HUDSON TAYLOR
TREIZIÈME PARTIE
MINISTÈRE
ÉLARGI
1887-1894
CHAPITRE 75
À toute créature
1889-1890
Dans ces mots « à toute
créature », Hudson Taylor voyait, non
un plan humain, mais un ordre divin. Il les
reçut comme un décret royal qui ne
supporte aucun retard. C'était une question
de devoir et il n'y avait pas de temps à
perdre. « Même si nous commençons
immédiatement, se disait-il tout à
nouveau, le coeur serré, des millions seront
morts avant que nous puissions les atteindre.
»
Mais que fallait-il commencer? un effort
précis, systématique pour faire ce
que le Maître a dit, porter la joyeuse
nouvelle du salut à tout
homme, femme et enfant, dans la Chine
entière.Visant à un but pratique, il
examina, non si l'essai devait être fait,
mais comment cette tâche pouvait être
accomplie. Tandis qu'il y
réfléchissait avec prière, il
en vint à voir qu'elle était
possible. Des armées de dizaines de milliers
d'hommes sont bien envoyées aux
extrémités du monde pour des
conquêtes matérielles ;
l'Église a à sa disposition des
ressources égales à ses
obligations.
Un million représente mille
milliers. Supposons mille
évangélistes, dont chacun aurait
à parler à deux cent cinquante
personnes chaque jour. En un millier de jours, deux
cent cinquante millions recevraient l'offre, de la
miséricorde divine. Sûrement, une
tâche qui, à ce taux-là,
pouvait s'accomplir en un peu plus de trois ans ne
devait pas être considérée
comme chimérique, ou comme dépassant
les ressources de l'Église de
Christ.
Bien des objections, il le savait,
pouvaient s'opposer à ce calcul. Serait-il
possible à un ouvrier d'atteindre, chaque
jour, deux cent cinquante personnes? Quel serait le
résultat d'un tel message? Hudson Taylor
n'oubliait pas ce qu'il avait accompli
lui-même, en particulier pendant les mois
où, avec le. Révérend Burns,
il avait fait cet effort systématique
d'évangélisation dans un milieu
où ne se trouvait aucun missionnaire. Il ne
leur avait pas paru difficile d'atteindre chaque
jour cinq cents ou mille personnes, en
prêchant dans les rues, en entrant dans les
boutiques avec des livres et des traités. Un
rendez-vous le soir, dans une maison de thé,
groupait ceux qui éprouvaient quelque
intérêt, et plus tard, au bateau, ceux
qui désiraient en savoir davantage et prier.
Quelle joie il avait eue dans cette
activité! Beaucoup avaient donné leur
coeur à Christ au premier message de l'amour
rédempteur.
De plus, son calcul omettait le concours
donné par les missionnaires - beaucoup plus
de mille - qui se trouvaient déjà en
Chine et l'inappréciable appui des
chrétiens indigènes. Or, ils
étaient au nombre de quarante mille et il
les avait vus à l'oeuvre suffisamment pour
savoir qu'ils étaient prêts à
diriger une pareille entreprise, aussi bien
qu'à s'associer à elle.
L'ordre du Seigneur n'était pas
seulement de prêcher l'Évangile
à toute créature, mais de baptiser et
d'instruire. De là, les écoles, les
Églises organisées et beaucoup
d'autres choses qui occupaient la grande
majorité des missionnaires. Hudson Taylor
le savait et nul plus que lui ne
désirait multiplier le nombre de ces
institutions. Il ne pensait pas à suspendre
ou à négliger l'oeuvre
commencée, il n'avait en vue que les grands
besoins restés encore sans réponse.
Et, d'ailleurs, mille ouvriers de plus ne,
pouvaient s'adonner, pendant cinq ans, à une
intense campagne d'évangélisation,
dans la Chine entière, sans se
préparer pour l'action sédentaire qui
lui succéderait certainement.
C'est ainsi que fut conçu et
parut dans le numéro de décembre du
China's Millions un article intitulé «
A toute créature ». Il demandait une
action immédiate dans le domaine accessible
à tout chrétien, celui de la
prière. Hudson Taylor ne cherchait pas
à déterminer la part que la Mission
à l'Intérieur de la Chine pouvait
prendre à ce mouvement d'extension. Seule
l'action combinée et simultanée de
toutes les sociétés pouvait mettre
sans retard mille évangélistes au
travail. Ses récentes visites en
Amérique lui démontraient que, de ce
côté-là de l'Océan, on
pourrait en trouver une bonne
moitié.
Même si les Églises s'y
refusaient, écrivait-il, n'y aurait-il pas,
en Europe, cinq cents ouvriers disposés
à partir à leurs propres frais ? Mais
pouvons-nous supposer que les épiscopaux
d'Angleterre, les presbytériens
d'Écosse et d'Irlande n'aient pas parmi eux
chacun cent hommes ou femmes prêts à
s'associer à cette glorieuse entreprise? Que
les méthodistes du Royaume Uni n'en
fournissent pas une autre centaine, ainsi que les
congrégationalistes et les baptistes? Nous
sommes assurés que les Etats-Unis et le
Canada ne resteront pas en arrière et
qu'ainsi les mille évangélistes
seront aisément trouvés. Comment
mener à bien un tel projet ? D'abord par une
prière fervente et pleine de foi.
C'était le plan que proposait notre Sauveur
: « La moisson est grande, mais il y a peu
d'ouvriers. Priez donc le maître de la
moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson.
»
Nous ne nous arrêterons pas sur
les suggestions pratiques qui suivaient : division
du champ de travail, méthode,
coopération de tous les ouvriers et
chrétiens chinois. Il ne s'agissait pas
simplement de présenter l'Évangile,
en passant, à ceux qui ne l'avaient jamais
entendu. Un village de mille habitants ne pourrait
arrêter les évangélistes
(travaillant à deux) que deux jours ; une
ville : quatre jours. Mais, beaucoup de ces villes
et de ces villages garderaient les missionnaires
pendant des mois, et les personnes touchées
auraient maintes occasions d'étudier le
Chemin de la Vie plus parfaitement. « S'il est
insuffisant de présenter
l'Évangile une fois, rappelait-il avec
énergie, combien est-il plus grave de ne pas
le présenter du tout! »
Hudson Taylor ne pensait pas seulement
à l'ordre du Maître il pensait aussi
à son exemple. Dès que l'ordre de
Christ : « à toute créature
» se fût imposé à lui, la
question avait surgi : « Où
pourrions-nous avoir, dans ce désert, assez
de pain pour rassasier une telle multitude! »
Plus il y réfléchissait, plus il
voyait qu'il y avait là le problème
tout entier et sa solution.
Tandis qu'il se rendait en Chine pour la
deuxième Conférence missionnaire
générale, il remerciait Dieu non
seulement de l'occasion qu'Il lui donnait ainsi de
délivrer Son message, mais du message
lui-même. Quel meilleur sujet pourrait-il
prendre, pour son discours d'ouverture, que le
Seigneur Lui-même en présence de la
multitude affamée?
Il avait l'habitude de se prêcher
premièrement ses sermons à
lui-même et celui-ci ne fit pas exception. Le
23 avril, il pouvait écrire qu'il
était « rafraîchi et
encouragé » par la préparation
de ce sermon. Il pouvait dire encore dans quelle
mesure le Rédempteur était ému
de compassion pour ces multitudes chinoises, brebis
qui n'ont point de berger, parce qu'il en avait
l'écho dans sa propre âme.
Je suis si heureux que ce fût
une multitude si grande que les disciples
estimaient impossible de la nourrir. Cependant ses
besoins étaient réels et pressants.
Remarquons que la seule présence des
disciples n'aurait pas suffi. Ils regrettaient de
n'avoir pas de pain... mais, Jésus
était là, et Sa présence
assurait la réalisation de Ses desseins.
Tous furent rassasiés et les disciples non
seulement repris et instruits, mais
enrichis.
Hudson Taylor insista avec une joie,
particulière sur le fait que pas plus la
multitude des gens à nourrir que la
pénurie des provisions n'offrent de
difficultés. Lorsque les disciples eurent
mis à la disposition du Maître ce
qu'ils avaient, Il le rendit suffisant et plus que
suffisant.
Les disciples étaient comme
nous : lents à comprendre, d'une faible foi,
aisément effrayés et
découragés; mais ils étaient
près de Jésus, à portée
de Sa voix, prêts à L'écouter
et à Lui obéir. Et notre
bien-aimé Maître ne se passa pas de
leurs services... Serait-il vrai que ce même
Jésus, maintenant assis sur le trône
de son Père, soit si merveilleusement uni
à nous et à nos frères et
soeurs de Chine qu'Il ne veuille rien faire sans
nous ? Que Lui, le vrai cep, ne veuille porter
ici -bas du fruit que par nous,
Ses sarments ? 0 mes frères, pouvons-nous
nous arrêter sur ces pensées sans que
nos coeurs brûlent au-dedans de nous
!
C'était en faveur de la
consécration qu'il plaidait ; de la pleine
et entière consécration de ce que
nous avons et de ce, que nous sommes à Celui
qui s'est donné Lui-même sans
réserve pour nous.
Sommes-nous, devant Lui, dans un
esprit d'entière consécration ? je ne
dis pas avec une foi forte, ni une intelligence
profonde, avec des talents naturels ou spirituels,
extraordinaires, je dis dans un esprit
d'entière consécration. Nous ne
savons pas ce que cela peut signifier, ce que cela
implique, mais nous n'avons pas besoin de le
savoir. Il le sait et cela nous suffit. Nous ne
pouvons nous aimer nous-même comme Il nous
aime, nous ne pouvons prendre soin de nous comme Il
le fait... En retour du peu que nous sommes, Il se
donnera Lui-même à
nous.
Puis, en face de ces besoins immenses,
Jésus rendit grâces. Il rendit
grâces pour les disciples qui Lui avaient
tout donné, pour le peuple qui allait
être nourri, pour l'exaucement de Sa
prière par Son Père qui devait
être glorifié dans Son Fils.
Rendons-nous toujours grâces pour nos
difficultés, demandait Hudson Taylor?
Voyons-nous en elles la sagesse et l'amour de Dieu
et une raison de réclamer davantage Sa
puissance et Son secours ?
Quand il fut enfin en présence de
son auditoire - ces hommes et ces femmes qui
représentaient toutes les
sociétés protestantes à
l'oeuvre en Chine - son coeur s'épancha
au-delà des limites du texte qu'il avait
préparé.
Si, en tant que Conférence
organisée, s'écria-t-il avec
conviction, nous nous décidions à
obéir pleinement à l'ordre du
Seigneur, nous recevrions une effusion de l'Esprit
telle que le monde n'en a pas reçue de
pareille depuis celle de Jérusalem. Dieu
donne Son Esprit non pas à ceux qui
soupirent après Lui, mais à ceux qui
Lui obéissent. Si nous étions
résolus à ce que chaque ville, chaque
village, chaque hameau de ce pays
reçût l'Évangile, je crois que
le Saint-Esprit descendrait sur nous avec une telle
puissance que les ressources nécessaires
jailliraient de tous
côtés...
... Il n'y a pas de bornes
à Ses ressources. La pauvreté entre
Ses mains est la plus grande richesse. La question
des ressources ne se pose pas pour quiconque veut
suivre le Maître et faire Sa
volonté.
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