HUDSON TAYLOR
SIXIÈME PARTIE
MARIAGE ET OEUVRE A
NINGPO
1856-1860
CHAPITRE 34
Le Dieu qui suffit
mai-septembre 1857
En mai, une accalmie dans la guerre avec
l'Angleterre rendit de nouveau possible
l'évangélisation à Ningpo.
Bien que la maison occupée
précédemment par les Jones ne
fût plus libre, un meilleur logement se
préparait pour eux. Un missionnaire
étant parti pour raison de santé, un
bâtiment de la Church Missionary Society fut
vacant. M. Jones put le louer à un prix
modéré. Le Dr Parker, de son
côté, laissa à son jeune
collaborateur toute la maison de la rue du Pont
dont il avait occupé antérieurement
une partie seulement. Ainsi, sans peine aucune, ils
eurent une demeure et une salle de réunions
dans une partie animée de la ville. À
mesure que son expérience grandissait,
Hudson Taylor désirait une oeuvre plus
stable. Par suite de la guerre avec l'Angleterre,
on ne pouvait songer à s'établir trop
loin des ports ouverts par le Traité. Les
déplacements étaient encore
possibles, mais, d'une façon
générale, l'intérieur
était plus inaccessible que jamais. Croyant
cependant que le temps approchait où cette
situation changerait, Hudson Taylor et son
collègue virent la nécessité
de travailler d'une façon suivie dans une
localité déterminée
jusqu'à ce qu'une église
indigène pût être formée
et fut en mesure de fournir, avec la
bénédiction de Dieu, des pasteurs et
des évangélistes pour un
développement ultérieur de
l'oeuvre.
Avec cet objectif en vue, ils avaient
donc à nouveau tourné leurs regards
vers Ningpo, non sans avoir pris auparavant une
décision dont les conséquences
devaient être importantes.
En, mai 1857, trois ans et trois mois
après son arrivée en Chine, Hudson
Taylor sentit que l'heure était venue de se
détacher de la Société pour
l'Évangélisation de la Chine. Ce ne
furent pas les nombreuses difficultés qu'il
avait connues qui l'amenèrent à cette
détermination. Il aimait les
secrétaires et plusieurs des
membres du Comité qu'il
connaissait personnellement, et dont il
appréciait la sympathie et les
prières. Mais, comme nous l'avons
constaté, la Société avait
adopté une manière de voir
différente de la sienne à propos des
dettes, et il ne pouvait s'associer à elle
plus longtemps.
Personnellement, écrivait-il
en rappelant ces circonstances, j'avais toujours
évité de contracter des dettes, et
j'étais resté dans les limites de mon
salaire, bien que cela n'eût
été possible, très souvent,
que grâce à la plus rigoureuse
économie. À ce moment, il n'y avait
plus de difficultés dans ce domaine, car mon
revenu était plus élevé, et
comme le pays traversait des jours plus paisibles,
la vie était moins coûteuse. Mais la
Société elle-même avait des
dettes. Les traites trimestrielles que d'autres et
moi-même avions l'autorisation d'encaisser
étaient souvent honorées avec de
l'argent emprunté. Un échange de
correspondance eut lieu. Il se termina
l'année suivante par ma démission
pour motifs de conscience.
Il me paraissait que
l'enseignement de la Parole de Dieu était
absolument clair à cet égard. «
Ne devez rien à personne. » Emprunter
de l'argent, à mon avis, était en
contradiction avec l'Écriture. C'est une
façon d'obtenir par nous-mêmes ce que
Dieu n'a pas donné. Ce qui est mauvais pour
un individu peut-il être juste pour une
société chrétienne ? Ou bien
ce procédé fâcheux peut-il
devenir recommandable à cause de quelque
précédent ? Si la Parole de Dieu
m'enseigna quelque chose, ce fut de ne pas avoir de
dettes du tout. Je ne pouvais supposer que Dieu
fût pauvre, qu'Il fût à court de
ressources ou qu'Il ne voulût pas
suppléer à ce qui est
nécessaire pour toute oeuvre qui est la
Sienne. Il me semblait que si les fonds manquaient
pour faire un travail, celui-ci ne devait pas
être selon Dieu. Pour satisfaire ma
conscience, je fus contraint de quitter la
Société...
Ce fut une grande satisfaction
pour moi que mon ami et collègue, M. Jones,
fût conduit à prendre la même
décision. Nous fûmes tous deux
profondément reconnaissants que cette
séparation se fît sans que, d'un
côté ou de l'autre, il y eût
cessation de rapports amicaux. En fait, nous
eûmes la joie de savoir que plusieurs membres
du Comité approuvaient notre
décision, bien que la Société
comme telle ne pût entrer dans nos vues.
Dépendants de Dieu seul pour notre
subsistance, nous pûmes continuer dans une
certaine mesure nos relations avec ceux qui nous
soutenaient auparavant.
Ce ne fut pas une petite
épreuve pour ma foi. je ne savais pas ce que
Dieu voulait que je fisse ou même s'Il
subviendrait à mes besoins suffisamment pour
me permettre de continuer à travailler comme
auparavant. J'étais prêt à
donner tout mon temps à
l'évangélisation des païens si,
par un moyen ou un autre, Il me donnait le minimum
nécessaire à mon existence. Si ce
n'était pas là Sa volonté,
j'étais prêt à faire n'importe
quoi pour subvenir moi-même à mes
besoins, tout en consacrant tout
mon temps libre à une activité
missionnaire.
Mais Dieu m'a béni et
comblé. Comme je fus heureux lorsque la
séparation fut accomplie ! Je pouvais
regarder mon Père en face avec un coeur
content, prêt par Sa grâce à
faire ce qu'Il m'enseignerait et me sentant
assuré de Sa protection et de Son amour.
À travers combien de
bénédictions Il m'a conduit, cela
m'est impossible de le dire. Certaines de mes
expériences d'autrefois semblaient se
répéter. Ma foi a connu des
épreuves; elle a faibli souvent et
j'étais affligé et honteux de manquer
de confiance en un tel Père. Mais
j'apprenais à Le connaître. Je ne
voudrais pas que cela m'eût été
épargné. Dieu me devenait si proche,
si réel, si intime. Les difficultés
occasionnelles en matière d'argent ne
provinrent jamais de secours insuffisants pour mes
propres besoins, mais du fait que je pourvoyais aux
besoins de dizaines d'affamés et de mourants
autour de nous. Et des épreuves bien plus
pressantes, dans d'autres domaines,
éclipsèrent ces difficultés;
comme elles étaient plus profondes, elles
eurent comme résultat des fruits plus
riches. Que l'on est heureux, non seulement de
savoir que ceux qui ont parfaitement confiance en
Lui Le trouvent parfaitement fidèle, mais
que, même lorsque nous manquons de confiance,
Sa fidélité ne change pas. Il est
parfaitement fidèle, que nous ayons
confiance ou non. « Si nous ne croyons pas, Il
demeure fidèle. Il ne peut se renier
lui-même. » Mais comme nous
déshonorons notre Seigneur lorsque nous
manquons de confiance en Lui et quelle paix,
quelles bénédictions et quels
triomphes nous perdons ainsi !
Il n'est pas difficile de deviner
quelles étaient, pour Hudson Taylor, ces
épreuves particulières qui devaient
amener de plus riches bénédictions.
Deux fois par jour, dans ses trajets entre la rue
du Pont, où il avait son logement, et la
salle de réunions, il passait tout
près de l'école de Mlle Aldersey.
Dirigée depuis cette époque-là
par Mme Bausum, l'école servait encore de
foyer à celle à laquelle il
était attaché. Il avait vu Mlle Dyer
depuis son retour à Ningpo en juin, mais une
barrière avait été mise entre
eux deux, et il était difficile de la
franchir. Mlle Dyer était aimable et douce,
comme toujours, mais il ne pouvait oublier qu'elle
lui avait demandé de ne plus l'entretenir
d'un certain sujet. Mlle Aldersey avait si bien
fait connaître son sentiment à
l'égard d'Hudson Taylor aux personnes avec
lesquelles elle vivait que la situation en
était rendue doublement
pénible.
Peu après leur retour de
Shanghaï, Mme Jones avait invité Mlle
Dyer pour faire des visites avec elle comme
autrefois. Personne mieux qu'elle ne pouvait
l'aider dans ce travail, et les
besoins étaient urgents.
En plus de cela, c'était le seul moyen, et
le meilleur, de faire en sorte que les deux jeunes
gens eussent l'occasion de se rencontrer. Elle n'en
dit rien à la jeune fille, et Maria ne fit
aucune allusion à ce qui remplissait leurs
coeurs. Mais Mlle Aldersey ignorait les
réticences. Ayant cherché Mme Jones
après la réunion de prières
des dames missionnaires dans un autre quartier de
la ville, elle déversa toute sa
colère. Elle avait de justes raisons,
disait-elle, d'être indignée. Mlle
Dyer avait une tout autre condition sociale
qu'Hudson Taylor et avait un revenu qui lui
appartenait en propre. Elle était
éduquée, douée, attrayante, et
il ne manquait pas pour elle de prétendants
plus acceptables. C'était chose
impardonnable que ce monsieur abusât de la
jeunesse et de l'inexpérience de Mlle Dyer
et fût revenu à Ningpo alors qu'il lui
avait été signifié clairement
qu'il n'y était pas
désiré.
Mme Jones, sans partager les vues de
Mlle Aldersey, estima prudent alors de
déclarer qu'elle éviterait de
favoriser le rapprochement des deux jeunes gens et
ferait en sorte qu'Hudson Taylor ne profitât
pas des visites de Mlle Dyer pour la voir seule.
Puis elle tenta, mais sans succès, de
plaider leur cause.
À la suite de cela, Hudson Taylor
se sentit lié par l'engagement qu'avait pris
Mme Jones. Il ne pouvait écrire à
Mlle Dyer ou chercher à la voir dans la
maison de ses amis. Cependant, comme le temps
passait, il estima qu'il n'était plus
possible de différer indéfiniment la
solution. Ayant appris que Mlle Aldersey
n'était pas apparentée aux
demoiselles Dyer, qu'elle n'était même
pas leur tutrice, il décida d'aller voir les
deux soeurs ensemble et de demander l'autorisation
d'écrire à leur oncle de Londres afin
d'obtenir la permission de faire plus ample
connaissance. Pour le moment, il ne voulait pas
tenter d'autres démarches, et cela
n'était pas nécessaire après
la lettre qu'il avait écrite de
Shanghaï.
Prenant une chaise à porteurs, il
se fit conduire à l'école où
il arriva au moment où les deux jeunes
filles sortaient de classe. Il sollicita d'elles la
faveur d'un entretien de quelques minutes.
- Entrez, dit l'aimée, et je
préviendrai Mme Bausum.
Mais quand Mme Bausum apparut, seule, ce
fut pour informer Hudson Taylor que les jeunes
filles étaient parties chez Mlle Aldersey.
Burella, devinant le but de la visite du
missionnaire, avait
insisté pour que sa soeur
s'éloignât tout de suite, et Maria
avait consenti pour éviter une
rupture.
Tout semblait se liguer contre lui, mais
il put se remettre entre les mains de Dieu, sachant
qu'Il saurait bien tout conduire à bonne
fin. Le Seigneur a Ses voies, qui sont au-dessus de
nos pensées. De plus, il avait maintenant
l'impression toujours plus nette que son amour
était partagé par Mlle Dyer.
La tristesse ne l'empêcha pas de
vaquer à ses devoirs de chaque jour. Tant
dans la salle de réunions de Kuen-kiao-teo
que dans la petite maison à l'autre bout de
la ville, il continua ses services quotidiens et
son travail médical. Rien, si ce
n'était l'attraction de l'amour même
du Sauveur et Sa présence dans le coeur du
prédicateur, ne pouvait saisir les
auditoires toujours changeants ou transformer les
discussions en bénédictions. Le jeune
missionnaire persévérait, toujours
patient et aimable, toujours prêt à
aider par une parole d'encouragement ou un acte de
bonté, à tel point que les voisins ne
pouvaient être qu'impressionnés par un
tel message donné dans un tel
esprit.
La réunion du soir à
Kuen-kiao-teo était peut-être le
travail le plus important de chaque jour. Les gens
étaient plus disposés à venir
après le coucher du soleil et la cloche
appelait dans la salle un auditoire très
attentif pendant une heure ou deux. Tout cela
représentait un gros effort pour lui
à qui la majeure partie de la
prédication incombait. Et puis,
c'était son quatrième
été en Chine, et sa force de
résistance semblait diminuer chaque
année. Mais ni la chaleur intense, ni le
travail poursuivi avec la même
énergie, n'étaient le principal
fardeau. Ce qui lui pesait le plus, c'était
ce temps d'attente qui touchait ses plus
chères espérances.
Au travers de ces circonstances, il fut
cependant merveilleusement soutenu par Celui
à qui il avait confié son avenir.
Bien qu'Hudson Taylor ne pût communiquer avec
celle qu'il aimait, il n'était pas difficile
au Seigneur de les rapprocher. Celui qui peut
utiliser des corbeaux
(1), s'il le
faut, ou des anges, pour accomplir Sa
volonté, allait répondre aux
prières de Son enfant.
C'était peu après la
visite faite à l'école sans
résultat. Il faisait une chaleur
étouffante, dans cette après-midi de
juillet. Or, il se trouva que,
d'après la rotation fixée à
l'avance, la réunion de prières des
dames missionnaires devait avoir lieu à
Kuen-kiao-teo. Les participantes,
représentant les diverses
sociétés à l'oeuvre à
Ningpo, se réunirent comme à
l'accoutumée, mais il fut bien plus facile,
ce jour-là, de venir à la
réunion que d'en repartir. Subitement, un
véritable déluge s'abattit sur la
ville, pour continuer par une pluie torrentielle.
M. Jones et Hudson Taylor étaient à
la rue du Pont, suivant leur habitude, et comme les
rues étaient inondées, ils
atteignirent la salle de réunions avec
quelque retard. La plupart des dames étaient
parties avant leur arrivée, laissant
là Mme Bausum et Mlle Maria Dyer qui
attendaient des chaises à porteurs.
- Entrez dans mon bureau, dit M. Jones
à son ami, je vais tenter de faciliter une
entrevue. Tôt après, il revint, disant
que ces dames étaient seules avec Mme Jones
et seraient heureuses d'avoir un moment de
conversation avec lui.
Très ému, Hudson Taylor
monta et se trouva en présence de celle
qu'il aimait. À vrai dire, d'autres
personnes étaient présentes aussi,
mais ce fut à peine s'il les vit, ce fut
à peine s'il vit autre chose que le cher
visage de Maria pendant qu'il lui disait bien plus
qu'il n'avait jamais pensé possible de lui
dire en public. Il avait l'intention de lui
demander simplement s'il pouvait écrire
à son tuteur pour avoir la permission de...
mais, maintenant tout son coeur s'exprimait! Et
elle? Eh bien! tous ceux qui étaient
présents l'aimant et la comprenant, elle
accueillit l'inestimable don qui lui était
fait et, avec un vrai coeur de femme, elle dissipa
toutes ses craintes en lui confessant qu'elle
l'aimait autant qu'elle était
aimée.
Enfin, Hudson Taylor mit un terme
à l'entretien en déclarant simplement
: « Apportons tout cela au Seigneur dans la
prière. »
Ce fut ainsi que la lettre à
destination de Londres, dont tant de choses
devaient dépendre, fut écrite au
milieu de juillet. De longs mois
s'écouleraient avant que la réponse
parvint en Chine. Durant cette attente, ils ne se
sentaient pas libres de se voir ni même de
s'écrier, car ils avaient, pour autant que
cela fût possible, à calmer le
déplaisir de Mlle Aldersey. Maria l'informa
qu'Hudson Taylor avait écrit à son
oncle pour lui demander son consentement. Mais,
pour celle-ci, c'était inadmissible que,
malgré toutes les précautions qu'elle
avait prises, les événements en
fussent arrivés
là. Cela ne pouvait aller plus loin. Elle
écrirait immédiatement, elle aussi,
à M. Tarn, afin qu'il se rendît compte
combien cette demande en mariage était
déplacée.
Tout cela fut très pénible
aux jeunes fiancés, d'autant plus que Mlle
Aldersey n'observait aucune discrétion. Les
impressions qu'elle avait recueillies sur le compte
d'Hudson Taylor, aussi fausses que
défavorables, furent bientôt connues
de toute la communauté. Son intention, en
agissant de la sorte était de
détacher Maria de celui qu'elle
considérait comme indigne d'elle. Elle
n'hésita pas à encourager les
mouvements d'autres prétendants avec la
même intention. Le costume chinois qu'il
portait était à ses yeux un argument
capital et provoquait son aversion et son
mépris. Sa situation de missionnaire
indépendant établi sur la « base
incertaine de la foi » était
sévèrement critiquée. Elle le
dépeignait comme n'étant
appelé par personne, en relation avec
personne, et non reconnu comme ministre de
l'Évangile. Si, encore, elle se fût
bornée à cela mais elle fit d'autres
insinuations. Il était, disait-elle,
fanatique on ne pouvait compter sur lui. Il
était malade de corps et d'esprit et, en un
mot, c'était un individu dépourvu de
toute valeur. Les deux intéressés
n'osaient prévoir l'effet que sa lettre
à M. Tarn, écrite dans cet esprit,
pouvait produire.
Et, comme ces médisances
semblaient peu à peu trouver crédit
dans certaines parties de la communauté,
Hudson Taylor eut à apprendre d'une
façon nouvelle ce que c'est que de chercher
son refuge en Dieu seul.
Il savait combien sa bien-aimée
devait souffrir, et il ne pouvait lui venir en
aide. Qu'allait-il sortir de tout cela? Et si le
tuteur, à Londres, se laissait influencer
par les allégations de Mlle Aldersey ? Et si
le consentement à la demande en mariage
était refusé? S'il était une
chose qui ne faisait pas de doute pour Hudson
Taylor, c'était que la
bénédiction de Dieu repose sur
l'obéissance aux parents ou à leurs
représentants. Il n'aurait jamais
désobéi et il n'encouragerait
certainement pas celle qu'il aimait à
résister à la volonté de son
tuteur. Bien des années après, il
écrivait à un jeune homme sur le
même sujet :
Je n'ai jamais vu la
désobéissance à un
commandement précis venant des parents,
alors même que ceux-ci se trompent, ne pas
être suivie de son châtiment. Il faut
vaincre par le Seigneur. Il peut ouvrir toutes
les portes. Alors ce sont les
parents qui sont responsables, et leur
responsabilité est grande. Lorsqu'un fils ou
une fille peut dire, en toute
sincérité - « Je m'attends
à toi, Seigneur, pour que tu ouvres la porte
», la chose est entre les mains de Dieu et Il
s'en charge.
De son côté, bien seule et
inquiète, la jeune fille ne sentait pas
moins que l'autorité des parents est
sacrée et que Dieu ne bénit pas les
décisions prises en opposition avec elle.
Elle aussi se sentait disposée à
attendre aussi longtemps qu'il le faudrait. Comme
les mois s'écoulaient lentement, elle
était maintes fois désolée en
pensant à tout ce que son bien-aimé
devait supporter.
Dans un de ces moments de tristesse,
elle fit une visite chez les Gough, de la Church
Missionary Society, qui aimaient beaucoup Hudson
Taylor. Peut-être parlèrent-ils de
lui, ce soir-là, avec une affection toute
spéciale. En tout cas, son coeur
était bien gros. C'était un soir
d'été ; s'étant retirée
dans sa chambre, toute seule, la pauvre enfant
resta longtemps à genoux, lasse et
silencieuse. Elle avait sa Bible sous la main et,
comme elle en tournait les pages, ces paroles
précieuses furent pour elle comme un trait
de lumière :
« Confiez-vous en lui en tout
temps, répandez votre coeur devant lui, Dieu
est un refuge pour nous. »
Et cela fut une réponse à
sa détresse.
« Je soulignai ce passage ce
soir-là, écrivait-elle à son
bien-aimé sept ans plus tard, et cette
marque à l'encre est toujours là et
me rappelle cette nuit. »
« Mon âme, attends-toi
à Dieu, car mon attente est en lui. »
Lui seulement, Lui seul ; toujours El-Shaddaï
- le Dieu qui suffit.
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