HUDSON TAYLOR
DEUXIÈME PARTIE
LES ANNÉES DE
PRÉPARATION BARNSLEY ET HULL
1850-1852
(de dix-sept
à vingt ans)
CHAPITRE 7
Un point de départ nouveau
1850
(dix-sept ans)
Le début de 1850 marqua dans la vie
d'Hudson Taylor une étape nouvelle. Il
était âgé de dix-sept ans et
demi, avait jusqu'alors aidé son
père, et un bel avenir s'ouvrait sans doute
devant lui comme pharmacien. Mais tout était
changé : il était appelé pour
une oeuvre dont il ignorait tout, qui devait
absorber toute son énergie et pouvait exiger
le sacrifice de sa vie. Il ne savait ni comment s'y
employer, ni même comment s'y
préparer. Il avait entendu l'appel de Dieu,
et il n'était pas question de regarder en
arrière. Une chose était sûre :
il devait faire la volonté de son
Maître en Chine et pour la Chine.
Que pouvait-il faire pour la Chine, lui,
un tout jeune homme, simple assistant d'un
pharmacien de province? Il ne savait pas comment il
pourrait contribuer à l'avancement du
règne de Dieu dans ce pays lointain, si
fermé et si obscur. Mais l'appel divin
était si net qu'il se mit à prier
pour obtenir une direction d'En-haut, et qu'il
commença à réunir toutes les
informations possibles sur son futur champ de
mission.
La Chine était alors une terre
inconnue. Cinq ports seulement étaient
ouverts aux étrangers
(1) ; les
missions qui commençaient à y
travailler étaient tout à fait
à leurs débuts
(2), personne ne
pouvait pénétrer à
l'intérieur du pays, et l'on n'en avait
même aucune connaissance
exacte. À Barnsley, nul n'était
familiarisé avec les questions
d'Extrême-Orient. Un seul ami d'Hudson Taylor
pouvait l'aider, c'était M. Whitworth, le
fondateur et directeur de l'École du
Dimanche, qui était en rapport avec la
Société Biblique Britannique et
Étrangère. Hudson se procura par son
intermédiaire une traduction des
écrits de saint Luc dans la langue des
mandarins, et apprit de lui que le pasteur
congrégationaliste de Barnsley
possédait l'ouvrage capital de Medhurst sur
la Chine. Poussé par un désir qu'il
ne pouvait exprimer en paroles, Hudson Taylor alla
chez ce pasteur. Il est intéressant d'avoir
le récit de cette visite, qui nous
révèle ses pensées intimes
à ce moment-là et montre le
sérieux avec lequel il cherchait à se
préparer pour l'avenir.
Il me semblait fort probable que
l'oeuvre à laquelle j'étais
appelé pourrait me coûter la vie. La
Chine n'était pas ouverte, alors, comme
aujourd'hui. Il n'y avait là-bas que peu de
missionnaires, et je ne pouvais me procurer qu'un
très petit nombre de livres sur ce sujet.
Ayant appris qu'un pasteur de Barnsley
possédait un exemplaire de l'ouvrage de
Medhurst sur la Chine, je me risquai à aller
le voir et à lui demander de me prêter
ce volume.
Il eut la bonté de le
faire et me demanda pourquoi je désirais le
lire. je lui racontai que Dieu m'avait
appelé à consacrer ma vie à ce
pays. Il me demanda alors comment je me proposais
d'y aller. je lui répondis que je ne le
savais pas du tout, mais qu'il me semblait que je
devais faire comme les douze ou les soixante-dix en
Judée, partir sans bourse ni sac, comptant
seulement sur Celui qui m'envoyait pour subvenir
à tous mes besoins. Le pasteur me mit alors
la main. sur l'épaule avec bonté et
me dit : « Ah ! mon ami, en vieillissant, vous
deviendrez plus sage; une telle idée pouvait
réussir lorsque Jésus était
sur la terre, mais plus maintenant.
»
J'ai vieilli depuis, mais ne me
suis pas assagi et suis de plus en plus convaincu
que, si nous acceptions les directions de notre
Maître et si nous nous laissions guider par
les promesses qu'Il faisait à ses premiers
disciples, nous nous apercevrions qu'elles
s'appliquent tout aussi bien à notre temps
qu'au leur.
L'ouvrage de Medhurst insistait
sur l'importance des missions médicales en
Chine, et cela me fit considérer les
études de médecine comme une
manière de me
préparer.
Mes bien-aimés parents
n'approuvaient ni ne désapprouvaient mes
résolutions. Ils m'exhortèrent
à développer toutes mes ressources
physiques et morales et à
persévérer dans la prière
devant Dieu, avec le désir absolu de suivre
Ses directives s'Il me montrait que je me trompais,
ou d'aller de l'avant, le moment venu, s'Il
m'ouvrait la voie pour le service missionnaire.
Depuis lors, j'ai eu l'occasion
d'éprouver l'importance de
ce conseil. Je commençai à prendre
plus d'exercice en plein air, pour fortifier mon
état général. Je
renonçai à mon lit de plumes et
à tout confort pour me préparer
à une vie plus rude. Je donnai aussi le plus
de temps possible aux oeuvres chrétiennes :
distribution de traités, École du
dimanche, visites aux pauvres et aux
malades.
Il avait compris de prime abord que,
pour devenir missionnaire en Chine, il faut
commencer par l'être chez soi. « Ce
n'est pas une traversée, disait-il souvent,
qui fait d'un homme un pêcheur d'âmes.
» Aussi se préparait-il humblement
à sa tâche future en
s'efforçant de gagner des coeurs autour de
lui.
Il se consacra aussi avec ardeur
à une autre forme de préparation :
l'étude de la langue chinoise. Cette
tâche gigantesque exige, comme l'a
écrit Milne, le célèbre
linguiste mort en 1822, « Un corps de fer, des
poumons d'airain, une tête en chêne,
des yeux d'aigle, un coeur d'apôtre, une
mémoire d'ange et la vie de Mathusalem
». Plein d'entrain, malgré son
inexpérience, Hudson Taylor se mit à
l'oeuvre, bien qu'il n'eût ni professeur ni
livres, à l'exception du petit volume
contenant les écrits de saint Luc. Il
n'était pas question d'acheter une grammaire
ou un dictionnaire, vu leur prix exorbitant. Mais
un labeur acharné et
l'ingéniosité accomplirent des
merveilles. En quelques semaines, son cousin et lui
avaient découvert la signification de plus
de cinq cents caractères.
Voici comment il expliquait sa
méthode à sa soeur, par sa lettre du
14 février 1850 :
Nous prenons un court verset dans
la traduction anglaise et nous en cherchons une
douzaine d'autres qui aient un mot commun avec lui.
Nous reprenons alors le premier verset en chinois
et, le comparant aux douze autres, nous cherchons
le caractère qui semble représenter
le mot anglais commun. Nous le notons alors sur un
morceau de papier; puis, après l'avoir
vérifié à travers tout le
texte chinois, nous l'inscrivons dans notre
dictionnaire... Nous avons d'abord avancé
lentement, mais nous allons plus vite, maintenant
que nous connaissons les caractères les plus
usuels. Notre dictionnaire contient
déjà quatre cent cinquante-trois mots
tout à fait sûrs, et nous en
connaissons beaucoup d'autres dont la signification
est seulement probable...
J'ai commencé à me
lever à cinq heures du matin. Il est donc
nécessaire que je me couche tôt le
soir. Il faut que j'étudie si je veux aller
en Chine. Je suis tout à fait
décidé à partir, et je me
prépare dans tous les domaines. Je veux me
remettre au latin, apprendre le
grec et les
éléments de l'hébreu et
développer autant que possible mes
connaissances générales. J'ai besoin
de toutes tes prières.
Mais, tout en se préparant
pour l'avenir, Hudson Taylor ne négligeait
pas les occasions qu'il avait à sa
portée. Avec son esprit pratique, il vit que
quelque chose pouvait être tenté sans
délai, même à Barnsley, pour
promouvoir la cause pour laquelle il avait
donné sa vie. Il ne pouvait pas partir
lui-même, avant plusieurs années
peut-être, mais il n'était pas moins
responsable, ici et maintenant, du salut des
âmes qui périssaient en Chine. Il
pouvait prier et encourager les autres à
prier, donner et encourager les autres à
donner. Et, juste à ce moment, une oeuvre
nouvelle, inaugurée par le Dr Gutzlaff, de
Hongkong, parvint à sa connaissance et
sembla lui procurer précisément le
moyen désiré.
En effet, jusqu'alors, il ne savait
guère comment communiquer avec la Chine.
Bien que le champ fût immense, les Wesleyens
ni y entretenaient aucune mission. L'oeuvre dans
les ports ouverts par les Traités
était poursuivie par d'autres
sociétés et, déjà
alors, Hudson Taylor soupirait après
l'intérieur, non atteint encore, de ce vaste
monde dans l'attente, toujours privé de
l'Évangile. Si seulement quelqu'un cherchait
à porter la lumière dans ces
contrées lointaines! Mais toutes les portes
paraissaient fermées. Les missionnaires
étaient confinés dans les provinces
côtières, et les chrétiens
chinois étaient si peu nombreux et si
disséminés que, même s'ils
avaient été qualifiés pour
cela, aucun n'eût pu être
affecté à ce travail de
pionnier.
Hudson Taylor fut donc très
heureux d'entendre parler de cette oeuvre nouvelle
et d'apprendre qu'une société avait
été fondée à Londres
justement pour atteindre le but qui lui tenait tant
à coeur. Sans aucune étiquette
ecclésiastique, la Chinese Association,
comme on l'appelait, visait à employer des
évangélistes indigènes pour
coopérer avec toutes les missions
existantes, mais tout particulièrement avec
le Dr Gutzlaff dans une entreprise qui tendait
à résoudre le problème de la
diffusion de l'Évangile dans
l'intérieur. Nombre de personnes
travaillaient déjà sous sa
surveillance, et un grand succès semblait
couronner leurs efforts.
Plein d'amour pour Christ et de
zèle pour l'avancement de Sa
cause, le Dr Gutzlaff
était revenu de Hongkong au début de
1850 et avait commencé une croisade
missionnaire tout à fait remarquable.
Débutant à Londres, il parcourut
l'Europe, de l'Irlande jusqu'en Hongrie en
proclamant la responsabilité de
l'Église chrétienne envers les
millions de Chinois non encore
évangélisés. Pour la
première fois, les besoins et la
détresse de ce grand pays touchèrent
bien des coeurs, à tel point que des
multitudes, comme jamais auparavant, se mirent
à genoux pour intercéder. Car le Dr
Gutzlaff faisait d'abord appel à la
prière, à la prière pour une
effusion de l'Esprit de Dieu sur la Chine
plongée dans les ténèbres
séculaires. Mais la prière
véritable, si elle est puissante en
elle-même, conduit assurément à
des résultats pratiques. Dans le cas
particulier, il y eut des efforts organisés
tant à Londres que sur le continent, avec
une bénédiction permanente comme
fruit.
La piété du Dr
Gutzlaff était profonde et réelle.
Ses projets étaient vastes et son optimisme
sans limites. C'était un homme
extraordinairement doué. Il occupait
à Hongkong un poste important comme
interprète du gouvernement anglais. Son
enthousiasme pour la propagation de
l'Évangile était si grand qu'il
risqua sa vie maintes fois en tentant d'atteindre
l'intérieur de la Chine et en voyageant le
long de la côte. Portant le costume chinois,
il fit, entre 1831 et 1835, sept voyages le long de
la côte de la Chine, abordant à des
endroits situés aussi au nord que Tientsin.
Il s'engagea même comme matelot à bord
d'une jonque chinoise, et une autre fois comme
cuisinier, pour visiter des lieux que ne touchaient
jamais les vaisseaux étrangers, et avoir des
occasions de parler de Jésus. Quoiqu'il ne
fût pas missionnaire au sens strict de ce
terme, il vivait pour une seule chose : l'extension
du royaume de Dieu. Il n'écrivit pas moins
de quatre-vingts ouvrages en huit langues
différentes, et traduisit en chinois
l'Ancien et le Nouveau Testament. Il fonda la
Chinese Union, société missionnaire
indigène dont les membres devaient
répandre l'Évangile au loin dans
chacune des dix-huit provinces. Il éveilla
en Europe un grand intérêt pour cette
oeuvre en organisant partout des réunions de
prières et des groupes pour la soutenir. La
nouvelle société à Londres
était du nombre et acquit
immédiatement la sympathie d'Hudson
Taylor.
D'après les renseignements
apportés par le Dr Gutzlaff, les
évangélistes de la
Chinese Union, fondée six ans auparavant,
avaient eu des encouragements remarquables. Ils
étaient au nombre de cent trente, faisant
des tournées systématiques dans
l'intérieur, prêchant et distribuant
de la littérature chrétienne. Ils
écrivaient des lettres
détaillées, racontant leurs voyages
jusqu'aux confins du Thibet et de la Mongolie.
Enfin, fait inouï, ils avaient baptisé
deux mille huit cent soixante-dix convertis «
après examen et confession satisfaisante de
leur foi ». De tels résultats, acquis
en si peu de temps, ne pouvaient que susciter le
plus vif intérêt.
Pendant tout le printemps et
l'été 1850 ces nouvelles
réjouirent Hudson Taylor à Barnsley.
Un excellent périodique commença
à paraître en mars de cette
année pour donner des nouvelles des
collaborateurs du Dr Gutzlaff et des informations
missionnaires provenant d'autres parties du monde.
Hudson Taylor s'y abonna tout de suite et le soin
avec lequel il le lut pendant des années eut
sur lui une grande action éducative dans les
questions de principe et de pratique concernant la
mission. Par le moyen de ce journal, il entendit
parler de tous ceux qui, en Angleterre ou sur le
continent, s'intéressaient directement
à l'évangélisation de la
Chine. Il apprit ainsi à connaître
notamment les Missions moraves, les
Sociétés missionnaires de Berlin et
de Bâle, et d'autres encore. Il eut aussi des
échos des travaux de Georges Müller, de
Bristol, qui, en 1849 et en 1850, avait
dépensé plus de deux mille cinq cents
livres sterling pour la mission en pays catholique
et en terre païenne. En un mot, ce
périodique fut, dans la main de Dieu, un
moyen pour introduire Hudson Taylor dans un monde
nouveau : celui des entreprises missionnaires,
interecclésiastiques dans leur
caractère et internationales dans leurs
intérêts. Il fut ainsi
préparé de bonne heure pour les
travaux étendus des années futures.
Cet intéressant périodique, The
Gleaner in the Missionary Field, semble avoir
été édité par la
Chinese Association ou, comme on l'appela ensuite,
la Chinese Evangelisation Society. Beaucoup
d'articles étaient rédigés par
M. Georges Pearse et M. R. Ball, hommes très
versés dans la Parole de Dieu.
Par le moyen du Gleaner, Hudson
Taylor put suivre les travaux de la nouvelle
société de Londres. Tout
impressionné par ces choses, il
écrivit, quelque temps plus tard, la lettre
que voici, ignorant les conséquences de
cette modeste entrée en relation :
Barnsley, le 29 juillet 1850.
À M. Georges Pearse, secrétaire
de la Chinese Association.
Monsieur, Il y a quelque temps,
M. Whitworth, le vénéré
trésorier local de la Société
Biblique Britannique et Étrangère,
attira mon attention sur la Chinese
Association.
Prenant le plus vif
intérêt à la diffusion de
l'Évangile parmi les Chinois et ayant
résolu que, dès que la Providence
m'aurait ouvert le chemin, je me consacrerais
à ce champ immense et presque sans limite
pour l'activité chrétienne, j'ai le
désir, en attendant, d'encourager cette
oeuvre le plus possible. C'est pourquoi je prends
la liberté de m'adresser à vous, en
votre qualité de secrétaire. je vous
serais obligé de m'envoyer, dès que
vous le pourrez, quelques circulaires ou cartes de
collecteur, ainsi que les renseignements,
règlements, etc., propres à m'aider
à faire connaître cette oeuvre
à mes amis.
Priant pour que le Chef de
l'Église, sans la bénédiction
duquel rien ne peut prospérer,
développe vos efforts, je reste, Monsieur,
respectueusement vôtre James H.
TAYLOR.
À ce moment, des nouvelles
commencèrent à arriver en Angleterre,
éveillant des doutes sur le caractère
de l'organisation du Dr Gutzlaff. La réponse
de M. Pearse fut évidemment
décourageante. De nouveaux rapports
confirmèrent que le Dr Gutzlaff,
malgré ses dons remarquables et son rare
dévouement, manquait malheureusement de bon
sens et du discernement des esprits si
nécessaire quand on a affaire à des
Orientaux. En un mot, il avait été
systématiquement trompé, ainsi que le
découvrit le missionnaire allemand qui le
remplaça à Hongkong. Peu de ces
soi-disant évangélistes avaient
voyagé au delà de Canton, et beaucoup
de leurs magnifiques rapports avaient
été composés dans des fumeries
d'opium à quelques minutes seulement de sa
propre maison. Ce fut une révélation
douloureuse et presque incroyable. Personne n'en
souffrit plus que le généreux chef
qui ne survécut pas longtemps à la
faillite de son oeuvre. En effet, le Dr Gutzlaff
mourut à Hongkong le 9 août 1851,
travaillant avec dévouement parmi les
Chinois jusqu'à l'heure où une courte
maladie l'emporta. Le Gleaner de janvier 1852 donna
les détails suivants : « Jusqu'à
ses derniers moments, toutes ses pensées
allaient à l'évangélisation de
la Chine. On peut dire qu'il quitta cette terre et
entra dans la présence du Seigneur en
portant sur son coeur les millions d'êtres de
ce vaste pays.
Le Dr Gutzlaff aurait-il
réellement fait faillite ? Ses plans
échouèrent malheureusement et ses
projets aboutirent à zéro. Mais la
prière et la foi ne peuvent faire faillite.
Plus que n'importe qui de son temps, il avait eu la
vision de la Chine gagnée à Christ.
Il s'était donné lui-même, tout
entier, pour cette réalisation. « Dieu
enterre Ses serviteurs et continue Son oeuvre.
» Il n'avait pu atteindre son but ; son
idéal semblait irréalisable : laisser
aux indigènes le soin
d'évangéliser une zone très
étendue. Mais son projet fut comme une bonne
semence qui tomba en terre pour porter du fruit
à son heure dans toutes les parties de la
Chine.
Bien longtemps plus tard, quand la
Mission à l'Intérieur de la Chine fut
devenue une réalité dans toutes les
provinces de l'intérieur, son fondateur
aimait à souligner que, dans un sens
très réel, le Dr Gutzlaff
était le père de cette oeuvre. En
vérité, ce fut chose remarquable que
cet homme, tout brûlant d'une vision
missionnaire prophétique, passât
à cette époque dans la vie d'Hudson
Taylor. Il n'était pas possible que ce
dernier ne fût pas désappointé,
et en quelque mesure découragé, par
la tournure qu'avaient prise les
événements. Parmi les amis et les
soutiens du Dr Gutzlaff, dont
l'intérêt avait été
éveillé principalement par son
enthousiasme, il y eut naturellement une
réaction quand ces faits vinrent à la
lumière. Il sembla que tout allait
s'effondrer et que cette oeuvre ne laisserait aucun
résultat durable. Cependant ceux dont Dieu
avait touché le coeur se sentirent d'autant
plus responsables d'apporter la lumière
à une nation qui avait un besoin si
évident de l'Évangile. Ce fut une
période d'épreuves qui
révéla le caractère de
beaucoup de chrétiens, en Europe et en
Chine. Mais de tout cela il sortit une connaissance
plus claire de la situation, une foi plus forte, et
quelques entreprises de valeur. Parmi celles-ci, il
faut citer la Mission morave au Tibet et, à
Londres, la société à laquelle
se rattachait M. Pearse, qui devait, plus tard,
envoyer Hudson Taylor à
Shanghaï.
Enfin, Hudson Taylor lui-même
se trouva, par la grâce de Dieu, plus
décidé que jamais à donner sa
vie pour la Chine. Cette épreuve aurait
suffi à faire retourner en arrière
quelqu'un dont l' « appel » eût
dépendu uniquement d'une émotion.
Mais, comme la lettre suivante le prouve, elle
stimula le jeune homme de Barnsley à prier
et lui enseigna des leçons d'une
portée inestimable.
À M. Georges Pearse,
Barnsley, le 7 août
1850.
Cher Monsieur, je vous
écris pour vous remercier de votre aimable
réponse et de l'envoi du rapport. Je me
prévaux de votre permission de vous
écrire de nouveau pour vous demander de plus
amples renseignements.
Je pense que, bien que la
tournure de l'oeuvre soit actuellement
décourageante à plusieurs
égards, nous pouvons escompter des jours
meilleurs. Le caractère des Chinois
paraît très opposé à
l'Évangile, mais nous savons qu'ils
connaîtront Celui par qui est la vie
éternelle. Nous ne savons pas ce que nous
eussions été sans le christianisme.
Christ est mort afin que tous puissent se
convertir, se repentir, vivre. Nous qui connaissons
les avantages et l'influence transformatrice de la
religion, sommes tenus d'annoncer l'Évangile
à toutes les nations. Je pense avec vous
que, sous la surveillance de missionnaires
européens et américains, beaucoup de
bien pourrait être fait par une organisation
indigène.
« La moisson est grande,
mais il y a peu d'ouvriers. » Nous ne pouvons
être trop consacrés pour accomplir
cette tâche immense. Les missionnaires
devraient être des hommes ayant un
zèle, une patience et une endurance
d'apôtres, désireux de se faire tout
à tous. Puisse le Seigneur susciter de tels
ouvriers et me former moi-même pour ce
service.
Quand le Dr Gutzlaff retournera
en Chine, est-ce que l'oeuvre sera
réorganisée? De nouvelles fraudes
pourront-elles être évitées
désormais ? Avez-vous des cartes de collecte
? Si oui, envoyez-moi quelques-unes de ces cartes
ou autorisez-moi à faire une collecte. Je
m'efforcerai de recueillir quelques livres
sterling, si possible. Je m'excuse de vous
déranger et reste, cher Monsieur,
respectueusement vôtre
J. Hudson TAYLOR.
Ainsi, au milieu de tous les
découragements de cette période
particulièrement difficile, nous voyons
Hudson Taylor persévérant, ferme et
résolu.
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