MÉDITATIONS EN MARGE DE L'ÉVANGILE SELON SAINT LUC
VERS LE
CALVAIRE
On le conduisit dehors pour le crucifier. Portant
lui-même sa croix, Jésus fut dirigé vers
le lieu appelé le Calvaire. Comme ils l'emmenaient,
ils réquisitionnèrent un passant qui revenait
des champs, un homme de Cyrène, nommé Simon,
père d'Alexandre et de Rufus, et ils le
chargèrent de la croix pour la porter derrière
Jésus. Une foule immense de peuple le suivait ainsi
que des femmes qui se lamentaient et le pleuraient.
« Filles de Jérusalem, leur dit
Jésus en se tournant vers elles, ne pleurez pas sur
moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants.
Car voici des jours viennent où l'on dira : «
Heureuses les stériles, heureux les flancs qui n'ont
point enfanté » et les mamelles qui n'ont point
allaité! » Car alors on se mettra à dire
aux montagnes : « Tombez sur nous » et aux coteaux
: couvrez-nous. « Si le bois vert est ainsi
traité., qu'arrivera-t-il au bois sec! »
On emmenait deux autres hommes, des malfaiteurs,
pour les mettre à mort en même temps que lui.
.
GOLGOTHA
Ils arrivèrent au lieu appelé Golgotha, ce
qui veut dire le lieu du Crâne. Là ils le
crucifièrent ainsi que les malfaiteurs, l'un à
droite, l'autre à gauche et Jésus au milieu.
« Père, disait-il, pardonne-leur car ils ne
savent ce qu'il font! »
Ils voulaient lui donner à boire du vin
mêlé de fiel; quand Il eut goûté,
Il refusa d'en boire. Pilate rédigea aussi une
inscription. Il fit placer l'écriteau sur la croix.
Il y était écrit : « Jésus de
Nazareth, roi des Juifs. Beaucoup de Juifs lurent cette
inscription parce que le lieu où Jésus
était crucifié était près de la
ville et qu'elle était écrite en
hébreu, en latin et en grec. Les chefs des
prêtres dirent donc à Pilate : « Ne mets
pas le roi des juifs mais mets que cet homme a dit : «
je suis le roi des Juifs. » Pilate répondit :
« Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit!
»
Cependant, après avoir crucifié
Jésus, les soldats prirent ses vêtements et en
firent quatre parts, une pour chaque soldat; ils prirent
aussi la tunique. Mais cette tunique était sans
couture, d'un seul tissu depuis le haut jusqu'en bas. Ils
dirent donc entre eux : « Ne la déchirons pas
mais tirons au sort à qui l'aura. »
C'était afin que fût accomplie cette parole de
l'Écriture :
« Ils se sont partagés mes
vêtements et ils ont jeté le sort sur ma robe.
»
Ainsi firent les soldats. Puis ils s'assirent
là et le gardèrent. Le peuple se tenait aussi
là et regardait.
Les passants l'injuriaient, hochant la tête
et lui disaient
« Ohé! toi qui détruis le
Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi
toi-même si tu es le Fils de Dieu! descends de la
croix! »
De même aussi les chefs des prêtres,
les scribes et les anciens l'injuriaient et disaient :
« Il a sauvé les autres et Il ne
peut se sauver lui-même. Ah! le
Christ! Le roi d'Israël! qu'Il descende maintenant de
la croix et nous croirons en lui. Il s'est confié en
Dieu, que Dieu le délivre maintenant s'Il veut de
lui! Car Il a dit : « je suis Fils de Dieu!
»
Les soldats s'approchèrent pour se jouer
de lui; ils lui offraient du vinaigre en disant : « Si
tu es le roi des Juifs, sauve-toi! »
Or l'un des malfaiteurs crucifiés
l'injuriait, disant : « N'es-tu pas le Christ ?
Sauve-toi toi-même et nous aussi! » Mais l'autre
éleva la voix pour le reprendre : « Ne crains-tu
pas Dieu, toi qui subis la même condamnation. Pour
nous c'est justice, car nous recevons ce que méritent
nos actes, mais celui-ci n'a rien fait de mal! » Puis
il dit à Jésus : « Seigneur, souviens-toi
de moi quand tu viendras dans ta royauté! »
Alors Jésus : « En vérité, je te
dis que tu seras aujourd'hui avec moi dans le paradis!
»
Or près de la croix de Jésus se
tenaient sa mère, la soeur de sa mère, Marie
femme de Cléopas, et Marie-Madeleine. Jésus
voyant sa mère et près d'elle le disciple
qu'il aimait, dit à sa mère - « Ma
mère! voilà ton fils... Puis Il dit au
disciple : « Voilà ta mère! » Depuis
cette heure le disciple la prit chez lui!
Le soleil s'obscurcit et des
ténèbres se firent sur tout le pays
jusqu'à trois heures. À trois heures
Jésus poussa un grand cri et dit : «
Éloï! Éloï! Lama sabachthani! »
C'est-à-dire:
« Mon Dieu! Mon Dieu! pourquoi m'as-tu
abandonné! »
Quelques-uns de ceux qui étaient
là, l'ayant entendu, disaient:
« Tiens le voilà qui appelle
Élie, voyons si Élie viendra le
délivrer. »
Après cela, sachant que tout allait
être consommé afin que l'Écriture
fût accomplie, Jésus dit : «J'ai soif!
» Il y avait là un vase plein de vinaigre. On
trempa une éponge qu'on fixa à une tige
d'hysope, et on l'approcha de sa bouche. Quand Jésus
eut prit le vinaigre, Il dit : « Tout est accompli!
»
Puis il s'écria à voix haute :
« Mon Père! Je remets mon esprit entre tes
mains! » Et laissant retomber sa tête, Il
expira.
Et voici que le voile du temple se déchira
en deux, du haut en bas; la terre fut
ébranlée, les rochers se fendirent, les
sépulcres s'ouvrirent; plusieurs
des saints qui étaient morts ressuscitèrent et
sortant de leur tombeau après la résurrection
de Jésus apparurent à plusieurs.
Cependant le centurion et ceux qui gardaient
Jésus avec lui, voyant le tremblement de terre et
tout ce qui arrivait furent épouvantés et
dirent : « Véritablement cet homme était
juste! Cet homme était Fils de Dieu... » Et
toute la foule qui s'était rendue en masse à
ce spectacle, témoin de ce qui se passait, s'en
retournait en se frappant la poitrine.
Quant aux personnes qui l'avaient connu, elles se
tenaient toutes à distance, ainsi que des femmes qui
avaient suivi Jésus depuis la Galilée et qui
le servaient : Marie, mère de Jacques et de
Josés Salomé, mère des fils de
Zébédée, et beaucoup d'autres qui
avaient fait avec Lui le voyage de Jérusalem. Elles
regardaient de loin...
On était au jour de la préparation,
veille d'un sabbat qui devait être solennel. Afin que
les corps ne demeurassent pas sur la croix pendant le
sabbat, les Juifs vinrent demander à Pilate de faire
briser les jambes des suppliciés et de les faire
enlever.
Les soldats vinrent donc et rompirent les jambes
au premier, et ensuite à l'autre, qui était
crucifié avec Jésus. Mais lorsqu'ils vinrent
à Jésus lui-même, lis
s'aperçurent qu'Il était mort et ne lui
rompirent point les jambes; seulement un des soldats lui
perça le côté d'un coup de lance et
aussitôt il sortit du sang et de l'eau.
Ces choses sont arrivées afin que cette
parole de l'Écriture fût accomplie :
« Aucun de ses os ne sera rompu.
»
Ailleurs l'Écriture dit encore:
« lis regarderont à celui qu'ils ont
percé. »
Déjà, il se faisait tard.
Un homme riche appelé Joseph,
d'Arimathée en Judée, était membre
estimé du grand conseil. Il n'avait consenti ni
à la décision, ni à l'action de ses
collègues. Il attendait lui aussi le royaume de Dieu
et même il était disciple de Jésus, mais
en secret par crainte des Juifs. Il alla
hardiment se présenter devant Pilate et lui demanda
le corps de Jésus! Pilate s'étonna que
celui-ci fût déjà mort. Il fit appeler
le centurion et lui demanda s'il y avait longtemps qu'il
avait expiré.
Après avoir entendu le rapport du chef des
gardes, il ordonna qu'on remît le corps à
Joseph. Celui-ci acheta un linceul et se rendit au Calvaire.
Après lui, vint aussi Nicodème, celui qui
était allé au début, de nuit, trouver
Jésus. Il apportait environ cent livres d'une
composition de myrrhe et d'aloès. Ils descendirent
donc le corps de Jésus, l'ensevelirent dans des
linges avec des aromates comme les Juifs ont coutume
d'ensevelir et enveloppèrent le corps dans un linceul
pur.
Or il y avait au lieu ou Il avait
été crucifié un jardin, et dans ce
jardin un sépulcre neuf, taillé dans le roc,
où personne n'avait été mis. Ce fut
donc là qu'ils déposèrent
Jésus.
Le sabbat allait commencer.
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LE TOMBEAU DE
JÉSUS
LUC, XXIII, 25 à 56.
Une après-midi de samedi saint à
Jérusalem. Il faisait merveilleusement beau et
déjà chaud malgré l'altitude
élevée de la ville. Nous étions
allés à ce qu'on appelle le « tombeau de
Gordon ». D'après les découvertes
archéologiques les plus récentes comme
d'après la tradition séculaire, il semble bien
que le jardin de Joseph d'Arimathée ait
été à l'emplacement du Saint
Sépulcre actuel. Mais les bouleversements que les
temps et les guerres ont apportés à la
topographie de la cité sainte et la
piété superstitieuse des
générations successives ont fait de ce coin de
terre un endroit où l'imagination chrétienne a
grand' peine à situer le récit des
Évangiles. Il en est autrement du tombeau de Gordon,
très probablement apocryphe, mais dont la
simplicité, la solitude, l'atmosphère de
recueillement, forment un cadre approprié à la
méditation du croyant.
Au pied d'un coteau dénudé,
où se dresse un cimetière musulman et qui a la
forme d'un crâne, un jardin ombragé et dans ce
jardin un sépulcre datant certainement des premiers
temps de l'ère chrétienne, avec une ouverture
basse qu'une grosse pierre pourrait aisément boucher,
A l'intérieur une plate-forme longeant une
cavité ayant la forme et la longueur d'un être
humain avec, à la tête, un coin de rocher
simulant un oreiller. Découvert au siècle
dernier par le général anglais Gordon, ce
tombeau reçoit les visites de ceux qu'offusque et
peine le clinquant bruyant et théâtral du Saint
Sépulcre.
Ce samedi, veille de Pâques nous y avons
passé des heures bénies, le Nouveau Testament
dans les mains, relisant et comparant les récits
pleins de réalisme des quatre évangiles. Le
jardin était solitaire; dans un arbre chantait un
oiseau et d'humbles petites fleurs s'ouvraient le long des
allées. De temps en temps, le vieux gardien anglais
venait nous retrouver puis se retirait discrètement
en disant : « Dieu vous bénisse! » Tout
parlait de paix autour de nous et il était facile
d'évoquer le cortège : Joseph
d'Arimathée, les saintes femmes, Marie en pleurs
s'appuyant sur Jean, et le corps rigide et glacé que,
pleins de désespoir, ils couchaient au tombeau, Nous
avons tous accompagné jusqu'au bout des êtres
aimés et déposé dans la terre, plus
froide encore que le rocher, leur enveloppe
périssable. Nous avons connu les heures douloureuses
où les yeux sont clos, la voix muette, où un
voile impénétrable à nos pensées
humaines est tiré entre nous et ceux que nous
pleurons. Des questions angoissées se posent à
nos esprits, un vide profond est creusé dans nos
vies. Comme Joseph d'Arimathée, comme Marie, comme
les saintes femmes, nous rentrons chez nous, le coeur lourd
et l'âme déchirée.
Ce samedi nous songions avec sympathie à
toutes les larmes humaines versées près des
tombeaux; pourtant, dans la paix du jardin de Gordon, une
grande espérance habitait nos coeurs. C'était
la veille de la résurrection et un sépulcre
vide s'offrait à nos regards. « Ne cherchez pas
parmi les morts Celui qui est vivant. » Tout
Jérusalem dit cela au chrétien. « Celui
qui croit en moi vivra quand même il serait mort et
quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » Uni
au Père, vivant dans la communion
avec Lui par la grâce du Sauveur, le croyant ne craint
plus la mort pour lui-même ou pour les siens. Le
mystère demeure, mais la certitude est là,
« Dieu n'est pas le Dieu des morts mais le Dieu des
vivants », a dit encore Jésus, Remettons-Lui
avec foi le sort de nos bien-aimés disparus.
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LA
RÉSURRECTION
LUC,
XXIV, 1 à 12.
Entre toutes les nuits qu'a vécues
l'humanité, la nuit de Noël avec le chant des
anges et la naissance du Sauveur est la plus
mystérieuse et la plus douce; il n'y a pas non plus
de matin de printemps plus rayonnant que ce matin de
Pâques, où de très bonne heure, nous
voyons les femmes venues de Galilée avec Jésus
s'acheminer vers son tombeau. Déjà le vendredi
soir elles ont préparé les aromates
nécessaires. Puis le sabbat est arrivé,
très strictement observé par ces
Israélites fidèles, passé probablement
dans les regrets et dans les larmes. Le premier jour de la
semaine, dès l'aube, les voilà sur pied.
Calvin, sévère, condamne-leur désir
d'embaumer le corps du Maître comme une superstition
mais nous sommes tentés d'y voir au contraire la
fidélité de leur attachement et de leur
vénération. Luc nomme trois d'entre elles :
Jeanne, Marie, mère de Jacques et Marie de Magdala,
qui, dans l'évangile de Jean, passe au premier plan.
Elles ne savaient pas quelle merveilleuse
révélation les attendait. Pas plus que les
disciples, elles n'avaient compris les paroles du
Maître et elles étaient
préoccupées de la pierre à rouler pour
entrer dans le sépulcre et de la tâche d'amour
qu'elles voulaient accomplir. N'est-ce pas ainsi que
souvent, tout pleins de pensées humaines, nous allons
au-devant des grands mystères de Dieu ?
Les voici tremblantes, étonnées,
émerveillées devant le tombeau vide et
recueillant les paroles des anges. Elles vont être,
dans leur humilité, les premières
annonciatrices de la résurrection,
et Dieu leur « fait un honneur singulier, ôtant
aux hommes leur charge d'apôtres et la
résignant à icelles pour quelque peu de temps
» (Calvin). Car saisies de crainte et de joie, elles se
sont souvenues, elles ont compris et, en hâte, elles
s'en retournent vers « les onze et les autres »
pour proclamer la grande nouvelle. Matthieu raconte qu'elles
ont rencontré Jésus; Jean nous parle de
l'entrevue du Maître et de Marie de Magdala dans le
jardin; Luc passe ces faits sous silence. Il lui suffit de
nous rapporter le témoignage des femmes auprès
des disciples, l'incrédulité de ceux-ci, le
départ précipité de Pierre courant au
tombeau. Le Seigneur attend le soir pour se montrer à
l'apôtre tandis qu'Il s'est fait reconnaître aux
femmes dès le matin.
Essayons de partager complètement leur
joie! Depuis des siècles elle a rayonné sur
l'Église chrétienne, elle a été
le grand levier de son action. Au jour de la
Pentecôte, Pierre proclamera : « Ce Jésus
de Nazareth que vous avez fait mourir par la main des
impies, Dieu l'a vraiment ressuscité en le
dégageant des liens de la mort. » Et Paul
écrit aux Corinthiens : « Si Christ n'est pas
ressuscité notre prédication est vaine et
votre foi est vaine aussi. »
C'est sur cette certitude de la
résurrection pierre angulaire de sa structure, que
l'Église a été bâtie. Grâce
à la résurrection, elle sait que le
Père a accepté le sacrifice rédempteur
du Fils, que la justice de Jésus-Christ revêt
le pécheur pardonné. Dieu affirme ainsi son
droit sur nous et sa grâce nous prend à Lui
pour l'éternité.
L'intelligence tremble devant le mystère,
mais la foi le saisit et adore... Comme Thomas touchant les
plaies du Sauveur, prosternons-nous en disant : « Mon
Seigneur et mon Dieu! »
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LE CHEMIN
D'EMMAÜS
LUC, XXIV, 13 à 25.
Ils étaient deux voyageurs, marchant en cette
après-midi du premier dimanche sur la route
ensoleillée traversant l'âpre Judée.
Étaient-ils deux frères, deux amis, un couple,
comme le suggèrent certains commentateurs? Peu
importe. Un lien très fort, celui qui unit entre eux
les disciples, les rapprochait dans une même
tristesse, dans une amère désillusion. Ils
avaient peut-être quelques jours auparavant
gagné Jérusalem dans l'enthousiasme.
Jésus de Nazareth, qu'ils connaissaient et aimaient,
« ce prophète puissant en paroles et en oeuvres
devant Dieu et devant tout le peuple » allait
triompher. Il chasserait l'envahisseur, Il rendrait à
Israël son indépendance ; un règne
d'amour, de paix, de joie allait commencer. Hélas!
non seulement ils avaient vu souffrir et mourir ce
Maître respecté mais encore toutes les
espérances que sa venue avait éveillées
dans leurs coeurs étaient mortes. Dieu, le Dieu
tout-puissant n'avait pas délivré de la main
de ses ennemis celui qui disait venir en son nom.
Jésus s'était-il trompé ? Les chefs des
prêtres étroits et orgueilleux avaient donc
raison, Il fallait renoncer au rêve de liberté
et de gloire; Il fallait reprendre la vie quotidienne, la
tâche monotone, obéir aux prescriptions
pharisaïques et ne plus croire que le « royaume de
Dieu » était proche.
Pauvres pèlerins! Nous avons connu comme
vous ces heures douloureuses où toutes les
espérances paraissent mortes, les prières
inexaucées ; où dans le sentiment poignant du
mai qui règne, de notre totale impuissance, de notre
faiblesse, de nos chutes, la foi chancelle... Gaston Frommel
appelait cela « la marée basse » et job
s'écriait déjà : « Mon âme
est dégoûtée de la vie; je donne cours
à ma plainte. »
Soudain sur le chemin d'Emmaüs quelqu'un a
rejoint Cléopas et son compagnon; le même
voyageur parcourt encore nos routes et
marche à côté de nous. Il est là.
Nous ne le reconnaissons peut-être pas encore, mais
l'impression de solitude, d'amertume, de déception
profonde s'enfuit peu à peu. Il parle, Il explique,
le mystère s'éclaire, les yeux s'ouvrent, la
foi renaît. Son Esprit nous enseigne à
comprendre les Saintes Écritures; elles deviennent
pour nous le livre merveilleux de la
Révélation.
« Il fallait que le Fils de l'homme
souffrît », dit Jésus aux pèlerins.
Avons-nous compris que toute l'histoire d'Israël a
préparé cela et que depuis la chute et notre
rébellion, la grâce de Dieu cheminait vers nous
mais ne pouvait se réaliser que dans le sacrifice
entier du Fils. Tout l'Ancien Testament, la loi, la
prophétie s'illuminent peu à peu pour nous et
nous prenant par la main, nous mènent au pied de la
croix. « Il fallait que le Fils de l'homme
souffrît. » Il fallait la douleur du Père,
l'angoisse du Fils, l'abandon momentané, pour que la
création faite par amour soit aussi restaurée,
sauvée par l'amour. De la souffrance sort le salut,
de la défaite apparente, la victoire.
Aux voyageurs d'Emmaüs le chemin parut court
dans la compagnie de Celui qui projetait sa lumière
sur les mystères de l'Écriture et sur les
problèmes de la vie. Quand le soir vint, ils
voulurent le garder avec eux à l'hôtellerie.
Dans les ténèbres de l'heure actuelle, nous
avons nous aussi besoin de garder avec nous cette divine
présence qui fera rayonner sa clarté dans
notre obscurité. Par elle, dans la parole de Dieu,
nous trouverons la force d'aller de l'avant et, partageant
le pain d'angoisse et de misère de l'humanité,
d'être pourtant les annonciateurs de la grande
espérance. Le soir vient, la nuit et ses terreurs
approchent : « Reste avec nous, Seigneur, reste avec
nous. »
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AVEC LES
DISCIPLES
LUC, XXIV, 36 à 45.
Ils sont probablement réunis à nouveau dans
la chambre haute et les deux voyageurs d'Emmaüs
viennent de raconter leur rencontre. Soudain Jésus se
trouve au milieu d'eux « debout » dit le texte
grec. Devant cette présence surnaturelle, cette
apparition extraordinaire, ils sont étonnés et
saisis de crainte. Il nous est difficile de nous
représenter le Sauveur après la
résurrection et nous comprenons le trouble des
disciples même quand ils ont entendu la voix de leur
Maître prononcer la salutation : « La paix soit
avec vous. » Quel sens chargé de puissance elle
prend dans sa bouche!
Jésus les rassure, leur montre ses mains
et ses pieds meurtris par les clous, Il mange devant eux.
Avec amour, avec bonté, Il leur manifeste la
réalité de sa présence. C'est bien Lui,
le Seigneur aimé revenu pour un temps parmi les
siens, leur expliquant les Écritures. « Ce sont
ici les paroles que je vous disais quand j'étais avec
vous. » Il faut que les disciples comprennent. Ce
Jésus glorifié, qu'ils ont eu de la peine
à reconnaître mais dont l'apparition fait leur
joie. Il va de nouveau les quitter en apparence, pour
devenir plus proche d'eux par Son Esprit.
« Si nous avons connu le Christ selon la
chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette
manière », dira Saint Paul aux Corinthiens. La
communion spirituelle intime et profonde va s'établir
entre le Seigneur et ceux qu'Il a appelés à le
servir. Mystère étrange et magnifique, joie
céleste dont nous pouvons être les
héritiers.
Si, suivant Saint Luc sur les chemins de la
Galilée et de la Judée, nous avons plus d'une
fois, méditant ses pages, envié les malades
que Jésus guérissait, les foules qu'Il
nourrissait, les humbles qui écoutaient sa parole,
nous comprenons maintenant devant le Christ glorifié
que notre privilège est plus grand encore que celui
de ceux qui l'ont connu en chair. I l
n'est pas seulement à côté de nous; Il
peut pénétrer nos âmes, les transformer,
pétrir notre volonté, purifier notre coeur.
Nous sommes encore, nous sommes toujours, comme les
disciples de jadis, de pauvres êtres incrédules
et pécheurs, mais Il veut nous revêtir de sa
force et de sa sainteté. Il est pour nous, Il est en
nous : justice, rédemption, sanctification.
Oh! Dieu, que te rendrons-nous pour ce don
inexprimable! Nous ne pouvons que t'adorer dans la
reconnaissance infinie.
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L'ASCENSION
LUC, XXIV, 46 à 55.
Les derniers versets de l'Évangile selon Saint
Luc, la dernière vision du Sauveur, son dernier
enseignement, son ascension vers le ciel. Luc la racontera
tout au long dans le livre des Actes dédié de
nouveau à son ami Théophile, aussi
n'insiste-t-il pas ici sur cette scène. Il la place
près de Béthanie tandis que Matthieu a l'air
de la situer plutôt en Galilée. Peu importe. Ce
qui nous frappe en cette fin de l'Évangile, c'est
à la fois une promesse et un ordre, promesse et ordre
qui seront pour nous comme un résumé du long
chemin que nous avons fait avec
l'évangéliste.
« J'enverrai sur vous ce que mon Père
a promis », dit le Seigneur. Désormais
l'épopée du Saint-Esprit va commencer. Non
seulement il transformera les apôtres tremblants et
découragés en héros de la foi, mais
encore il va les « conduire dans toute la
vérité » et « les revêtir
» de la puissance d'en haut ». À eux
désormais de prêcher la bonne nouvelle du
royaume.
Jadis quand le Sauveur les avait envoyés
faire leur apprentissage d'évangélistes, Il
leur avait donné une certaine mesure de cet Esprit.
Maintenant, ils vont le recevoir avec abondance.
Poignée de pécheurs
galiléens, de provinciaux ignorants et
ignorés, gens sans culture, sans argent,
méprisés des chefs de leur peuple et portant
devant d'autres nations cette tare d'être des juifs,
ils vont partir et travailler à la conquête du
monde au nom d'un crucifié. «
je suis avec vous jusqu'à la fin du monde », a
dit leur Seigneur et cela leur suffit. Eux les timides, les
craintifs que quelques soldats romains avaient mis en fuite,
ils sauront résister, lutter, ne rien craindre,
accomplir des guérisons, parler devant les magistrats
et les rois, dresser devant les forces et les dominations
païennes, l'Église du Seigneur
Jésus-Christ.
À la promesse s'est ajouté un ordre
: « Vous serez mes témoins. » Les
apôtres n'ont rien inventé, aucun
système théologique, aucun rite religieux. Ils
ont dit ce qu'ils avaient vu, entendu et ce que l'Esprit
leur enseignait, jour après jour. Et par ce simple
témoignage et celui de ceux qui leur ont.
succédé, Dieu a amené tant de millions
d'âmes à sa lumière.
De génération en
génération, par la parole écrite, par
la prédication de l'Évangile, par la vie des
chrétiens, par l'influence de l'Église, le
Christianisme s'est étendu, à travers mers et
continents et, malgré tous les efforts de
l'adversaire, le Royaume de Dieu vient peu à peu dans
ce monde de péché et de mort.
Le médecin grec Luc a été un
de ces témoins. Grâce à son livre,
inspiré par l'Esprit de Dieu, la figure de
Jésus-Christ nous est apparue plus nette, plus
vivante, comme tangible dans ces pages que nous avons eu de
la joie à méditer. Le même Esprit
rendant témoignage à notre esprit, nous fait
discerner en Jésus-Christ le Maître que nous
voulons servir, le Sauveur qui a donné sa vie pour
nous, le Seigneur de l'Église qui est aussi notre
Seigneur.
L'ordre et la promesse demeurent pour nous. Ayant
par la foi vu le Christ, l'ayant adoré comme les
disciples au jour de l'Ascension, nous pouvons et devons
être des témoins. Dans le mesure où sa
sainte volonté veut employer notre faiblesse Dieu
nous revêtira de sa force et donnera à son
Église la puissance de vaincre l'Ennemi des
âmes. Allons donc de l'avant avec courage. Quoi que
nous fassions, dans l'épreuve et dans la joie, dans
la maladie comme dans la santé, dans la vieillesse et
dans la jeunesse, que l'Esprit de Jésus-Christ
vivifie notre témoignage et que dans notre indigence
même, rayonne la gloire du Dieu vivant. SOLI DEO
GLORIA,
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