LA PALESTINE AU TEMPS DE
JÉSUS-CHRIST
CHAPITRE
PREMIER
LA GÉOGRAPHIE DES
ÉVANGILES (Suite)
La
Pérée. - Machéronte.
- La Décapole. -
Césarée de Philippe. -
Bethsaïde Julias.
La Samarie -
Sichem. - Le puits de
Jacob.
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LA
PÉRÉE
La Pérée n'est
pas nommée dans les Evangiles, nous n'avons
donc presque rien à en dire. Elle faisait
partie de la tétrarchie d'Antipas.
C'était une province insoumise occupant tout
le territoire de la rive orientale du Jourdain,
stérile et fort peu peuplée
(1). Josèphe nous indique ses
limites : « Elle s'étend en longueur de
Machoerous à Pella et en largeur de
Philadelphie au Jourdain
(2) », mais on ne sait où
placer Pella (3), qui était une
forteresse.
Machoerous ou
Macheronte est mieux connu; c'était un
énorme château-fort situé
à soixante stades du Jourdain sur des
rochers de basalte d'une effrayante hauteur. Cette
forteresse avait été bâtie par
Alexandre Jannée, puis rasée par
Gabinius et relevée par Hérode. Elle
avait des murailles de cent vingt coudées,
des créneaux et des tours; dans
l'intérieur, des appartements royaux
qu'Antipas venait quelquefois habiter et,
au-dessous, des souterrains qui servaient de
prison. La vue que l'on avait du sommet des tours
était merveilleuse; au Sud, les contours de
la mer Morte, avec Engaddi et Hébron, puis,
en remontant à l'Ouest, les monts de la
Judée au milieu desquels se détachait
Jérusalem dont on apercevait le palais
d'Hérode, et le Temple dominé par
l'énorme tour Antonia; à droite
Jéricho et sa forêt de palmiers
toujours verts, puis le Jourdain dont le ruban d'un
bleu grisâtre se déroulait sur la
plaine. Lorsque Antipas revint de Rome emmenant
Hérodiade, la femme de Philippe son
frère, il répudia, pour
l'épouser, la fille d'Arétas, roi des
Arabes. Celui-ci lui déclara la guerre et,
pour la soutenir, Antipas dut venir habiter son
palais de Machoerous. C'est alors que se passa le
drame horrible de la mort de
Jean-Baptiste.
Les murs de
Machoerous ont été découverts
en 1807 par Seetzen (4).
Il ne nous
reste plus à nommer que la Décapole
(5). C'était une
confédération de dix villes, dont
voici les noms d'après Pline
(6) : Damas. Philadelphie, Raphana,
Skhytopolis, Gadara, Hippos, Dion, Pella, Gelasa
(pour Gerasa) et Camatha. Du reste Pline
lui-même n'est pas certain de les citer
exactement. La seule de ces villes qui soit
nommée dans les Evangiles, Gadara,
était, dit Josèphe, la plus forte
métropole de la Pérée
(7).
Le mot
Pérée (traduction grecque de
l'hébreu Eber, au delà) avait souvent
une signification plus large encore que celle que
nous lui avons donnée ; on s'en servait pour
désigner tout le pays situé à
l'est du Jourdain et alors il comprenait aussi les
provinces de la tétrarchie de Philippe : la
Trachonitide, la Gaulanitide, l'Auranitide, la
Batanée. Nous avons dit que nous ne
décririons pas ces provinces qui n'ont
joué aucun rôle dans l'histoire
évangélique. Nous mentionnerons
seulement
Césarée de
Philippe, appelée d'abord Panaeas (en
l'honneur du dieu Pan). Un bois et une grotte, la
grotte de Panium, lui étaient
consacrés. Hérode avait bâti
auprès un temple, en l'honneur d'Auguste, et
c'est Philippe, son fils, qui, en agrandissant la
ville, changea son nom en celui de
Césarée. On y ajoutait ordinairement
les mots « de Philippe »
(8) pour la distinguer de la. grande
ville de Césarée en Judée.,
résidence du procurateur. Il en est de
même d'une certaine ville de
Bethsaïde que Philippe
avait surnommée Julias
(9), en l'honneur de Julie, fille
d'Auguste, et qu'il ne faut pas confondre avec le
petit village de Bethsaïde, dont l'emplacement
est inconnu (10).
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LA SAMARIE
Les Samaritains sont souvent
nommés dans l'Evangile. Nous parlerons de
leur origine et de leurs costumes dans un chapitre
spécial sur la population de la Palestine au
premier siècle
(11). Ici nous nous bornerons à
quelques détails géographiques
indispensables à l'intelligence des livres
saints.
La Samarie,
enclavée entre la Judée et la
Galilée, était plus petite qu'elles.
Son territoire ne s'étendait même pas
jusqu'à la mer, car toute la côte
à partir du Carmel appartenait à la
Judée. Aussi les Galiléens qui se
rendaient à Jérusalem prenaient-ils
volontiers soit le chemin qui longeait la mer, soit
la rive opposée du Jourdain. ils
évitaient ainsi de traverser un territoire
où ils étaient exposés aux
insultes des habitants. La Samarie tirait son nom
de sa capitale : Samarie
(12). Cette ville avait été
bâtie par Omri, roi d'Israël, sur une
Colline (13) qu'il avait achetée d'un
certain Schemer dont elle a conservé le nom;
Salmanasar ]'avait détruite. Elle fut
reconstruite; mais Jean Hyrcan la détruisit
encore. Enfin, Gabinius, légat
impérial de Syrie, la fit rebâtir, et,
sous Hérode le Grand, elle était
florissante. Ce prince y fit bâtir un temple
en l'honneur d'Auguste et changea son nom en celui
de Sébaste (mot grec, en latin Augusta)
qu'elle porte encore (Sebustieh).
Sichem
(aujourd'hui Nablous) a pour nous plus
d'intérêt que Samarie. C'était
une fort ancienne ville construite dans une
vallée. Le mont Ebal est au Nord et le
fameux Garizim au Sud. L'Evangile de Jean l'appelle
Sychar (14) c'est un terme ironique qui signifie
ivresse; on ne le trouve que là ; il nous
parait être un de ces sobriquets
inventés par les Juifs qui
défiguraient les noms samaritains et, par
mépris, les tournaient en ridicule. La ville
moderne, Naplouse (Néapolis, ville nouvelle)
n'est pas bâtie exactement sur l'emplacement
de Sichem, mais a côté. Il en
était déjà ainsi du temps de
saint Jérôme. Près de là
est le puits de Jacob, presque
entièrement comblé aujourd'hui
(15). Si à Nazareth, à
Jéricho, à Bethléem, les
souvenirs du premier siècle sont encore
vivants, il n'en est pas de même au puits de
Jacob. Cette fontaine, immortalisée par
l'entretien de Jésus avec la Samaritaine,
n'est plus qu'un trou sans profondeur au milieu
d'un champ; l'emplacement en parait bien
authentique, mais l'authenticité n'est pas
tout. Il faut des ruines, des pierres au moins,
quelque chose qui rappelle le passé, qui
permette à l'imagination de le reconstruire.
Au puits de Jacob, il n'y a rien
(16), et pour y retrouver Jésus et
l'y entendre, il faut se rappeler que
d'après les paroles mêmes qu'il y a
prononcées, on ne doit pas plus adorer
près du puits qu'ailleurs, il faut se
rappeler que le culte qu'il a fondé au bord
de cette fontaine, est un culte « en esprit et
en vérité ».
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