HUDSON TAYLOR
SIXIÈME PARTIE
MARIAGE ET OEUVRE A
NINGPO
1856-1860
CHAPITRE 37
Union parfaite
décembre 1857- janvier 1858
Ils furent alors officiellement fiancés
et purent se rencontrer de temps à autre
chez des amis. Ces belles journées d'hiver
rachetaient les tristesses du passé.
Je ne me suis jamais de ma vie senti
en meilleure santé ou en meilleures
dispositions, écrivait Hudson Taylor.
À Dieu qui seul fait des choses
merveilleuses, qui relève ceux qui sont
courbés, et qui a fait tourner en ma faveur
tous les efforts tentés contre moi...
à Lui soient la louange et la
gloire.
Les fiançailles ne devaient pas
être longues, puisque le 16 janvier Mlle Dyer
allait avoir vingt et un ans et serait libre de
faire ce que son coeur lui dicterait. Les
dernières semaines de l'année furent
donc pleines d'espérance joyeuse. Ils eurent
des heures de bonheur, de gaîté
même, dont parlent les lettres de cette
époque. Les heures plus sérieuses ne
manquaient pas non plus, et l'une, en particulier,
qui se produisit à la veille de leur
mariage, eût pu amener la jeune fille
à hésiter, si son caractère
avait été différent.
Le 6 janvier, elle devait venir
prendre le thé chez les Jones en compagnie
de Mme Bausum. Cela avait été convenu
quelque temps auparavant, dit Hudson Taylor,
à un moment où nous n'étions
pas à l'étroit pour les provisions.
Mais lorsque le jour arriva, nous nous
trouvâmes dans un sérieux embarras.
Nous avions fait de grosses dépenses pour
notre oeuvre parmi les pauvres, et les courriers se
succédaient sans rien nous apporter. Bref,
le matin du jour en question, il ne nous restait
qu'une petite pièce, valant le
vingtième d'un penny. Nous étions
très perplexes, mais regardions au Seigneur
pour qu'Il manifestât Sa
bonté.
Il nous restait dans la maison
juste de quoi préparer le repas du matin,
puis, n'ayant plus de provisions pour le reste de
la journée, et pas d'argent pour en acheter,
nous ne pouvions que nous en remettre à
Celui qui est vraiment un Père et qui ne
peut oublier les besoins de Ses enfants. Et vous
pouvez être sûr que le plus triste
de la situation, à mon
point de vue, était que nous ne pouvions
faire de préparatifs pour nos hôtes de
l'après-midi. Je présentai donc
spécialement ce point à
Dieu.
Après avoir prié et
délibéré, ils
essayèrent de vendre une pendule ; mais on
ne voulait pas la leur payer sans l'avoir eue
à l'essai pendant huit jours. L'idée
de vendre comme vieille ferraille un poële
américain ne réussit pas davantage :
ils ne purent aller à la fonderie, le pont
de bateaux sur lequel ils pensaient passer ayant
été enlevé pendant la nuit et
leurs moyens ne leur permettant pas de prendre le
bac.
À leur retour, le cuisinier
chinois mit à leur disposition ce qui lui
restait de ses gages. Mais ils n'acceptèrent
pas et M. Jones lui expliqua qu'ils ne pouvaient
emprunter et que Dieu les aiderait
certainement.
Il parlait avec assurance,
continue Hudson Taylor, mais notre foi était
à rude épreuve lorsque nous nous
rendîmes dans son bureau où nous
criâmes au Seigneur, dans notre
détresse, et Il nous entendit et nous
délivra.
En effet, tandis que nous
étions à genoux, le cuisinier vint
à la porte. « Maître, cria-t-il,
maître, voilà des lettres ! » Une
fois de plus un courrier d'Angleterre était
arrivé plusieurs jours avant la date
fixée, apportant, à notre grande
reconnaissance, un don généreux de M.
Berger. « Quiconque est sage et observe ces
choses comprendra la bonté du Seigneur.
» « Celui qui se confie en Lui a-t-il
jamais été confus?
»
Le soir, au thé, ils ne
purent faire autrement que de raconter cette
délivrance, tant leurs coeurs étaient
remplis de joie et de reconnaissance. Le mariage
avait été fixé au 20 janvier,
juste quinze jours plus tard ; pourtant, à
la lumière de cet événement,
Hudson Taylor sentit qu'il devait montrer à
sa fiancée les conséquences les plus
graves de la décision qu'elle allait
prendre. Quand ils furent seuls, il lui confia par
quelle épreuve il avait
passé.
« Je ne peux pas te
considérer comme engagée par ta
promesse, ajouta-t-il, dans le cas où tu
préférerais la retirer. Tu vois
combien notre vie peut être difficile, par
moments. »
« As-tu oublié,
répondit-elle doucement, que j'ai perdu mes
parents dans un pays lointain? Dieu fut mon
Père depuis lors ; penses-tu que je
craindrais d'avoir confiance en Lui maintenant ?
»
« Mon coeur chantait de joie
», disait plus tard Hudson Taylor en relatant
ses souvenirs. Et, certes, il le pouvait : une
telle femme a « bien plus de prix que les
rubis ».
Ainsi les préparatifs du
mariage avançaient, extérieurement
avec l'aide de bien des amis, intérieurement
avec la bénédiction de Dieu. Quelques
fragments des lettres qu'il écrivit peu
avant cet heureux événement
méritent d'être
cités.
J'ai peine à me
représenter ce qui est arrivé.
Après tant de souffrances et de
délais, non seulement nous sommes libres de
nous rencontrer et d'être souvent ensemble,
mais, dans quelques jours, Dieu voulant, nous
serons mariés !... Dieu a été
bon pour nous. Il a vraiment répondu
à notre prière et pris notre parti
contre les puissants. Puissions-nous marcher plus
près de Lui et Le servir plus
fidèlement. Je voudrais que tu connusses ma
bien-aimée. C'est un vrai trésor !
Elle est tout ce que je
désire.
Pourtant, la première place
dans son coeur appartenait à Celui «
dont l'amour est au-dessus de toutes les affections
humaines », comme il le disait dans une autre
lettre, « et qui peut remplir l'âme d'un
bonheur auquel toute autre joie est indigne
d'être comparée ».
Je sais maintenant ce que c'est
que d'avoir mon nom écrit dans Son coeur...
et je sais pourquoi Il ne cesse d'intercéder
pour moi. Son amour est si grand qu'Il ne peut
faire autrement. Cela est trop grand pour nous,
n'est-ce pas ? Un tel abîme d'amour, et pour
moi !
Le mariage eut lieu le 20 janvier 1858. Il
apporta aux époux les joies d'une union
parfaite. Six semaines après, de retour de
leur voyage dans les montagnes de l'Ouest, Hudson
Taylor écrivait :
Épouser la femme que l'on
aime, que l'on aime avec tendresse et respect, est
une bénédiction que l'on ne peut ni
exprimer, ni imaginer. Chaque jour vous fait mieux
connaître votre bien-aimée, et
lorsqu'on a un trésor comme le mien, on se
sent toujours plus fier, toujours plus heureux,
toujours plus humblement reconnaissant envers le
Dispensateur de tout bien, pour le don le plus
précieux qui soit sur la terre.
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