Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



La veuve
(Concerne Justine Jaquemin)

 

Bien des années s'étaient écoulées... Bernard Jaquemin avait pris des habitudes de piété, il appréciait la compagnie des chrétiens, sa conduite n'offrait plus aucun scandale. Cependant son coeur n'était pas encore entièrement renouvelé. Nous l'avons dit, sa légèreté naturelle lui faisait la guerre, et lorsqu'une des vérités fondamentales du christianisme, l'égale perversité de tous les hommes, par exemple, ou l'absolue gratuité du salut lui était présentée, il s'étonnait, il se troublait, il s'écriait avec les disciples encore inconvertis: « Cette parole est dure, qui pourrait l'entendre ? » (Jean 6 :60).

Justine souffrait de ce fond d'incrédulité. Elle en souffrait parce que le bonheur éternel de son mari lui était plus précieux que la vie. Elle en souffrait encore parce que ces alternatives de foi et de doute passaient dans l'âme et dans la conduite de Bernard, et qu'aux jours d'affection, qui correspondaient aux jours de bonne disposition morale, succédaient des jours de froideur et de brusquerie, qui correspondaient aux jours de sécheresse spirituelle.

Justine aussi, supérieure à son mari par les facultés, par la piété, avait à se défendre contre un fort penchant à la domination. Bernard, dans ses bons moments, cherchait auprès d'elle un appui; mais, les bons moments passés, il s'offensait vite lorsqu'il apercevait chez Justine des prétentions à le diriger. Justine sentait que le besoin de satisfaire sa volonté est contraire à l'évangile, même s'il s'agissait d'une juste cause : diriger son mari, sous prétexte de l'amener à Christ, c'est toujours désobéir à Dieu qui ne permet pas à la femme d'user d'autorité sur le mari. Humiliée des tristes découvertes qu'une conscience de plus en plus éclairée lui faisait faire dans son coeur, elle regardait avec foi à Celui qui couvre nos impiétés de sa justice. Elle travaillait courageusement à cette oeuvre de la régénération que le Saint Esprit poursuit sans relâche, dans l'âme de tous ceux qu'il conduit à Christ.

Si le ménage de Justine ne présentait pas au même degré que le ménage de Melissa le spectacle de cette délicate affection, de ce respect des époux l'un pour l'autre que produit le christianisme depuis longtemps accepté, on y trouvait pourtant une union réelle, sérieuse. Rien n'y rappelait, même de loin, les scandaleuses scènes de Mons.

Bernard avait laissé la menuiserie pour la charpente, qui lui procurait plus d'ouvrage. Ses fils l'aidaient, et les ressources de la famille étaient satisfaisantes quoique fort justes. Mais un matin, un coup de téléphone effraya Justine. Son mari avait eu un accident sur un chantier. Il avait été embarqué à l'hôpital de Lobbes dans un état critique. Elle s'affaissa sur elle-même en balbutiant : « Mon Dieu ! Que ta volonté soit faite ! »

Bernard travaillait sur un échafaudage élevé, son pied avait glissé, il s'était fracturé la cuisse en deux endroits, ses douleurs lui arrachaient des cris, et il avait des complications pulmonaires. Justine atterrée ne pouvait prononcer un mot. Elle tenait sa pensée attachée sur Christ, le consolateur de ceux qui souffrent. Peu à peu Jésus ranima ses forces. Elle demanda doucement aux amis qui entouraient le lit du malade de les laisser seuls. Puis, serrant la main de son époux, elle resta accablée, mais résignée sous la puissante main de l'Éternel.

Le médecin lui dit que l'accident était grave, qu'on éviterait peut-être l'amputation du membre brisé, mais que cela était douteux. Les souffrances de Bernard s'intensifiaient, et la fièvre s'empara bientôt de lui. Justine sentit alors qu'il lui fallait recevoir des secours miraculeux pour remplir la tâche que le Seigneur lui imposait.

Elle supplia Dieu de se montrer fidèle envers sa pauvre servante. Elle lui demanda de la soutenir jour après jour. Elle lui remit la destinée de son mari. Elle se fit pour ainsi dire petit enfant pour se jeter dans les bras du céleste Père, et elle se releva fortifiée en Christ.

Assidue auprès du lit de Bernard, elle le calmait par sa paix. Elle le relevait par ses convictions. Elle l'entourait de soins dont la douceur pénétrait le coeur de celui-ci.

Plusieurs chrétiens s'offrirent pour la remplacer, mais Bernard, un peu égoïste comme le sont souvent les malades, ne voulait près de lui que Justine.

Le Seigneur allait demander plus à Justine, lui donner davantage aussi. Le médecin déclara que l'amputation était inévitable. Il fallut préparer Bernard, il fallut se préparer soi-même à ce terrible moment. Bernard, effrayé, se révoltait contre la décision du docteur, puis se demandait pourquoi Dieu le frappait ainsi à coups redoublés.

Justine pria beaucoup. Elle pria avec son mari, pour lui. Et peu à peu l'âme de Bernard s'ouvrit aux douceurs de la pleine confiance en Dieu, il se soumit.

Le docteur essaya de convaincre Justine de rentrer chez elle la vieille de l'opération, au moins pour qu'elle se repose un peu. Mais elle résista, et voulut passer cette nuit auprès de son époux.

- J'ai promis, dit-elle, d'être fidèle à Bernard dans la maladie et dans la santé, nul ne peut me remplacer près de lui, nul ne priera avec autant de ferveur, nul ne devinera comme moi ce dont il aura besoin, nul ne pourra le soulager comme je le soulagerai.

- Les forces vous manqueront !

- Les miennes, oui, celles du Seigneur, jamais !

Elle resta. Le matin, avant l'opération, elle lut à Bernard ces belles paroles de l'apôtre : « Mes frères, regardez comme le sujet d'une parfaite joie quand vous serez exposés à diverses épreuves. » Et celles-ci : « Or, toute discipline ne semble pas sur l'heure être un sujet de joie, mais de tristesse; mais ensuite elle produit un fruit paisible de justice à ceux qui sont exercés par ce moyen. » Et celles-là encore : « C'est par plusieurs afflictions qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. » Ensemble ils se mirent sous la protection de Dieu. Puis, le moment venu, Justine prit la tête de son mari sur son sein, les mains de Bernard dans les siennes, et là, défaillante elle-même, presque sans vie, elle le tint immobile, le coeur en prière, répondant à ses gémissements par des paroles de tendresse, de foi, qui le ranimaient comme un céleste encouragement.

L'opération avait affaibli Bernard, la fièvre s'accrut, et en peu de jours le danger devint imminent.

Le docteur parlait sans cesse d'amélioration. Justine n'y croyait plus. Inquiète, elle tremblait à la pensée que le médecin la trompait, trompait Bernard, et que, sans le savoir, son mari s'avançait rapidement peut-être à la rencontre de Dieu !

Elle eut une conversation avec le docteur. Celui-ci répondit vaguement.

- Monsieur, s'écria Justine, si c'est par pitié pour moi que vous me taisez la vérité, dites-vous que cette pitié est cruelle ! En me cachant l'état dans lequel se trouve mon mari, vous n'empêchez pas le danger d'exister, mais vous m'empêchez de chercher vers mon Dieu les secours dont j'ai besoin, vous m'empêchez de goûter avec mon mari les joies précieuses d'un dernier épanchement, vous l'empêchez, lui, de se préparer...

- Ah ! Quant à cela, chut ! interrompit le docteur, gardez-vous bien de laisser entrevoir à votre mari la gravité de son état!

- Son état est donc alarmant ?

Le docteur se tut. Les mains de Justine se serrèrent fortement.

- Monsieur, reprit-elle quelques instants après et d'une voix altérée, croyez-vous que cela sera long ?

- Quelques jours... peut-être moins... peut-être plus.

Justine courba la tête.

- Gardez-vous bien, répéta le docteur, d'effrayer votre mari !

- Je ne l'effraierai pas, reprit Justine, cependant je lui dirai qu'il est peut-être proche de la fin.

- À quoi bon? s'écria le docteur avec un geste d'impatience. Jaquemin est un honnête homme, il n'a rien à craindre.

- Si mon époux n'a rien à craindre, répondit Justine, accablée, mais ferme, la pensée d'une prochaine réunion possible avec son Sauveur ne le troublera pas. Si elle devait le troubler, c'est que mon mari n'est pas prêt.

- Faites à votre tête, s'écria brusquement le docteur, cela ne me regarde plus !

- Monsieur, reprit Justine, les larmes aux yeux, je dois le mettre devant son péché afin qu'il puisse saisir le salut de Dieu à pleines mains.

- Quelle absurdité me dites-vous là ?

- La simple vérité !

- Vous croyez donc que le bon Dieu va envoyer votre mari en enfer ? demanda le docteur avec un ironique sourire.

- Je crois qu'il n'y a de salut qu'en Christ, répondit doucement Justine.

- Si votre mari ne partage pas vos convictions, ce n'est ni en deux ni en trois jours qu'il les adoptera, surtout dans l'état où il est.

- Oh! Monsieur, une prière, un regard adressé avec confiance à celui qui est mort pour nous, et l'âme est éclairée, elle est touchée, elle est rachetée. Grâces en soient rendues à mon Dieu, la foi est un don comme tout le reste, il ne faut que demander pour recevoir.

Le docteur haussa les épaules, afin de dissimuler l'impression que lui causait cette fermeté alliée à tant de tendresse, cette foi vivante, qui contraignait un faible coeur à se faire fort et à braver toutes les répugnances de la nature pour arriver au but : le salut de l'âme aimée.

Il partit sans ajouter un mot.

Alors Justine, qui avait été courageuse en face de l'obstacle, se sentit défaillir. Comment avertir Bernard ? Comment lui dire ce qu'elle n'osait presque s'avouer ? Et pourtant, la Parole de Dieu est claire : « Si la sentinelle voit venir l'épée, et qu'elle ne sonne point du cor, en sorte que le peuple ne se tienne point sur ses gardes, et qu'ensuite l'épée survienne et ôte la vie à quelqu'un d'entre eux; celui-ci aura bien été surpris dans son iniquité, mais je redemanderai son sang de la main de la sentinelle. »

Elle avança à petit pas. Elle ne présenta pas à Bernard la mort comme inévitable. Les hommes peuvent se tromper dans leurs arrêts, elle le savait, et c'est à Dieu seul qu'il en appartient de décider en dernier ressort. Mais laissant la 'vérité lui arriver par degrés, elle lui fit entrevoir la gravité de sa situation, la possibilité du retour à la santé, la possibilité du départ. Elle le fit avec larmes, avec détresse de coeur, mais elle le fit.

Cette secousse fut grande. Bernard, troublé, s'abandonna d'abord à l'épouvante, puis au découragement, puis au désespoir. Il se cramponnait à la loi divine, et la loi le traînait devant son juge.

Oh! Comme Justine priait alors ! Avec quelle pressante ténacité elle poursuivait le Seigneur de supplication en supplication ! « Crois, et tu verras la gloire de Dieu », disait-elle à son mari. Le Seigneur a acquitté ta dette, l'expiation est faite, « tout est accompli », Christ te le dit. Pourquoi résister ? Pourquoi vouloir offrir quelque chose au Rédempteur en échange du don qu'il te fait ? Accepte la vie éternelle ! Va à Jésus, mon chéri, va à lui, sans aucun prix, pour recevoir l'assurance du pardon de Dieu et de l'entrée en sa demeure.

Par moments, Bernard s'écriait : « Je crois, Seigneur; aide-moi dans mon incrédulité ! » En d'autres moments, il essayait de rouler jusqu'au sommet de la montagne de sainteté cette roche du péché qui retombait sur lui de tout son poids.

Loïc vint soutenir Justine dans son combat. Il parla à Bernard, et appuya les demandes expresses de Justine qui ne cessait de prier. Et Dieu bénit tous ces efforts ! Bernard, dépouillé de lui-même, regarda avec simplicité à Jésus. Il reçut enfin de lui son pardon. Tandis que le corps se détruisait rapidement, l'âme naissait à l'éternité.

Oh ! Ce fut un beau, un doux moment ! Des larmes de reconnaissance inondaient le pâle visage de Justine. Agenouillée auprès de son mari, échangeant avec lui des expressions de tendresse et de paix, elle ne voyait ni la mort ni la séparation, elle ne voyait que la Jérusalem céleste, dont les portes s'ouvraient pour laisser entrer son mari bien-aimé, elle ne voyait que Christ glorifié, qui leur tendait à tous deux les bras.

Bernard se mourait, Justine était brisée, mais ils adoraient tous les deux leur Sauveur. Ils rendaient grâces... aux portes de la séparation. Ils se réjouissaient de se revoir dans la demeure paternelle.

Quand Justine releva la tête, posa son regard sur Bernard, elle le vit immobile, les paupières entrouvertes, les mains jointes, une ineffable expression de sérénité sur les traits. Elle prit une de ses mains, elle se pencha sur ses lèvres ! Elles étaient sans souffle.

- Christ l'a reçu, dit-elle à voix basse.

En pensées, elle suivait son compagnon bien-aimé dans les demeures célestes. Elle se réjouissait avec lui, avec lui elle adorait le Sauveur, elle se plongeait dans les félicités éternelles.

Hélas! La réalité visible vint l'arracher à ces réalités encore voilées. Elle retomba sur la terre, et, quoique soutenue, elle souffrit beaucoup.

Le Seigneur qui l'avait fait passer, elle ne savait comment, au travers des détresses de la maladie de Bernard, ne l'abandonna pas dans les angoisses du veuvage. Parfois elle remportait au nom de Jésus d'éclatantes victoires sur la mort, le lien n'était pas rompu, l'union était sanctifiée, elle s'avançait alors pleine d'espérance et de courage. Parfois la mort était la plus forte, et des pensées de doute, des images désolantes tourmentaient son coeur. Elle se demandait si ce corps, la pâture des vers, ressusciterait glorieux, si ce compagnon de sa vie, elle le retrouverait un jour, mais ces triomphantes paroles : « Le sépulcre rendit ses morts, la mort et le sépulcre furent jetés dans l'étang de feu » (Apocalypse 20 :14), et ce cri de Job, inspiré par le Saint Esprit : « Et lorsqu'après ma peau aura été rongée, je verrai Dieu de ma chair; je le verrai moi-même, et mes yeux le verront, et non un autre ! » (Job 19 :27), ces mots vivifiants venaient la restaurer.

Lorsque sa pensée se reportait vers le passé, des regrets, des remords agitaient son âme. Oh! Si elle avait pu reprendre au temps écoulé un mois, une semaine, un seul jour ! Quelle pureté elle aurait gardée, quelle sainteté elle aurait établie dans ses relations avec Bernard !

Mais bientôt elle sentait que le Seigneur l'avait châtiée dans sa miséricorde et non dans sa colère, puisqu'il avait permis que quelques années de paix, que quelques moments d'une union déjà glorieuse précédent la séparation.

La vie lui offrait des difficultés. Toutefois cette promesse : « L'Eternel soutient la veuve » (Proverbes 15 :25), se réalisait à chaque obstacle qu'elle rencontrait, à chaque chagrin qu'elle éprouvait.

On lui offrit des consolations mondaines ; les uns parlaient du temps, souverain remède à tous les maux, les autres, de distraction, ce poison qui tue l'âme en l'enivrant. Justine, qui connaissait le Consolateur envoyé par Jésus, repoussa tout ce qui ne venait pas de lui. Elle s'appliqua à servir Dieu, à le servir dans la personne de ses propres enfants, en leur donnant l'exemple de la foi pratique, à le servir dans la personne des pauvres et des affligés, en les soulageant dans leurs misères. Elle s'efforça de reproduire dans sa conduite le portrait de la veuve chrétienne que nous présente l'apôtre Paul. Elle continua triste, mais non pas abattue, toujours en attente. Et lorsque le Seigneur vint la chercher à son tour, joyeuse, mais sans impatience, elle partit, tenant ferme l'espérance qui ne confond point.

Mais avant de quitter cette terre, elle fut en aide à une de ses voisines, Nathalie Descamp. Bien que cette dame ait été élevée dans la foi chrétienne, elle avait néanmoins connu une vie bien misérable. Enfant et adolescente, elle allait au temple, dans la région de Charleroi, mais dès que les plaisirs de la vie se présentèrent elle s'y plongea au détriment du salut de son âme. C'est ainsi qu'elle connut beaucoup d'aventures amoureuses et finit par se retrouver seule et aigrie au crépuscule de la vie.

Madame Descamp s'étonnait de ce que Justine avait accepté de supporter, tout en restant fidèle à son mari.

- Je ne te comprends pas ! répétait-elle, jamais ne n'aurais supporté tant d'humiliations !

- Et pourtant, il le fallait, ma chère Nathalie, répondit Justine. C'est le devoir de toute épouse. Tu devrais comprendre cela puisque tu as été enseignée dans la vérité étant jeune.

- La Bible ne nous dit pas d'être humiliée, reprit cyniquement Nathalie.

- Elle nous dit de gagner notre mari par notre conduite, et de ne pas nous séparer de lui s'il ne le veut pas ! répliqua Justine tout en tendresse pour cette pauvre Nathalie.

- En tous cas, ce n'est pas le genre d'histoires qui me seraient arrivées.

- Je veux bien te croire ! Mais que t'ont apporté tes deux divorces et tes autres ruptures ? Tu n'as pas voulu suivre le chemin de Dieu, tu n'as pas voulu te soumettre, mais, permets-moi de te dire avec toute mon affection, tu es maintenant malheureuse et seule.

- Oui, mais cela n'empêche que jamais je n'aurais voulu ta vie !

- Et pourtant, toute faite de souffrances comme elle l'a été, je ne regrette en rien d'être restée fidèle à mon mari. Je jouis aujourd'hui des doux effets de l'approbation de Dieu, et je vais bientôt rejoindre mon cher mari pour être avec le Sauveur. Mes enfants appartiennent aussi au Seigneur. Que demander de plus ? Ton salut, ma chère !

Nathalie se sentait reprise par de telles conversations, fermes mais empreintes de tant de douceur, qu'elle finit par venir au pied de la croix. Elle se repentit de ses nombreux péchés, de ses égarements, et reçut le plein pardon de Dieu. Toutefois, elle n'avait pas la consolation de retrouver un mari au ciel, elle n'avait pas le soutien d'enfants bien-aimés à ses côtés. Les siens avaient pris des routes fort éloignées de Dieu, notamment à cause du mauvais exemple qu'elle leur avait donné.

Je m'adresse maintenant aux veuves qui n'auraient pas, comme Justine, l'immense consolation de pleurer un époux évidemment converti à Jésus. Je les supplie de ne pas écouter le démon qui s'efforce de les écarter de Christ, en jetant dans leur âme des questions audacieuses sur l'avenir de celui qu'elles ont perdu. Qu'elles regardent plutôt au Seigneur, à ce Sauveur qui a bien mieux aimé leur époux qu'elles ne l'ont jamais aimé; à ce Sauveur que sa tendresse pour les pécheurs a cloué sur le bois ! Qu'elles se reposent en lui de leurs mortelles inquiétudes; elles trouveront un jour qu'il a tout bien fait !

Oui, chères veuves ! Cherchez Dieu pour lui-même. Il a créé votre coeur, il sait ce qu'il lui faut. Ne craignez point, il essuiera toute larme de vos yeux. Sa face est un rassasiement de joie; il y a à sa droite des plaisirs pour jamais.

 




Un glorieux départ
(Concerne Jeanne Stiévenart)

 

La maman de Loïc, Jeanne Stiévenart, avait atteint un grand âge. Elle avait fait bien du chemin depuis les premières années du mariage de son fils, et l'immense chagrin de la perte de son petit-fils fut en partie compensé par la joie de voir son premier arrière-petit-fils, Nicolas. Lorsque Sarah et Marc venaient lui rendre visite avec leur enfant, elle était la plus heureuse des arrière-grand-mères. Elle pouvait maintenant partir en paix et rassasiée de jours.

Le moment venu de fermer les yeux sur les réalités de cette terre, elle embrassa dans son coeur sa famille, mais aussi tous les frères et soeurs en Christ qui se réunissaient chez les Martin.

Avec les années, le petit troupeau avait grandi. Certes, il y avait eu des déceptions et des défections, mais le Seigneur les avait gardés, et il leur avait donné la joie de voir de nouvelles âmes s'approcher du Seigneur Jésus.

Comme Jeanne avait été élevée dans le catholicisme, le curé, sachant sa fin proche, vint lui rendre plusieurs visites de courtoisie pour lui parler éventuellement des dispositions à prendre pour son départ. Il lui remit en mémoire les prescriptions de l'Eglise Catholique Romaine. Il s'efforça de la troubler en lui parlant de l'enfer et du purgatoire, de la tranquilliser en lui parlant de l'efficacité des pénitences et de la puissance de l'absolution donnée par un homme.

Malgré son âge, Jeanne se souvenait bien de déclarations de la Bible qui contredisent ces doctrines, de celles-ci par exemple: « Celui qui croit au Fils de Dieu a le témoignage de Dieu en soi-même » (1 Jean 5 :10), «  Christ est celui qui ouvre et personne ne ferme, qui ferme et personne n'ouvre » (Apocalypse 3 :7), de celles-là encore: « Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient point de vous, c'est le don de Dieu ; non point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie » (Éphésiens 2 :8-19). Mais il lui répondait que personne ne peut comprendre la Parole de Dieu sans le secours de l'église, et ce à moins de se perdre.

Madame Stiévenart resta ferme dans sa foi. Elle en connaissait trop la valeur et l'efficace. Elle répétait : « Mon esprit se réjouit en Dieu qui est mon Sauveur », parce qu'il a regardé à la «bassesse de sa servante». Ces mots retentissaient désagréablement aux oreilles du prêtre, d'autant plus qu'elle refusait de s'adresser à Marie. « Il y a un seul médiateur entre Dieu et les hommes, savoir Jésus Christ homme ! », lui répondait-elle avec assurance.

- La religion ne sert de rien ! répliquait-elle aux arguments de son visiteur.

Celui-ci était navré de ce qu'elle proclamait l'inutilité des jeûnes et des pénitences tout extérieures qu'il s'imposait. Il était encore plus effrayé parce qu'elle réfutait la valeur de l'extrême onction. Elle lui citait des passages entiers de la Parole de Dieu pour lui montrer qu'il fallait mettre toute sa confiance en l'oeuvre de Christ, et cela seulement.

- La religion est de Dieu ! se rebiffa-t-il.

- Il n'y a qu'un chemin, qu'une vérité, qu'une vie; et c'est Jésus, mon ami. Il n'y a qu'une Parole de Dieu d'après laquelle nous serons tous jugés, et c'est la Bible !

Le prêtre ne voulut pas s'engager sur le terrain des Saintes Écritures, et comprenant qu'il ne pouvait emmener cette âme sur le chemin de la tradition, il finit par ne plus revenir.

Lors de l'ensevelissement de Jeanne, il y eut un puissant appel à la repentance, et plusieurs voisins acceptèrent Jésus dans leur coeur, dans leur vie.




Un message aux jeunes gens
(Concerne Loïc Stiévenart)

 

Bien des années après les décès de Zoé Giraud, de Bernard et Justine Jaquemin, de Daniel et Anne-Laure Vivien, tous recueillis dans le sein du Seigneur, on voyait derrière la maison de Loïc et de Melissa un grand platane entouré d'un banc circulaire. Vers deux heures de l'après-midi, en hiver, quand il ne faisait pas trop froid, vers six heures du soir en été, un vieillard et sa femme sortaient de la maison, appuyés l'un sur l'autre. L'homme était presque aveugle et voûté, sa femme, encore droite. Tous deux venaient s'asseoir sur le banc. La vieille mettait ses lunettes, tricotait et lisait de temps en temps à haute voix dans un gros livre. Des adolescents venaient de la maison. Celui-ci apportait un tabouret pour les pieds de la femme âgée, cet autre un coussin pour le vieillard. Puis ils se pressaient vers eux, les comblant d'affection, les accablant de questions, les entourant de joie et d'amour. Souvent une femme de cinquante ans environ et un homme un peu plus âgé s'asseyaient auprès des vieillards et leur prêtaient le secours de leurs bras pour rentrer ou pour faire quelques pas. On lisait sur leurs traits la plus grande affection jointe à un profond respect. Cet homme et cette femme dans la force de l'âge étaient Marc et Sarah.

Naomi, mariée dans une ville voisine, ne pouvait venir voir ses parents autant qu'elle le voulait. Sarah et Marc avaient emménagé tout près de chez eux, pour leur apporter quotidiennement de l'aide. Ceux-ci ne l'avaient pas demandé, mais ce devoir était apparu si clairement à leurs enfants, ils trouvaient tant de douceur à le remplir, qu'il avait bien fallu accepter leur dévouement.

Une sérénité parfaite était répandue sur les traits amaigris des vieillards. Tout dans leur maintien comme dans leurs paroles annonçait le bonheur. Les infirmités de la vieillesse les avaient atteints, mais ils les supportaient doucement, dans l'attente du corps glorieux dont Jésus allait bientôt les revêtir. Loïc était fortement diminué physiquement. Il ne pouvait plus aller de village en village annoncer la bonne nouvelle du salut. Quant à Melissa, elle avait cessé d'aider sa fille dans les soins du ménage, elle tricotait à grand-peine des pulls et autres écharpes. Tout deux demeuraient dans une inaction forcée mais leur âme ne restait pas oisive. Le calme dont ils jouissaient leur permettait d'entendre plus distinctement la voix du Seigneur. Soit qu'ils regardaient dans le passé, soit qu'ils regardaient dans l'avenir, les gratuités de l'Eternel étaient là pour les enseigner et pour les réjouir. Ils étaient arrivés comme dans le vestibule des cieux. Ils secouaient la poussière terrestre attachée à leurs habits, avant d'entrer dans la salle des noces.

Quelle douceur dans leur union, dans cette union mûrie par de communes expériences, par de mêmes épreuves, par de mêmes bénédictions ! Les vieillards se rappelaient avec attendrissement les beaux jours de leur jeune affection, et ils revenaient au présent avec bonheur, sentant qu'ils s'aimaient mieux encore, qu'ils étaient plus saintement unis.

Que de soins pour s'épargner l'un à l'autre une fatigue, que de félicité dans la communion des prières ! Loïc, qui savait de mémoire plusieurs psaumes, les chantait parfois de sa voix tremblante, pendant que Melissa, les mains jointes, l'écoutait en murmurant après lui les paroles du roi prophète. Ensemble ils parlaient des joies prochaines de l'éternité, de leur fils depuis si longtemps remonté vers son Dieu, de ce Sauveur adorable qu'ils allaient contempler, du bonheur de connaître enfin et d'aimer, comme ils avaient été connus et aimés eux-mêmes !

Et puis, les petits enfants n'étaient-ils pas là, toujours avides de les entendre redire les anecdotes de leur jeunesse ? Loïc ne racontait-il pas les histoires de la Bible avec tant d'intérêt, que les jeunes auraient passé des jours entiers suspendus à ses récits. Melissa ne leur témoignait-elle pas toute l'affection d'une merveilleuse grand-mère ?

Il y avait à Erquelinnes deux autres vieillards dont la triste association offrait un désolant spectacle. L'homme était presque abruti par l'ivresse. La femme, encore vigoureuse malgré son grand âge, effrayait les habitants du quartier par les blasphèmes qui sortaient de sa bouche. On l'entendait habituellement maudire le jour de sa naissance, regretter avec emportement sa jeunesse, se désespérer des maux de la vieillesse, appeler la mort.... cette mort, dont les approches la glaçaient de terreur. Entre ces malheureux époux, point d'affection, point de support, mais un égoïsme qui allait se satisfaisant avec une révoltante naïveté.

Autour d'eux on voyait parfois aussi de petits enfants, mais ces adolescents, insolents, moqueurs, se riaient - oh! pitié ! - se riaient des infirmités, de l'abrutissement de leur grand-père, et méprisaient leur grand-mère.

A quelques maisons où habitaient les vieillards vivaient leur fille et son mari. On ne se serait pas douté de la nature des liens qui les rapprochaient, tant il régnait d'animosité entre les parents et les enfants. Il n'était malheureusement pas rare de voir une scène sur le trottoir, quand la mère et la fille s'écorchaient à coup de mots blessants et irritants !

Ce vieillard, cette femme, ces enfants ingrats, c'étaient, hélas ! Charles et Patricia Maillard, et leur famille.

Quittons ce désolant tableau, retournons sous le grand platane, auprès de Loïc et de Melissa. C'est le dimanche soir. Leurs enfants sont rassemblés auprès d'eux, quelques jeunes gens entourent Loïc et l'écoutent avec attention.

- Mes chers amis, dit Loïc de sa voix grave et un peu voilée, mes amis, vous voilà dans l'âge où l'on se marie. Toi, Hervé, tu as déjà fait un choix, et grâce au Seigneur, il est conforme à la volonté de Dieu.

Quand j'avais votre âge, mes enfants, j'étais, comme vous, impatient de me voir époux, père de famille, et j'aurais fort désiré rencontrer quelque chrétien expérimenté qui me fît part de son expérience. Melissa, que voilà, était plus avancée que moi, elle avait reçu les pieux conseils d'une brave chrétienne qui en savait long, tandis que moi, je m'avançais dans la vie conjugale assez ignorant, bien que je connaissais un peu les Saintes Écritures, mais pas sur ce sujet de la vie à deux. Je faisais maintes bévues, et si je n'avais pas possédé la foi évangélique, cette lumière qui dissipe toutes les ténèbres, j'aurais rendu ma femme bien malheureuse.

- N'est-ce pas, Melissa ?

Melissa sourit.

- Mes amis, je veux vous donner trois ou quatre secrets de bonheur conjugal, tous tirés de la Parole de Dieu. Ces principes s'élèveront sur votre route, comme ces mâts plantés le long des sentiers de montagnes, qui, l'hiver, lorsque la neige recouvre tout, signalent le bon chemin au voyageur.

Voici le premier de mes secrets. Gardez votre pureté dans la jeunesse. Le monde dit que c'est impossible, que c'est absurde, que Dieu ne l'exige pas, que la sagesse viendra dans son temps. Le Saint Esprit dit : « Aucun impur n'a part à l'héritage du royaume. Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en nous et qui nous a été donné de Dieu, et que vous n'êtes point à vous-mêmes; car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu en votre corps et en votre esprit qui appartiennent à Dieu » (1 Corinthiens 6 :19-20).

Mes amis, voyez qui vous voulez croire, le monde ou Dieu, mais sachez-le bien: souiller votre jeunesse, c'est souiller votre âge mûr. Vous adonner à la corruption dans le célibat, c'est préparer l'adultère. Flétrir votre coeur, c'est l'empêcher de goûter les félicités immenses d'une union sanctifiée par la présence de Dieu.

Voici le second de mes secrets. Une fois mariés, que l'amour de Jésus Sauveur soit la pierre angulaire de votre association. Lisez la Bible avec votre femme, priez ensemble, efforcez-vous ensemble de courir vers le même but. Gardez-vous d'induire votre femme en tentation. Ne vous servez ni de sa faiblesse ni de l'affection qu'elle vous porte pour la détourner de Dieu. «Comportez-vous discrètement avec elles, dit l'Ecriture, comme avec un vaisseau plus fragile, c'est-à-dire féminin, leur portant du respect, comme étant vous aussi avec elles héritiers de la grâce de vie, afin que vos prières ne soient point interrompues » (1 Pierre 3 :7).

Ce n'est pas tout. Les désirs de la femme se rapportent à son mari. L'homme est le chef de la femme, mais il est son chef pour la protéger, non pour la tyranniser. Ne faites donc pas descendre au rang d'esclave celle qui vous a été donnée pour compagne. N'exigez pas trop de ses forces physiques, ne froissez pas son coeur, ne l'écrasez pas sous le joug. Et puis, ayez confiance en ce coeur que Dieu fait battre près du vôtre, afin que vous partagiez avec lui vos espérances, vos inquiétudes, vos peines et votre bonheur. Ne vous associez pas seulement pour travailler et pour manger, associez-vous pour servir Dieu en commun.

Mes amis, faites bourse commune. L'avarice des hommes en ce qui concerne les frais du ménage excite la cupidité des femmes. Elle les dresse à la ruse, au vol, elle les abaisse. Soyez généreux, votre union s'en relèvera, votre avoir s'en accroîtra. Remarquez que ce sont souvent les hommes qui font de grosses dépenses, comme les voitures par exemple, alors qu'ils chicanent leur épouse pour de bien plus petits achats !

Les meilleures épouses comme les meilleurs maris sont des créatures pécheresses, mes enfants, et le péché exerce la patience. Appliquez-vous donc à la miséricorde. Devez-vous adresser une réprimande ? Faites-le en vue du bien de votre femme, non en vue de votre avantage personnel. Surtout, ne laissez ni votre orgueil ni votre colère donner la leçon... ce sont de mauvais instituteurs. Est-ce à vous que votre épouse présente la vérité ? Recevez-la, mes amis, recevez-la quand même elle vous arriverait tout hérissée d'épines. « Maris, aimez vos femmes et ne vous aigrissez point contre elles » (Colossiens 3 :19).

Un dernier mot. Gardez-vous de toute infidélité ou début d'infidélité ! L'adultère fait plus que de troubler la famille, plus que de déchirer le coeur d'une épouse ; il ouvre son âme à la tentation, il peut la perdre pour l'éternité. Dieu se déclare le vengeur de cette offense au deuxième chapitre du prophète Malachie : « Voici une autre chose que vous faites, dit-il : vous couvrez l'autel de l'Eternel de larmes, de plaintes et de gémissements, de sorte que je ne regarde plus à l'oblation et ne prends rien à gré de ce qui vient de vos mains. Et vous dites: Pourquoi ? Parce que l'Eternel a été témoin entre toi et la femme de ta jeunesse, à laquelle tu es infidèle, bien qu'elle soit ta compagne et la femme de ton alliance ! Prenez donc garde en votre esprit, et qu'aucun ne soit infidèle à la femme de sa jeunesse ! Car je hais la répudiation, dit l'Eternel, le Dieu d'Israël, et celui qui couvre de violence son vêtement, dit l'Eternel des armées. Prenez donc garde en votre esprit, et ne soyez pas infidèles ! » (Malachie 2 :13-16).

Chers jeunes, le mari représente le Seigneur auprès de sa compagne. J'ai bien dit le Seigneur ! Donc sa sainteté, son amour, sa fermeté, sa fidélité, sa douceur. Pensez-y !

Après un instant de silence :

- Voici votre force ! s'écria le vieillard en posant sa main amaigrie sur la Bible placée à côté de lui. Mes enfants, la Parole de Dieu ne vous trompera pas. Je ne vous ai donné que des conseils incomplets, mais elle vous dira tout, tout ce qu'il faut pour marcher chrétiennement dans l'union conjugale, tout ce qu'il faut pour arriver certainement à la céleste demeure.

C'est par ces mots de Loïc Stiévenart que nous terminons notre récit.

Nous aussi, nous avons pu errer, nous aussi, nous n'avons donné que des conseils incomplets.

Vous tous qui avez parcouru ces pages, allez, oh! allez à la Parole de Dieu, elle est esprit et vie !


Table des matières

Page précédente:
Une mère chrétienne (Concerne Melissa Stiévenart)
 

- haut de page -