I.
- Parmi les disciples
de Valentin, il faut nommer encore Théodote dont la doctrine est
analysée dans un écrit de Clément d'Alexandrie : Extraits de
Théodote.
On y trouve l'idée du Destin (grec eimarméné), aggravé par les
démons
qui, jusqu'à la lin, menacent les « spirituels » eux-mêmes de les
soustraire au salut. La notion sacramentelle y apparaît aussi, avec
l'idée que les rites protègent contre les « puissances mauvaises »
Théodote était le chef d'une véritable église. - Un autre
Valentinien,
Marcus, connu par Irénée. déshonora son école par suri charlatanisme
et
son immoralité. Se posant en révélateur inspiré, il attirait les
femmes
par une célébration émouvante de l'eucharistie, et il osa en séduire
plusieurs. il donnait au système de Valentin une interprétation
pythagoricienne, en représentant par des nombres les forces
invisibles
et même le cosmos (G. Truc L'hérésie gnostique de Marcus, Revue des
Idées, 15 juin 1910). Il vivait en Asie-Mineure à la fin du ne
siècle.
Ses disciples, qu'on trouvait jusque dans la Vallée du Rhô, ne, et
qu'Irénée a dû connaître, suivirent son triste exemple. On signale,
chez plusieurs d'entre eux, le souci de donner au baptême un éclat
exceptionnel.
Il.
- En dehors des écoles
gnostiques bien définies, il y a eu, dans la seconde moitié du IIe
siècle, un pullulement de sectes mal connues, soit parce que leurs
écrits n'ont pas survécu, soit parce que les notices des
hérésiologues
sont sujettes à caution. Essayons de mettre un peu d'ordre dans ce
fouillis, en suivant la classification proposée par E. de Faye
(Gnostiques, p. 353-428). Un premier groupe comprendrait les
Gnostiques
antibibliques. hostiles en particulier à la Genèse. Voici d'abord la
secte ophite, ainsi nommée parce qu'elle rendait un culte au Serpent
(grec ophis). D'après Origène (Contre Celse), elle adorait le
Serpent
qui, dans le jardin d'Eden, avait éclairé l'homme en lui donnant la
connaissance du bien et du mal (gnose). Elle le regardait comme le
Sauveur, sans se soucier de la malédiction jetée sur lui par le
Créateur, qu'elle jugeait durement. Elle avait imaginé des recettes
de
salut. Au temps d'Origène, elle était très réduite, mais elle
subsistait encore à l'époque d'Épiphane. L'hostilité envers l'Ancien
Testament entraîna certains gnostiques à glorifier des personnages,
qu'il flétrissait, Caïn, les Sodomites, etc. Ils se nommaient les
Caïnites. Une de leurs sectes réhabilitait Judas, esprit supérieur
auquel elle attribuait le mérite d'avoir livré le Christ. dont la
mort
était nécessaire au salut du monde. D'autre part, les Sévériens,
disciples d'un certain Sévère. mentionné par Eusèbe, voyaient dans
Satan le fils du Créateur et le père de l'homme - en partie - et de
la
femme en totalité ! -
Sous la rubrique des
Adeptes de la Mère, on
pourrait placer un groupe important de Gnostiques, qui mettaient au
sommet de l'Univers un principe féminin, soit à côté du Père soit
immédiatement au-dessous de lui, Par exemple la secte signalée par
Irénée sans nom d'auteur (Adv. Haereses L. 1, 30, 1-14). Elle
admettait, à côté du Père et du « fils de l'homme », un principe
d'où
sortait une vertu féminine, avec une sorte de rosée lumineuse,
appelée
Sophia. Irénée parle aussi (L. 1 29 1-4) d'un groupe où le principe
féminin, appelé Barbelo, jouait le rôle ordinaire du Logos. Ce
système,
comme le précédent, est un reflet déformé de Valentin. 'Ses
partisans
étaient assez nombreux. Il y en avait encore, en Palestine surtout.
au
temps d'Épiphane. L'influence de ces sectes sur les autres écoles
gnostiques a été réelle. Le baptême lut pratiqué, chez les disciples
de
Marcus, au nom du Père et de Vérité Aléthéla) mère de toutes choses.
Dans un hymne attribué aux Naassènes (nom tiré du mot hébreu naas,
serpent), la Mère est invoquée. Les successeurs même de Valentin ont
adopté les altérations que nos gnostiques avaient fait subir au
mythe
de Sophia qu'il n'avait pas placée aussi près du Père. - Enfin, sous
le
titre général de Gnostiques Licencieux, on peut ranger, avec de
Faye,
diverses sectes qui associaient à leur mysticisme une sensualité
choquante. Elles paraissent se rattacher à Corpocras, originaire
d'Alexandrie, qui vivait du temps d'Hadrien. Son fils Épiphane, un
de
ses disciples le plus en vue, mort à dix-sept ans, laissa un livre
cynique, De la Justice, où il prônait l'amoralisme absolu et la
communauté des femmes (Clément, IlIe Stromate). Une certaine
Marcellina
serait venue, vers l'an 160 , apporter cette doctrine à Rome. Dans
ce
groupe répugnant, signalons simplement les Nicolaïtes
(Philosophoumena,
VII, 30) disciples de Nicolas, fort peu connu (Irénée, 1, 26. 3). Au
IIIe siècle, la débauche devint rituelle dans ces milieux. Les
agapes
et l'eucharistie y étaient souillées par les pires orgies.
III.
La critique a. renoncé
à voir un gnostique dans le fameux Bardesane, rangé autrefois parmi
les
disciples de Valentin (Eusèbe, H. E. IV, 30). Il fut surtout curieux
de
sciences exactes et d'astrologie. Né à Edesse en 154, il y vécut
longtemps et y mourut vers 222, après une retraite forcée en
Arménie.
D'après Saint Ephrem, il aurait composé cent cinquante psaumes, avec
leurs mélodies, ce qui ferait de lui le plus ancien hymnologue
syrien
connu. On lui a attribué à tort. Semble-t-il, un ouvrage en forme de
dialogue sur le Destin, (retrouvé en syriaque sous le titre Livre de
la
loi des pays, et publié par Nau, en 1907, dans sa Patrologie
syriaca) .
On y lit cette affirmation importante que les astres ne contraignent
pas la liberté humaine (Consulter F. Nau. Une biographie inéditée de
Bardesane l'astrologue, 1897 ; art. Bardesane dans le Dictionnaire
de
Théologie catholique de Vacant, 1905 ; F. Haase. Zur Bardesanischen
Gnosis, T U, 1910 ; E. de Faye, Gnostiques, p. 497-498.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |