Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...




(8) LES PETITES SOEURS.

VOUS vous êtes absentée hier, dit l'aimable institutrice d'une petite école de village en posant sa main sur la tête bouclée de l'une de ses élèves. - C'était le temps de la récréation, mais la petite fille à laquelle elle s'adressait n'avait pas été passer les dix minutes à jouer avec ses compagnes : elle était absorbée dans des efforts qui paraissaient devoir demeurer infructueux pour faire une longue division. Son visage et son cou s'empourprèrent à la question de l'institutrice ; mais lorsqu'elle leva les yeux, elle parut rassurée par le regard sympathique qu'elle rencontra, et elle répondit:

- Oui, Mademoiselle, je n'ai pas pu venir; mais ma soeur Esther est venue.

- Je me souviens qu'il est venu hier une jeune fille du nom d'Esther Gay, mais je ne savais pas qu'elle était votre soeur. Pourquoi donc n'êtes-vous pas venue aussi? Vous paraissez avoir beaucoup de goût pour l'étude.
- Ce n'est pas que je n'en eusse pas le désir, lui dit-elle après un moment d'hésitation pendant lequel son visage s'empourpra de nouveau; mais, poursuivit-elle après un moment d'un pénible embarras, maman ne peut pas facilement se passer des deux à la fois, en sorte que nous devons venir à tour.
J'assisterai à l'école un jour, et ma soeur Esther le suivant : ce soir, j'enseignerai à Esther tout ce que j'apprendrai aujourd'hui, et demain soir, elle m'enseignera ce qu'elle aura appris. C'est, pensons-nous, la seule manière de pouvoir apprendre quelque chose, et nous désirons étudier beaucoup afin de pouvoir enseigner nous-mêmes un jour, et subvenir aux besoins de notre pauvre maman.
Elle doit tellement travailler pour nous !

La délicatesse empêcha Mlle M.... de questionner davantage l'enfant; elle s'assit à ses côtés, et en un instant, elle lui eut donné la clef du problème que la petite fille essayait en vain de résoudre.
- Je pense que vous feriez bien daller un moment à l'air ; vous avez étudié si fort aujourd'hui, dit l'institutrice à la jeune fille comme elle mettait son ardoise de côté.
- Je crois que je fais mieux de ne pas aller : je pourrais déchirer ma robe. Je resterai devant la fenêtre d'où je regarderai les autres.

Il y avait un ton si particulier dans la voix de la jeune fille quand elle dit : « Je pourrais déchirer ma robe, » que cela ne put échapper à l'institutrice. Ce n'était qu'une robe d'une étoffe fort bon marché, mais elle était proprement confectionnée, et elle n'avait jamais été lavée. En la regardant, Mlle M. se souvint que pendant les quinze jours que Marie Gay avait assisté régulièrement à l'école, elle ne lui avait vu porter que cette robe. - C'est une fille soigneuse, se dit-elle, et elle craint de faire de la peine à sa mère. Je voudrais avoir beaucoup plus de pareilles élèves.

Le matin suivant, Marie était absente, mais sa place était occupée par sa soeur. Il y avait quelque chose de si intéressant dans ces deux jeunes soeurs, l'une de onze ans, et l'autre dix-huit mois plus jeune, qui s'accordaient pour fréquenter l'école à tour, que Mlle M.... ne pouvait s'empêcher de, les examiner attentivement. Ces enfants étaient jolies de visage, et leur taille était svelte ; l'aînée avait les yeux bruns et les cheveux châtains ; l'autre avait les yeux aussi bleus que le ciel de juin, et son cou blanc était voilé par une riche chevelure blonde. Elle observa chez l'une et chez l'autre la même assiduité dans leurs études ; et de même que Marie était restée dans la salle durant le temps de la récréation, Esther resta aussi ; lui ayant parlé de la même façon qu'elle l'avait fait à sa soeur, elle reçut la même réponse:

- Je pourrais déchirer ma robe.

Cette réponse attira aussitôt l'attention de l'institutrice sur le tissu de la robe de la petite fille. Elle vit que C'était la même étoffe que celle de sa soeur; une Observation Plus attentive la convainquit que c'était la même robe. Elle n'allait pas tout à fait aussi bien à Esther qu'à sa soeur: elle lui était un peu grande. La jeune fille paraissait mal à l'aise en voyant le regard de l'institutrice s'arrêter si longtemps sur le dessein de sa robe.

La découverte qu'elle venait de faire ne pouvait manquer d'intéresser un coeur aussi généreux que celui qui battait dans la poitrine de l'institutrice du petit village. Elle s'informa de la demeure de leur mère, et quoique sa bourse ne fût pas des mieux garnies, elle se rendit le même soir dans l'unique magasin du village. Y ayant trouvé de la même étoffe que celle de la robe des jeunes filles, elle en acheta une robe pour la petite Esther, et s'arrangea avec le marchand pour la lui faire porter, en sorte que le donateur lui restât inconnu.

Marie Gay paraissait toute radieuse le vendredi matin en entrant à l'école un peu avant l'heure. Elle ne prit que le temps de mettre ses effets en ordre dans son pupitre; puis, s'approchant de l'institutrice, elle lui dit, ne pouvant comprimer son hilarité, malgré tous les efforts qu'elle faisait pour parler bas et d'un ton respectueux : - À partir de cette semaine, ma soeur Esther assistera tous les jours à l'école, et moi aussi! Oh, combien je suis heureuse !

- Tu m'apportes là une excellente nouvelle, répliqua l'aimable institutrice. il me semble qu'Esther a beaucoup de goût pour l'étude, et je suis fort heureuse de savoir qu'elle pourra s'y adonner tous les jours. Puis elle poursuivit avec un petit sourire malicieux - - Mais votre maman pourra-t-elle facilement se passer de vous ?
- Oh oui, Mademoiselle, elle peut maintenant. Il nous est arrivé quelque chose que nous n'attendions pas, et elle est tout aussi heureuse de nous laisser venir que nous ne le sommes nous-mêmes de pouvoir étudier. Elle hésita ensuite un moment; mais son jeune coeur débordait de joie; or quand un enfant est heureux, il lui est tout aussi naturel de dire le sujet de sa joie qu'il ne l'est à un oiseau de faire entendre son gazouillement quand le soleil réchauffe la nature. Elle se mit donc à raconter ce qui remplissait son coeur.

Elle et sa soeur étaient les seules enfants d'une pauvre veuve dont la santé était si délicate qu'elle avait beaucoup de peine à subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Elle n'avait pas pu les envoyer à l'école de tout l'hiver, parce qu'elles n'avaient pas d'habits convenables; mais elle leur promit que si elles pouvaient, en travaillant pour les voisins, gagner assez pour s'acheter à chacune une robe neuve, elles pourraient commencer d'y assister au printemps. Les jeunes filles avaient profité de toutes les occasions pour gagner quelques centimes. Elles avaient réalisé à peu près la somme nécessaire pour acheter les robes quand Esther tomba malade; or comme la pauvre mère ne possédait rien, elle s'était vue dans la nécessité d'épuiser le trésor de la pauvre fille.

- Oh combien cela me faisait de peine quand l'école s'ouvrit et que je vis qu'Esther n'avait pas de robe! dit Marie. Je dis à maman que je n'y viendrais pas non plus; mais elle me répondit que je ferais mieux de venir; que je pourrais enseigner à ma soeur le soir ce que j'aurais appris le jour, et que cela vaudrait en tout cas mieux que de ne pas aller à l'école du tout. J'essayai pendant quinze jours; mais il me semblait que le petit visage d'Esther me suivait tout le long du chemin comme je venais à l'école, et il m'était impossible d'être contente. J'ai donc pensé à un moyen pour que nous pussions venir les deux. J'ai dit à maman que je viendrais un jour, et que le jour suivant je prêterais ma robe à Esther pour qu'elle pût venir, et c'est ce que nous avons fait cette semaine. Mais hier soir, pensez clone ! quelqu'un a envoyé à ma soeur une robe précisément de la même étoffe que la mienne, en sorte qu'à présent, elle pourra venir aussi. Oh, si seulement je savais qu'elle est cette bonne personne ! J'irais me jeter à genoux devant elle pour la remercier, et Esther en ferait autant. Mais nous ne savons pas qui c'est ; nous avons fait pour elle tout ce que nous avons pu : nous avons prié. Oh Mlle M... nous sommes maintenant si heureuses! N'êtes-vous pas contente aussi ?
- Certainement que je le suis, répliqua de bon coeur l'institutrice.

Quand le lundi suivant Esther entra dans la salle d'école dans sa robe neuve, son petit visage était aussi épanoui qu'une rose sous les rayons du soleil; s'approchant du pupitre de l'institutrice, elle lui dit du ton le plus triomphant: - Je viendrai tous les jours à l'école, à partir de ce jour. Oh, combien je suis heureuse !

Jamais l'institutrice n'avait expérimenté auparavant avec autant de force cette vérité : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. » Jamais millionnaire qui voit publier par les journaux ses dons de plusieurs milliers de francs en faveur d'une institution charitable quelconque n'a été aussi heureux que la pauvre institutrice qui avait porté ses gants la moitié de l'été plus longtemps qu'elle ne l'aurait dû pour pouvoir acheter à cette petite orpheline une robe de calicot.



(9) RIEN D'ACHEVÉ.

J'eus une fois la curiosité de fouiller la corbeille à ouvrage d'une jeune fille. Et que supposez-vous que j'y trouvai ? Eh bien, en premier lieu, j'y découvris une bourse de perles à moitié faite, et qui, selon toute probabilité, ne devait jamais être terminée, car les aiguilles en étaient enlevées, et les fils de soie étaient tout enchevêtrés, Passant plus loin, je trouvai une feuille de papier bristol perforée destinée à devenir une marque de Bible, sur laquelle on lisait ces mots : « J'aime » Mais qu'aimait-elle ? Je dus le supposer. Au-dessous de la marque de la Bible, je trouvai un bas évidemment commencé pour un pied de bébé; mais il était fait à peu près jusqu'au-dessus de la cheville, et c'est à ce point qu'il était sans doute destiné à demeurer pour toujours. Au-dessous du bas était une pelote d'un travail soigné qui n'était pas tout à fait terminée. On y lisait ces mots : « A ma chère » Je vous ferai grâce de l'énumération du reste des objets que je trouvai au cours de mon incursion dans la corbeille à ouvrage de cette petite fille; mais ce que je dirai, c'est que je n'y ai pas trouvé un seul ouvrage achevé; tout muets qu'ils étaient, ces objets non terminés et délaissés me disaient une triste histoire sur le compte de cette petite fille.

Ils me dirent qu'avec un coeur, débordant de généreuses affections, avec une tête remplie de charmants et utiles projets, qu'elle avait à la fois le pouvoir et l'habileté d'accomplir, elle n'était pas moins une enfant inutile - travaillant toujours, mais n'achevant jamais rien. Ce n'était pas manque d'activité, mais manque de persévérance. Souvenez-vous, mes petits amis, que la grandeur de nos projets importe assez peu. Ce n'est pas là ce qui fera notre gloire; on ne nous attribuera le mérite que de ce que nous accomplirons. Nul ne se soucie beaucoup de ce que nous nous proposons de faire ; mais chacun ouvrira les yeux sur ce que des hommes, des femmes, ou de petits enfants auront fait.



(10) LE JEUNE MUSICIEN.

Jonas Johnson était le fils cadet d'un facteur d'orgues de la Nouvelle-Angleterre. C'était un garçon chétif et tranquille, qui ne se distinguait que par sa passion pour l'harmonie. Il aimait tellement la musique que depuis ses plus tendres années déjà, il ne pouvait pas entendre ses soeurs chanter tout en vaquant à leurs devoirs domestiques sans en être ému; mais des sons discordants le faisaient reculer avec horreur. Dès que le choeur entonnait son chant à l'église, des larmes commençaient à rouler sur ses joues et sur son cantique, tandis qu'il joignait sa petite voix à celle des chanteurs.
Quoique les larmes de Jonas s'échapassent à son insu, son père les avait observées, et il les serrait dans son coeur. Quand le garçon eut atteint sa onzième année, sa famille quitta la petite ville où elle avait demeuré jusqu'alors, et vint habiter New-York. Arrivé dans cette cité, son père décida de lui faire étudier la musique.

- Souviens-toi, Jonas, lui dit-il, que je suis pauvre, et que je n'aurai pas le moyen de faire cette dépense si tu ne te mets pas à l'oeuvre avec courage et persévérance. Je te donne cette profession au lieu de te faire apprendre un métier, parce que je crois que c'est là ton goût.

Jonas était fort aise, et par anticipation, il voyait déjà courir ses doigts. décharnés sur le clavier mystérieux du piano, d'où il ferait sortir des accords si merveilleux. On lui choisit pour maître un professeur capable. Dès sa première leçon, Jonas acquit la conviction que son entreprise n'était pas des plus aisées, quand, après avoir touché pour la troisième fois si naturel au lieu de si dièse, la lourde baguette du maître vint s'appesantir sur ses doigts. Pauvres,petits doigts ! Ils furent incapables de continuer leur travail ce jour-là : ils étaient tout engourdis et rougis. Il versa un tel torrent de larmes qu'on le pria de se retirer et de ne revenir, que dans deux jours.
Tout le long du chemin pour se rendre à la maison, il sanglotait, et il était dans l'impossibilité de mouvoir les doigts sur lesquels il avait reçu le coup de baguette.

- Oh vieux brutal ! se disait l'élève éploré, mon père ne me vengera-t-il pas ?

Il trouva son père à son atelier.

- Eh bien, lui dit le facteur d'orgues comment ta leçon s'est-elle passé ? Il vit qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.

Les larmes de Jonas commencèrent à ruisseler de plus belle en montrant ses doigts meurtris, et en racontant ce qui était arrivé. Le père, le front rembruni, écouta le récit de son fils ; puis la triste histoire finie, il le prit gravement, le conduisit dans une chambre de derrière, et après lui avoir infligé un châtiment corporel exemplaire, il l'avertit d'une voix terrible de ne plus jamais s'aviser de venir se plaindre de son maître.

Notre petit héros pensait que c'était plus qu'il n'en pouvait endurer, et il passa des heures étendu sur un tas de copeaux, roulant dans sa tête des projets de vengeance contre ceux qu'il considérait comme ses pires ennemis. Mais tout à coup un son le fait tressaillir. C'est celui d'un magnifique harmonium qui vient de la chambre de son père. Évidemment un artiste se trouve là. Jonas s'assied pour écouter. On joue un fragment d'un prélude de Sébastien Bach, et ces accords merveilleux semblent parler à Jonas comme la voix d'un esprit. Il se dresse sur son séant ; toute son âme frémit à l'ouïe des choses merveilleuses que ces sons lui racontent, quoiqu'il n'en comprenne encore que vaguement la signification. Il se dirige vers la porte, l'ouvre avec beaucoup de précautions, et se trouve en face du dos de l'harmonium. Ne désirant pas être remarqué, il s'avance silencieusement et traverse la grande salle pour voir le musicien. Serait-ce bien son professeur ? Le doute n'est plus possible : Jonas reconnaît sa longue barbe, et même sa terrible baguette qu'il a déposée sur une chaise. Jonas réussit à passer sans être aperçu. Il se souvient alors que dans deux jours, il devra de nouveau se présenter chez ce maître sévère. Ce terrible personnage pourrait-il se contenter de quelque chose d'aussi imparfait que ses essais? Cette seule pensée suffit pour le faire frémir. Mais Jonas se sentait une inspiration en ce moment même. Il brûlait de nouveau d'envie de devenir un bon musicien. Son esprit de vengeance l'avait abandonné, et il ne pensait plus qu'à Sébastien Bach.

Un petit harmonium avait été placé dans la chambre à coucher de Jonas. Il s'y retira donc et commença l'oeuvre qu'il accomplit toujours si bien par la suite.
Le maître redouté n'eut aucun reproche à faire à Jonas à la leçon suivante. Voyant les rapides progrès et l'assiduité peu commune de son jeune élève, le professeur s'adoucit avec lui, et commença à ouvrir son coeur à son élève favori pour le réjouir.

Après cinq mois, il arriva un grand malheur à Jonas. Une courte maladie emporta son maître - ce qui abattit l'élève à tel point que le facteur d'orgues avait de vives inquiétudes au sujet de sa santé. Le jeune homme refusa absolument d'aller chez un autre professeur, assurant à sa famille qu'il se sentait capable de poursuivre seul ses études. Depuis le grand matin jusqu'à une heure avancée le soir, notre jeune musicien était sur son harmonium. Ceux qui lisent cette biographie ne sauraient se faire une idée de la rapidité de ses progrès. Mais je citerai les faits.

Il venait d'entrer dans sa douzième année quand il entendit deux hommes dans un magasin de musique qui parlaient d'une église de la partie supérieure de la ville, où l'organiste allait quitter dans quelques semaines. Jonas écouta attentivement.

- Il a trop le style d'opéra pour plaire à sa congrégation, dit l'un.
- Oui, dit l'autre; plus leur organiste sera simple, mieux ils l'aimeront.
- Où est cette église? demanda Jonas.
- À Saint-C... dans la rue D...

Jonas, rempli d'une nouvelle et grande pensée, retourna à son harmonium. Le dimanche suivant, il se rendit de fort bonne heure à l'église. Personne n'était encore arrivé sauf l'organiste qui préparait ce qu'il allait jouer. Jonas monta les escaliers, et alla se placer de manière à voir le choix de musique qu'il faisait. L'organiste se détourna et lui demanda :

- Qu'est-ce que vous désirez ici, Monsieur ?
- J'ai entendu dire que la place d'organiste allait devenir vacante, Monsieur, est-ce bien vrai ?
- Et connaissez-vous quelqu'un qui désire l'occuper ?
- Je l'aimerais.
- Vous ?
- Oui, Monsieur, je suis organiste.

Cette simple réponse fit sourire son interlocuteur. Montrant une page de la musique du jour, il lui dit:
- Jouez ceci.

Et laissant sa chaise à Jonas, il alla s'installer au soufflet. Ému, Jonas commença d'abord en tremblant, mais chacun des sons qu'il faisait sortir lui rendait son courage, en sorte qu'il s'en tira fort bien, tandis que l'organiste courrait des soufflets à la musique, et de la musique aux soufflets, tombant de surprise en surprise. À la fin, l'un et l'autre poussèrent un long soupir.

- C'est vraiment remarquable, dit l'organiste. Et vous désirez postuler pour la place ?
- Extrêmement, Monsieur, dit Jonas frémissant de plaisir ?
- Eh bien, venez ici cet après-midi un peu avant le service; je vous présenterai au pasteur; c'est lui qui est autorisé à faire tous les arrangements.

Le jeune homme rentra à la maison tout rempli de grandes espérances. Il ne parla pas à son père de sa démarche; il n'osait pas encore espérer le succès. Jamais temps ne passa aussi lentement que celui qui s'écoula entre le dîner et l'heure du culte de cet après-midi. Mais l'heureux moment arriva enfin, et au temps marqué, Jonas se trouvait au lieu du rendez-vous, ainsi que l'organiste, qui le présenta au pasteur à la sacristie, comme un postulant pour la place d'organiste. Le pasteur, homme de haute stature et aux cheveux blancs, se tenait debout tandis que le jeune homme lui présentait le but de sa démarche.

- Oui, mon garçon, lui dit-il, notre organiste nous quittera dans trois semaines. Est-ce que ce temps vous suffira pour vous familiariser avec nos services ?
- Oui, Monsieur.
- Dans ce cas, je n'ai plus qu'à vous entendre jouer pour décider. Voulez-vous prendre la place de l'organiste cet après-midi ? Il vous montrera les pièces.

La proposition était des plus inattendues ; aussi Jonas sentit-il son coeur battre bien fort; mais sachant que tout dépendait de son courage, il accepta.
Il s'installa devant le grand orgue avec un coeur brave, et avec un grand sérieux. La cloche cessa de faire entendre ses appels; le pasteur entra, et Jonas commença à appuyer ses doigts sur le clavier. Cet instant peut être considéré comme la pierre angulaire du grand succès de sa vie.

La musique de cet après-midi était simple et pure comme le coeur duquel elle découlait. Le service passé, Jonas se présenta de nouveau devant le pasteur qui le reçut de la manière la plus affectueuse.

- Conservez toujours ce style simple, et nous ne désirerons jamais changer d'organiste. Quel est le salaire que vous désirez ?
- Eh bien, Monsieur le pasteur, je vous dirai que je n'y avais jamais pensé; tout ce que je désirais, c'était de pouvoir jouer dans une église.

Le pasteur s'assit devant la table, prit une plume et du papier, et dit :

- Vous recevrez ce que nous avons toujours payé : sept cent cinquante francs par an. Je ferai le contrat. Venez maintenant pour le signer.

- Vous n'écrivez pas aussi bien que vous jouez, poursuivit le pasteur en souriant, lorsqu'il vit l'écriture inégale et enfantine de Jonas Johnson; mais enfin, on ne peut pas tout exiger d'un aussi petit homme. Voici donc le contrat. Prenez-en bien soin.

Jonas quitta ses amis et se hâta de se rendre à la maison. Quand la famille du facteur d'orgues se réunit autour de l'âtre, le plus jeune vint présenter à son père son contrat.

- Qu'est-ce que tu me donnes, mon fils ?

Jonas ne répondit pas ; il attendit patiemment que ses parents eussent ajusté leurs lunettes. Après l'avoir lu, le père fit deux fois le tour de la chambre, puis s'adressant à sa femme, il lui dit:

- Femme, il deviendra un grand maître. Dieu le bénisse!

Ne pouvant se contenir plus longtemps, Jonas courut dans sa petite chambre, se jeta sur son petit lit, et donna libre cours à ses sentiments; il se prit à sangloter de joie, d'espérance et d'ambition.
La prophétie du facteur d'orgues fut justifiée. Le monde doit actuellement à Jonas quelques-unes de ses meilleures pièces de musique sacrée. Comme compositeur et professeur, il est grand. Ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, sont assez heureux pour l'avoir eu comme professeur de leurs enfants, peuvent dire véritablement qu'ils connaissent un grand maître de musique. La persévérance de Jonas qui le porta à vouloir devenir musicien malgré la discipline sévère à laquelle il était soumis, fut couronnée du succès le plus éclatant. Non seulement en fit-elle un grand musicien, mais elle fit de lui un homme utile à la société.

Chaque garçon et chaque petite fille peut tirer de là une leçon : c'est que leur énergie et leur persévérance peuvent jeter les fondements du succès de leur vie.


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