Un Gagneur
d'Âmes:
CÉSAR
MALAN
PRÉFACE DE LA 1ère
ÉDITION
Tout n'était pas desséché
dans l'église de Genève au
début du XIXe siècle, en dépit
de l'influence stérilisante d'une longue
période de polémiques et du moralisme
chrétien dont la grande majorité se
contentait.
Il y avait encore des témoins
fidèles de I'Évangile et des
âmes ferventes qui attendaient,
espéraient et priaient. Et c'est ce qui
explique la force avec laquelle le Réveil
éclata et la rapidité avec laquelle
il s'étendit, faisant de Genève un
foyer d'évangélisation rayonnant bien
au delà de ses étroites
frontières.
Au nombre de ceux qui devinrent, par
la grâce de Dieu, les instruments de ce
Réveil, se dresse, au premier rang, l'homme
dont G. Frommel a pu dire que u
l'intrépidité de son
caractère, sa ferveur et ses dons oratoires
firent l'une des personnalités les plus
originales et les plus frappantes de
l'époque » : César
Malan.
II est bon que dans nos
Églises contemporaines, dont l'élan
est souvent affaibli par une connaissance trop
incomplète et une bien imparfaite
compréhension du passé, on recueille,
de ce passé, les avertissements et les
trésors qu'il renferme.
À côté de la
biographie de C. Malan écrite, en 1868, par
son fils, - émouvant témoignage de
piété filiale et de recherche
sincère de la vérité -
à côté de l'histoire religieuse
de Genève de von der Goltz et de
l'étude pénétrante du doyen
Maury sur le Réveil, le livre que nous
présentons ici trouvera rapidement sa place
et sera sans doute accueilli avec faveur dans la
grande famille spirituelle que constitue le
protestantisme de langue française. On
appréciera la clarté et la
simplicité de l'exposé, le souci
d'équité dans les jugements que
l'auteur est amené à porter sur son
héros, son oeuvre et son temps; on sera
touché par la sympathie évidente
qu'il éprouve pour « l'aigle en cage
», se gardant de tomber dans un
panégyrique que Malan eût
été le premier à
déplorer et à repousser. M. Sabliet
qui, après bien des années
consacrées aux Unions Chrétiennes du
Midi de la France, a été
étroitement associé au travail
d'évangélisation entrepris par la
« brigade de la Drôme », a
lui-même trop le tempérament d'un
évangéliste pour n'avoir pas
été saisi par le trait dominant de la
personnalité de Malan : l'amour des
âmes constamment entretenu par l'amour pour
le Christ et le souci de la gloire de
Dieu.
Étrange destinée que
celle de ce pasteur de Genève qui,
après avoir entraîné des foules
et remué la cité entière, a
fini solitaire et méconnu !
Étrange... oui ; aux yeux des hommes et
suivant la mesure de leurs voies et de leurs
pensées. Mais, du point de vue
chrétien, avec le recul de deux
générations qui permet de mieux
reconnaître la main de Dieu dans les
événements, destinée qui a
laissé une trace profonde et une
lumière. Dans le sillon creusé par
Malan, au prix de maints renoncements douloureux,
toute une moisson a levé.
Nous ne disons pas que Malan ait
été le seul instrument de Dieu dans
le Réveil de Genève. Il l'a
été avec d'autres, en même
temps que d'autres dans l'Eglise et hors de
l'Eglise, Mais je crois profondément juste
ce jugement porté par quelqu'un qui l'a bien
connu : u C'est César Malan qui a fait la
trouée ».
Il y a du tragique dans ce long
ministère. Aimant sa ville natale et son
Eglise d'un ardent amour, il s'est vu mis de
côté, déposé,
déchu par une décision des
autorités profondément regrettable et
qu'on a peine, aujourd'hui, à comprendre, et
il est devenu l'objet d'une opposition qui a
déchaîné contre lui, pendant un
certain temps, une véritable haine. Que
certains traits du caractère de Malan aient
pu y prêter : il l'a reconnu lui-même
et s'est humilié de la part qui pouvait lui
revenir dans la responsabilité de ces
tristes conflits. Mais il faut admirer surtout son
courage, son désintéressement, son
indéfectible fidélité à
sa conscience et à l'appel de Dieu. Ce
« gagneur d'âmes » n'a eu qu'une
ambition : servir jusqu'à la fin le
Maître par qui, un jour, il avait
été saisi et sauvé pour
toujours.
Les temples de Genève sont
restés fermés à Malan
jusqu'à la fin de sa vie. Mais la
liberté de prédication qu'il
revendiquait y est maintenant entière, et
ses cantiques y ont pénétré
depuis longtemps ; plusieurs d'entre eux font
partie du trésor hymnologique de l'Eglise;
on les chantera encore.
Revanche magnifique de l'Esprit !
Puissance de la vraie piété dont on
ne sait où s'arrêtera son rayonnement
; car ce ne sont pas seulement les chrétiens
d'Europe qui répètent les cantiques
de Malan ; les chrétiens indigènes
des Églises de la Mission en Afrique et
ailleurs s'en servent pour proclamer eux aussi
l'évangile libérateur et la joie du
salut.
Comparant les cantiques du
Réveil, qu'il avait appris de sa
mère, aux graines munies d'ailettes d'un
arbre du Zambèze que le vent emporte... Dieu
sait où, le missionnaire Coillard
écrivait un jour : « Oh ! chantez avec
les enfants, chantez avec joie, chantez avec foi,
semez ainsi au vent, et un jour, là
où tous vous y attendez le moins, vous
trouverez que la semence a germé pour la
gloire de Dieu et le salut d'une âme ».
Malan a semé au vent - par ses sermons et
ses traités aussi - inlassablement. Combien
d'âmes a-t-il ainsi amenées au
Sauveur? Dieu le sait ; à Lui, la gloire !
Dans l'inquiétude qui, malgré
nous, nous oppresse, en voyant l'état du
monde et en songeant à la
responsabilité de nos Églises, quand
les plus âgés d'entre nous souffrent
de n'avoir pas su mieux remplir leur tâche,
et que les jeunes eux-mêmes sentent parfois
les ailes de leur foi et de leur enthousiasme trop
fragiles pour les porter au travers des courants et
des conflits qu'ils ont à affronter, il est
bon de reprendre telle de ces biographies qui, en
dressant devant nous la figure d'un chef ou d'un
soldat fidèle, nous redisent l'invariable,
l'absolue fidélité de Dieu, et la
souveraineté de l'Esprit qui souffle
où Il veut et qui peut, toujours, faire
jaillir des sources dans les lieux arides, faire
merveilleusement fleurir le désert, et faire
triompher la vie alors que tout semblait pencher
vers la mort.
Et l'on referme le livre avec une
pensée de reconnaissance plus vive envers
Celui qui a suscité et soutenu ses
témoins, les aidant à défendre
et à tenir bien haut, d'une main ferme et
d'un coeur humble, le drapeau de
Jésus-Christ.
Avec une prière, aussi.
- « Esprit qui les fis vivre, Anime leurs
enfants
- Pour qu'ils sachent les suivre ! »
-
Septembre 1936.
J.-E. SIORDET,
Ministre de l'Eglise de
Genève.
COMPLAINTE DES MARTYRS DE
MERINDOL
Dessin, vers et Musique de
César Malan
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