LA PALESTINE AU TEMPS DE
JÉSUS-CHRIST
Une cinquième
édition de ce livre est devenue
nécessaire. n'ai rien à ajouter aux
préfaces de la première et' de ici
troisième édition . J'informe
seulement le lecteur que j'ai de nouveau revu avec
soin l'ouvrage tout entier et que j'y ai fait
encore un certain nombre de corrections et
d'additions.
E. S.
Paris, mars
1892.
PREFACE
La deuxième
édition de ce livre n'était que la
reproduction de la première. La
troisième, que je publie aujourd'hui, a
été revue avec soin. J'ai
corrigé un certain nombre d'inexactitudes de
détail et tenu grand compte des critiques
qui m'ont été faites par la voie des
journaux. Je suis heureux de pouvoir remercier ici
publiquement les auteurs des articles qui ont
annoncé cet ouvrage. Le plus sympathique et
le plus bienveillant accueil lui a
été fait par la presse de toutes les
nuances. Chacun a compris que je n'avais pas voulu
faire une oeuvre de parti, mais simplement
écrire un livre d'histoire. Je puis dire que
j'ai composé ce livre avec une
entière bonne foi et une grande
sincérité. J'ai voulu servir la cause
de la vérité, persuadé
d'avance qu'il n'y avait pas de meilleur moyen de
servir la cause du christianisme. Je me suis donc
borné à observer des faits, à
les recueillir et à les enregistrer avec
toute l'exactitude dont j'ai été
capable, laissant au lecteur le soin de tirer les
conclusions qui s'imposent d'elles-mêmes
à tout esprit droit et non prévenu.
Je suis très reconnaissant envers tous ceux
qui ont bien voulu attirer mon attention sur 'des
erreurs de faits. J'ai corrigé toutes celles
qui m'ont été indiquées et que
j'ai reconnues, et je remercie d'avance ceux qui
voudront bien m'en signaler encore. Si, parmi les
faits que j'ai notés, il en est que
quelques-uns déplorent, soit parce qu'ils
renversent des idées reçues, soit, au
contraire, parce qu'ils les confirment, je
demanderai simplement à ces personnes de me
prouver que ces faits sont faux; mais quand un fait
de l'histoire a été reconnu exact; il
n'y a qu'une chose à faire : l'accepter et
prendre son parti des conséquences qu'il
entraîne.
Il est cependant une
de mes conclusions que je n'ai pu m'empêcher
d'indiquer parce qu'elle s'est imposée
à moi avec une force croissante à
mesure que j'avançais dans mon travail et je
l'ai donnée sous forme d'appendice dans mon
dernier chapitre. Je la résume ici d'un mot
: - Jésus-Christ n'a pas été
produit par son milieu ; son apparition est un
miracle; il venait de Dieu; - et il arrive alors
qu'un livre d'histoire, un ouvrage qui n'est qu'un
recueil d'observations archéologiques se
trouve, par la force invincible des faits, servir
la cause de' l'apologétique
chrétienne. On m'a bien dit que mon dernier
chapitre est insuffisant, qu'il aurait fallu ne pas
l'écrire ou traiter plus complètement
la question du Christ. J'ai le regret de ne pouvoir
accepter cette critique, car, je viens de le dire,
ce chapitre s'est imposé à moi, il
m'est apparu comme le dénouement naturel de
mon livre. Mais, je l'avoue volontiers, ce qui
s'imposait aussi et ce qui s'impose encore à
moi, ce n'est pas un chapitre sur le Christ, c'est
une étude complète de son
enseignement, de sa personne, de son oeuvre,
écrite dans l'esprit du présent
ouvrage et suivant la méthode strictement
historique.
Ce serait un nouveau
livre et, dans ce sens, le dernier chapitre du
travail actuel est, sans aucun doute, .incomplet :
il n'est qu'un point de départ, le
commencement du volume où je parlerais
surtout de Jésus. Peut-être
l'écrirai-je un jour et, alors, je
chercherai à dire, moi aussi après
tant d'autres, en plaçant le Christ dans son
milieu, ce qu'il a été, lui, dans ce
siècle d'une importance sans
égale.
Un mot encore sur les
sources où j'ai puisé. On a
été surpris que je n'eusse pas
compris Philon au nombre des auteurs à
consulter sur la Palestine du premier
siècle. Cette omission a été
de ma part tout intentionnelle. Philon était
juif assurément ; il est né avant
Jésus-Christ et il est mort après
lui. A l'heure même où le Christ
prononçait le sermon sur la montagne, le
théosophe alexandrin écrivait ses
plus curieux traités. Je sais qu'il est
allé à Jérusalem, je sais
qu'il a parlé du Temple; mais c'est tout, et
nul n'ignore qu'Alexandrie et Jérusalem se
voyaient de fort mauvais oeil au commencement du
premier siècle. Les Alexandrins en
séjour dans la Ville sainte faisaient bande
à part; si la philosophie alexandrine
était connue d'un certain nombre de
Palestiniens, je suis persuadé que les
Pharisiens lui étaient, dans leur ensemble,
très hostiles. Les deux grands centres juifs
d'Alexandrie et de Jérusalem n'avaient pas
encore fait alliance et si les traités de
Philon avaient été portés
à la Ville sainte pendant la vie de
Jésus, s'ils avaient été mis
entre les mains de Gamaliel, celui-ci aurait
crié au scandale. Je persiste donc à
penser que les écrits de Philon ne sont pas
à considérer comme une des sources du
livre que j'ai essayé
d'écrire.
E. S.
Paris, mai
1885.
.
PREFACE DE LA
PREMIÈRE ÉDITIOIN
Ce volume se compose d'une
série d'études sur la vie sociale et
religieuse des Juifs du premier siècle et
continue l'ouvrage que j'ai fait paraître en
1876 (1) ; mon but., en le publiant, est de
faciliter l'intelligence des
Evangiles.
Je ne connais pas de
livre français racontant ce que les
Allemands appellent die neutestamentliche
Zeitgeschichle l'histoire contemporaine du Nouveau
Testament; j'essaie de combler cette lacune de
notre littérature théologique. Ai-je
besoin d'insister sur le puissant
intérêt d'une étude de la
société au sein de laquelle
Jésus a grandi et vécu? Le premier
siècle de notre ère a. va s'accomplir
le plus grand fait de l'histoire du monde: le
christianisme, religion universelle et
définitive, y est né et a
commencé à se substituer aux cultes
nationaux et transitoires dont les hommes
s'étaient jusque-là contentés.
Il a succédé avant tout au
Judaïsme, religion essentiellement nationale.
Celui-ci l'a enfanté, et on peut dire que ce
laborieux travail lui a coûté la vie.
L'enfant a tué sa mère en venant au
monde. Saint Paul, en particulier, a porté
à la religion de ses pères des coups
mortels dont elle ne pouvait pas se relever. Elle a
succombé au premier siècle, mais les
Pharisiens et les Docteurs de la loi sont parvenus
à embaumer son cadavre. Grâce à
leurs gigantesques efforts, le Judaïsme a
traversé les âges; il subsiste encore
à l'état de momie. Les Talmudistes
ont pratiqué l'embaumement et, après
dix-huit cents ans écoulés,,' nous
avons sous les yeux le spectacle étrange de
cette momie. Elle est bien morte, comme toutes les
momies ; mais elle est merveilleusement
conservée. Or, c'est
précisément à l'époque
de Jésus-Christ que la vie religieuse du
Judaïsme expirant a commencé de prendre
ces formes arrêtées et
définitives qui semblent devoir ne passer
jamais. La nation juive a disparu, mais sa
nationalité même se perpétue au
milieu des plus étonnantes
péripéties, des plus effroyables
bouleversements; le culte mosaïque a disparu,
mais la Synagogue en éternise le souvenir;
le Pharisaïsme a disparu, mais
l'Israélite de nos jours descend en droite
ligne des Pharisiens. Ce fait est unique dans les
fastes de l'humanité et la
vérité de la parole du chapelain de
Frédéric Il s'impose à nous.
Comme le roi libre penseur lui demandait de prouver
d'un seul mot l'action de Dieu dans l'histoire, il
répondit : Sire, les Juifs !
|