HUDSON TAYLOR
PREMIÈRE
PARTIE
LA FAMILLE ET LES
ANNÉES D'ENFANCE
1776-1849
(jusqu'à
l'âge de dix-sept ans)
CHAPITRE 6
Me voici, envoie-moi !
de juin à Noël 1849
Hudson Taylor s'était converti au mois de
juin 1849. Il trouva la paix le jour où il
cessa de compter sur son propre mérite et
accepta joyeusement la personne et l'oeuvre du
Sauveur : « Non pas moi, mais Christ. »
Cette pensée lui apporta la liberté,
la joie et le repos de l'âme. Elle devait le
transformer et le mener en Chine.
Il fit dans les années suivantes
des expériences religieuses d'une grande
importance, dont le récit est bien fait pour
encourager tous ceux qui soupirent après la
sanctification. Tout l'y préparait, car
l'influence bénie de l'éducation
chrétienne reçue au foyer paternel
reprenait maintenant toute son action, la Bible lui
était familière, il était
accoutumé depuis l'enfance à prier,
rien enfin n'entravait l'action de l'Esprit dans
son coeur.
Premièrement, lorsqu'il eut la
certitude d'être vraiment un enfant de Dieu,
il éprouva une joie profonde. Ce «
témoignage que l'Esprit rend à notre
esprit » lui apportait la paix. Il se sentait
immensément heureux et son bonheur se
répandait sur les siens. L'harmonie du foyer
était rétablie, Hudson devenait un
meilleur fils, un aide plus utile pour son
père, et une affection encore plus profonde
qu'autrefois l'unissait à sa chère
soeur, dont les prières avaient
été victorieuses.
Un autre fruit du changement qui
s'était opéré en lui fut le
désir ardent, que tout véritable
enfant de Dieu doit connaître, de tout donner
en retour de ce qui lui avait été
donné. Il s'écria, comme l'esclave
hébreu : « J'aime mon Maître, je
ne veux pas sortir libre. » Il soupirait
après quelque travail à faire pour
Dieu, ou quelque service qui pourrait prouver sa
gratitude, quelque souffrance même qui
pourrait l'amener à une communion plus
profonde avec le Seigneur qu'il aimait.
MADAME JAMES TAYLOR
DANS LES ANNÉES DE L'ENFANCE DE SON
FILS HUDSON
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Un après-midi de liberté lui
donna du temps pour la prière et,
le coeur tout plein de ce
désir, il monta dans sa chambre pour
être en tête à tête avec
Dieu. Là, d'une façon
particulière, le Seigneur le rencontra.
Je me rappelle encore parfaitement
comment, dans ma joie, j'ai répandu mon
âme devant Dieu en Lui confessant sans cesse
mon amour et ma reconnaissance... Je Le suppliai de
me donner un travail à faire pour Lui; une
oeuvre de renoncement, n'importe laquelle,
difficile, vulgaire ou humiliante; une oeuvre qui
Lui plaise et que je puisse accomplir par
reconnaissance pour tout ce qu'Il avait fait pour
moi. Et je me souviens qu'au moment où je me
plaçai moi-même sur l'autel du
sacrifice, avec ma vie, mes amis et tout ce que
j'avais, le sentiment solennel que mon offrande
était acceptée remplit mon âme.
L'ineffable présence de Dieu devint
réelle pour moi, et je me prosternai devant
Lui, avec un sentiment indicible de crainte et de
joie. J'ignorais pour quelle oeuvre Il m'acceptait,
mais dès lors le sentiment que je ne
m'appartenais plus prit possession de moi, et il ne
m'a pas quitté depuis.
Ce fut en effet dans sa vie une heure
inoubliable, et quoique ne sachant pas comment le
Seigneur l'emploierait, il se sentit prêt
depuis ce jour à répondre à
Son appel, lorsqu'il entendrait Sa voix. Le
résultat de cette consécration fut
aussi qu'il commença à se
préoccuper du salut des autres.
Jusqu'à ce moment, il s'était
soucié essentiellement de sa croissance
personnelle dans la grâce. Maintenant, il
s'occuperait des affaires de son Maître,
c'est-à-dire du salut de ceux qui
l'environnaient. Il ne s'arrêta pas au fait
qu'il ne pouvait faire que peu de chose. Il ne prit
pas prétexte non plus de son
indignité. S'il ne pouvait pas encore
prêcher ou diriger une classe biblique, il
pouvait en tout cas distribuer des traités
ou inviter les gens à venir entendre la
prédication de l'Évangile. Ayant peu
de temps à lui dans la semaine, il sacrifia
le culte du dimanche soir, qu'il aimait beaucoup,
et se rendit, en compagnie de sa soeur
Amélie, dans les quartiers les plus pauvres
de la ville pour distribuer des
traités.
Mais la joie dans le Seigneur et dans Son
service ne fut pas sa seule expérience en
cette fin d'été. Il y eut aussi des
moments de douloureuse langueur d'esprit et
beaucoup de luttes. Hudson, qui avait cru avec tant
de bonheur à l'oeuvre accomplie d'un Sauveur
pleinement suffisant, savait maintenant ce que
c'est que d'être lassé et
découragé dans la bataille contre le
péché. Parfois il
lui semblait qu'il y avait un abîme entre la
puissance du Seigneur Jésus pour «
sauver parfaitement » et les
nécessités de la vie
journalière à la maison et au
travail.
Il se sentait faible en face de la
tentation, indulgent pour lui-même et
négligent à l'égard de la
prière et de l'étude de la Parole de
Dieu. Il n'y avait rien de plus sincère que
sa consécration, mais rien n'était
plus sincère aussi que son
désappointement. Il s'était
donné à Dieu sans réserve,
espérant être toujours à Lui
seul. Et il ne pouvait y arriver. Son coeur
était froid, il se sentait alourdi. Son
être intérieur adhérait avec
joie à la loi de Dieu, mais il y avait en
lui une autre loi qui l'asservissait à la
loi du péché. Et il n'avait pas
encore appris à dire avec saint Paul :
« Grâces soient rendues à Dieu...
La loi de l'esprit de vie en Jésus-Christ
m'a affranchi de la loi du péché et
de la mort. »
Dans une pareille situation, il y a deux
possibilités : abandonner son idéal
et retomber dans une vie chrétienne
quelconque, sans joie ni puissance ; ou bien
marcher avec le Seigneur, et, s'appuyant sur Ses
promesses, demander à être
délivré complètement, non
seulement de ses fautes, mais de la domination du
péché ; marcher simplement avec le
Seigneur, en comptant sur Sa fidélité
et Son pouvoir de pardon, de purification, de
sanctification.
Hudson Taylor ne pouvait être
satisfait à moins. Sa conversion n'avait pas
été une adhésion
intellectuelle à une doctrine abstraite.
Elle avait été une transformation
profonde. La croix du Christ l'avait à
jamais séparé de sa vie passée
et de l'appui que le monde peut donner. Seules
pouvaient l'assouvir maintenant une
véritable sainteté et une communion
ininterrompue avec Dieu qui était sa vie,
son tout. Pour cette raison, les périodes de
léthargie spirituelle et
d'indifférence étaient alarmantes.
Cette langueur d'âme lui était
pénible, insupportable. Il ne pouvait
prendre ce recul à la légère.
Grâces à Dieu, même les
symptômes de recul étaient pires pour
lui que la mort.
De plus, il reconnaissait qu'il était
sauvé pour servir et qu'une oeuvre
l'attendait pour laquelle une vie de victoire
intérieure et de puissance serait
indispensable. Il avait fait des
expériences, décevantes et savait
très bien le peu que donne aux autres un
homme qui, lui-même, n'est pas libre
intérieurement. Durant ses jours de
scepticisme, il avait estimé que la seule
attitude logique pour le
chrétien était l'obéissance
absolue à Dieu. Il avait alors
décidé de jeter par-dessus bord la
religion, sauf S'il lui était possible
d'obtenir réellement, pratiquement, la
réalisation des promesses faites à la
foi. Il ne pouvait y avoir de moyen terme pour lui.
Si sa vie devait être de quelque
utilité pour Dieu ou pour les hommes, il
devait avoir cet « amour qui vient d'un coeur
pur, d'une bonne conscience, d'une foi
sincère » et qui est en
vérité la sanctification.
C'était à ses yeux l'unique puissance
pour rendre forte et agissante la
consécration la plus entière.
Tout cela était un don d'En-haut,
comme le feu qui descendit en réponse
à la prière d'Élie : la
réponse surnaturelle, divine, à
quelqu'un qui, ayant tout placé sur l'autel,
reçoit la puissance sanctifiante,
purifiante.
Il n'est pas étrange que, dans cette
recherche de la bénédiction promise,
Hudson Taylor ait eu des périodes de
conflits et de défaites. En comparant ses
expériences avec celles d'autres serviteurs
de Dieu, l'on est plutôt surpris qu'il n'ait
pas souffert davantage de l'opposition et des
assauts de Satan. Car ce n'était rien moins
qu'à une pleine délivrance qu'il
avait mis son coeur. C'était là la
grande question : une réelle
sainteté, une victoire quotidienne sur le
péché.
La lutte dura tout l'automne,
aggravée par l'absence d'Amélie qui
était partie en pension et par la
présence d'un de ses cousins, John Hudson,
qui habitait avec lui et n'était pas
chrétien. Une terrible froideur
s'était emparée de son âme ; la
prière lui demandait un effort, la Bible
avait perdu son intérêt. Au milieu de
son travail, que l'approche de Noël
augmentait, il était en proie à la
crainte de retomber, de perdre la grâce et de
faire échouer le plan de Dieu à son
égard, pour cette vie, sinon pour
l'autre.
Quelques encouragements lui vinrent,
providentiellement, de la lecture d'un article du
Weslevan Magazine sur la « beauté de la
sainteté », d'un réveil qui eut
lieu dans la chapelle méthodiste de
Barnsley, et de la lecture d'Ezéchiel 36 :
25-27, où il trouva une promesse
réconfortante.
Le dimanche 2 décembre 1849, par
suite d'un refroidissement, il ne put sortir. Il
eut des heures de repos et de solitude pendant
lesquelles il sentit la présence de Dieu. Il
se réjouit à la pensée des
nouveaux convertis des jours
précédents, mais continua de
s'affliger sur son état.
Sa pensée s'envola naturellement vers sa
soeur, à laquelle il écrivit les
lignes suivantes :
Barnsley. le 2 décembre
1849.
Ma chère soeur,
Que la grâce et la paix soient avec
toi, de la part de Dieu notre Père et de
Jésus-Christ, notre Seigneur...
Prie pour moi, chère Amélie.
Que Dieu soit béni, je suis heureux dans Son
amour, mais je suis si indigne de Ses
bénédictions. je cède si
souvent à la tentation ! je suis enclin
à être léger cet insouciant, ou
à me laisser aller à mon goût
pour la taquinerie. Prie pour moi, chère
Amélie, prie pour moi ! je soupire
après la sanctification complète. Oh
! si le Seigneur m'enlevait mon coeur de pierre et
me donnait un mur de chair! M. Simmons nous a
donné, dimanche, des textes. Voici le mien :
« je répandrai sur vous une eau pure,
et vous serez purs. » (Ezéch. 36 :
25...) Oh si je pouvais m'emparer des promesses
bénies de la Parole de Dieu Mon coeur
soupire après la sainteté parfaite.
J'ai lu un article très intéressant
sur la beauté de la sainteté dans le
Wesleyan Magazine de novembre. Quel bonheur ce doit
être ! ...
Je ne peux assez louer Dieu pour toutes Ses
bontés à mon égard. Il a
lutté avec moi d'innombrables fois et je Lui
ai résisté. Et cependant Il m'a
pardonné tous mes péchés. Mon
désir le plus intense est qu'Il me sanctifie
complètement et qu'Il me rende utile pour
Son service...
Ce soir-là, en allant se coucher, il
était profondément troublé.
Son âme avait soif de Dieu, et en même
temps il était écrasé par le
sentiment de son indignité. «
Approchez-vous de Dieu et il s'approchera de vous.
» Cette promesse est toujours exaucée
mais, parfois, la vision que Dieu nous accorde
appelle sur nos lèvres l'exclamation
d'Esaïe : « Malheur à moi! je suis
perdu parce que je suis un homme dont les
lèvres sont impures. »
Ne songeant qu'à ses besoins
religieux, le jeune homme recherchait la vraie
sainteté, la vie dans laquelle « ce
n'est plus moi qui vis, mais Christ ». Le
Seigneur voulait lui accorder cela, mais Il avait
encore autre chose en réserve. Il voyait
plus loin, Il songeait à la Chine, à
la Chine où des millions d'hommes - le quart
des habitants du globe - vivaient et mouraient sans
Dieu. Mais Hudson n'était pas prêt
encore à entendre l'appel du Maître :
« Qui enverrai-je, et qui ira pour nous?
» Il fallait, pour l'amener à
comprendre la pensée de Dieu, une action
plus profonde de l'Esprit. Le
sentiment de son péché et de sa
misère ne faisait que grandir, à
mesure qu'il implorait la délivrance, sans
laquelle il ne pouvait, ni n'osait avancer.
Qu'était-ce qui l'empêchait de
vivre la vie qu'il désirait? se
demandait-il. Quelle était la cause de ses
échecs et de ses chutes ? Y avait-il en lui
quelque désobéissance, quelque
infidélité, ou son sacrifice
était-il incomplet? Il demandait à
Dieu avec ferveur de lui montrer quel pouvait
être l'obstacle et de lui donner la force de
le renverser. Il sentait qu'il ne pouvait plus rien
lui-même, que Dieu seul pouvait le
délivrer, qu'il lui fallait les
lumières et l'aide d'En-haut. C'était
une question de vie ou de mort, et comme le
patriarche d'autrefois il s'écriait : «
Je ne te laisserai point aller que tu ne m'aies
béni. »
Il tomba à genoux dans la solitude et
une grande résolution naquit en lui. Si
seulement Dieu agissait en sa faveur, brisait le
pouvoir du péché et le sauvait
esprit, âme et corps, pour le temps et pour
l'éternité, il renoncerait à
tout avenir terrestre et se mettrait
entièrement à la disposition de son
Maître. Il irait n'importe où, ferait
n'importe quoi, souffrirait tout ce qu'il faudrait,
et serait entièrement soumis à la
volonté et au service de Dieu. Tel fut le
cri de son coeur : il ne conserverait rien, pourvu
que Dieu le délivrât et
l'empêchât de retomber.
Nous ne pouvons décrire ce qui se passa
alors ; c'est une terre sainte qu'il est interdit
de fouler. Il parla peu de cette expérience
qui cependant domina toute sa vie. Nous ne la
connaissons que par une brève allusion,
faite l'année suivante :
Je n'oublierai jamais le sentiment qui
s'empara de moi. Les mots se refusent à
l'exprimer. Je me sentais en présence de
Dieu, concluant une alliance avec le Tout-Puissant.
Il me semblait que je voulais retirer ma promesse,
mais que je ne le pouvais pas. je crus m'entendre
dire : « Ta prière est exaucée,
les conditions sont acceptées ». Et,
depuis lors, la conviction que j'étais
appelé à aller en Chine ne m'a jamais
quitté.
Car il avait entendu, en même temps,
un ordre aussi distinct que si une voix eût
parlé : « Alors, va en Chine pour moi.
»
(1)
C'était comme un nouveau soleil qui
se levait sur son âme anxieuse. La Chine?
Oui, la Chine. Tel était le sens de sa vie,
de son passé, de son présent, de son
avenir. Hors de lui, au loin, par-delà
l'étroit domaine de son expérience
personnelle, le vaste monde attendait... Alors, va
en Chine pour moi. Ta prière est
exaucée, tes conditions sont
acceptées. Tu obtiendras tout ce que tu
demanderas, et plus encore. Tu auras une
connaissance plus parfaite du Sauveur ; tu
participeras à Ses souffrances, à Sa
mort, à Sa résurrection ; ta vie sera
faite de victoire intérieure et de
puissance. « Voici pourquoi je te suis apparu
: pour t'élire serviteur et témoin de
ce que tu viens de voir et de ce que tu verras
encore ; je te protégerai contre ce peuple
et contre les païens auxquels je t'envoie pour
leur ouvrir les yeux, pour les conduire des
ténèbres à la lumière,
de la puissance de Satan à Dieu. »
(Actes 26: 16-18 )
Le même soir, il ajouta quelques
lignes à la lettre qu'il avait écrite
à sa soeur. C'était l'effusion d'un
coeur qui débordait de joie :
Mon âme, bénis
l'Éternel, et que tout ce qui est en moi
bénisse Son saint nom ! Gloire à
Dieu, ma chère Amélie ! Christ dit :
« Cherchez et vous trouverez »; que Son
nom soit loué, Il s'est
révélé à moi au
delà de toute espérance. Il m'a
lavé de tout péché, Il m'a
délivré de toutes mes idoles. Il m'a
donné un nouveau coeur. Gloire, gloire,
gloire à Son nom béni. La joie
m'empêche d'écrire. J'ouvre ma lettre
pour te dire cela.
Dès lors toute sa vie fut
transformée. Le Seigneur l'avait
rencontré, avait répondu aux besoins
de son âme, avait prononcé ces paroles
décisives et si douces : « Suis-moi.
» Extérieurement même il
était visible qu'un grand changement
s'était opéré en lui.
Depuis ce moment, écrivit sa
mère, sa résolution fut prise. Toute
son activité et ses études furent
orientées vers ce but, et aucune
difficulté ne put le faire hésiter
dans son projet.
Il se sentait intérieurement soumis
à la volonté de Dieu et il s'appuyait
sur une connaissance très nette de ce
qu'était pour lui cette volonté. Il
en résulta un renouveau de pureté et
de puissance, un progrès constant dans la
grâce, et une abondance de
bénédictions qui le soutinrent durant
les épreuves de ces années de
préparation.
« Celui qui vous appelle est
fidèle, et c'est lui qui le fera. »
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