LA PALESTINE AU TEMPS DE
JÉSUS-CHRIST
LIVRE SECOND - LA VIE
RELIGIEUSE
CHAPITRE
III
LES DOCTEURS DE LA LOI. - LA MAISON
D'ÉCOLE
Origine des Scribes. - Leurs
fonctions diverses. - Leurs
interprétations de la Loi. - La
halacha. - L'agada. - La maison
d'école. - Les disputes. - Les
paraboles. - L'autorité des Rabbis.
- Les devoirs des disciples. - Les
fonctions des docteurs sont gratuites. -
La tradition passe avant la Loi et le
Scribe avant le prophète.
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Le Nouveau Testament parle souvent, outre
les Pharisiens et les Saducéens, de certains
personnages qu'il appelle les « Scribes »
ou les « Docteurs de la Loi ». Il ne
s'agit plus ici d'une tendance religieuse, d'un
parti au sein de la nation, mais simplement d'une
fonction.
Les Scribes (Sopherim
(1)) sont
nommés plusieurs lois dans l'Ancien
Testament, même dans les livres
antérieurs à l'exil
(2). Ils
étaient chargés, à cette
époque reculée, d'écrire sur
les rouleaux sacrés le texte de la Loi et de
veiller à sa conservation. Mais les passages
que nous venons d'indiquer leur supposent aussi des
fonctions plus importantes et des pouvoirs plus
étendus.
En effet, ayant pour mission
d'écrire le texte, ils l'étudiaient,
le commentaient, et on comprend que, peu à
peu, ils aient pris une grande influence et soient
devenus « Docteurs de la Loi »
(Tannaïm). Esdras, qui était Scribe
lui-même
(3) et
qui fut le restaurateur de la
Thorah, contribua sans doute beaucoup à leur
donner de l'importance
(4).
Il est probable qu'au premier
siècle, le titre un peu
général de Scribe était
employé dans un certain nombre d'acceptions
diverses. Les Talmuds lui donnent plusieurs sens.
Quelquefois le Scribe est simplement le
lettré, par opposition à
l'illettré
(5). Ailleurs, ce
nom est donné à ceux qui enseignent
la jeunesse ou qui rédigent certains actes,
par exemple, la lettre de divorce
(6).
Les Scribes remplissaient leurs
fonctions les plus importantes dans le
Sanhédrin, à la synagogue et à
la maison d'école (Beth ha Midrasch)
(7). Ils
assistaient aux séances, soit du grand
Sanhédrin de Jérusalem, soit des
Sanhédrins provinciaux, sans être
nécessairement membres de ces
assemblées
(8), mais pour
être consultés comme experts dans les
questions difficiles.
A la synagogue, ils lisaient le texte et
le traduisaient en langue vulgaire (Micra) ; ils
exposaient les traditions et en montraient
l'application (Mischna) ; enfin ils donnaient de
l'Ecriture une explication mystique et
allégorique (Midras)
(9). A la maison
d'école, ils remplissaient les mêmes
fonctions, avec cette différence qu'ici ils
se préoccupaient, davantage d'instruire et
là d'édifier.
L'exégèse édifiante
de la synagogue, où l'imagination du Scribe
pouvait se donner libre carrière, s'appelait
Agada. Celle de la maison d'école, qui
était purement juridique, s'appelait,
halacha. Nous avons déjà
distingué dans notre introduction ces deux
sortes d'enseignement.
Il est probable que, parmi les Scribes,
les uns étaient plus propres à
édifier et les autres à instruire, et
qu'ils se divisaient d'eux-mêmes en juristes
et en prédicateurs.
Ceux-ci étaient parfois plus
fantaisistes encore que les juristes. Leurs
explications, soi-disant édifiantes,
étaient souvent burlesques t force
d'étrangeté. Le sens simple de
l'Ecriture ne leur suffisait pas. Ils avaient
imaginé trois autres sens :
- 1° Rémès,
c'est-à-dire l'interprétation qui
donnait, non seulement à un mot, mais
à une lettre le sens d'une phrase
entière;
- 2° Derousch, le sens pratique,
édifiant ;
- 3° Sod, le mystérieux, le secret
théosophique sur la création, les
anges, etc.
Hillel avait donné les sept règles
de la Halacha ; nous les avons
énumérées. On voulut donner
aussi les règles de l'Agada.
Rabbi Eliézer s'en chargea et en
trouva trente-deux. Il ne vaut pas la peine d'en
parler. Si celles d'Hillel offrent, encore quelque
intérêt, celles de R. Eliézer
sont absolument insensées. Citons une seule
de ces absurdités : on pouvait, dans la
Sainte Écriture, remplacer un mot quelconque
par un autre, pourvu qu'il eût la même
valeur numérique; par exemple, on
était choqué de
lire dans la Loi
(10) que
Moïse avait épousé une «
Éthiopienne ». Alors on
remplaçait le mot Kouchite
(Éthiopienne) par les mots Jephath
Maréh (Belle à voir). En effet, l'une
comme l'autre de ces expressions donne en chiffres
le nombre 738
(11).
Les premiers chrétiens ont
pratiqué ces sortes de calculs. L'auteur de
l'épître de Barnabas
(12) conclut
des 318 serviteurs d'Abraham que ce patriarche
songeait déjà à la croix de
Jésus-Christ. En effet, le nombre 18
s'écrit IH. C'est le nom de Jésus et
300 s'écrit T, ce qui représente la
croix
(13).
L'auteur de l'Apocalypse donne une
énigme de ce genre à deviner à
ses lecteurs, en leur proposant le chiffre 666.
Nous avons aussi des exemples
d'exégèse haggadique dans le Nouveau
Testament
(14).
Les Pères de l'Eglise
raisonnèrent souvent de la même
manière, et plus tard la Cabale ne sera pas
autre chose que le développement des
principes haggadiques posés dès le
premier siècle par les Docteurs de la
Loi.
C'était la maison d'école
qui était le véritable centre
d'enseignement des Scribes. Es s'y trouvaient dans
leur élément favori,
l'interprétation juridique de la Loi, et y
donnaient de vrais cours de casuistique
(15). On s'y
réunissait d'ordinaire le jour du sabbat,
après le service de la synagogue. Cette
maison d'école pouvait être un
bâtiment spécial affecté
à l'enseignement. Elle pouvait aussi se
tenir en plein air. A Jérusalem, le parvis
du Temple ou quelque salle intérieure de
l'édifice en tenait lieu journellement. Nous
avons vu Hillel s'instruire dans l'école de
Schemaïa et d'Abtalion. Lui-même ouvrit
certainement une école
rivale de celle de Schammaï et la laissa
à ses successeurs. Son fils Siméon,
son petit-fils Gamaliel y enseignèrent. Saul
de Tarse grandit précisément dans
celle de Gamaliel. C'est à l'école,
en effet, que le jeune Scribe se formait à
la discussion et recevait, après avoir fait
ses preuves, l'horaah ou droit d'enseigner.
Les auditeurs se tenaient debout ou
s'asseyaient à terre
(16). Le
maître était dans une chaire ou sur un
siège élevé
(17).
Les discussions de la maison
d'école dégénéraient
souvent en disputes, et les Scribes qui
étaient aux prises en venaient d'autant plus
facilement aux outrages qu'aucune loi ne punissait
l'insulteur. Du reste, le Juif n'a jamais su
discuter froidement. Jésus s'est
élevé contre ce débordement
d'injures auquel tout le monde se laissait aller de
son temps (18).
Les accusations de folie, d'ineptie,
d'imbécillité étaient
fréquentes; le mot Raca, sans cesse
prononcé
(19). Nous
avons peine à nous faire une idée de
l'âpreté de ces querelles et des
sentiments de haine que les adversaires
nourrissaient les uns contre les autres. Cette
haine était entretenue par la fièvre
des esprits et l'agitation constante du peuple
arrivant peu à peu au paroxysme de
l'exaspération contre l'étranger. Les
Hillélistes et les Schimmaïstes furent
entre eux plus acharnés encore que les
Pharisiens et les Saducéens.
Ceux-ci devenaient fort étrangers
les uns aux autres. L'opposition, entre eux de plus
en plus tranchée, les séparait
toujours davantage. Pour combattre il faut un
terrain commun, et les Saducéens,
enfermés dans le Temple, voyaient de moins
en moins les Pharisiens confinés, de leur
côté, dans les écoles. Ceux-ci
alors se tournaient les uns contre les
autres. Les simples nuances qui
séparaient les partisans de Hillel de ceux
de Schammaï créaient entre eux des
scissions beaucoup plus profondes que s'ils avaient
en toutes choses pensé différemment.
L'Hilléliste méprisait le
Saducéen, devenu presque infidèle. Il
ne lui semblait plus même mériter
d'être discuté; mais le
Schammaïste qui, a ses yeux, était
encore fidèle, mais égaré, lui
paraissait bien autrement dangereux. Il nous est
parlé d'un jour où les
Hillélistes et les Schammaïstes en
vinrent aux mains : « Ce jour fut sinistre,
dit un des Talmuds
(20), comme
celui où fut fait le veau d'or. Les
Schammaïstes tuèrent quelques-uns des
Hillélistes ». Un adage disait : «
Elie le Thisbite lui-même ne pourrait apaiser
les discordes des disciples de Hillel et de ceux de
Schammaï. »
Il faut remarquer aussi l'absence
complète chez les Juifs du premier
siècle de ce que nous appelons l'esprit.
C'est un des traits distinctifs de ce peuple. Les
Talmuds ne nous citent pas une repartie heureuse,
pas un trait plaisant, pas un mot spirituel
prononcé par les Rabbis
(21). Il en est
ainsi des nations et des familles chez lesquelles
la préoccupation religieuse prime toutes les
autres et prend un caractère
exclusif.
Le docteur de la Loi était
toujours entier dans ses appréciations,
implacable dans ses jugements, absolu dans ses
critiques. Son intelligence était
étroite, son caractère raide, son
orgueil insupportable et cette impossibilité
de saisir les nuances, lui a laissé partout
dans les documents qui nous ont été
conservés quelque chose de lourd et de
déplaisant.
Le docteur, du haut de la chaire,
murmurait son enseignement à l'oreille d'un
interprète, qui ensuite le
répétait à haute voix à
toute l'assemblée
(22). Cette
singulière habitude nous
explique la parole de
Jésus: « Ce que je vous dis à
l'oreille, prêchez-le sur les toits
(23).
»
L'enseignement se faisait souvent en
paraboles (24).
Il nous est dit de R. Meir: « Le tiers de son
enseignement était la tradition, le tiers
des allégories, le tiers des paraboles.
» Nous citerons ici une de ces paraboles qui
offre une ressemblance frappante avec une de celles
de Jésus
(25) : « A
qui comparerons-nous R. Bon Bar Chajia ? Il est
semblable à un Roi qui avait engagé
plusieurs ouvriers. Parmi eux, il y en avait un qui
s'acquitta de son travail d'une manière
remarquable. Que fit le Roi? Il le prit avec lui et
se promena çà et là avec lui.
Le soir venu, les autres ouvriers vinrent pour
recevoir leur salaire, et le Roi donna à
celui-ci la même somme qu'à
ceux-là. Un des ouvriers murmurant disait:
Nous avons péniblement travaillé tout
le jour et celui-ci n'a travaillé que deux
heures, et tu lui donnes le même salaire
qu'à nous. Le Roi 'lui répondit: Il a
plus travaillé en deux heures que vous en
toute une journée. De même R. Bon a
plus étudié la Loi en vingt huit ans
qu'un autre en cent ans
(26). »
Voici encore une de ces similitudes : « On
peut faire une comparaison avec un Roi qui avait
une vigne et qui avait trois ennemis. Que firent
ces ennemis ? Le premier coupa les rameaux ; le
second foula aux pieds les grappes ; le
troisième arracha les ceps. Ce Roi est le
Roi des rois, le Seigneur béni. La vigne du
Seigneur est la maison d'Israël les trois
ennemis sont Pharaon, Nébuchadnezar et Haman
(27).
»
Les docteurs de la Loi
possédaient sur leurs disciples un empire
absolu. Leur autorité, qui n'avait aucun
caractère officiel comme celle des
prêtres, était en
réalité beaucoup plus grande. Avant
Hillel, ils ne portaient aucun titre
spécial, mais, depuis ce docteur, on ne les
nommait jamais sans faire
précéder leur nom du mot Rabbi, dont
nous avons fait Rabbin.
« Ils aiment à être
appelés Rabbis, Rabbis
(28) »,
disait Jésus. Un disciple, en effet, ne se
serait jamais permis de saluer autrement son
maître
(29); et, entre
eux, ils se désignaient aussi par ce titre
(30). Rabbi
signifie: mon maître. Le mot Rab est un
adjectif qui a le sens de grand ; employé
substantivement il veut dire : le prince, le
seigneur, le maître. On trouve aussi la forme
Rabban (31).
Rabboni (32),
dans le Nouveau Testament, n'est que la forme
Rabban avec suffixe. Dans l'usage ordinaire, le
suffixe de Rabbi perdit sa signification
grammaticale ; le mot fut employé dans le
même sens que Monsieur en français qui
est dérivé de mon et de
seigneur.
Il est remarquable que nulle part dans
les Talmuds nous ne trouvions l'expression : Bon
maître, employée par le jeune riche et
repoussée par Jésus
(33).
Souvent le maître donnait un
baiser à son disciple, le disciple en
donnait rarement un à son maître
(34).
Les Rabbis prétendaient passer
dans le respect et l'affection de leurs disciples
avant leur père et leur mère, «
Le respect de ton maître, disaient-ils,
touche au respect de Dieu
(35). »
« Si le père et le maître de
quelqu'un ont chacun perdu quelque chose, la perte
faite par le maître doit passer avant
l'autre, et son disciple doit l'aider à
retrouver ce qu'il a perdu. Car son père ne
lui est utile que pour cette vie, son maître
lui enseigne la sagesse et lui est utile pour le
monde à venir ; mais si
son père est lui-même docteur, alors
la perte qu'il a faite doit passer la
première. Si le père et le
maître de quelqu'un portent chacun des
fardeaux, il faut secourir son maître avant
son père. Si le père et le
maître sont en prison, il faut d'abord
racheter son maître et ensuite son
père, mais si le père est
lui-même docteur, alors il passe le premier
(36).
»
Partout les Rabbis s'adjugeaient la
première place. Ils la prenaient
d'eux-mêmes dans les repas auxquels ils
étaient conviés. A la synagogue, ils
s'asseyaient au premier rang et dans les rues, se
faisaient saluer jusqu'à terre par leurs
disciples
(37).
Ce prestige se comprend lorsqu'on se
souvient que ces docteurs réunissaient dans
leur enseignement toute la science connue de leur
temps. On peut dire qu'ils étaient à
la fois avocats, pasteurs, médecins,
docteurs ès sciences, docteurs
ès-lettres, docteurs en droit et surtout en
théologie.
Ils exigeaient de leurs
élèves :
- 1° une mémoire fidèle
- 2° qu'ils n'ajoutassent rien à
ce qui leur était enseigné.
« R. Dostaï, fils de Janaï,
disait au nom de R. Méir: « Celui qui
oublie quelques parties de ce qu'il a appris, cause
sa perte (38).
» « Chacun a pour devoir d'enseigner avec
les mots mêmes dont s'est servi son
maître
(39), » et
le plus grand éloge qu'on pût
£aire d'un disciple était celui-ci :
« Il est comme une citerne enduite de ciment
qui ne perd pas une goutte de ses eaux
(40). »
Cette préoccupation exclusive nous fait
comprendre comment les disciples de Jésus
ont pu retenir de mémoire
ses enseignements et nous les
rapporter avec une si étonnante
fidélité.
Les fonctions de Docteur de la Loi
étaient gratuites. Hillel insistait
particulièrement sur la
nécessité de ne pas enseigner la Loi
dans un esprit mercenaire. « Celui qui se sert
de la couronne comme d'un outil passe bientôt
(41). »
Nous avons raconté que ce docteur, dans sa
jeunesse, ne pouvait payer la rétribution
scolaire exigée par Schemmaïa et
Abtalion. Il est permis de douter de
l'authenticité de cette tradition ; car les
preuves de l'absolue gratuité de
l'enseignement rabbinique abondent. « Si
quelqu'un accepte un prix pour rendre la justice,
son jugement est sans valeur. » « Un
témoignage payé est sans valeur
(42). »
Nous savons avec quel soin saint Paul conservait
sur ce point la tradition reçue et comme il
tenait à évangéliser
gratuitement.
Peut-être l'usage de payer une
rétribution scolaire existât-il
jusqu'à Hillel et fut-il aboli par lui,
précisément parce qu'il avait eu
à en souffrir. L'hypothèse est
plausible, mais nous n'avons aucun texte à
citer à l'appui.
La plupart des Rabbins avaient un
état qui leur permettait de gagner leur vie
(43); nous
avons dit que Hillel était fendeur de bois
(44).
Il ne fallait jamais faire passer son
métier avant la science. Déjà
le Siracide recommande de ne pas se donner
exclusivement à un travail manuel et prise
la bénédiction attachée
à l'étude de la Loi
(45). Rabbi
Méir disait « Donne-toi peu à
ton métier et occupe-toi beaucoup de la Loi
(46) », et
Hillel lui-même : « Celui qui s'adonne
trop au travail manuel ne deviendra pas Sage.
(47) »
Mais nous ne devons pas croire au
désintéressement
des Scribes. « Ils
dévorent les maisons des veuves, disait
Jésus-Christ, en affectant de faire de
longues prières
(48) » ;
les Pharisiens sont « amis de l'argent
(49) ».
«Ils font tout pour être vus
(50).
»
Nous avons parlé de
l'autorité dont jouissaient les Scribes. Il
est certain que leur orgueil, leur formalisme, leur
affectation en imposaient beaucoup. A la longue,
ils avaient pris dans le respect universel la place
du prêtre. Ce n'était plus le Cohen
que l'on allait consulter, c'était le
Sopher. Ils avaient remplacé les
prophètes. Et il se produisit alors un fait
étrange : lés décisions des
Scribes finirent par avoir non seulement la
même valeur que les paroles de la Loi, mais
une valeur supérieure.
Les Talmuds abondent en passages
où la tradition est
préférée au texte de
Moïse. « Les paroles des Scribes sont
plus aimables que les paroles de la Loi, car parmi
les paroles de la Loi les unes sont importantes et
les autres légères; celle des Scribes
sont toutes importantes
(51) ».
« La négation du précepte des
phylactères, qui est une violation de la
Loi, n'est pas un péché ; mais celui
qui placerait cinq sections (au lieu de quatre) et
ajouterait ainsi aux ordres des docteurs serait
condamnable. » « Les paroles des anciens
sont plus importantes que celles des
prophètes. »
La Thorah restait toujours à sa
place, elle était divinisée; personne
ne songeait à diminuer son prestige ; mais
la tradition la remplaçait et la dominait
peu à peu. Il se passait chez les Juifs ce
qui devait se passer dans l'Eglise
chrétienne du moyen âge. Les
commentaires inspirés que celle-ci donnera
de la Sainte Écriture seront
considérés comme plus importants que
la Sainte Écriture elle-même. L'Eglise
enseigne, dit le catholique, et non pas la Bible
enseigne, et cependant les enseignements
de l'Eglise ne sont,
d'après lui, que la conséquence et le
développement logique de ceux de la Bible.
Elle renferme implicitement, dit-il, tout ce que
l'Eglise a prescrit plus tard.
Un Juif du premier siècle ne
pensait pas autrement. Le Scribe parlait au nom de
Dieu, il accomplissait la Loi: Jésus a
réagi contre cette formidable erreur qui a
été commise dans toutes les
religions, en disant : « Vous
anéantissez la Loi de Dieu par votre
tradition. (52)
»
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