Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



Le terrible fardeau du diable
(Concerne Justine Jaquemin)

 

Le fardeau du diable est pesant et son joug malaisé.

Il y avait quatre mois que Mme Vivien était à Erquelinnes. On se trouvait en décembre, et les rigueurs de l'hiver commençaient à se faire sentir, lorsqu'Anne-Laure, revenant un jour d'une conférence chrétienne qui s'était tenue à Charleroi, trouva une lettre qui l'intrigua.

Il y était question d'une femme malade, d'un mari sans travail, d'un loyer à payer, d'une famille privée de nourriture et de vêtements.

Une triste expérience avait appris à Anne-Laure qu'il faut souvent diminuer la moitié de ces détails, sous peine de céder à une demande exagérée. Elle savait qu'il faut se donner la peine de voir par ses yeux. Et bien que l'adresse indiquée fût dans la ville de Mons, à une trentaine de kilomètres de chez elle, elle prit sa voiture, et partit pour la rue des Arquebusiers, adresse indiquée par les signataires de la lettre, les époux Jaquemin, nom qui lui était inconnu.

Après une demi-heure de route, elle arriva devant une petite porte de triste apparence. Elle entra et traversa dans sa longueur un corridor noir. Puis, elle monta à tâtons les rampes d'un escalier dégradé, et demeura immobile, arrêtée par le tumulte qui se faisait entendre au-dessus d'elle.
- Le misérable ! criait une voix féminine. Sait-il faire autre chose que boire ? N'est-ce pas la famine qu'il nous amène, toutes les fois qu'il revient ici ?

- Ça, c'est vrai, dit une autre voix de femme.

- Ne me pousse pas ! interrompit un troisième interlocuteur masculin, qui hurlait de colère.

- Te pousser ! Te pousser! Je ne vois pas pourquoi je mettrais des gants pour parler à Monsieur !

Un immense éclat de rire accueillit cette boutade.

- Ne me pousse pas, je te le répète !

- Un fainéant ! continua la voix de femme, un ivrogne ! Tu n'es qu'un pauvre type !

- Encore un mot, et tu le sentiras passer!

- Essaie toujours ! s'écrièrent deux ou trois voisines. Tu as peur, hein ?

- Tu n'es qu'un sans coeur ! reprit la voix en sanglots.

- Chérie, chérie !

- Ne m'appelle plus jamais comme cela !

Ici la voix fut tout à coup interrompue. L'on entendit cinq ou six coups, vigoureusement appliqués. Des cris, des pleurs éclatèrent, et un homme s'élança dans l'escalier, qu'il descendit quatre à quatre, non sans renverser à moitié Mme Vivien, très inquiète.

Après un instant employé à se remettre de la scène qu'elle n'avait pas vue, mais bien entendue, du moins en partie, Anne-Laure, regarda le numéro de l'appartement indiqué sur la lettre, et sonna.

Une femme échevelée, les habits sales et déchirés, vint ouvrir. Par dessus l'épaule de cette épave, Anne-Laure vit que d'autres femmes étaient dans l'appartement. Mais revenant à la femme qui venait de lui ouvrir la porte, elle comprit d'un rapide coup d'oeil combien cette lettre n'avait en rien exagéré les faits, peut-être qu'elle les avait même amoindris ! Le visage rouge d'émotion, et probablement hébétée par l'alcool, cette pauvre femme laissa entrer Mme Vivien sans lui demander la raison de sa visite. Les autres dames dans la pièce consolaient la malheureuse battue, et maudissaient le coupable. Quelle triste scène !

Une petite fille de sept ans et deux petits garçons mal vêtus regardaient leur maman. Et le plus attristant, c'est qu'ils n'avaient pas l'air surpris d'une telle misère morale. Et pour couronner le tout, la télévision allait très fort. On s'entendait à peine. Anne-Laure ne put réprimer un profond soupir de compassion.

A sa vue, les voisines, étonnées, s'écartèrent un peu. La femme se retourna, ce visage défait réveilla comme un vague souvenir dans la mémoire de Mme Vivien.

- Voici une lettre que j'ai reçue à propos d'une demande d'aide.

Le regard de la femme changea complètement. Une lueur d'effroi passa dans ses yeux et son visage s'assombrit, à défaut de paraître sérieux. La gorge serrée, elle sortit péniblement quelques mots.

- C'est moi qui l'ai écrite.

Cette voix frappa Anne-Laure, comme une gifle en plein visage ! Elle s'avança, examina ce visage flétri, arrêta un instant ses regards sur ces yeux vides. Puis, elle s'écria, sans prendre garde aux autres:

- Justine ! Toi, ici, dans cet état ! Je ne t'avais pas reconnue.

- Moi non plus, répondit confusément la jeune femme, qui paraissait dix ans plus âgée qu'elle ne l'était.

« Avec l'alcool, c'est normal qu'elle ne m'ait pas reconnue », pensa Anne-Laure, en essayant de faire bonne figure.

- J'aurais aimé que l'on se retrouve dans d'autres circonstances, dit Justine qui tentait de reprendre ses esprits.

- Et moi donc, reprit Anne-Laure.

Puis, se tournant vers les autres dames, Mme Vivien les invita à partir.

- Mesdames, dit-elle avec politesse, mais avec fermeté, veuillez nous permettre de rester seules.

Elle les reconduisit, et la porte fermée derrière elles ne leur laissa que le triste plaisir de se moquer de son allure.

- Justine ! répéta presque involontairement Anne-Laure, toi, ici ! Qu'est-il donc survenu pour que tu en arrives là ?

Justine était retombée sur une chaise, tandis que les enfants étaient retournés à leur programme de télévision.

- Oh ! Justine ! Te retrouver dans une pareille misère ! Dans un pareil désordre... et ces enfants !

Anne-Laure promena ses regards dans l'appartement, puis les ramenant sur Justine toujours muette, toujours le front baissé: « Pauvre Justine ! » murmura-t-elle, en lui prenant affectueusement les mains.

- C'est cet homme ! s'écria tout à coup Justine en relevant la tête avec véhémence, c'est cet homme ! Il est la cause de tout. Sans lui, je travaillerais, je nourrirais mes enfants, mais avec un ivrogne comme celui-là, que faire ? Et pourtant, s'il le voulait, il serait un bon mari et un bon père. Lorsque nous habitions en région bruxelloise, il était contremaître dans une menuiserie. L'argent rentrait et tout allait bien ! Mais non, Monsieur a préféré courir les femmes, boire et m'abrutir de coups.

Ici Justine fondit en larmes.

- Ah ! Pauvre fille ! s'écria Anne-Laure. Je ne connais pas ton mari, mais d'après ce que j'ai entendu dans la cage d'escalier, je peux te dire que tu ne sembles pas dans un meilleur état que lui. Tu l'as provoqué par tes paroles, et que dire de ton état. Ta bouche proférait des invitations à la violence. Et alors que tu aurais dû t'imposer le silence devant tes voisines, tu en as été encore plus excitée. Tu as étalé ta misère au grand jour, sans pudeur, en présence de témoins, de témoins qui jetaient de l'huile sur le feu. Justine, qui sème le vent, moissonne la tempête !

- Avant, nous nous querellions aussi, mais cela s'apaisait vite. Et après, nous nous aimions mieux qu'avant... Maintenant tout est changé, tout va de mal en pis. Je ne sais plus quoi faire.

- Avant, reprit Anne-Laure, oui, je le crois, avant, tu te laissais entraîner par le diabolique plaisir de chercher des émotions dans la discorde. Ton affection résistait à ces chocs, la rage d'avoir été un instant délaissée semblait accroître ta tendresse, n'est-ce pas ? Mais ces scènes, rares d'abord, se sont fréquemment répétées. Ces altercations ont laissé plus d'amertume dans vos coeurs, un désir moins pressant de pardonner. Vous avez pu passer des heures, puis des jours, puis des semaines sans revenir l'un à l'autre, et maintenant les querelles succèdent aux querelles, sans que le regret, sans que l'affection vous rapprochent. N'est-ce pas là votre histoire, Justine ?

Justine soupira et baissa les yeux.

- Pourtant, je l'aime, reprit-elle. Je le connais, il a bon coeur, mais cette ivrognerie le pousse à s'éloigner de moi et des enfants. D'ailleurs, il me trompe, j'en suis sûre, s'écria-t-elle avec emportement. Oui, il s'amuse avec d'autres pendant que je pleure ici, pendant que ces enfants sont laissés à eux-mêmes !

- Justine, prends garde, il est ton mari, devant Dieu tu as juré de le respecter. Et tes enfants, il ne devraient pas être laissés à eux-mêmes, puisque tu es là.

A ces mots, les joues, le front pâle de Justine se couvrirent subitement d'une rougeur éclatante.

Anne-Laure s'arrêta, regarda Justine, et devina qu'elle ne lui disait pas tout.

- Car... tu es bien mariée, poursuivit-elle.

- Non ! fit Justine presque sans voix.

Il y eut un silence solennel, puis:

- Une jeune fille que son Sauveur avait appelée... qui connaissait l'Évangile ! reprit Anne-Laure comme se parlant à elle-même.

Justine fondit en larmes.

- Ma chère Justine, comment es-tu tombée si bas ! Et tu veux que cet homme te soit fidèle ! Tu espères que la paix règne dans une telle union ! Est-ce que tu penses que Dieu peut vous bénir... vous deux et vos enfants ? Ah ! Justine, Justine, rien ne m'étonne plus.

- Oh! Anne-Laure, s'écria Justine à demi suffoquée par les sanglots, et saisissant la main de son ancienne amie, je vais tout te dire. J'ai quitté Erquelinnes, voilà ce qui m'a perdue. Ah ! Si tu étais restée près de nous !

- Le Seigneur ne t'abandonnait pas, interrompit doucement Anne-Laure, tu pouvais le prier.

- Je l'ai fait... mais pas assez peut-être. J'avais envie de voir le monde. Ma cousine, qui habitait Bruxelles, m'écrivit de venir la rejoindre, elle me disait que le magasin de chaussures où elle travaillait cherchait d'autres vendeuses. Je me rappelai tes conseils à propos du danger de vivre seule dans un autre environnement où bien des tentations viennent nous harceler. Ils m'arrêtèrent un instant. Et puis, avec la crainte de Dieu, me dis-je, on peut bien se conduire partout. Mes parents ne s'opposèrent que faiblement à mon départ, et je quittai Erquelinnes. La place que m'avait conseillée ma cousine était mauvaise. Le travail n'était pas désagréable, mais les autres vendeuses m'ont entraînée, ainsi que ma cousine, dans le monde et ses folies.

- Il fallait résister ! dit Anne-Laure.

- Hélas ! J'ai essayé quelque temps. Elles se moquaient de moi! et j'ai craqué ! J'ai perdu la tête.

- Ta tête, mais aussi ton coeur et ton âme, pauvre Justine.

- Mon temps libre se passait entre les sorties avec les garçons et les achats avec les copines ...

- Mais il y a des chrétiens à Bruxelles. N'aurais-tu pas pu rechercher leur compagnie plutôt que celle de ces mauvaises fréquentations ? demanda Anne-Laure. Et le dimanche ?

- Oh ! Le dimanche j'étais bien plus fatiguée que les autres jours, parce que l'on partait dans une boîte de nuit de Gand tous les samedis soirs, et je ne revenais qu'à l'aube. Et puis, tout s'est dégradé. J'ai perdu mon travail parce que je ne pouvais plus me lever assez tôt pour arriver à l'heure. J'ai été au chômage quelques temps. Et ensuite, j'ai rencontré Bernard lors d'un concert de jazz, dans un café de la chaussée de Vilvorde. Il m'a offert un verre, et nous avons immédiatement sympathisé. Le week-end, nous dansions ensemble, je le retrouvais partout. Il me parla, après quelques mois, de mariage, mais avant de m'épouser il voulait, disait-il, gagner une petite somme qui nous permettrait de nous établir d'une manière convenable. J'étais sans travail ... seule... et... alors .....

Justine s'arrêta.

- Alors, pauvre malheureuse, tu as oublié qu'il y a un Dieu, un Dieu qui est Dieu de près, que nous pouvons invoquer dans la détresse, un Dieu qui « n'éteint pas le lumignon fumant » (Matthieu 12:20). Et au lieu de l'appeler à ton secours, de rompre avec le péché, de retourner à la croix du calvaire, tu as cédé, tu t'es perdue dans une union contraire à la volonté de Dieu. Non seulement, ce n'était pas un homme pour toi, mais en plus tu t'es mise en ménage avec lui.

- Oui ! Au commencement, Bernard m'aimait. Il prenait soin de moi. Il ne me quittait pas.... mais à présent !

- Au commencement avais-tu la paix dans ton coeur ? Avais-tu seulement prié pour connaître la volonté de Dieu ? Te sentais-tu libre de lire la Bible ? Je ne le pense pas !

- C'est vrai, murmura Justine. J'étais par moments comme enivrée, comme folle de joie, mais souvent triste. J'avais peur de me souvenir de nos anciennes conversations. Alors, je me jetais dans les bras de Bernard, avec qui j'avais bien des plaisirs, celui du cinéma surtout, je le préférais aux autres, mais j'en sortais agitée. Et le lendemain, je passais ma journée à rêver à ce que j'avais vu.

Comme il fallait vivre, j'ai commencé à travailler au noir, non déclarée. Mais je me suis fait prendre, et j'ai perdu mes allocations de chômage. C'est alors que nous avons commencé à contracter des crédits, petits au début, mais de plus en plus lourds par la suite. Avec les soucis financiers, Bernard ne me parlait plus de mariage, et je m'y suis faite, en me disant que j'étais mariée dans mon coeur, qu'un papier ne changerait rien. Malheureusement, il n'avait plus sa tendresse des premières années, il me quittait durant des jours entiers, et lorsqu'il rentrait et que je lui montrais ses enfants, il gardait le silence et repartait. Pire, quand je lui reprochais ses sorties, il se fâchait et me brutalisait.

Il y a eu des hauts et des bas dans notre situation. Nous avons encore connu des moments de tendresse, mais les dettes vinrent très vite assombrir et couler notre relation. Mais tant que nous sommes restés à Bruxelles, cela allait encore. Un jour, nous avons été expulsés de notre appartement pour ne pas avoir payé le loyer durant dix mois. Dès lors, nous sommes descendus toujours plus bas, et nous avons échoué à Mons, dans l'état que tu vois.

Le coeur d'Anne-Laure débordait. Que de choses elle aurait à dire sur cette déchéance, sur ces malheurs, inévitables conséquences de relations et de pratiques condamnées par la loi divine. Il y aurait tant à dire sur cette lie amère, boueuse, qu'on trouve au fond de tous les plaisirs mondains. Et cette influence du cinéma, qui représente la vie comme elle n'est pas, qui crée dans l'âme des désirs insensés, qui accoutume le spectateur à rire du vice au lien d'en pleurer, à l'admirer s'il est audacieux, à le plaindre s'il est touchant. Ces films 33 remplis d'adultères, de violence, de corruption excitent le besoin de tout ce qui est contraire à la sainteté. Ils inspirent même le dégoût de tout ce qui est saint, noble. Justine par sa légèreté, au mépris du danger et de l'oubli de la prière, avait sombré ! Mais il fallait aller au plus pressé.

- Ecoute-moi, reprit Anne-Laure, Jésus est le même hier, aujourd'hui, éternellement (Hébreux 13 :8). Tu as souffert de tes fautes, tu en souffriras encore, mais Jésus te tend toujours les bras. Sauve ton âme, celle de tes enfants. Tu n'as que deux choix devant toi: quitter Bernard ou l'épouser. Tant que vous vivrez par votre libre volonté dans l'impureté, Christ ne vous recevra pas. Vous êtes à l'entrée d'une route qui mène à la dernière dégradation, et qui y mène vite. Réfléchis, choisis ! Que le Saint Esprit t'éclaire et qu'il touche le coeur de Bernard.

- Oh ! Anne-Laure, s'écria Justine, en joignant les mains, il ne veut plus m'épouser, et je ne suis pas sûre de le vouloir encore. Enfin, je ne sais pas! C'est vrai que je l'aime encore, bien qu'il soit parfois violent, bien qu'il me délaisse! Oui, je l'aime encore. Bien que les voisines me disent qu'il n'en vaut pas la peine.

- Tes voisines ? Mais c'est devant Dieu que tu dois te placer, et non devant ces femmes qui ne m'ont pas l'air très recommandables. Enfin, d'après leurs paroles, j'ai compris qu'elles n'étaient pas de bon conseil. Le concubinage, Justine, ce péché comme tous les péchés t'accusera devant Dieu, jusqu'à ce que tu aies senti le besoin de crier, dans l'angoisse de ton âme : « Seigneur, aie pitié de moi, je péris sans la grâce ! »

Justine ne mesurait pas encore toute la grandeur de sa chute, parce qu'en nous accoutumant au péché, la corruption nous ôte l'appréciation délicate de ce qui est pur et de ce qui ne l'est pas. Cependant il lui tardait d'échapper à l'état de misère où elle se trouvait plongée. Ses souffrances, l'abandon de Bernard, la colère de Dieu, le souvenir des moments heureux qu'elle éprouvait autrefois, lorsqu'au retour de chez Mme Vivien elle lisait les paroles de son Sauveur, tout cela lui donnait l'horreur de sa vie présente, et la faisait ardemment soupirer après une amélioration quelconque.

- Aide-moi, Anne-Laure, murmura-t-elle tout en larmes. C'est pour cela que je t'ai écrit. Je n'en pouvais plus. Et quand j'ai appris que tu étais de retour en Belgique, j'ai cherché ton adresse pour t'envoyer cet appel à l'aide. Seulement, je n'ai pas osé mettre mon prénom et mon nom de jeune fille. C'est pourquoi j'ai signé « les époux Jaquemin ».

- Et toi, Justine, réveille-toi d'entre les morts, mets-toi en présence de ton Père céleste, humilie-toi, cherche la paix et la force qui sont en Christ. Ouvre-lui ton coeur et confesse-lui tes péchés. Il est miséricordieux, il est fidèle, il te relèvera !


Table des matières

Page précédente:
L'orgueil va devant l'écrasement (Concerne Zoé Giraud)
Page suivante:
Un pas en avant (Concerne Justine Jaquemin)
 

- haut de page -