fait condamner à mort tous les chrétiens professants, tous ceux qu'on saisit dans les maisons en train de célébrer un culte. Il y a toujours, pour échapper au châtiment, la possibilité de renier sa foi. Beaucoup de baptisés deviennent des renégats. Le Proconsul accorde un délai de trente jours aux accusés pour se rétracter. La plupart refusent sur-le-champ ce délai. Quelques heures après, leur tête tombe sous le glaive d'un licteur.
Une accalmie permet aux chrétiens de respirer et de se multiplier. Mais à la fin du III e siècle, de nouveau, des candidats au martyre remplissent les prisons de Carthage, et en 202 - année des événements que nous relatons - l'édit de Septime-Sévère va donner une impulsion terrible à la persécution. Tous les nouveaux baptisés sont arrêtés, ainsi que ceux qui les ont instruits. C'est dans cette catégorie que se trouvent nos prisonniers.

Malgré la violence de la répression, la foi se propage. Comment a-t-elle pénétré à Thuburbo ? Nous n'avons aucun renseignement précis à ce sujet.
Je me suis rendu dans cette cité, située à une cinquantaine de kilomètres de Carthage. On passe de la Méditerranée à l'intérieur du pays, des falaises et des forêts de pins aux champs de blé sans fin. Sur plusieurs kilomètres, on longe un aqueduc monumental, détruit en grande partie, mais les vestiges qui subsistent sont des arcs dont la hauteur atteint vingt mètres. C'est par ce pont gigantesque que les eaux collectées dans les basses montagnes voisines, couvertes d'oliviers, d'amandiers et de vignes, étaient amenées à Carthage.
Les Romains étaient d'excellents constructeurs. On le remarque aussi à Thuburbo, qui a connu une prospérité extraordinaire au III e siècle, grâce à l'exportation des produits agricoles de la région. J'ai visité ces lieux un après-midi de juillet. Il faisait une chaleur torride, comme c'est le cas en Tunisie pendant les mois d'été. Un garçon d'une douzaine d'années, vif d'esprit et sympathique, nous a servi de guide. Tout d'abord il nous a conduits au Forum.
Il ne reste pas grand-chose de ce centre de la vie publique : quelques dalles usées par les promeneurs. Mais le Capitole domine toujours la place. C'est le temple des principaux dieux, dont Jupiter est le maître. On y accède par un escalier très large. Six colonnes seulement témoignent de la majesté de l'édifice qui a complètement disparu. Il y avait de très belles mosaïques dans les maisons particulières, mais elles ont été enlevées et mises en lieu sûr dans un musée.

Une de ces maisons spacieuses, comme il s'en trouve beaucoup, devait abriter les réunions des chrétiens. Cette vie clandestine de l'Église attirait de nombreuses personnes : des artisans, des cardeurs de laine, des teinturiers, des commerçants, des juifs convertis, des esclaves, mais aussi des hommes libres et de riches bourgeois.
Le culte était très simple. Le dimanche il avait lieu de bonne heure, en semaine le soir. Les fidèles y viennent sans avoir mangé. Le service commence par la prière faite en latin, puisque c'est la langue de ces gens colonisés par les Romains. Du haut d'une petite estrade, un lecteur se fait apporter les rouleaux conservés précieusement. Il déroule l'un de ces manuscrits et lit un texte tiré de l'Ancien Testament, puis il passe au Nouveau Testament dont la liste des livres vient à peine d'être établie. On chante des psaumes et souvent des cantiques composés par des poètes de l'assemblée. Les fidèles reprennent en choeur le refrain. Ensuite l'évêque - c'est le titre qu'on donne au chef de la communauté - prononce un sermon simple et pratique, mais plein de remontrances à l'adresse de tel ou tel frère dont la conduite laisse à désirer. Une prière dite par toute l'assemblée termine cette première partie.
C'est à ce moment que se retirent les catéchumènes, car le culte se poursuit par la sainte-cène, appelée aussi eucharistie, à laquelle ils ne seront admis qu'après leur baptême. Les communiants chantent pendant la distribution du pain sans levain et du vin additionné d'eau. Pourquoi ce mélange ? Écoutons cette explication d'un évêque de ce temps-là : « Le vin seul, c'est le sang du Christ sans le troupeau ; l'eau seule, c'est le troupeau sans le Christ ; mélangeons-les : ainsi le troupeau s'unit à son Pasteur. »

Le culte est en général accompagné d'un repas simple qu'on appelle agape, d'un mot grec qui signifie amour. On y prend part dans un esprit fraternel. Parfois, hélas ! il y a des abus. On y boit trop de vin, ce qui amène des disputes. Mais le plus souvent les agapes se terminent bien, par une prière de reconnaissance.
Si les chrétiens peuvent se réunir, bien qu'en principe leur culte soit interdit, c'est qu'ils se sont mis au bénéfice d'une loi qui permet la formation de sociétés de secours mutuels pour les cérémonies funèbres ! Mais les autorités ne sont pas dupes. Elles se rendent vite compte que le but poursuivi par les chrétiens au sein de telles associations dépasse de beaucoup l'intérêt porté à leur cimetière. Aussi la populace réclame-t-elle la suppression des cimetières chrétiens !

Quoique ce soit dangereux d'appartenir à l'Église, il y a toujours des candidats au baptême. Saturus est heureux de recevoir cinq nouveaux catéchumènes issus de toutes les classes de la société. Faisons rapidement leur connaissance. Voici d'abord deux hommes libres, Saturninus et Secundulus.
Vient ensuite Vibia Perpetua, de l'une des meilleures familles de Thuburbo. Elle était gaie et insouciante ; elle avait la vie facile entre ses parents, ses frères et son mari dont elle a un enfant qu'elle allaite encore. Dès que son père apprend qu'elle va devenir chrétienne, il se jette sur elle et voudrait lui arracher les yeux, mais il se borne à la secouer énergiquement sans obtenir de résultat.
Enfin, deux esclaves : un jeune homme, Revocatus, et une jeune femme qui va être mère, Félicitas. Saturus, le responsable de leur enseignement, fait de son mieux pour les instruire, et bientôt arrive le moment décisif, l'engagement dans la milice du Christ. Tel est le sens précis du baptême dans les églises d'Afrique du Nord. Il est fort probable que Saturus a recouru à l'évêque de Carthage pour administrer ces baptêmes.

La cérémonie est impressionnante. Les catéchumènes sont plongés trois fois dans le baptistère creusé dans le sol en forme de croix. Ils reçoivent ensuite de l'huile sur le front et l'officiant pose ses mains sur leur tête. Tout se termine par le baiser de paix qui fait désormais d'eux des « fidèles » de la communauté. Cérémonie bizarre pour ceux qui n'en comprennent pas la portée profonde.

Hélas ! peu après, la police alertée arrête ces chrétiens de fraîche date, et ils sont conduits sous bonne escorte à Carthage, où nous les avons rencontrés en prison.


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