Parcours féminins
Un pas en avant
(Concerne
Justine Jaquemin)
On comprendra sans peine que procurer les objets
de première nécessité à
la malheureuse Justine et à ses enfants fut
le premier soin d'Anne-Laure.
Tout manquait dans ce ménage,
jusqu'aux draps de lit. Les enfants, faute de
place, faute d'ordre surtout, passaient la nuit
dans le même grand lit.
Décidément, il n'y avait dans ce
foyer que misère et dégradation.
L'oubli des grandes lois de Dieu entraînait,
comme il arrive presque toujours, l'oubli des
moindres devoirs: la paresse, la saleté,
marchaient à la suite de la mauvaise
conduite.
Tout en conservant un fond de
tendresse pour la jeune fille qu'il avait
aimée, Bernard la méprisait.
N'étant pas marié légalement,
il se sentait libre à son égard, et
se laissait aller sans retenue à tous les
caprices, à toutes les
infidélités, à toutes les
violences d'un caractère emporté et
d'une âme faible.
Justine s'abrutissait de programmes
de télévision en tous genres aussi
souvent qu'elle le pouvait, mais cela ne
l'empêchait pas d'éprouver des remords
continuels. Cependant, ceux-ci étaient
stériles parce qu'elle n'avait pas le
sincère désir de revenir à
Dieu. Justine préférait s'enivrer
d'amertume et se défouler au dehors en flots
de paroles irritantes.
Les enfants étaient
négligés et privés
d'enseignement quant aux vérités de
la Parole de Dieu. Justine, vivant dans le
péché et voulant y demeurer, n'avait
pas la volonté de leur parler de ce qui la
jugeait immanquablement !
Le lendemain de sa première
visite, Anne-Laure revint pour apporter du pain et
quelques vêtements à la malheureuse
famille. Elle s'arrangea pour que Daniel, son mari,
rencontre Bernard, le samedi suivant. Monsieur
Vivien parla avec fermeté, mais dans un
esprit de douceur et d'amour sincère. Il se
proposa de les aider.
Le coeur de Bernard n'était
pas tout à fait corrompu. En fait, comme
Justine, il était très
influençable. Il se laissait trop facilement
entraîner par ses compagnons de
débauche, mais il n'était ni
incrédule, à proprement parler, ni
dépourvu de sensibilité.
Le mardi soir suivant, Anne-Laure
passa de nouveau chez Justine. Elle trouva une
certaine paix dans la maison. Bernard avait
travaillé dès le matin, et Justine,
préoccupée de sa faute, de la
nécessité de revenir à une vie
honnête, l'avait accueilli avec une tristesse
douce et affectueuse qui l'avait touché. Les
enfants étaient propres et jouaient
calmement dans le salon. Bien qu'il ne s'agisse pas
d'un changement profond dans les coeurs, Anne-Laure
était quelque peu soulagée de ce
petit mieux.
Elle leur parla avec compassion, et
fit un tableau si saisissant de la
dégradation dans laquelle ils
s'enfonçaient qu'ils semblaient
troublés et émus de leur
misère.
- Je ne demanderais pas mieux que
d'épouser Justine, moi.... mais il faut de
l'argent pour ça ! répondit Bernard
tout penaud.
- De l'argent ! Mais il n'y en
a pas besoin pour régulariser votre
situation devant Dieu et devant les hommes. Pour
passer devant le maire, il vous faut juste la
volonté de le faire, Monsieur
Jaquemin.
- D'accord. Mais il faut au moins
s'habiller proprement... Les enfants ne peuvent pas
aller au mariage dans l'état où ils
sont.... Et nous donc ! Et il nous faudrait un
repas pour la famille. Vous savez que nous ne
pouvons supporter une telle dépense.
- Monsieur Jaquemin, pensez-vous que notre Dieu
regarde au vêtement, au repas ? Ne
croyez-vous pas qu'il préfère
l'obéissance à
l'apparence ?
Bernard ne répondit rien, se
gratta l'oreille, et reprit:
- C'est que, après cela...
L'état est moins généreux avec
les mariés que ceux qui ne le sont pas. Les
impôts sont différents, et cela ne
peut rien y faire.
- Vous préférez donc
vivre dans le désordre, dans la
rébellion envers Dieu?
- Dieu nous a fait libres. Et c'est
notre choix de rester comme cela
actuellement.
- Vous êtes en effet libre de
vous conduire honnêtement. Mais,
hélas, aussi libre de vous livrer au
vice ! Il me semble, Monsieur Jaquemin, que
vous confondez liberté avec esclavage.
L'être humain se croit libre, mais il est
souvent le jouet de ses passions et de ses
circonstances. Quoi qu'il en soit, le mariage est
solennel; aussi faut-il se placer devant Dieu avant
de s'y engager. Car il s'agit de renoncer à
jamais aux mauvais plaisirs afin de recommencer une
nouvelle vie. Si vous ne croyez pas avoir cette
force, ce désir, dites-le, Monsieur
Jaquemin, dites-le sincèrement. Justine
saura alors à quoi s'en tenir.
- La force, la force, interrompit
Bernard, ce n'est pas la force qui me manque. Quand
je dis oui, c'est oui ! Mais ce n'est pas si facile
que cela. On voit bien que ce n'est pas vous qui
avez tant de problèmes. Vous pensez qu'il
suffit de dire pour tout arranger. C'est que je
n'ai pas une baguette magique,
moi !
Anne-Laure soupira en secouant la
tête.
- Je crois, Monsieur Jaquemin, que
vous comptez trop sur vous-même pour tout
arranger. Vous me parlez de baguette magique quand
je vous parle de repentance et de nouvelle vie.
Votre bonheur ne peut pas se faire en
évitant de venir à Christ. Il n'y a
pas de formule magique pour tout changer, mais un
désir de vous humilier devant Dieu et de
remettre votre vie en ordre.
- On verra ! répéta
Bernard.
- Oh ! Bernard, que tu es
têtu, s'écria Justine.
- Et toi, tu crois que tu n'es pour
rien dans le fait que nous ne sommes pas encore
mariés ? reprit sèchement
Bernard.
- C'est cela ! C'est encore de
ma faute ! cria Justine excédée
de cette remarque.
- Et un peu ! Si tu
travaillais, si t'occupais de ta famille, on ne
serait pas dans cette misère.
- C'est de ma faute, si je ne
travaille pas ? Tu crois que cela me
plaît d'être clouée à la
maison ?
- Cela ne t'empêche pas de ne
rien y faire ! poursuivit Bernard d'un ton
acerbe.
- Mais moi, j'aimerais bien
être aux petits soins, si seulement tu
m'aimais un peu, éclata Justine en
pleurs.
- Mais je t'aime !
répondit Bernard un peu gêné.
Est-ce que tu crois que je serais encore avec toi,
si cela n'était pas le cas.
- Des mots tout cela !
Simplement des mots ! poursuivit Justine toute
ébranlée de cette discussion à
coeur ouvert devant Anne-Laure.
- Si tu me promets de tenir ton
ménage et de mieux t'arranger, je veux bien
envisager le mariage, répondit brusquement
Bernard.
Un silence s'installa dans la
pièce. Fallait-il croire en ces mots ?
Bernard était lui-même
étonné de les avoir prononcés,
c'est comme si son coeur avait parlé sans
consulter son esprit.
- D'accord ! cria Justine, en
brisant ce silence.
- Je te donne un mois, reprit
Bernard, tout étonné de la tournure
de la conversation.
Anne-Laure ne savait pas quoi penser
de ce pacte. Elle préféra ne rien
ajouter, et prit congé de ce couple
déchiré qu'elle espérait en
pleine reconstruction.
Le mois se déroula comme
Anne-Laure avait prié pour qu'il le soit.
Bernard rentrait à la maison à
l'heure, et Justine s'occupait tant bien que mal de
son ménage et des enfants. C'est que cela
n'est pas aisé de changer des mauvaises
habitudes du jour au lendemain !
Mais, chose réjouissante,
Bernard, était déjà
touché par ce petit changement.
Un mois se passa encore, avant que
Bernard et Justine ne décident d'appeler les
époux Vivien pour leur parler d'un
éventuel mariage. Le coeur d'Anne-Laure
battait fort dans la voiture, tandis que Daniel lui
parlait de ce couple qu'ils avaient pris en
affection.
Lors de cette visite, Bernard se
sentit profondément remué, quand,
tenant la main de Justine, il entendit Daniel leur
parler des bénédictions du mariage.
En cet instant, du fond de son coeur, il promit
devant Dieu de devenir un bon époux et un
bon père. Et ce fut du fond de son âme
que Justine se repentit de tous ses
manquements.
Dès la semaine suivante,
Bernard alla demander une date à la commune
pour leur futur mariage. Et c'est ainsi qu'ils
s'unirent, au regard de la loi, un beau samedi de
février.
Dès lors, Bernard se sentit
transporté comme dans un monde nouveau.
Cette nouvelle responsabilité l'avait
changé. Et pour Justine, si le souvenir de
ses erreurs serrait son coeur, elle n'en
était pas moins heureuse de cette
transformation, tant chez elle que chez son mari.
Et les enfants, quelle joie de les voir plus
gais !
Après un simple repas
à la maison, où était
conviés les époux Vivien, Daniel
offrit une grande Bible à Bernard, en
disant: « Vous la lirez chaque jour en
présence de Dieu. » La voix
émue, il répondit :
« Oui, Daniel », tandis que de
grosses larmes coulaient sur les joues de
Justine.
Anne-Laure conduisit les nouveaux
époux dans la chambre, où les
attendait un cadeau. C'était un ordinateur
pour que Justine apprenne l'informatique et fasse
de petits travaux pour une mission
chrétienne.
Bernard débordait de joie.
Chose qui ne lui arrivait pas avant, il embrassait
à étouffer ses enfants. Il regardait
tendrement Justine et répétait:
« Ma femme, ma chère femme
! » Cela paraissait irréel tant
leur ménage semblait avoir fait naufrage
quelques mois auparavant. Mais il s'agissait
pourtant d'une bienheureuse
réalité !
Le mariage de Bernard avec Justine,
leurs saintes émotions, leur intention de
revenir au bien, tout cela était un pas, un
grand pas fait vers le bon chemin, mais pour entrer
tout à fait dans ce bon chemin, pour n'en
point sortir il fallait plus que cela. Il fallait
la conversion de l'âme. Et cette conversion,
on n'y arrive pas sans avoir compris qu'on est
pécheur, sans avoir senti qu'on est perdu,
sans avoir vu qu'on ne peut se sauver
soi-même, sans avoir cherché et
trouvé l'unique
Rédempteur.
Bernard se croyait
régénéré, mais il
n'avait pas encore pleuré au pied de la
croix. Justine ne mesurait pas assez ses fautes.
Tous deux s'appuyaient plus sur leur bonne
volonté, sur leur position maintenant en
règle, que sur le secours de Christ. Tous
deux se faisaient des illusions sur leurs forces.
Et voilà pourquoi Daniel et Anne-Laure, tout
en remerciant Dieu et en se réjouissant avec
les nouveaux mariés, conservaient encore de
vives inquiétudes à leur
égard.
Anne-Laure se sentit pressée,
dans cet instant solennel, d'attirer leur attention
sur le côté sérieux de leur
nouvelle vie.
- Mes chers, commença-t-elle,
vous voilà heureux, déterminés
à faire la volonté de Dieu, mais
croyez-moi, ne vous fiez pas uniquement à
cette disposition. Que celui qui est debout prenne
garde qu'il ne tombe.
- Bien dit, cela ! s'écria
Bernard, qui dans sa joie trouvait tout bon et tout
beau.
- C'est la Bible qui le dit, et
c'est à la Bible que je voudrais te
conduire, Bernard. Tu as promis de la lire tous les
jours.
- Promettre et tenir, pour moi
« c'est un », répondit-il
rapidement.
- Je n'en doute pas. Cependant, cela
te sera peut-être moins facile qu'il ne te le
semble. Le matin, tu seras pressé, tu seras
tenté de renvoyer au soir, et le soir, tu
seras fatigué !
- Quand on veut on peut, interrompit
Bernard, avec cette fermeté d'accent et de
parole qu'affectent souvent les gens d'un
caractère faible.
- S'il en est ainsi, mes amis,
poursuivit Anne-Laure, imposez-vous à
vous-mêmes la règle de ne jamais
passer une journée sans avoir lu quelques
versets, sans avoir prié ensemble.
L'habitude une fois prise vous défendra
contre la tentation de laisser la Bible
fermée.
- Le laisser fermée
après tout ce changement ! Anne-Laure, tu ne
me connais pas ! s'écria Justine.
- Oui, nous la lirons tous les
jours, poursuivit Bernard.
- Mes chers amis, il ne s'agit pas
ici d'accomplir une simple formalité. Si je
vous demande de lire la Bible 34, c'est qu'elle nous parle
du Sauveur, c'est qu'elle nous apprend à le
connaître, c'est qu'elle nous dirige au
travers des difficultés de la
vie.
Vous verrez, si vous la lisez,
quelle douceur vous trouverez à vous
rapprocher régulièrement de Dieu,
à recueillir dans votre coeur les paroles
mêmes de sa bouche. Quand vous
éprouverez quelque peine, quand vous
rencontrerez quelque danger, eh bien ! tous
deux à genoux vous confierez au Seigneur vos
chagrins, vous lui demanderez de vous tenir fermes
afin que vos pieds ne bronchent plus! Vous vous en
aimerez d'autant plus. Vous en aurez plus de
courage pour supporter les privations. Et puis
votre ménage s'en trouvera bien lui aussi.
Vos chers enfants en seront bénis. La
grâce de Christ n'entre pas toute seule dans
le coeur, elle amène avec elle la bonne
conduite, l'ordre, la sagesse, la joie ! bref, les
fruits d'une vie saine et respectable.
Mes amis, en vous mariant, vous avez
déjà donné un bon exemple
à vos enfants. Continuez ainsi, et Dieu ne
manquera pas de bénir votre famille. Si vos
enfants vous voient unis dans le désir de
bien faire, s'ils vous voient, laissant les
vanités et le train d'autrefois, vous
occuper d'eux pour le salut de leurs âmes, si
vous lisez la Parole de Dieu avec eux, ils
découvriront le chemin du salut. Ils y
seront invités bien mieux que par des
paroles. L'exemple est votre premier
devoir.
- Sois tranquille, tout ira bien !
dit Justine, tout émoustillée de ce
grand changement dans leur vie de
couple.
- J'ai confiance, continua Justine
qui, à mesure que le malheur
s'éloignait, perdait le souvenir de leur
faiblesse à tous deux.
- Avez-vous le temps de
m'écouter encore ? reprit Anne-Laure. Je
vous propose....
- Propose, propose ! Rien ne me
coûte maintenant, interrompit Justine qui ne
tenait plus sur sa chaise. Sa joie couvrait tout,
même le sérieux de la
discussion.
- Eh bien ! Je vous exhorte
à mettre à part le
dimanche.
- Qu'est-ce que mettre à
part ? s'interrogea Bernard à voix
haute.
- Ne pas travailler le dimanche,
répondit Daniel. Le mettre de
côté pour Dieu. C'est un jour de repos
qui nous rappelle que le Seigneur Jésus est
mort et ressuscité, et que toute
bénédiction vient de son oeuvre. Le
dimanche est le premier jour de la semaine. Est-ce
que nous ne le devons pas à Dieu pour
l'honorer ou préférons-nous nous
occuper de notre travail dans l'ingratitude de ce
qu'il a accompli pour nous ? C'est là
la question que nous devons tous nous
poser !
- Pourquoi pas un autre jour ?
répondit Bernard assez perplexe. Car il se
trouvait qu'il faisait des petits travaux au noir
le dimanche. C'était une rentrée
d'argent qu'il avait cachée à Justine
jusque là.
- Comme je l'ai dit, poursuivit
Daniel, le Sauveur est ressuscité un
dimanche matin. Et la Bible nous parle, à
plusieurs reprises, de cette journée
dominicale 35 durant laquelle les
premiers chrétiens se réunissaient
pour se souvenir de la mort et de la victoire du
Seigneur Jésus.
- Ouais ! On verra, dit
Bernard, pas persuadé du bien-fondé
de cette réponse.
- Crois-moi, Bernard, intervint
Anne-Laure, tu n'y perdras rien, au
contraire !
« Facile à
dire », se disait Bernard, qui n'osait
pas avouer la raison de sa
réticence.
- Chéri, on fera comme nos
amis nous y invitent, dit Justine.
- Oui, reprit Bernard, ne voulant
pas en dire plus et désirant couper
court.
Daniel qui entrevit dans cette
brève réponse une manière de
changer de sujet, ouvrit sa Bible et
dit :
- En Actes 20, au verset 7,
nous lisons que les chrétiens
étaient réunis le premier jour
de la semaine pour rompre le pain en souvenir
du sacrifice du Seigneur Jésus. Et
déjà dans l'Ancien Testament, en
Exode 20, au verset 9, il est
écrit: « Tu travailleras six
jours, et tu feras tout ton ouvrage. »
Tout le travail doit être effectué en
six jours, et le septième, qui est le
premier jour de la semaine pour les
chrétiens, appartient
particulièrement à Dieu.
- Oui, c'est assez clair, dit
Justine, comme se parlant à
elle-même.
- Mais si Dieu nous a donné
le dimanche pour qu'il nous soit un jour saint,
reprit Anne-Laure, ce jour-là n'est pas pour
autant un jour où l'on recherche les
plaisirs de ce monde. Il s'agit d'une halte, dans
notre vie astreignante, pour lire la Bible, adorer
et prier Dieu, se réjouir en famille ou avec
d'autres enfants de Dieu. Les chrétiens ont
besoin de ce jour, c'est une source de
rafraîchissement pour leur âme, leur
coeur et leur corps.
- Me voilà gagné,
s'écria Bernard, c'est fini.
Il avait décidé
d'essayer, sans toutefois parler de ce qu'il
faisait jusqu'à présent. Après
tout, il pouvait bien tenter l'expérience.
Il reviendrait à ses habitudes, pensait-il,
s'il voyait que cela ne donnait rien.
Tout cela était bien beau,
trop beau pour donner de solides espérances
à Anne-Laure, qui s'en alla, malgré
la joie de ce grand changement chez les
époux Jaquemin, avec une pointe de
tristesse. Ils étaient maintenant
officiellement mari et femme, et ils s'engageaient
dans un nouveau chemin, mais il y avait encore tant
d'obstacles, et leurs coeurs ne semblaient pas
encore complètement touchés.
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