HUDSON TAYLOR
SEPTIÈME PARTIE
LA PRÉPARATION
DE L'OUVRIER ET DE L'OEUVRE
1860-1866
CHAPITRE 46
La Mission naissante
1865
Une vie nouvelle avait commencé pour
Hudson Taylor avec la décision prise ce
dimanche de juin au bord de la mer à
Brighton. Le lendemain, il était debout au
lever de l'aurore et partait pour Londres à
six heures trente. Rien ne fut conservé de
cette journée, si ce n'est que Mme Taylor
fut réjouie de voir son mari beaucoup mieux,
et que celui-ci consacra du temps à la
prière avec un homme qui désirait se
joindre à la Mission mais dont le chemin
était hérissé de
difficultés. Le jour suivant,
s'accomplissait l'acte pratique que l'on
était en droit d'attendre :
27 juin. Été avec M.
Pearse à la London & County Bank, et
ouvert un compte au nom de la Mission à
l'Intérieur de la Chine (China Inland
Mission). Versé dans ce compte : dix livres
sterling.
C'était la première fois
qu'apparaissait le nouveau nom.
Il revint souvent ensuite dans le petit
journal, comme si Hudson Taylor prenait plaisir
à l'écrire en entier. Ainsi,
après la réunion de prières du
samedi 1er juillet :
Donné à Mlle Faulding
un reçu pour une livre pour la Mission
à l'Intérieur de la
Chine.
3 juillet. Déjeuné
avec Lady Radstock... M. Berger a pris le
thé avec nous et est resté
jusqu'à sept heures. Il a promis
quatre-vingts à cent livres pour la presse
à imprimer et les caractères, et cent
cinquante livres pour la Mission à
l'Intérieur de la Chine.
4 juillet. Mlle Faulding a
apporté trois shillings et six pences de la
chapelle de Regent's Park pour la Mission à
l'Intérieur de la Chine.
Il y a là une joie
débordante, semblable à celle d'une
jeune mère auprès du berceau de son
premier-né.
Alors commencèrent des jours
offrant un contraste frappant avec le silence des
semaines précédentes. Le complet
abandon à la volonté de Dieu mit en
branle, dans l'âme d'Hudson Taylor, les
cloches de la joie, et lui permit de comprendre
tout ce que les voies de Dieu
avaient eu jusqu'alors de mystérieux. Il
comprit pourquoi le Seigneur l'avait
arrêté au moment où il voulait
partir pour la Chine et pourquoi l'article
destiné au Baptist Magazine lui avait
été renvoyé. Maintenant il
avait quelque chose à écrire, un but
défini à mettre en face du peuple de
Dieu, et une nouvelle puissance pour plaider la
cause de l'intérieur de la Chine. Il avait
enfin trouvé sa voie et découvert le
secret d'une vie meilleure et plus profonde, non en
suivant ses propres pensées, mais en faisant
« les oeuvres que Dieu a
préparées pour nous afin que nous y
marchions ».
Un grand changement se fit bientôt
sentir dans la petite maison de la rue de Coborn,
qui devint un centre d'activité de plus en
plus intense. Il fallait préparer le
départ de deux missionnaires, M. J.-W.
Stevenson, qui était avec Hudson Taylor
à Londres depuis quelques mois, et un jeune
Écossais nouvellement arrivé, M.
Georges Stott. De nouvelles portes s'ouvraient dans
une société distinguée et
influente où s'offraient des occasions
nombreuses de plaider la cause de la Mission. Celui
qui avait conduit Son serviteur dans les quartiers
les plus pauvres de l'Est de Londres allait lui
ouvrir les salons de l'Ouest. Et voici comment
:
Une semaine après sa visite
à Brighton, Hudson Taylor se trouvait
à Bayswater, chez sa soeur, Mme Broomhall.
Le dimanche matin, au lieu de se rendre comme
à l'ordinaire à la petite
église dont il était membre, il pria
Dieu de le conduire où Il le jugerait bon.
Passant dans la rue de Welbeck, devant la salle,
où se réunissait une petite
assemblée de « Frères larges
», il y entra et trouva un grand
rafraîchissement dans la
célébration de la
Sainte-Cène.
Or il arriva que, parmi les sujets de
prière énumérés
à la fin de la réunion et
recommandés à l'attention des
fidèles, l'un d'eux parut oublié.
Hudson Taylor craignit que la réunion ne
s'achevât sans qu'il fût apporté
au Seigneur. Il s'agissait d'un cas tout ordinaire
où les prières étaient
demandées en faveur d'un malade. Bien
qu'étranger à l'assemblée,
Hudson Taylor, avec ferveur, intercéda pour
le souffrant.
Lady Radstock se trouvait dans
l'auditoire. Frappée par la
simplicité et l'à propos des paroles
prononcées par Hudson Taylor, elle s'enquit
de cet inconnu. Apprenant qu'il s'agissait d'un
missionnaire en Chine, elle voulut le voir de plus
près et l'invita pour le
déjeuner du lendemain. Ce fut le
commencement d'une amitié durable et
féconde, en bénédiction pour
la Chine.
L'une des filles de Lady Radstock, Lady
Beauchamp, après un séjour chez sa
mère, organisa dans le comté de
Norfolk où elle habitait une série de
réunions qui devait durer plusieurs jours.
Bien que débordé de travail, Hudson
Taylor, comprenant l'importance de l'occasion qui
lui était offerte, accepta son invitation.
M. et Mme Beauchamp et toute leur famille furent
très émus par ce qu'ils entendirent.
Les enfants eux-mêmes s'éprirent d'une
grande amitié pour cet hôte aimable
qui leur racontait de si jolies histoires sur la
Chine. L'un d'eux devait même devenir un de
ses plus chers collaborateurs.
Bien qu'Hudson Taylor n'eût
parlé ni d'argent ni de collecte, ses
hôtes éprouvèrent le besoin de
l'aider financièrement. Mais ils avaient
donné si généreusement pour
d'autres oeuvres qu'il ne leur restait que peu de
fonds disponibles. Après avoir exposé
cela au Seigneur, une heureuse pensée leur
vint. Le moment approchait de renouveler
l'assurance pour les vastes serres de leur parc. Le
Seigneur, qui commande aux vents et aux vagues, ne
pourrait-Il pas se charger Lui-même de
protéger ces serres? Ils le crurent et
signèrent en faveur de la Mission un
chèque égal au montant de la prime
d'assurance. Hudson Taylor ignora longtemps les
circonstances dans lesquelles ce don avait
été fait, mais le Seigneur les
connaissait et s'en souvint. Peu de mois
après, une tempête d'une violence
exceptionnelle ravagea les campagnes voisines.
Beaucoup de vitres volèrent en éclats
sur plusieurs kilomètres à la ronde.
Mais les serres de Langley Park
n'éprouvèrent aucun dommage.
La chaude sympathie de la famille
Beauchamp, et de Lord Radstock, qui devint pour lui
un ami fidèle et un correspondant assidu,
lui fut très précieuse à tous
les points de vue, et elle procura à
l'oeuvre naissante l'appui d'un grand nombre de
personnes de leur entourage.
À mesure que les branches de
l'arbre grandissaient et se multipliaient, les
racines gagnaient aussi en profondeur par la
méditation et la prière.
C'était en M. Berger surtout qu'Hudson
Taylor trouvait l'aide dont il avait besoin. Quand
le missionnaire partit pour la Chine, ce fut M.
Berger qui entreprit de représenter l'oeuvre
en Europe.
La chose vint tout naturellement, dit
Hudson Taylor. Nous nous sentîmes
attirés l'un vers l'autre. C'est dans son
salon que la Mission reçut son nom. Aucun de
nous deux ne demanda rien à l'autre, ni ne
'le chargea de rien. Cela fut ainsi, tout
simplement.
Et que dire de l'aide plus
précieuse et plus profonde encore qu'Hudson
Taylor trouva auprès de la compagne de sa
vie, de son affection si tendre, de sa sagesse si
pratique et si spirituelle en même temps ?
C'était dans la vie de Mme Taylor surtout
que la nouvelle impulsion donnée à
l'oeuvre allait amener les plus grands changements.
Elle devait servir de mère à la
Mission, en même temps qu'à sa jeune
et grandissante famille. Elle avait à peine
trente ans, et, déjà chargée
de quatre enfants, elle aurait à s'occuper
des messagers de l'Évangile que son mari
enverrait dans toutes les provinces de la Chine
fermées encore aux étrangers. Elle
trouvait, il est vrai, une grande joie et un grand
soulagement dans la foi si vaillante de son
compagnon ; mais ce n'était pas sur lui
toutefois qu'elle s'appuyait. Orpheline de
père et de mère dès l'enfance,
elle avait appris à se confier au
Père céleste, dont elle connaissait
la fidélité. Pour porter son double
fardeau et sa responsabilité, elle comptait
à chaque instant « sur la
plénitude de Dieu ».
Après la décision prise
à Brighton, le principal était
l'achèvement du manuscrit renvoyé par
l'éditeur du Baptist Magazine. Ce
n'était pas une tâche facile ; elle
réclamait beaucoup d'étude, de
réflexion et de prières. Trop
occupés pendant la semaine pour trouver le
calme nécessaire à ce travail, M. et
Mme Taylor y consacraient toutes les heures du
dimanche laissées libres par le culte
public. Côte à côte dans le
petit cabinet de la rue de Coborn, ils priaient et
écrivaient, écrivaient et
priaient.
Chaque phrase, disait Hudson Taylor,
était comme imprégnée de
prière. Pendant que je marchais de long en
large dans la chambre, Maria était assise
à la table et tenait la plume.
Le résultat fut le volume
intitulé : Le dénuement spirituel et
les droits de la Chine. (China's spiritual needs
and claims.)
En parcourant ces pages, on comprend
qu'elles aient touché et remué
d'innombrables lecteurs pendant plus d'une
génération. Fruit d'une étude
approfondie et remarquablement propres à
atteindre leur but, elles sont
toutes parfumées d'un esprit de
prière et d'amour. Le moi de l'auteur
s'efface entièrement pour laisser place
à Dieu seul. M. Berger y est nommé,
ainsi que les missionnaires déjà
partis ou en route pour la Chine ; d'Hudson Taylor,
il n'est pour ainsi dire jamais question.
L'auteur montre d'abord le
sérieux de la vie et comment chacun de nos
actes, comme chacune de nos négligences,
peuvent avoir une influence décisive, non
seulement sur notre propre destinée, mais
sur celle des autres. Il montre comment nous devons
prier, non en égoïstes, mais avant tout
pour l'avancement du Royaume de Dieu. Christ est
notre modèle, en cela comme en tout, Lui
qui, pour sauver un monde souffrant et perdu, a
renoncé à Lui-même en
s'abaissant jusqu'à la mort de la croix. Le
peuple de Dieu a péché gravement en
oubliant cet exemple. Sachant que la
majorité de nos semblables ne connaissent
pas encore le salut, comment pouvons-nous, nous qui
devons tout au sacrifice du Fils de Dieu, demeurer
confortablement et sans souci dans une vie
égoïste ?
Entrant alors dans le vif de son sujet,
il parle de la Chine, de son antiquité, de
son étendue, de sa population, des premiers
essais de mission, soit catholique, soit
protestante. Depuis Morrison, l'oeuvre a, sans
doute, fait des progrès, mais combien
insuffisants encore ! N'est-ce point effrayant que,
même dans les sept provinces maritimes
où l'Évangile a
pénétré, cent
quatre-vingt-cinq millions de Chinois soient
entièrement hors de son atteinte! Et que
dire des onze provinces de l'intérieur
où aucun messager encore n'a porté la
bonne nouvelle aux deux cents millions d'âmes
qui les habitent ! Tout cela est mis en
évidence par des diagrammes et des tableaux
où Hudson Taylor avait mis tout son coeur.
En prenant connaissance de ces choses, l'esprit ne
peut être que bouleversé. Il n'est pas
étonnant que cet homme fût
accablé. Pas surprenant qu'il ne pût
se soustraire au sentiment poignant de sa
responsabilité. Il considérait tout
cela sous le regard de Dieu, obligeant le lecteur
à en faire de même. Et cela devient
alors profondément solennel, à la
lumière de l'Éternité, dans la
présence du Crucifié pour le salut du
monde. Son ordre précis : « Allez... Je
suis avec vous tous les jours »
résonne, accompagné des lamentations
des milliers qui, heure par heure, descendent sans
Christ dans la tombe. Quelle réalité
que les mots ne peuvent exprimer
: « En Chine, un million d'âmes meurent
sans Dieu, chaque mois. » Et nous, qui avons
reçu le bon dépôt de Sa Parole,
nous sommes responsables. Ce ne sont pas seulement
les besoins de la Chine qui ont appelé
à l'existence la Mission, ce sont aussi ses
droits.
Sans s'appesantir sur ces faits, Hudson
Taylor dévoile plutôt
l'immensité de la tâche. Mais une
autre réalité encore se dégage
de ces pages, emplissant l'âme et le coeur
d'émerveillement : la grandeur des besoins
est surpassée par la grandeur de la
fidélité, des ressources, des
promesses, des plans et des ordres de Celui qui a
dit : « Toute puissance m'a été
donnée... allez donc. » Et cela suffit.
Les besoins sont immenses, mais infini est le
secours que Dieu promet. Ce Dieu-là, Hudson
Taylor Le connaissait, L'avait mis à
l'épreuve et s'abandonnait à
Lui...
Nous avons affaire à un Dieu
tout puissant dont le bras n'est pas trop court
pour sauver, ni l'oreille trop pesante pour
entendre; à un Maître qui nous a dit :
« Demandez et vous recevrez, afin que votre
joie soit Parfaite », et encore : « Ouvre
ta bouche et je la remplirai. » Quelle
culpabilité est la nôtre devant Lui,
si nous négligeons d'employer, pour le salut
de ceux qui périssent, la puissance de la
prière faite avec foi !
Cette solennelle
responsabilité, d'un côté, et
les divines promesses de l'autre, nous encouragent
à demander sans hésiter au
Maître d'appeler et de pousser dans sa
moisson vingt-quatre européens et
vingt-quatre indigènes, pour planter
l'étendard de la Croix dans les onze
provinces non évangélisées de
la Chine et dans la Tartarie chinoise. Ceux qui
n'ont jamais éprouvé la
fidélité de Dieu en réponse
à leurs prières regarderont comme
téméraire et hasardeux l'envoi de ces
vingt-quatre pionniers européens dans un
pays éloigné, où ils n'auront
que Dieu pour appui. Mais un homme qui, pendant
bien des années, a eu le privilège de
mettre ce Dieu à l'épreuve en toutes
sortes de circonstances, sur terre et sur mer, dans
la maladie et la santé, dans les dangers et
les besoins urgents et aux portes mêmes de la
mort, serait absolument inexcusable de partager de
telles craintes.
Ici Hudson Taylor donne de nombreux
exemples des délivrances merveilleuses dont
il fut l'objet ou le témoin. Il vit Dieu, en
réponse à la prière, apaiser
la fureur de la tempête, changer la direction
du vent et donner de la pluie au milieu d'une
sécheresse prolongée. Il Le vit
calmer les passions irritées et
déjouer les intentions meurtrières
des hommes violents et les machinations des ennemis
de Son peuple. Il Le vit guérir des mourants
quand tout secours humain était
impuissant... Pendant huit ans et demi
il éprouva la
fidélité de Dieu, qui pourvut
abondamment à tous les besoins de Son
serviteur et de Son oeuvre.
En conséquence, les principes de
la nouvelle Mission sont simplement tirés de
la coordination de ces deux faits : les besoins
à satisfaire et : Dieu. Il est à la
tête de l'oeuvre qu'Il a suscitée.
Hudson Taylor n'eut pas d'autre appui et il n'en
désira pas. Chaque problème trouvait
sa solution dans un appel direct à Celui qui
peut répondre à tout.
La grandeur même de ses besoins,
considérée à la lumière
des ressources divines et non humaines, exigeait
des méthodes aussi nouvelles et
définies que la sphère
d'activité de la Mission
projetée.
Comment, par exemple, l'oeuvre
serait-elle celle d'une section quelconque de
l'Église de Christ? Aucune n'est assez
nombreuse ni assez riche pour fournir les hommes et
les ressources indispensables. La Mission doit
être libre d'accepter tous les ouvriers,
pourvu qu'ils soient des hommes et des femmes qui
connaissent vraiment leur Dieu, ayant le don de
gagner des âmes, et laissant les petites
différences s'évanouir devant le seul
grand lien qui unit tous les enfants de
Dieu.
Et quant aux fonds, comment la Mission,
ne possédant rien, pourrait-elle promettre
à ses membres un salaire fixe ? Tout ce
qu'Hudson Taylor recevra en réponse à
la prière, il sera heureux de le distribuer
à ses collaborateurs, mais il ne pouvait
promettre rien de plus, si ce n'est la
résolution de ne jamais faire de dette, ni
pour la Mission, ni pour lui-même. Quiconque
s'engagerait dans cette oeuvre devrait se
pénétrer de l'idée
qu'étant appelé par Dieu, il ne devra
compter que sur Lui pour lui fournir la force, la
grâce, la protection, les capacités
nécessaires, aussi bien que le pain
quotidien. À cette oeuvre de toi chacun des
collaborateurs devra apporter sa quote-part de foi
au Dieu vivant. C'était là la seule
base possible.
Parlant de cette période du
début, Hudson Taylor écrivait plus
tard :
Après avoir prié, nous
décidâmes de faire appel, sans
distinction de dénomination, à tous
ceux qui croient pleinement à l'inspiration
de la Parole de Dieu et qui veulent prouver leur
foi en allant dans l'intérieur de la Chine
sans autres garanties que celles qu'ils trouvent
entre les couvertures (le leur Bible de poche.
La Parole de Dieu dit : «
Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et sa justice
et tout le reste (pain et vêtement) vous sera
donné par-dessus. » Celui qui ne croit
pas que Dieu dit la vérité n'a que
faire d'aller en Chine pour propager la foi. S'il
le croit, assurément cette promesse lui
suffira. Il est écrit encore, : « Dieu
ne refuse aucun bien à ceux qui marchent
dans l'intégrité. » Si quelqu'un
n'a pas l'intention de marcher ainsi, il fera mieux
de rester chez lui. S'il a cette intention, il
possède le meilleur fonds de garantie. Dieu
dispose de, tout l'or et l'argent du monde, et
« des troupeaux qui paissent sur mille
montagnes ». Nous n'aurons pas à
être
végétariens...
Nous aurions pu avoir un fonds de
garantie, si nous l'avions désiré,
mais nous sentîmes qu'il serait plus nuisible
qu'utile. Nous pouvons accepter d'avoir aussi peu
que le Seigneur le voudra, mais nous ne saurions
consentir à avoir de l'argent non
consacré ou des fonds placés d'une
manière douteuse. Plutôt ne rien
avoir, même pour acheter du pain, car il y a
beaucoup de corbeaux en Chine, et le Seigneur
saurait bien nous les envoyer comme auprès
d'Élie, avec du pain et de la viande. -
Notre Père nous connaît bien, et Il
sait parfaitement que Ses enfants
s'éveillent chaque matin avec un bon
appétit. Il leur donne toujours le
déjeuner nécessaire et ne les envoie
pas au lit sans souper. Il a nourri pendant
quarante ans dans le désert trois millions
d'Israélites. Nous ne nous attendons pas
à ce qu'Il envoie en Chine trois millions de
missionnaires; mais, s'il le faisait, Il saurait
bien les entretenir. Ayons toujours ce Dieu devant
nos yeux, afin que nous marchions dans Son chemin,
cherchant à Lui plaire et à Le
glorifier dans les grandes comme dans les petites
choses. Sur ce fondement, l'oeuvre de Dieu, faite
à la manière de Dieu, ne manquera
jamais des subsides de Dieu.
Ce qu'Hudson Taylor passait sous silence
est aussi significatif que ce qu'il disait. Il
n'était pas question d'établir un
comité. Il n'y avait pas d'appuis
auprès d'organisations ou de noms connus. La
direction de l'oeuvre devait être
assumée par son fondateur qui en
était le membre le plus
expérimenté et qui, semblable
à un général en service
commandé, se tenait avec ses troupes sur le
champ de bataille. Cela semble si naturel que l'on
ne réalise pas l'importance de cette
innovation et la précieuse contribution
qu'Hudson Taylor apportait en ceci, comme en tant
d'autres choses, au problème
missionnaire.
Il avait appris à ses
dépens combien un missionnaire peut souffrir
et combien une oeuvre est entravée,
compromise même, lorsqu'elle est sous un
contrôle d'individus qui, tout en
étant bien intentionnés, n'ont pas
une connaissance suffisante de la tâche et
des lieux où elle s'accomplit.
Il n'était pas question
d'aide financière ; il n'était pas
fait d'appel pressant. Il était simplement
donné l'adresse de M. Berger, comme
représentant de l'oeuvre en Angleterre. Les
paroles tranquilles de l'auteur créent une
impression de richesse plutôt que
d'indigence. « Quoique les besoins soient
grands, ils n'épuisent pas les ressources de
notre Père. »
Pas un mot, enfin, d'une protection
quelconque du gouvernement, ou de droits
appuyés sur les Traités. L'auteur
cite de nombreux cas où la protection divine
l'a préservé des dangers
inséparables d'une oeuvre de pionnier. Les
temps de péril furent toujours pour lui des
occasions d'éprouver la sollicitude de Celui
qui est un refuge plus assuré qu'un drapeau
étranger ou que le plus puissant vaisseau de
guerre.
Il peut susciter, Il suscitera des
ouvriers volontaires, qualifiés, pour toutes
les formes d'activité de notre oeuvre,
concluait-il. Tout ce que nous nous proposons de
faire est de nous reposer fermement sur la
fidélité de Celui qui nous a
appelés à cette tâche et,
obéissant à Son appel et nous
remettant à Sa puissance, d'élargir
la sphère de nos opérations pour la
gloire du Nom de Celui qui seul fait des choses
magnifiques. Si l'on nous demande :
"Êtes-vous sûr que l'intérieur
de la Chine, bien qu'avant grand besoin de
l'Évangile, soit accessible ? » Nous
répondrons par une autre question : «
Quand le Maître dit :
Allez ! le serviteur a-t-il le
droit d'élever des objections ? »
Toutes les difficultés ne sont-elles pas
résolues par le fait que toute Puissance Lui
a été donnée au ciel et sur la
terre et qu'Il est avec nous jusqu'à la fin
du monde ?...
Les difficultés et les
dangers seront grands. Mais
précisément ces difficultés,
et le sentiment de notre pauvreté et de
notre faiblesse, nous obligeront à nous
appuyer d'autant plus sur la force, la richesse, la
plénitude de Jésus. « Dans le
monde, vous aurez des tribulations, mais en Moi...
paix ! » Telle sera l'expérience de
ceux qui seront occupés dans ce travail. Si
c'est pour la gloire de Dieu, pour le bien de Son
oeuvre et pour les intérêts
véritables de ceux qui sont en cause, les
temps de danger et d'épreuve manifesteront
d'une manière toute spéciale Sa
puissance pour délivrer, et Sa grâce
soutiendra et sera suffisante pour le plus faible
de Ses serviteurs dans le combat...
Si des hommes
dévoués et décidés
d'obéir à Dieu sont trouvés,
il n'y a pas de raison de douter que Dieu ne leur
soit fidèle. Il ouvrira une porte devant
eux, et Il les estimera plus que les passereaux et
les lis qu'Il revêt et nourrit. Il sera avec
eux dans les périls, dans les
difficultés, dans les perplexités.
Ils peuvent être faibles, mais Il agira en
puissance par leur moyen. S'ils jettent leur pain
sur les eaux, Sa Parole ne retournera pas à
Lui sans effet. Il agira selon Son bon
plaisir et les fera
prospérer dans les choses pour lesquelles Il
les a envoyés. C'est sur nos Eben-Ezer
passés que nous bâtissons nos
Jehovah-Jireh. « Ceux qui connaissent Ton Nom
mettront leur confiance en Toi.
»
Une telle foi, si pratique, et si
dépourvue de calcul humain, devait remuer
fortement les coeurs. Terminé vers la
mi-octobre, le manuscrit fut d'abord soumis
à M. et Mme Berger. « Le Seigneur a
permis qu'ils y prissent intérêt
», lisons-nous dans le journal d'Hudson
Taylor.
Cet intérêt se
manifesta immédiatement d'une façon
pratique. M. Berger pourvut aux frais de cette
publication et fit toute diligence afin qu'elle
fût prête pour la Convention de Mildmay
qui devait avoir lieu dix jours plus tard. Elle put
en effet y être distribuée dès
le début aux centaines de chrétiens
qui venaient là pour vivifier leur
piété et chercher une communion plus
intime avec Dieu.
Rares assurément furent les
participants à ces réunions qui s'en
retournèrent chez eux sans éprouver
un sentiment plus vif de leur responsabilité
envers la Chine.
Pendant les semaines qui suivirent,
Hudson Taylor reçut de nombreuses lettres de
chaleureuse adhésion à l'oeuvre de la
Mission à l'Intérieur de la Chine.
Des offres de service vinrent de la part
d'étudiants, de commis de magasin,
d'artisans, etc., ainsi que beaucoup d'invitations
à faire des conférences. La
première édition de son ouvrage fut
épuisée en trois semaines.
J'ai été grandement
stimulé par la lecture de votre brochure,
lui écrivait Lord Radstock. J'espère
que le Saint-Esprit vous donnera encore des paroles
qui pousseront beaucoup d'ouvriers dans la moisson.
Cher frère, élargissez encore votre
ambition. Demandez cent ouvriers, et le Seigneur
vous les donnera.
Et un chèque de cent livres
accompagnait cette lettre, qui le réjouit
grandement, bien que la demande de cent ouvriers
dût sembler insensée en ce temps des
petits commencements.
En attendant, l'on préparait
l'envoi d'un groupe de dix ou douze missionnaires,
et les forces d'Hudson Taylor, accablé par
toutes sortes de devoirs, suffisaient à
peine à la tâche.
La révision marche bien,
écrivait-il à sa mère. Nous
avons fait une seconde édition de mon appel
pour la Chine. Je prépare un journal de
la Mission j'enseigne le chinois
à quatre élèves, j'ai des
réunions continuelles à
présider, et beaucoup de candidatures
à examiner... Demandez à Dieu avec
nous d'envoyer l'argent et les hommes
nécessaires et d'écarter ceux qui ne
sont pas appelés par Lui, car il y a
beaucoup d'offres.
Ce fut à ce moment qu'une
sérieuse maladie mit en danger Mme Taylor
qui dut subir une grave
opération.
Il est très solennel de
penser que notre bonheur domestique est
peut-être si près de sa fin,
écrivait-il alors à ses parents. Dieu
soit loué, elle se repose entièrement
sur Jésus. Demandez pour moi la grâce
de pouvoir dire en vérité : « Ta
volonté soit faite ! »
Trois semaines plus tard, sa
compagne bien-aimée lui était rendue.
Et il pouvait donner gloire à Dieu pour les
progrès réalisés depuis le
dimanche mémorable de Brighton. Outre les
huit collaborateurs déjà au travail
en Chine, vingt ou trente autres étaient
désireux de se joindre à la
Mission.
Au cercle grandissant des amis qui
priaient, Hudson Taylor écrivait
:
Oh ! combien nous avons besoin
d'être guidés par le Seigneur ! Nous
avons entrepris notre oeuvre en regardant à
Lui pour toutes choses. Il nous faut pour cela Sa
force. Pour Le bien servir, nous devons vivre tout
près de Lui.
Le 31 décembre fut mis
à part pour le jeûne et la
prière dans la maison de la rue de Coborn,
et cette journée termina dignement
l'année qui avait vu naître une
Mission si complètement dépendante de
Dieu.
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