Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



Préface

A une époque où le mariage, avec ce qui le concerne, est bafoué à plus d'un titre, c'est faire oeuvre utile et salvatrice que de mettre en garde la jeunesse contre les assauts répétés de la société contre cette union instituée par Dieu, et ce dès le début de l'humanité.
Ce roman peut être considéré comme une étude psychologique des moeurs et des coeurs. La trame de l'histoire peut en effet correspondre à bien des situations, souvent malheureuses, que l'on rencontre dans nos villages et nos cités modernes.

Si « Parcours féminins » s'adresse d'une manière pressante et particulière aux jeunes filles, il n'en reste pas moins bénéfique pour tout autre lecteur qui désire connaître la volonté de Dieu dans sa vie. Et pour être enseigné sur celle-ci, il n'y a qu'un chemin, celui qui consiste à ouvrir la Bible. Cette histoire romancée renvoie donc, depuis certains endroits et par un système d'indices, à une seconde partie qui se trouve à la suite. Cette dernière, intitulée « Guide pour la piété, le mariage et la vie conjugale » peut d'ailleurs être lue à part comme un aide-mémoire en ce qui concerne la foi en Christ et la vie qui en découle.

Ce roman n'aurait pas vu le jour sans, premièrement, le livre de Madame Gasparin sur lequel il s'est construit, mais aussi sans l'aide précieuse et heureuse de Jean-Michel et Béatrice Ravé et leurs enfants, que je tiens tous à remercier vivement pour leur dévouement et leurs conseils. Je manquerais si je n'exprimais pas également ma reconnaissance à Jean-Frédéric Sandoz, ainsi qu'à Albert et Isabelle Hofmann. Je n'oublie pas non plus tous ceux et celles qui prient dans l'ombre, inconnus des hommes, mais bien connus de Dieu.

Cher lecteur, qui que tu sois, où que tu sois, quelle que soit ta condition, puisses-tu trouver la vraie vie en Jésus et t'y engager pleinement. C'est à ce bonheur que ce livre veut t'inviter.

Jedahia




PREMIER ENTRETIEN

Il existe, dans la province du Hainaut, en Belgique, un village appelé Erquelinnes. Il se situe en bordure de la frontière française, et c'est là que se plante le décor de ces récits de vies qui prendront des orientations bien différentes.

A cette époque, M. et Mme Vivien, Daniel et Anne-Laure, après avoir passé une année à Erquelinnes, furent obligés de partir presque subitement, pour se rendre en Suisse où M. Vivien avait trouvé un poste de médecin dans un centre de recherche.

La nouvelle de ce départ attrista quelques voisins et habitants du village, enfin pas tous, d'autres au contraire se réjouissaient d'un tel départ. Ce couple était chrétien, et si d'un côté il pouvait être de ceux que l'on aime fréquenter, il n'en reste pas moins que plusieurs ne supportaient pas certaines de leurs paroles, surtout quand elles concernaient ce « Jésus ».

Mme Vivien, âgée de 40 ans, il est vrai, n'était pas sans défauts, mais elle avouait ses torts avec tant de bonne foi qu'il était difficile de se fâcher avec elle et de lui garder rancune.

Elle avait grand plaisir à visiter les gens, les vieillards ou les malades de l'hôpital de Lobbes. Elle se rendait chez des gens en difficultés pour leur porter tantôt un peu de soupe, tantôt un vêtement, et lorsqu'elle les y trouvait disposés, elle leur lisait deux ou trois versets de la Bible.

Pendant ces quelques mois, elle s'était particulièrement attachée à quatre jeunes filles. Elle les réunissait chaque dimanche, leur expliquait un chapitre de la Bible, s'efforçait, en les questionnant, de savoir si elles avaient saisi la bonne nouvelle du salut que nous annonce la Parole de Dieu et demandait au Seigneur, en priant avec elles, de bénir ces conversations.

Les jeunes filles dont nous parlons avaient diversement profité des soins d'Anne-Laure. L'une d'entre elles, Melissa, se sentait vraiment touchée d'amour pour son Sauveur. Longtemps elle était restée assez froide, ne comprenant pas trop en quoi consistait la méchanceté de son coeur, de ce coeur qui pourtant ne trouvait aucune joie à s'occuper de Dieu, de ce coeur qui se livrait à mille mouvements d'impatience, de vanité et d'envie. Lorsque sa conscience lui disait : « Melissa, tu as menti; Melissa, tu t'es mise en colère; Melissa, tu laisses la Bible dans un coin sans l'ouvrir ! » Melissa répondait : « Tout le monde en fait autant ! », et elle se hâtait de penser à autre chose.

Mais quand Anne-Laure, la Bible à la main, expliqua aux jeunes filles que c'était à cause de ce mépris pour les ordres de Dieu, à cause de cet amour des vêtements aguichants, à cause de ces mouvements d'humeur, à cause de ces mensonges, à cause de ces « petits péchés » que le Seigneur Jésus avait été cloué sur la croix, quand elle leur apprit que si ce bon Sauveur n'avait pas souffert à leur place, rien n'aurait pu les arracher à la condamnation de Dieu, quand elle leur dit que Jésus les avait connues, aimées avant que le monde fût fait, qu'Il venait le premier à elles, qu'Il les appelait chacune en particulier, qu'Il leur offrait le salut, la force de l'accepter, le secours dont elles avaient besoin pour commencer une nouvelle vie, alors Melissa sentit son coeur s'ébranler. Il lui sembla que des écailles tombaient de ses yeux; elle vit le triste état de son âme, et elle en pleura; elle vit presque en même temps la main du Sauveur qui venait la relever; avec l'aide du Saint Esprit, elle crut de tout son coeur que Christ l'avait sauvée, et elle se donna à Lui.

Zoé, très intelligente, cernait assez bien le message de l'évangile. Son esprit avait vite compris que nos désobéissances à la volonté de Dieu se comptent par milliers, et que nous sommes condamnés par notre propre conduite 1. Son esprit avait aussi compris que le Fils de Dieu est mort à la place de ceux qui croient en lui; qu'il a pris sur lui le châtiment qui devait les atteindre sûrement et leur a donné sa justice, afin de pouvoir paraître devant Dieu sans la crainte d'être jugés 2. Mais ces vérités, dont Zoé pouvait se rendre compte, ne pénétraient pas jusqu'à son coeur. Un grand fond d'orgueil l'empêchait de s'humilier pour tout recevoir de Jésus, de sorte que sa science évangélique « l'enflait » au lieu de « l'édifier ».

Quant à Justine, la troisième des jeunes amies d'Anne-Laure, d'une nature légère, elle avait, comme on dit, bon coeur et mauvaise tête. Douée d'une imagination ardente, d'un caractère bienveillant et gai, elle recevait avec joie et semblait s'approprier les enseignements de la Bible, jusqu'au moment où une tentation de vanité, d'impatience, de déraison venant la surprendre. Tout était alors oublié, quitte à se repentir après pour recommencer à la première occasion. La semence levait vite, laissant espérer un beau résultat, mais le soleil en brûlait promptement les espérances, si bien qu'elle n'arrivait jamais à maturité.

Patricia, la dernière des quatre jeunes filles, causait des soucis à Anne-Laure. Elle se rendait avec assez de régularité aux entretiens du dimanche, mais on voyait là un acte de complaisance, rien de plus. C'était juste parce qu'elle n'avait rien d'autre à faire le dimanche. Alors, plutôt que de s'ennuyer, elle venait surtout pour voir ses amies. Mais une fois chez Mme. Vivien, elle y bâillait démesurément, ne pensait guère qu'à s'en aller le plus vite possible, répondait en répétant à peu de chose près ce qu'avaient dit les autres, ne sortait de cette froideur que pour se révolter contre telle ou telle parole de la Bible, et s'écriait souvent, en parlant des conseils d'Anne-Laure, que tout cela était bon pour les vieilles gens, qu'il faut s'amuser dans la jeunesse, et que, pourvu que l'on ne fasse pas de mal aux autres, tout va bien dans ce monde et dans l'autre.

Anne-Laure ne devait plus passer que deux semaines à Erquelinnes. L'avenir de ses jeunes amies l'inquiétait. Elle pensait avec raison que, durant son absence, les jeunes filles se marieraient et deviendraient mères de famille. Elle-même appréciait tout le bonheur, toute la force que donne une union chrétienne; bien souvent, hélas! elle avait eu l'occasion de voir quels déboires entraîne un mariage où le Seigneur Jésus n'est pas impliqué. Non contente de prier pour la bénédiction de ses protégées, elle résolut de profiter des moments qui lui restaient pour leur exposer quelques principes indispensables, suivant son opinion, à la sainteté du mariage et au bonheur des époux.

- Mes amies, je vais vous quitter. Nous ne nous reverrons peut-être plus, et dans les années qui viennent vous serez peut-être appelées à vous marier.

Les jeunes filles sourirent en coin.

- C'est très sérieux, reprit Anne-Laure. Je désire m'entretenir avec vous de cet important sujet en présence du Seigneur. Mes amies, je crois qu'en général, la vie conjugale est la vie qui nous convient. Dieu a dit, dans la Genèse: « Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui. » 3 Ainsi, le choix d'un mari n'est pas chose à prendre à la légère. Nous avons souvent, nous, les femmes, des coeurs sensibles mais aussi faibles devant ce qui concerne les relations avec le sexe opposé. Nous nous laissons trop facilement mener par nos sentiments là où il faut tout le secours de Dieu pour ne pas commettre l'irréparable. Du choix que nous faisons dans ce domaine dépendra toute notre vie.

- Pour moi, s'écria Zoé, avec cette franchise à laquelle l'amitié d'Anne-Laure les avait toutes habituées, pour moi, je ne veux pas me marier. On a trop de peine en ménage. Dans ce village, on ne rencontre pas beaucoup de jeunes hommes séduisants, avec une belle situation, qui voudraient de nous. Et devenir la femme d'un pauvre type, vivre en me serrant la ceinture, en regardant sur tout, travailler du matin au soir pour nourrir des marmots ... non, merci !

- Cela ne vaut pas l'indépendance, n'est-ce pas, Zoé ? reprit Anne-Laure. Tu préfères agir selon ta volonté que d'obéir à un mari; rester seule dans l'aisance plutôt que de vivre dans la simplicité avec un époux et des enfants. Zoé, tant que tu seras jeune, tant que les garçons te regarderont avec envie, tu te persuaderas qu'il n'est besoin de rien d'autre que cette fausse liberté; mais quand l'âge viendra, quand tu n'auras plus trop d'orgueil à placer dans ton physique, tu rencontreras alors des compagnons comme « Solitude » et « Indifférence de la part des autres », sans compter que le triste « Mépris » se tient toujours à l'affût pour les jeunes filles qui s'engagent dans un tel chemin.

- Anne-Laure, demanda timidement Melissa à son tour, est-il possible de servir aussi fidèlement Dieu dans le mariage que dans le célibat ?
- Et pourquoi pas ? Dieu, qui dès le commencement a fondé l'union conjugale, nous aurait-il préparé lui-même un genre de vie 4 dans lequel nous ne saurions obéir qu'imparfaitement à sa volonté ? Le mariage que Dieu a lui-même institué serait-il une entrave à une vie selon sa volonté ? Qu'en penses-tu Melissa ?

- Oh! Non, je ne crois pas que Dieu ait fait cela. Cependant, il me semble qu'une femme non mariée peut se consacrer plus complètement aux oeuvres chrétiennes. Elle peut mieux se dévouer au soin des pauvres et des malades qu'une femme assujettie à un époux, à une famille qui lui demandent son énergie et tous ses moments.

- D'abord, Melissa, dit Anne-Laure, souvenons-nous d'une chose trop souvent oubliée: c'est que ce mari, c'est que ces enfants, auxquels tu fais allusion, ont des âmes; c'est que ces âmes méritent aussi bien notre sollicitude et nos soins que les âmes des pauvres et des malades dont tu parles; c'est que Dieu ne nous a pas placées pour rien auprès d'eux, et que nous avons pour tâche première de travailler à leur sanctification et à leur bonheur. Et puis, disons-le, pour qui le veut, il y a toujours dans toutes les vies, dans celle de femme mariée comme dans les autres, des instants à donner aux malheureux. Ah! Si chaque femme s'appliquait, avant tout, à vivre saintement avec son mari, à élever ses enfants dans la crainte de Dieu; si elle donnait fidèlement les moments de son loisir aux nécessiteux, le monde serait bientôt couvert de chrétiens, et il se trouverait que chacune de nous, dans son humble foyer, dans sa modeste condition, aurait, comme le missionnaire ou le pasteur, efficacement travaillé à l'avancement du royaume de Dieu. Quelle grande et belle mission que celle d'une femme mariée !
- Pardon, reprit Melissa en rougissant beaucoup, mais comment expliquez-vous ce passage de l'apôtre Paul ?

Et Melissa, ouvrant sa Bible, lut à haute voix les versets suivants: « Pour ce qui est des vierges, je n'ai point d'ordre du Seigneur; mais je donne un avis, comme ayant reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèle. Voici donc ce que j'estime bon, à cause des temps difficiles qui s'approchent, il est bon à un homme d'être ainsi. Es-tu lié à une femme, ne cherche pas à rompre ce lien; n'es-tu pas lié à une femme, ne cherche pas une femme. Si tu t'es marié, tu n'as point péché; et si la vierge s'est mariée, elle n'a point péché; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner. Voici ce que je dis, frères, c'est que le temps est court; que désormais ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant pas, ceux qui pleurent comme ne pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas, ceux qui achètent comme ne possédant pas, et ceux qui usent du monde comme n'en usant pas, car la figure de ce monde passe. Or, je voudrais que vous fussiez sans inquiétude. Celui qui n'est pas marié s'inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur; et celui qui est marié s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. Il y a de même une différence entre la femme et la vierge: celle qui n'est pas mariée s'inquiète des choses du Seigneur, afin d'être sainte de corps et d'esprit; et celle qui est mariée s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à son mari. Je dis cela dans votre intérêt; ce n'est pas pour vous prendre au piège, c'est pour vous porter à ce qui est bienséant et propre à vous attacher au Seigneur sans distraction. Si quelqu'un regarde comme déshonorant pour sa fille de dépasser l'âge nubile, et comme nécessaire de la marier, qu'il fasse ce qu'il veut, il ne pèche point; qu'on se marie. Mais celui qui a pris une ferme résolution, sans contrainte et avec l'exercice de sa propre volonté, et qui a décidé en son coeur de garder sa fille vierge, celui-là fait bien. Ainsi, celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne la marie pas fait mieux » (1 Corinthiens 7 :25-38).

- Reprends un peu plus haut dans le chapitre, ma chère Melissa, remarque au verset sixième de ce chapitre : « Je dis cela par condescendance, je n'en fais pas un ordre »; au douzième, ceux-ci: « Aux autres, ce n'est pas le Seigneur, c'est moi qui dis »; au vingt-cinquième, le premier verset que tu as lu: « Pour ce qui est des vierges, je n'ai point d'ordre du Seigneur. »

Que nous apprennent de telles déclarations? Que ces conseils viennent d'un homme entièrement consacré, de l'apôtre Paul qui a reçu le don de célibat pour être entièrement au service de Dieu. Il y a donc une distinction à faire entre ces conseils sur le célibat et le reste de la Bible sur ce sujet. L'apôtre Paul nous avertit, et ne nous avertit pas pour rien puisque cela est consigné dans les Saintes Écritures. D'un côté, il est meilleur de servir Dieu sans se marier, en se donnant complètement à Dieu, sans avoir les travaux et les soucis d'une famille, mais il est impératif, dans ce cas, d'avoir été appelé à cela, sans quoi nous courrons au devant de grandes déceptions et parfois même de tristes chutes. D'un autre côté, il est préférable de se marier si nous n'avons pas reçu de Dieu cet appel, ce don pour rester pur pour le Seigneur. Et dans le mariage, qui est alors le plan de Dieu à notre égard, nous trouverons toutes les occasions de glorifier Dieu dans notre vie quotidienne, mais aussi toutes les joies et les bénédictions divines pour être entrées dans ce que Dieu avait en réserve pour nous.

Gardons-nous, ma chère Melissa, de vouloir faire mieux que ce que Dieu a prévu pour nous. Demandons à Dieu de nous montrer la mesure de foi qui est nôtre, et n'essayons pas de la dépasser. Rêver à une vie d'abnégation et de dévouement est une chose, marcher dans le plan de Dieu à notre égard en est une autre ! Si Dieu nous appelle à un genre de vie différent de celui des autres femmes, oh! alors, engageons-nous dans cette voie avec une soumission joyeuse; mais ne nous écartons pas de la ligne unie et simple sans une indication toute particulière du Seigneur.

- Eh! Sans doute! s'écria Justine avec vivacité, le mariage est fait pour nous, c'est clair. Quant à moi, je vais avoir vingt ans, et si je trouve une occasion convenable, un jeune homme qui m'aime, qui a du coeur, je n'hésiterai pas.

- Doucement, doucement, reprit en riant Anne-Laure. Se marier pour avoir un homme quel qu'il soit, n'est pas ce que je veux dire. Mieux vaut cent fois rester célibataire que d'épouser le premier venu. Le mariage n'est pas une simple affaire, mes chères amies, comme si vous alliez faire vos courses. Lorsque je vous parle de « mariage », j'entends le mariage dans sa pureté 5, le mariage tel que Dieu le forma, quand au jardin d'Eden il unit Adam et Eve; je n'entends pas l'association de deux êtres légers, indifférents à leur salut, qui ne se rassemblent que pour satisfaire des besoins sentimentaux, sexuels, matériels.

Il y a mariage et mariage. Aujourd'hui, cette union, voulue par Dieu, est corrompue, hideuse. Elle ne ressemble pas plus à l'institution de Dieu, que le jour ne ressemble à la nuit. L'homme en a fait une parodie. Le mariage est devenu comme une coquille creuse dont beaucoup n'ont plus qu'une triste opinion. On donne, on reprend ce qu'il y a de plus précieux, de plus intime. On souille son corps, son esprit, son âme 6 pour ensuite repartir de plus belle à l'assaut d'autres aventures scabreuses. Voilà ce qu'est devenue l'union conjugale, parmi tous ceux dont les coeurs n'ont pas été saisis par la bonne nouvelle du salut par grâce.

- Ah ! s'écria Zoé, il n'y a pas besoin d'aller loin pour faire un tel constat ! Jean Firmin, dont les accès de violence font que sa femme est souvent maquillée d'un cocard; Joseph Charlet, qui trompe sa femme deux ou trois fois la semaine et qui tempête, jure, brise tout en rentrant chez lui; Mathilde Duron qui court après tous les apprentis de son mari. Et tout ce beau monde se retrouve à l'église !

- Ce sont là des exemples, interrompit Anne-Laure, qu'il aurait été plus aimable de ne pas chercher parmi les voisins, mais qui nous prouvent que, chez les chrétiens qui n'ont de Christ que le nom, pas plus que chez les incrédules, le mariage n'est ce qu'il doit être.

La brutalité, l'infidélité, la vanité, la convoitise des hommes et des femmes font les mauvais ménages. A la place de ces vices, on verrait bientôt régner la douceur, l'ordre, le bon accord, si, au lieu de mettre l'évangile dans leur tête, hommes et femmes le mettaient dans leur coeur.

Mais dites-le-moi vous-mêmes, à quoi faut-il regarder quand on se marie ?

- Au mari qu'on prend, répondit timidement Melissa.

- Sans doute. Avant tout cependant, il faut regarder à soi-même. Oui, mes chères jeunes filles, il faut savoir si l'on comprend bien ce que c'est que le mariage. Il faut savoir si l'on y entre légèrement, comme dans un état où l'on ne doit rencontrer que plaisir et qu'indépendance, ou bien si l'on s'en approche avec sérieux, si l'on mesure l'étendue des obligations qu'il impose, si l'on pressent que pour les accomplir, le secours du Seigneur sera constamment nécessaire. Si vous vous nourrissez de fausses idées sur le mariage, ne vous mariez pas; vous ne seriez nullement aptes à remplir les devoirs de la vie conjugale; pas plus à aimer un mari 7, à servir avec lui le Seigneur, qu'à élever des enfants. Et puis, vous choisiriez mal. L'une accepterait le premier étourdi qui répondrait à ses frivoles désirs; l'autre chercherait quelque homme riche qui satisferait les besoins de son orgueil ; celle-ci se laisserait séduire par des paroles flatteuses; chacune prendrait un mari pour ses passions, et les mariages de péché avec péché n'enfantent que du désordre et de l'amertume.

Comprenez-vous tout ce qu'a de sérieux l'acte qui vous donne à un autre ? Se donner sentimentalement et physiquement à un homme n'est pas une simple question d'envie. L'amour n'est pas seulement une question de sentiments, c'est aussi de l'obéissance à la volonté de Dieu. Mettez votre coeur devant Dieu, et alors, vous examinerez la décision à prendre, vous choisirez l'homme que Dieu a en réserve pour vous 8.

Cet homme, mes chères amies, ne le cherchez ni parmi les jeunes gens avides de plaisir, ni parmi ceux qui vivent dans l'indifférence religieuse, ni parmi les êtres immoraux qui s'efforceront peut-être de vous entraîner à l'oubli de votre foi. Cet homme, si vous le voulez tel qu'il puisse vous rendre heureuses, cet homme sera un véritable chrétien 9, cet homme sera un compagnon fidèle avec lequel vous pourrez lire la Bible et prier d'un même coeur. Vous le rencontrerez difficilement, mais Dieu qui est puissant le mettra sur votre chemin, s'il veut que vous embrassiez la carrière de femme mariée; et s'il ne le fait point, restez dans le célibat : il n'y a pas de bénédiction dans l'union formée avec un incrédule, avec un tiède, avec un mauvais mari.

- Oui, mais, demanda Justine, ne peut-on espérer gagner à l'Évangile un mari qui nous aime ?

- Pour faire des conversions 10, Justine, il faut posséder soi-même une conviction ferme, et ne pas faire des compromis au sujet de sa foi dès le début, n'est-ce pas ?

- Je le crois.

- Eh bien, Justine ! Que penses-tu du commandement divin très clair qui nous invite à ne pas nous mettre sous le même joug avec les incrédules ? Crois-tu qu'une jeune fille, sachant un homme étranger à sa foi, devrait s'unir à lui ? Devrait-elle accepter de lui obéir ? Est-ce que tu trouves que cette jeune fille manifesterait dans cette décision une foi sincère, une foi capable de transporter des montagnes ?

- Oh ! Non ! murmura Justine.

- De quel droit, Justine, crois-tu qu'on pourrait parler à un mari de fidélité envers Dieu, quand, par l'acte le plus grave de la vie, on lui aurait donné l'exemple d'une complète désobéissance aux prescriptions du Seigneur ? Quel respect un époux concevrait-il pour des croyances qui n'ont pas su garder notre coeur contre une telle tentation ?

- Oui, mais, Anne-Laure, l'apôtre Paul dit bien: « Si quelque femme a un mari infidèle et qu'il consente à habiter avec elle, qu'elle ne le quitte point.... Car que sais-tu, femme, si tu ne sauveras point ton mari ? » (1 Corinthiens 7 :15-16).
v- Ici, Justine, Dieu promet son secours aux femmes qui se sont converties après leur mariage, et dont l'époux n'est pas encore chrétien. Cela ne s'adresse pas du tout à la jeune fille éclairée, qui, de propos délibéré, viole les commandements de Dieu en se choisissant pour chef et pour appui un homme qui ne Le craint pas, qui ne L'aime pas, qui combat contre Lui peut-être.

- S'il n'est qu'indifférent ! ajouta tout bas Justine.

- S'il n'est qu'indifférent, son indifférence te gagnera. Oh ! Mes chères amies, ne vous faites pas d'illusions. Donner la main au péché, c'est lui livrer l'âme tout entière. Vous croyez que votre piété réchauffera le coeur engourdi du tiède: vous vous trompez, c'est sa tiédeur qui engourdira votre piété. Tantôt vous craindrez de déplaire à un époux en vous montrant trop scrupuleuses, trop rigides; tantôt vous essaierez de l'attirer à vous, en faisant un pas vers l'oubli des commandements de Dieu, vers la légèreté, vers l'amour du gain, vers les mauvais plaisirs. Vos lectures de la Bible, vos prières ennuieront cet époux, il n'y prendra aucune part, il s'en moquera peut-être; bientôt elles vous paraîtront, à vous aussi, longues et fastidieuses ; il vous dira qu'en travaillant, qu'en s'aimant, on sert mieux Dieu qu'en méditant sans cesse.... et vous le croirez ! Vous vous écarterez du Seigneur; votre âme privée de nourriture se desséchera; la pensée de Dieu, au lieu de vous causer de la joie, vous causera des remords, de la crainte; vous fuirez votre unique Sauveur, et vous vous perdrez, séduites par Satan le menteur, qui vous aura fait croire que vous pouviez ramener un égaré, en vous égarant vous-mêmes !

- Moi, il me semble, s'écria brusquement Patricia, que, pourvu qu'un mari nous laisse libres de remplir les devoirs de notre religion, c'est tout ce qu'il nous faut. On peut ne pas avoir les mêmes croyances et vivre en harmonie. Quand on a de l'amour l'un pour l'autre, cela suffit à la paix.

- Patricia, crois-tu que « remplir les devoirs de sa religion », c'est-à-dire aller au temple, à ce que je suppose, réciter le matin et le soir une prière, lire quelques versets à la hâte et pour l'a paix de sa conscience; crois-tu que ce soit là tout ce que demande Jésus Christ ? Crois-tu qu'il s'arrête aux paroles, aux pratiques, et qu'il n'aille pas au coeur ? Crois-tu qu'on puisse lui faire prendre des semblants de foi pour une véritable foi ? Et puis, le vrai christianisme n'est pas une religion, un ensemble de pratiques inspirées ou non par la Bible, mais bien plutôt une relation avec le Christ, avec le Sauveur. C'est de cette communion intime avec Jésus que découle l'essence même de ta foi. Ne l'oublie jamais !

D'ailleurs, je viens de vous le dire, ces apparences de piété, on ne les conserve guère avec un époux indifférent ou incrédule. En le choisissant pour son mari, on a fait un premier acte de rébellion envers Dieu, les autres suivent de près. Et si Patricia a parlé d'amour, d'affection entre deux personnes que n'unit pas une même foi au Père céleste, cette affection, si elle naît, ne dure pas. Elle ne peut pas durer, à moins de renier le Seigneur ! Les défauts, la mauvaise humeur, la colère, la dissimulation, l'orgueil, toutes les passions que le Saint Esprit combat et qu'il chasse du coeur, ainsi que les vices contre lesquels Jésus nous met en garde, détruisent la paix du ménage. Quand Christ ne règne pas dans l'âme des époux, c'est le monde, c'est le péché qui les dominent, et avec le péché viennent les disputes et les larmes.

Patricia, en admettant que tu aimes un époux qui n'aime pas Dieu, que cet homme t'aime, et que vous viviez ensemble dans un certain bonheur, que se passera-t-il lorsque la mort frappera à votre porte ? Qu'arrivera-t-il quand elle t'arrachera ton mari, quand tu sauras que cette pauvre âme pécheresse paraît devant son Juge et qu'il y a contre elle une condamnation... Ton coeur ne sera-t-il pas brisé ? Pourras-tu trouver des consolations ?

Patricia secoua la tête, regarda d'un autre côté, pensa que Dieu était « trop bon » pour condamner les gens; et Anne-Laure, qui devina ses pensées, soupira profondément.

- Dieu use de miséricorde envers tous ceux qui se tournent vers lui d'un coeur droit, dit-elle. Il a, par conséquent, des compassions pour celle qui revient à lui, après l'avoir offensé en prenant un époux dépourvu de foi. Mais, je vous le répète, celle-là s'est placée dans la plus défavorable des conditions.

Maintenant, mes amies, il me reste à vous prévenir contre un autre danger.... je veux parler des mariages mixtes, de l'union avec un mari qui, bien qu'il confesse Christ pour Sauveur, ne partage pas les mêmes doctrines que vous quant à la révélation de la Parole de Dieu.

- Les catholiques sont pourtant des chrétiens ? interrompit Zoé.

- Oui, au même titre d'ailleurs que d'autres enfants de Dieu disséminés dans bien des dénominations chrétiennes. Mais, aux divines vérités de l'évangile, ils ont ajouté certaines erreurs humaines. Ils ont tendu, entre la croix de Christ et le pécheur, des filets qui arrêtent celui-ci dans sa course et l'empêchent trop souvent d'arriver à Jésus. Méfiez-vous de l'oecuménisme ! Il est l'instrument par lequel bien des compromissions sont introduites face à la droiture que nous devons maintenir envers l'enseignement des Saintes Écritures.

- Mais un catholique peut être sauvé, il peut mettre toute son espérance dans le sacrifice du Seigneur, on peut lire avec lui la Parole de Dieu, prier, servir Christ ! reprit vivement Zoé.

- Un catholique romain peut certainement être sauvé, répondit Anne-Laure. Je ne mets nullement cela en doute ! Mais il le sera difficilement tant qu'il restera enveloppé dans les erreurs de sa religion. Il peut mettre son espérance en Jésus, ne la mettre qu'en lui ; mais, pour le faire, il devra refuser sa foi au « pape », à ce représentant de Christ qui se prétend infaillible. Il devra saisir qu'il est sauvé uniquement par la grâce en l'oeuvre de Christ 11, et non par de quelconques mérites. Il devra comprendre qu'il y a un seul médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme Christ Jésus 12. Et par là donc, il comprendra qu'il ne doit plus passer par d'autres intermédiaires tels que Marie et les saints. Sa prière sera aussi, selon l'Esprit, en toute liberté et plus dictée par de vaines redites toutes préparées à l'avance 13.

- Tu es dure avec les chrétiens qui ne pensent pas comme toi, répliqua Zoé. Ce n'est pas très charitable !

- Tu te trompes, répondit Anne-Laure. L'amour ne peut s'exprimer au détriment de la vérité. J'aime les catholiques comme toute personne, mais je veux simplement vous montrer que certaines de leurs croyances ne sont pas bibliques. Vous savez, quand on a été élevé dans de telles doctrines, il est difficile d'accepter qu'à Dieu seul revient la gloire, que l'église n'est pas la vérité mais la colonne qui soutient la vérité 14. Comprenez bien la différence ! A partir du moment où l'église se targue d'être la vérité, elle se met au niveau de Dieu et donne ses enseignements comme s'ils étaient divins. L'interprétation des hommes religieux ne peut en aucun cas contredire la Parole de Dieu. Or, celle-ci nous révèle bien que plusieurs des enseignements de l'église catholique romaine sont contraires à la Bible. Il ne peut en être ainsi, surtout lorsque vous avez été éclairées. Vous ne pouvez vous mettre sous le couvert de l'ignorance. Vous êtes, mes amies, responsables de ce que vous avez appris au travers des Saintes Écritures.

On peut, avec un catholique romain, lire la Bible. Oui, s'il accepte de ne pas l'interpréter selon les commandements de ses chefs spirituels, s'il ouvre le livre sacré en dépit des « commentaires de son église » qui lui dictent ce qu'il doit comprendre, étouffant par là le travail de l'Esprit Saint et les exercices de foi qui devraient être siens. Or, n'oubliez pas que Jésus dit lui-même: « Sondez diligemment les Écritures, car vous estimez avoir par elles la vie éternelle, et ce sont elles qui rendent témoignage de moi » (Jean 5 :39).

Mais de bonne foi, croyez-vous tout cela bien facile ? Pensez-vous qu'un catholique éclairé, émancipé de la sorte, reste catholique ? S'il reconnaît les erreurs de sa communion, attendez pour lui donner votre vie à diriger, attendez qu'il en ait secoué le joug, attendez qu'il ait pris celui de Christ. S'il ne veut pas venir à Christ seul, gardez-vous d'en faire votre mari. Dans ce cas, ou il est insouciant en matière de foi, et vous retombez dans les misères d'une association sans « Dieu »; ou il est disciple fervent de l'église romaine, et en l'épousant, vous vous soumettez à des doctrines que vous considérez comme un mensonge. Alors, il n'y aura plus pour vous d'unité dans les pensées, dans les actes, mais au contraire les douleurs d'une âme qui se sent étouffée dans sa foi. Alors, vous verrez un époux s'éloigner chaque jour davantage de ce que vous estimez être la seule vérité vraie, la seule qui sauve. Alors, vous verrez une déplorable influence envahir votre foyer, une influence religieuse qui prend la place qui revient à Dieu, et qui va s'étendre jusqu'aux esprits de vos enfants... vos chers enfants ! Ah ! Zoé, quelle responsabilité ! Si un mari te laissait la liberté de les élever dans tes convictions évangéliques, cette complaisance ne dénoterait-elle pas chez lui une indifférence religieuse, qui devrait à elle seule t'empêcher de l'épouser ! Et s'il exigeait qu'ils entrent dans l'église romaine, pourrais-tu y consentir ? T'assujettirais-tu à l'erreur, à une erreur qui les retiendra peut-être loin de Jésus, ces âmes que Jésus t'a confiées ? Renoncerais-tu à tes droits sur eux, au droit doux et sacré de les instruire dans la foi purement évangélique? Les livrerais-tu à d'autres, à d'autres que tu sais dans l'erreur ?

Mes amies, je vous le demande au nom du Seigneur qui est présent quoique invisible, dans un mari cherchez avant tout une piété solide et vraie. Ne vous laissez séduire ni par votre imagination, ni par votre orgueil, ni par votre légèreté. Ne confiez la direction de votre existence qu'à l'homme avec lequel vous pourrez méditer les Saintes Écritures, prier Dieu, qu'à l'homme que Jésus aura appelé et qui aura répondu.

- Anne-Laure, avec le secours du Saint Esprit, j'ose te le promettre, s'écria Melissa fortement émue... Oui, je le sens, la communion chrétienne avec un époux, il ne faut rien de plus pour la sanctification et pour le bonheur.

Mme Vivien la regarda tendrement pendant un instant de silence.

- C'est la première, c'est l'indispensable condition, reprit-elle, cependant il faut encore autre chose... Je vais vous l'apprendre en peu de mots, car la nuit approche, il nous reste pour dimanche prochain plusieurs sujets à traiter. Et puis n'aurons-nous pas à nous dire adieu... pour longtemps peut-être ?

- Chère Melissa, les caractères, les goûts des époux, doivent non pas, comprenez-moi bien, être parfaitement pareils, mais s'accorder, se convenir, s'adapter les uns aux autres. Le christianisme tempère les fortes divergences, il les efface difficilement. Des époux pieux et très opposés d'humeur ne se querelleront pas, mais ils auront de la peine à maintenir la paix. Ils ne tireront pas chacun de leur côté, comme on le voit faire aux époux mondains, mais il leur sera malaisé d'établir l'intimité. En un mot, ils entasseront devant eux des difficultés dont, à la longue, une foi vive pourra bien débarrasser leur route, mais qui useront beaucoup de leurs forces et qui peut-être retarderont leur sanctification.

Appliquez-vous donc à connaître le caractère d'un futur époux, le vôtre. Demandez au Saint Esprit de vous éclairer dans cet examen. Si les différences qui vous séparent sont de celles que la vie en commun dans l'amour de Jésus fait disparaître, si elles sont de celles qui resserrent les liens au lieu de les relâcher, comme par exemple le contraste de l'énergie avec la douceur, de l'ardeur impétueuse avec le calme réfléchi, unissez-vous, vous le pouvez sans crainte. Si vous pensez, au contraire que telle ou telle divergence, loin de s'atténuer, doive s'accroître, loin de fortifier l'union, doive amener de l'antipathie, ne fût-ce que de l'éloignement, oh! rompez alors, épargnez-vous, épargnez à l'homme qui vous recherche les chagrins que vous causeraient de perpétuelles divisions.

Ce n'est pas tout, jeunes filles.

Gardez-vous d'entrer trop jeunes dans la carrière conjugale. Il faut s'élever soi-même au sein du mariage, et pour s'élever, il faut se connaître. Ainsi, l'âge où l'on commence à s'étudier, à se rendre compte des choses, à travailler sur son coeur, c'est l'âge de dix-huit, de dix-neuf, de vingt ans.

Même alors, on voit encore confusément en soi-même, bien confusément dans la vie, on est rarement en état de choisir sainement, parce qu'on n'a pas encore appris à distinguer l'homme dont l'âme appartient réellement à Christ de l'homme qu'un moment d'élan de piété, que les ruses d'un calcul habile rapprochent pour quelques temps de son Sauveur. On ne connaît ni soi ni les autres, et, si l'on se décide, habituellement, l'on se décide mal.

Mais même si une jeune fille de dix-huit à vingt ans fait un bon choix, elle n'est qu'au commencement de sa tâche. A peine quelques semaines se sont-elles écoulées depuis le jour des noces, que d'un côté comme de l'autre, voici des défauts qui paraissent, qui froissent, qui demandent de la patience; voici des devoirs envers un mari, envers un beau-père, envers une belle-mère; voici des soins à donner au ménage, de l'ordre à établir, des habitudes nouvelles à prendre. Tout cela étonne, tout cela trouble, souvent afflige. De quel côté se tourner, comment s'y prendre, par où commencer? La femme trop jeune risque de se tromper faute d'expérience, faute de réflexion, faute de bonne volonté parfois. Elle risque de se livrer à de premiers mouvements impétueux, elle risque de plier quand il faudrait résister, de résister quand il faudrait plier. Et puis, son influence dans la maison s'établit difficilement. Un mari, des parents, lui ferment la bouche avec ces mots: « Tu débutes dans la vie! » Ils trouvent dans sa jeunesse un commode prétexte pour ne pas l'écouter, même lorsqu'elle a raison.

- Si cette jeune fille est chrétienne, le Seigneur ne se tient-il pas à son côté ? demanda Melissa.

- Oui, Melissa, il s'y tient, il n'abandonne pas ses rachetés. Le Seigneur est notre aide, comme il nous l'est rappelé au chapitre treize de l'épître aux Hébreux. Mais quand on se place volontairement dans une position dangereuse, le Seigneur nous en laisse sentir les épines. Vous avez pu le remarquer ; Jésus, qui nous annonce le pardon de nos péchés, permet cependant que nous recueillions quelques-uns de leurs fruits les plus âpres.

Si, dans un moment de mauvaise humeur, je me fâche contre mon collègue de travail qui a fait une erreur dans un dossier, contre une autre collègue qui a oublié de m'apporter un document, je pourrai bien me repentir, demander pardon à mes compagnons de service, me réjouir de ce que Christ a effacé ma faute; mais on ne m'en dira pas moins: « Madame Vivien, avec ses grands principes chrétiens, est aussi colère qu'une autre ! » Mon impatience aura fait du tort à mon témoignage chrétien, et j'en éprouverai de la peine.

Encore un mot, ne vous associez pas à un mari qui est paresseux 15. Ce défaut n'est pas des moindres ! Il a entraîné bien des familles dans la misère. Alors, prenez attention à ce que ce trait de caractère ne se trouve ni chez vous, ni chez l'homme que vous espérez épouser. Le livre des Proverbes nous met bien en garde contre les dégâts de la paresse, ils peuvent conduire votre couple au naufrage !

- Avec des bras, une bonne santé, une volonté forte, dit Justine, il me semble qu'on a tout ce qui est nécessaire pour vivre.

- Pas toujours. La santé, Dieu peut la retirer; la volonté, elle s'use parfois; le travail, souvent il manque aux bras. Ah ! Tu ne sais pas ce que c'est que les cris de petits enfants qui ont faim. Tu ne sais pas ce que c'est que les gémissements d'un mari qui souffre, étendu sur un lit de maladie, d'un mari dont le travail nourrissait toute la famille, et auquel on ne peut procurer aucun soulagement, pas même une visite du médecin !

- Il n'y a aucun doute, coupa Zoé, l'argent sert à tout ! On est tranquille sur son avenir, sur celui de ses enfants, lorsqu'on épouse un homme qui a les moyens. Et puis l'on peut s'accorder quelques plaisirs, l'on peut donner une bonne éducation à ses enfants, on peut même aider les autres !

- Oui, interrompit Anne-Laure, et l'on peut aussi attacher son coeur à des vanités, mettre son plaisir à se voir la mieux habillée du village; on peut oublier les misères du prochain, misères qui échappent d'autant mieux à la mémoire, qu'on ne les a pas éprouvées. On peut se faire une idole de ses biens, croire, comme tu le dis si bien, que l'argent suffit à tout 16. On peut sacrifier, dans le choix d'un mari, la recherche d'une foi partagée, des sympathies de caractère, à celle de la fortune. On peut encore rencontrer dans un homme riche un coeur avare, et l'on peut se repentir toute une vie, toute une éternité, d'avoir placé au premier rang ce qui devait tenir le dernier.

Mes amies, je le redis encore, cherchez d'abord la foi dans un mari, puis la conformité des idées, des goûts; après, très longtemps après, l'aisance. Si vous placez la condition financière dans vos priorités, vous ne manquerez pas de courir vers bien des maux. Et n'oubliez pas que vous ne rencontrerez pas toutes les qualités et les avantages réunis chez un seul individu, mais du moins vous n'accepterez pas un homme auquel manquerait la piété. Et si, ne trouvant ni aisance, ni une parfaite convenance de caractère chez celui qui craint Dieu, vous vous décidez à passer outre et à l'épouser, vous saurez à quelles difficultés vous vous soumettez, votre coeur en sera mieux disposés à chercher sa force auprès de Dieu.

Il se fait tard, mes chères amies. Je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque ennui en chemin. Rentrez chez vous. Au revoir ... et au plaisir de nous retrouver dimanche prochain.

Les quatre jeunes filles prirent donc le chemin du retour.

Après une centaine de mètres, l'une d'entre elle brisa le silence de leurs réflexions.

- Anne-Laure est drôle, dit Patricia, où veut-elle donc que nous trouvions un mari pieux, aimable et riche ?

- Encore si elle nous disait de nous amuser avec les garçons, ajouta Justine, on pourrait se rencontrer, faire connaissance ! C'est bien simple, si nous vivions comme elle le veut, comme des religieuses au couvent, il n'y a pas de risque de rencontrer un mauvais mari, on n'en rencontrerait à coup sûr aucun !

- Arrêtez ! s'écria Melissa. Patricia, Anne-Laure ne vient-elle pas de dire que nous trouverions difficilement toutes ces qualités dans un mari, que la piété est seule indispensable, qu'elle a parlé des autres parce qu'il faut les chercher, parce qu'on peut les rencontrer, parce qu'il faut savoir ce que c'est que le mariage, mais non...

- Ah ! La voilà qui va recommencer toute la leçon, interrompit Patricia, j'en ai assez entendu comme ça ! Et poussant un bruyant éclat de rire, elle s'élança la première dans la rue suivante.

- Pour moi, reprit Melissa, un peu blessée mais d'un ton plus doux et plus modeste, pour moi, j'en ai l'espoir, Dieu me dirigera. J'attendrai, pour entrer dans la vie conjugale, d'avoir trouvé un homme qui aime le Seigneur. Dieu saura bien me le faire rencontrer s'il veut que je me marie... Et si je ne le rencontre pas, je ne me marierai pas.

- Oui ! Elle a raison ! dit Justine, qui, très vite entraînée d'un côté, revenait vite aussi d'un autre.

- Alors, fit Zoé, vous désobéirez à Anne-Laure, car elle nous invite à nous marier.

- On doit se marier lorsqu'on peut le faire selon Dieu, reprit Melissa en souriant, et rester célibataire si c'est ce que le Seigneur veut pour nous.

- Bah ! bah ! s'écria Patricia, vous avez beau dire, j'épouserai, moi, un joli garçon, gai et bon vivant, et s'il ne pense pas comme moi en matière de religion ... Eh bien, nous prierons Dieu chacun à notre manière ! Et s'il ne croit pas, je m'en accommoderais aussi, du moment qu'il me plaît.

- Cela veut dire que vous ne le prierez ni l'un ni l'autre, interrompit Justine en se rapprochant de Melissa, en lui faisant un clin d'oeil.

- Patricia, reprit Melissa, il me semble qu'il y a une bonne manière de prier Dieu.

-Oui, et laquelle, s'il te plaît, toi la grande chrétienne? répondit Patricia d'un ton ironique.

- Celle que nous indique la Bible. Il est écrit dans la Parole de Dieu de prier en couple 17.

- J'épouserai un homme qui m'aime, et voilà tout ! répondit brusquement Patricia.

Melissa comprit qu'il serait inutile, fâcheux même de pousser la discussion plus loin, elle se tut.

Justine déclara que, quant à elle, elle voulait voir le monde avant de s'engager pour la vie ; vivre un peu, quoi !

Zoé dit que sans doute la piété et les traits de caractère avaient leur importance, mais que la richesse avait son attrait aussi. Et comme les travaux du ménage ne lui plaisaient pas, elle se déciderait difficilement à épouser un homme qui ne lui procurerait pas les avantages de la richesse, tout au moins ceux d'un certain niveau de vie.

Chacune regagna sa maison, retirant des fruits de cet entretien selon ce qu'elle était capable de produire.

Melissa, une résolution conforme à l'esprit de l'évangile; Justine, un improductif mélange de désirs pieux et de penchants mondains; Zoé, des besoins orgueilleux dont ne la délivrait pas une foi morte; Patricia, une sécheresse, presque une révolte contre Dieu, que cette application des principes chrétiens à la vie pratique venait mettre en lumière.


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