ARGUMENS ET
RÉFLEXIONS SUR LES LIVRES ET LES CHAPITRES
DU NOUVEAU TESTAMENT
ÉVANGILE
SELON SAINT JEAN.
CHAPITRE VI.
1-21. -
Jésus-Christ donne
à manger à cinq mille personnes avec
cinq pains et deux poissons;
- il va vers ses disciples en marchant sur
l'eau,
- et il fait cesser une tempête.
I.1-15; II. 16-21.
RÉFLEXIONS.
JÉSUS-CHRIST, en donnant à manger
à cinq mille personnes avec cinq pains et
deux poissons, fit un miracle auquel les
apôtres ne s'attendaient pas, quoiqu'ils lui
en eussent vu faire plusieurs autres; et il le fit
autant pour augmenter leur foi et pour les
convaincre plus pleinement de sa toute-puissance,
que pour subvenir aux besoins du peuple qui l'avait
suivi.
Ainsi ce miracle est l'un des plus
illustres que Notre Seigneur ait faits, surtout par
le grand nombre de ceux qui en furent les
témoins. Saint Jean remarque que ces
gens-là furent tellement frappés de
cette merveille, que non-seulement ils disaient que
Jésus était le prophète et le
Messie que les Juifs attendaient, mais qu'ils
voulurent le déclarer roi; ce qui fit que
Notre Seigneur se retira dans un lieu
écarté, ne voulant pas qu'il
arrivât aucun trouble à son occasion.
Cette démarche des Juifs
était un effet de l'opinion qu'ils avaient
que le Messie serait un roi temporel; mais la
retraite de Jésus-Christ marquait que son
règne n'était point de la terre. Cela
doit nous apprendre à ne point chercher
notre gloire en ce monde, et surtout à fuir
l'éclat et à nous contenir toujours
dans une grande humilité.
Jésus-Christ fit en ce
temps-là un autre miracle en faveur des
apôtres, et qui dût faire une grande
impression sur eux, lorsqu'il vint vers eux en
marchant sur la mer. Il fit aussi voir dans cette
occasion le soin qu'il avait de ses chers disciples
et l'amour qu'il leur portait, les laissant
exposés à l'orage afin de les
éprouver, et les délivrant ensuite
d'une manière plus magnifique et plus
consolante que s'il eût été
d'abord avec eux. Telle est l'issue que les
épreuves et les afflictions ont
ordinairement pour ceux que Dieu aime; il vient
tôt ou tard à leur secours, et les
maux qu'il leur envoie ne servent qu'à
manifester l'amour qu'il leur porte, et qu'à
augmenter leur consolation et leur joie.
CHAPITRE VI.
.22-71.-
Notre Seigneur,
- ayant nourri miraculeusement le peuple avec
cinq pains et deux poissons, et voyant que ce
peuple le suivait avec empressement, prend de
là occasion de les exhorter à
rechercher la nourriture spirituelle, qui fait
vivre éternellement, plutôt que la
nourriture du corps.
- Il leur dit ensuite qu'il était
lui-même cette nourriture et le vrai pain
du ciel, et que ceux qui mangeraient de ce pain
auraient la vie éternelle. Il ajoute,
pour expliquer plus particulièrement sa
pensée, que cette nourriture était
sa chair et son sang qu'il donnerait pour la vie
du monde; par où il voulait marquer les
fruits de sa mort, mais il s'exprima
figurément et avec quelque
obscurité, parce qu'il ne voulait pas
dire alors clairement qu'on le ferait mourir.
- Quelques-uns de ses disciples étant
choqués de ce discours, le Seigneur leur
dit que ses paroles devaient s'entendre dans un
sens spirituel; mais cela n'empêcha pas
que plusieurs d'entr'eux ne se retirassent
d'avec lui.
I. 22-27; II. 28-40; III. 41-59; IV. 60-71.
RÉFLEXIONS.
LA première et la
principale instruction que ce discours de
Jésus-Christ nous donne, c'est que nous
devons travailler avec beaucoup plus d'empressement
à nous procurer la nourriture qui fait vivre
éternellement, que celle qui ne sert
qu'à entretenir cette vie temporelle et
périssable. Il nous apprend ensuite qu'il
est lui-même ce pain céleste, que
cette nourriture de l'âme ne se trouve qu'en
lui et dans sa doctrine, et que la volonté
de Dieu, son père, qui l'avait
envoyé, était que tous ceux qui
croiraient en lui eussent la vie éternelle,
et qu'il les ressusciterait au dernier jour.
Ce que Notre Seigneur dit dans cette
occasion avait de l'obscurité pour ceux qui
l'entendirent. Les Juifs ne pouvaient comprendre
comment Jésus était un pain descendu
du ciel, et comment il fallait manger sa chair et
boire son sang pour avoir la vie éternelle.
Mais ces paroles de notre Sauveur sont faciles
à entendre pour nous, qui savons que la mort
de Jésus-Christ est la vraie nourriture de
l'âme, et l'unique principe de la vie
spirituelle et de l'immortalité. Il nous dit
lui-même que ses paroles sont esprit et vie,
c'est-à-dire qu'elles doivent s'entendre
d'une manière spirituelle, et que manger sa
chair et boire son sang ne veut dire autre chose,
sinon venir à lui et croire en lui.
Il faut seulement que cette foi soit
sincère et accompagnée d'amour, de
confiance et d'obéissance, et qu'elle nous
attache et nous unisse si étroitement
à Notre Seigneur, que rien ne puisse nous en
séparer.
Plusieurs des disciples de
Jésus-Christ s'étant retirés
d'avec lui, il demanda aux apôtres s'ils
voulaient aussi le quitter; à quoi saint
Pierre répondit: À qui irions-nous,
Seigneur? Jésus-Christ ne contraint personne
de s'attacher à son service; il demande une
obéissance libre et volontaire; mais nous ne
devons jamais l'abandonner, puisqu'il a, à
lui seul, les paroles de la vie éternelle,
et qu'étant le Fils du Dieu vivant, il est
l'unique auteur du salut.
Les dernières paroles de ce
chapitre, où il est dit que
Jésus-Christ savait dès le
commencement que Judas, qui était du nombre
des douze apôtres, le trahirait, nous
apprennent que Notre Seigneur connaît tous
ceux qui se disent ses disciples, et qu'il discerne
ceux qui ne croient pas sincèrement en lui
d'avec ceux qui lui sont fidèles. Une
profession extérieure du christianisme ne
suffit pas, et il n'y a qu'une vraie foi et une
obéissance constante qui puissent assurer
notre conscience devant Dieu, et nous rendre
approuvés de celui qui connaît les
coeurs de tous les hommes et qui leur rendra
à tous selon leurs oeuvres.
CHAPITRE VII
1-30.-
Saint Jean rapporte ici
- un voyage que Jésus-Christ fit
à Jérusalem pour la fête des
tabernacles, les divers jugemens qu'on faisait
de lui,
- et ce qu'il dit aux Juifs qui avaient
trouvé mauvais qu'il eût
guéri un paralytique, quelques mois
auparavant, à la fête de
Pâques, un jour de sabbat.
I. 1-10; Il. 11-15; III. 16-30.
RÉFLEXIONS.
CE qu'il y a à remarquer dans
ce chapitre, c'est que Notre Seigneur ne voulut pas
aller à Jérusalem publiquement et
dans la compagnie de ses parens. Il en usa ainsi
par prudence, afin d'éviter l'éclat
et de ne pas s'exposer à la fureur des Juifs
qui cherchaient à le faire mourir.
Ce qu'il dit à quelques-uns
de ses parens, que le monde, c'est-à-dire
les Juifs incrédules, ne pouvaient les
haïr, mais que le monde le haïssait lui,
parce qu'il condamnait ses oeuvres, qui
étaient mauvaises, renferme
une Vérité
constante, c'est que les gens du monde aiment leurs
semblables, mais qu'ils haïssent ceux dont la
vie et les discours condamnent leurs mauvaises
actions.
2. On voit ici les divers jugemens
que le peuple faisait de Jésus-Christ; mais
on y remarque surtout l'aveuglement et la malice
des Juifs qui, sans faire attention aux preuves que
Notre Seigneur donnait de sa mission divine par les
miracles qu'il faisait, et sans être
touchés de ce qu'il leur disait avec tant de
force et tant de douceur, pour justifier ce qu'il
avait fait et pour les convaincre que sa doctrine
était céleste, l'accusaient d'avoir
violé la loi de Dieu et d'être
possédé du démon, et voulaient
même le faire mourir.
Cette résistance et cet
endurcissement des Juifs montre que les
préjugés et les passions peuvent
aveugler les hommes à un tel point, que rien
n'est capable de les désabuser et qu'ils se
scandalisent de ce qui devrait le plus les
édifier. On doit bien considérer sur
ce sujet ce que Jésus-Christ dit dans cette
occasion: Si quelqu'un veut faire la volonté
de mon Père, il connaîtra si ma
doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon chef.
Ces paroles contiennent une
leçon qui est de la dernière
importance, savoir, que la principale disposition
où il faut être pour connaître
la doctrine de Jésus-Christ et pour en
sentir la vérité et la beauté,
c'est d'avoir le coeur bon et une intention
sincère de faire la volonté de Dieu,
autant qu'elle nous peut être connue. Mais
ceux à qui cette disposition manque ne
sauraient jamais parvenir à la connaissance
de la vérité. Enfin il est à
remarquer que, quoique les Juifs eussent
formé le dessein de faire mourir Notre
Seigneur, ils ne purent lui faire aucun mal et que
nul n'osa mettre la main sur lui.
Les méchans ne peuvent nuire
aux gens de bien qu'autant que Dieu le leur permet,
et quoi que les hommes puissent entreprendre, ce
que Dieu a résolu s'accomplit toujours.
CHAPITRE VII
31-53.-
Les pharisiens,
- indignés de ce que le peuple
était touché des discours et des
miracles de Notre Seigneur, envoient des gens
pour le saisir, mais il continua à parler
avec tant d'autorité et
d'évidence, et il adressa au peuple des
exhortations si touchantes, que plusieurs
reconnurent qu'il était prophète;
il y en eut même qui crurent qu'il
était le Messie; et ceux qui avaient
ordre de le saisir s'en retournèrent sans
oser mettre les mains sur lui, de quoi les
pharisiens furent extrêmement
irrités.
RÉFLEXIONS.
CE que saint Jean rapporte ici
fait voir,
1. que les discours et les miracles de
Jésus-Christ produisaient un effet bien
différent, puisque le peuple en était
touché et rempli d'admiration, et que les
pharisiens au contraire en conçurent tant de
dépit, qu'ils voulurent faire saisir Notre
Seigneur.
Voilà comment la parole
de Dieu est diversement reçue. Les uns en
profitent et ouvrent les yeux et leurs coeurs
à la vérité, et les autres la
rejettent et passent même jusqu'à
haïr ceux qui la proposent et à
s'irriter contr'eux.
2. On doit remarquer dans les
discours de Jésus-Christ l'évidence,
la douceur et l'autorité avec laquelle il
parlait aux Juifs, et surtout ces invitations
pleines de bonté qu'il leur adressait en
disant: Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à
moi et qu'il boive; par où il leur offrait
sa grâce et les dons du Saint-Esprit, qu'il
était prêt de répandre sur ceux
qui croiraient en lui.
Il nous fait encore les
mêmes offres dans l'Évangile. C'est
à nous à le recevoir comme nous le
devons et à en profiter avec empressement et
reconnaissance.
3. Il faut faire
réflexion sur ce que saint Jean dit, que
ceux qui avaient ordre de saisir
Jésus-Christ n'osèrent pas
exécuter leur commission, et qu'ils
répondirent aux pharisiens: Jamais homme n'a
parlé comme cet homme.
En cela on voit, d'un
côté, la vertu et l'efficace de la
parole de Dieu, et de l'autre, que Dieu, quand il
lui plaît, rend vains et inutiles les
desseins des méchans; enfin c'est une chose
remarquable que les pharisiens, au lieu de
reconnaître qu'en s'opposant à
Jésus-Christ ils s'opposaient à Dieu
même, et d'être frappés de voir
tant de gens qui rendaient témoignage
à Notre Seigneur, s'irritèrent de
plus en plus contre lui, et même contre le
peuple qui parlait avantageusement de lui et de sa
doctrine.
Cet exemple nous montre que les
personnes les plus éclairées et les
plus distinguées selon le monde, sont
souvent moins disposées que les gens simples
et du commun à recevoir l'Évangile,
parce qu'elles sont possédées par
leurs passions, et surtout parce qu'elles sont
remplies d'orgueil et de bonne opinion
d'elles-mêmes, et qu'elles ne cherchent pas
sincèrement et en simplicité de coeur
à s'instruire et à connaître la
vérité.
CHAPITRE VIII.
1-29.-
Saint Jean rapporte ici,
- 1. l'histoire de la femme adultère;
- 2. Un entretien que Jésus-Christ eut
avec les Juifs, dans lequel il leur dit qu'il
était la lumière du monde et
qu'ils devaient ajouter foi à tout ce
qu'il leur disait de soi-même.
- 3. Il leur reproche leur aveuglement et leur
incrédulité, et il leur parle de
son départ de ce monde et de sa mort;
mais il le fait en des termes figurés, et
qu'ils ne purent bien entendre.
I. 1-11; Il. 12-20; III. 21-29.
RÉFLEXIONS.
POUR entendre l'histoire de la
femme adultère et pour en profiter, il faut
remarquer,
1. que les pharisiens en amenant
cette femme à Jésus-Christ, lui
tendaient un piège, et que leur dessein
était, s'il eût dit qu'il ne fallait
pas la faire mourir, de l'accuser de violer la loi
de Dieu, et s'il l'eût condamnée, de
le déférer au gouverneur comme un
homme qui violait les droits du souverain magistrat
;
2. que bien que le crime de
cette femme fut très-grand. et digne de
mort, le Seigneur ne voulut rien prononcer sur ce
que les scribes et les pharisiens lui avaient
proposé; ce qu'il fit par des raisons de
prudence, et pour faire voir qu'il ne cherchait que
le salut des pécheurs,
3. il est surtout à
remarquer que Notre Seigneur dit à cette
femme : Va-t-en et ne pèche plus.
Cela montre que, quoiqu'il
donnât en cette occasion des marques de sa
miséricorde envers les pécheurs, il
était bien éloigné d'autoriser
ou d'excuser en aucune façon le crime. Dieu
ne pardonne aux pécheurs que lorsqu'ils se
repentent sincèrement et à condition
qu'ils ne retomberont plus dans leurs
péchés.
Dans l'entretien de Jésus-Christ, avec
les Juifs, nous avons à considérer
premièrement qu'il parla de soi-même
en ces termes: Je suis la Minière du monde;
celui qui me suit ne marchera point dans les
ténèbres, mais il aura la
lumière de la vie.
Ce sont là des paroles
qui doivent être sans cesse
méditées par les chrétiens, et
qui les engagent bien fortement à profiter
de cette lumière céleste qui les
éclaire, à suivre toujours
Jésus-Christ, et à marcher dans la
voie qu'il leur a tracée, tant par sa
doctrine que par son exemple, et qui les conduira
sûrement à la vie et à
l'immortalité. Après
cela, connue les pharisiens
reprochaient à Notre Seigneur de parler de
soi-même d'une manière trop
avantageuse, il leur dit diverses choses, pour les
faire revenir de la prévention où ils
étaient contre lui et pour les engager
à croire qu'il leur parlait de la part de
Dieu.
Ce que le Sauveur du monde
disait dans cette occasion doit avoir encore plus
de force pour nous convaincre qu'il est le Fils de
Dieu et que sa doctrine vient du ciel, Dieu en
ayant rendu un témoignage authentique,
non-seulement par les miracles que
Jésus-Christ a faits, mais aussi par ce qui
a suivi sa mort, sa résurrection et son
élévation dans la gloire
céleste. L'on voit enfin ici que, quoique
Notre Seigneur parlât aux pharisiens avec
tant de force et tant de bonté, ils ne
profitèrent point de ses instructions et
qu'ils demeurèrent dans
l'incrédulité, à cause de quoi
il leur déclara qu'ils mourraient dans leurs
péchés.
C'est ainsi que les hommes qui
sont attachés au monde et à leurs
passions résistent à
l'évidence et à la force de la
vérité lorsqu'elle leur est
proposée, et que, refusant de croire en
Jésus-Christ et de lui obéir, ils
demeurent dans leurs péchés, et par
ce moyen dans la condamnation et dans la mort.
CHAPITRE VIII.
30-59.-
Jésus-Christ
- exhorte ceux d'entre les Juifs qui avaient
cru en lui à persévérer
dans sa doctrine, et il leur promet la
véritable liberté.
- Il dit aux Juifs incrédules, qui se
glorifiaient d'être libres, étant
la postérité d'Abraham qu'ils
n'étaient pas les enfans de ce
patriarche, puisqu'ils ne l'imitaient pas dans
sa foi, et, il leur reproche leur
incrédulité; ce qui les irrita
tellement, qu'ils s'emportèrent
jusqu'à lui dire des injures atroces et
à vouloir le lapider; mais il
évita leur fureur et se retira d'avec
eux.
I. 30-36; II 37-59.
RÉFLEXIONS.
LE Sauveur du monde nous
enseigne dans ce discours,
1. que quand on a eu le bonheur
de le connaître et de croire en lui, on doit
persévérer constamment dans la
vérité et s'y attacher de plus en
plus; que ceux qui le font sont
véritablement ses disciples, et qu'ils
Jouissent de la vraie liberté des enfans de
Dieu, laquelle consiste, comme Notre Seigneur l'a
dit, à être affranchis de l'esclavage
du péché.
2.
Jésus-Christ disait aux
Juifs, dans les mêmes vues, qu'ils
n'étaient pas les enfans de Dieu ni la
postérité d'Abraham, puisqu'ils
n'imitaient pas la foi de ce patriarche, mais
qu'ils étaient plutôt les enfans du
diable, puisqu'ils faisaient ses oeuvres.
Ces paroles sont d'un grand
poids. Elles nous apprennent que la plus sûre
marque à laquelle on reconnaisse les enfans
de Dieu, c'est qu'ils font sa volonté et
qu'ils aiment ce que Dieu aime; mais que ceux qui
s'opposent à la vérité et
à ceux qui l'annoncent, sont les enfans et
les imitateurs du diable, qui est menteur,
meurtrier et ennemi de la vérité.
3. Nous voyons dans ce discours
de Notre Seigneur combien ceux qui reçoivent
sa doctrine et qui s'y soumettent sont heureux,
puisqu'il déclare qu'ils ne demeureront
point sous la puissance de la mort.
4. Il faut remarquer que, dans
le temps que le Fils de Dieu parlait ainsi, les
Juifs, au lieu d'être touchés de ce
qu'il leur représentait avec tant de force
et de charité, en furent irrités, et
qu'ils en vinrent jusqu'à cet excès
de fureur que de le traiter de samaritain et
d'homme possédé du démon.
C'est là l'exemple de l'aveuglement le plus
déplorable et de la malice la plus noire;
par où l'on peut voir combien il est
dangereux de se livrer à ses passions et de
s'engager dans l'incrédulité.
Enfin nous avons dans ce
chapitre une preuve remarquable de la gloire et de
la divinité de Jésus-Christ, en ce
qu'il déclara qu'il était
déjà avant Abraham. La dignité
infinie de sa personne doit nous persuader d'autant
plus de la divinité de l'Évangile et
de l'obligation où nous sommes de lui
obéir, comme à celui qui est tout
ensemble et notre Sauveur et notre Dieu.
CHAPITRE
IX.-
Ce chapitre contient l'histoire de
la guérison de l'aveugle-né.
RÉFLEXIONS.
L'HISTOIRE qui est contenue dans
ce chapitre est des plus remarquables. Outre les
preuves de la puissance et de la bonté de
Jésus-Christ, qui paraissent dans la
guérison de l'aveugle-né, de
même que dans tous les miracles de Notre
Seigneur, on voit ici trois choses qui
méritent une considération
particulière;
1. et les démarches des
pharisiens, les divers efforts qu'ils firent pour
nier ce miracle, et ce qu'ils dirent
dans cette vue au père et
à la mère de l'aveugle, et ensuite
à l'aveugle lui-même, pour savoir s'il
était bien vrai qu'il eut été
aveugle et comment il avait été
guéri. Les pharisiens, en prenant toutes ces
informations, ne cherchaient pas la
vérité; ils cherchaient plutôt
à la supprimer et à la combattre, et
lorsqu'elle se présenta à eux, ils la
rejetèrent, ils calomnièrent
Jésus-Christ; et enfin, ne pouvant plus rien
opposer à la certitude de ce miracle, et ne
sachant que répondre aux discours de
l'aveugle, ils s'emportèrent en injures
contre lui et ils l'excommunièrent.
Ce sont là les
caractères de la passion la plus violente et
de la malice la plus obstinée; et c'est de
la sorte que les méchans ferment les yeux
à la vérité, et que ce qui
devrait les toucher et les convertir ne fait que
les endurcir davantage. Cependant c'est une chose
remarquable que les pharisiens, en faisant tous
leurs efforts pour rendre ce miracle suspect, ne
firent que le rendre plus connu et lus indubitable.
2. Il faut remarquer, dans le
discours de l'aveugle-né,
l'ingénuité avec laquelle il parla
aux pharisiens et les confondit, en soutenant qu'il
avait bien été guéri, que,
puisque Jésus-Christ lui avait rendu la vue,
il ne pouvait être un méchant et un
séducteur, comme ils l'en accusaient.
En lisant ce récit, on y
voit que la vérité a beaucoup de
force, que les personnes les plus simples jugent
souvent mieux des choses que ceux que l'on croit
avoir bien des lumières, et que Dieu se sert
de ces personnes-là pour confondre les sages
de ce monde.
Enfin saint Jean rapporte que
Jésus-Christ ayant su que cet homme avait
été excommunié par les
pharisiens pour avoir dit la vérité
en leur présence, il se fit connaître
à lui en lui disant qu'il était le
Fils de Dieu, et qu'il lui déclara que ceux
qui passaient pour être les plus
éclairés, tels qu'étaient les
pharisiens, demeureraient dans leur aveuglement,
pendant que ceux qu'on regardait comme des
ignorans, mais qui avaient de l'humilité et
un bon coeur, profiteraient de sa doctrine. Notre
Seigneur reçoit toujours avec bonté
ceux qui aiment la vérité et que le
monde persécute; il leur accorde de
nouvelles lumières et de nouveaux dons,
pendant que ceux qui présument
d'eux-mêmes et qui rejettent avec obstination
la vérité, lorsqu'elle se
présente à eux, demeurent dans leur
incrédulité et périssent dans
leurs ténèbres.
CHAPITRE
X.-
Ce qui est ici
rapporté est arrivé en deux temps
différens.
- La première partie de ce chapitre
contient un discours que Notre Seigneur fit aux
Juifs, après qu'il eût guéri
l'aveugle-né, dans lequel il se compare
à un bon berger. Il y parle aussi des
faux bergers et des mercenaires, par où
il désigne les séducteurs et en
particulier les pharisiens; il dit que ces
gens-là n'avaient en vue que leur
intérêt et leur orgueil, au lieu
qu'il n'était venu au monde que pour le
bien et le salut de ses brebis, et qu'il
donnerait même sa vie pour elles.
- Quelques mois après, Jésus
étant à Jérusalem à
la fête de la dédicace du temple,
les Juifs lui demandèrent s'il
était le Messie, à quoi il
répondit que ses miracles montraient
assez ce qu'il était, que s'ils ne le
connaissaient pas, cela ne venait que de leur
endurcissement, mais que ses brebis
- le connaissaient, qu'il leur donnerait la
vie éternelle, et que
- Dieu ne permettrait jamais qu'elles
périssent, puisque lui et
- Dieu son père étaient un.
- Les Juifs voulurent le lapider,
prétendant qu'il avait prononcé un
blasphème; mais Notre Seigneur, ne
voulant pas parler ouvertement de sa
divinité, se contenta de leur dire que si
l'Écriture appelait Dieu et Fils de Dieu,
les princes et les magistrats, il pouvait bien
prendre le titre de Fils de Dieu sans
blasphème, puisque Dieu l'avait
envoyé au monde avec le pouvoir des
miracles. Après cela, Notre Seigneur se
retira de Jérusalem.
RÉFLEXIONS.
CE que Jésus-Christ
disait, en parlant de soi-même sous l'image
d'un berger, est beaucoup plus clair pour nous
qu'il ne l'était pour les Juifs. Nous savons
parfaitement que Notre Seigneur est le vrai berger
qui a donné sa vie pour ses brebis,
c'est-à-dire pour tous les Fidèles,
et qui est venu pour rassembler dans son Eglise
tous ceux d'entre les Juifs et d'entre les payens
qui croiraient en lui.
Cela nous engage à
reconnaître, d'un côté l'amour
infini de Jésus, notre bon berger, qui nous
a si tendrement aimés, et qui a souffert la
mort pour nous acquérir le salut et la vie;
et de l'autre, combien notre bonheur est grand
d'être du nombre de ces brebis qu'il a
rachetées par son sang, et à qui il
destine la vie éternelle.
Il y a quatre
considérations à faire sur la seconde
partie de ce chapitre.
La première regarde
l'étrange aveuglement et la malice des Juifs
qui, après tant de miracles que
Jésus-Christ avait faits,
lui demandaient encore s'il
était le Messie, et voulurent le lapider
comme un blasphémateur.
Notre Seigneur remarque
lui-même que cette incrédulité
des Juifs procédait de ce qu'ils n'avaient
pas une intention sincère de le
connaître. Si donc il arrive que les hommes
ne profitent pas de la doctrine de
Jésus-Christ, et qu'au milieu de la
lumière qui les éclaire ils soient
encore dans l'ignorance et dans l'égarement,
cela vient du défaut de docilité et
d'amour pour la vérité et pour la
vertu.
La deuxième
considération est que la marque et le
caractère des brebis de Jésus-Christ,
c'est-à-dire de ses vrais disciples, est
d'écouter la voix de leur divin Berger, de
le suivre et de lui obéir.
3. Nous voyous dans ce discours
de Notre Seigneur que le bonheur et le salut des
vrais fidèles est assuré, puisqu'il
déclare qu'il les connaît qu'il leur
donne la vie éternelle, qu'ils ne
périront jamais, et que personne ne les
ravira d'entre ses mains.
Ces paroles doivent remplir tous
ceux qui aiment le Seigneur Jésus-Christ
d'une grande consolation, et d'une ferme attente de
la gloire et de la félicité qu'il
leur réserve dans son royaume.
4. Ce que Jésus-Christ
dit, sur la fin de ce chapitre, qu'il pouvait
prendre avec justice le titre de Fils de Dieu, doit
nous convaincre pleinement de sa divinité et
de l'excellence de sa charge, surtout puisque nous
savons d'ailleurs qu'il est Dieu et homme tout
ensemble; en quoi nous avons les plus grands motifs
à croire en lui, et à lui rendre
l'obéissance que nous lui devons si
justement, à cause de l'autorité
qu'il a sur nous et de l'amour qu'il nous porte.
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