Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...




(4) UNE PAROLE OPPORTUNE.

 Charles et Henri sont commis dans le même magasin de gros. Un matin, ils font ensemble la route pour s'y rendre. Après avoir parlé quelques moments sur, différents sujets, le dialogue suivant s'engage entre eux:
- À propos, Charles, j'apprends que tu étais hier soir à... désignant un café-billard.
- Ce n'est pas le cas, Henri, je ne mets jamais les pieds dans un café-billard.
- C'est ce que je supposais; aussi cette nouvelle m'étonnait-elle beaucoup.
- Et pourquoi donc?
- Pourquoi? dit Henri d'un ton qui trahissait son étonnement. Parce que tu te dis religieux et que tu es membre d'une Église.
- N'entres-tu jamais dans de tels établissements, Henri?
- Oh! que oui; mais c'est tout différent. Tu sais que je ne fais pas profession de religion.
- Penses-tu que ce serait mal à moi d'y entrer?
- Naturellement.
- Et tu crois que c'est bien pour toi ?
- Pourquoi pas? Quel mal pourrait-il y avoir ?
- Comment expliques-tu cette différence?
- Par la simple raison que je ne suis pas lié par les mêmes obligations que toi.
- Et qui est-ce donc qui t'a libéré de ces obligations qui pèsent sur moi?
- À quoi bon perdre notre temps à raisonner, Charles, tu sais fort bien que les chrétiens ne doivent pas s'adonner à des amusements qu'ils considèrent comme pernicieux.
- Je sais fort bien qu'ils ne le devraient pas; mais je me demande pourquoi ce serait mal pour eux, et bien pour d'autres.
- Tu sais parfaitement qu'il en est ainsi.
- Non; je ne sache pas que ce soit le cas; et je désire te faire observer que l'obligation d'éviter le mal et de faire le bien repose sur tous les êtres raisonnables habitant un pays chrétien. Dieu commande à fous les hommes de l'aimer; et la différence existant entre le croyant et le non-croyant est que l'un reconnaît ses obligations tandis que l'autre les rejette; or un refus de reconnaître ne dispense nullement de l'obligation. Dieu ne nous dit pas de l'aimer, si cela nous convient; mais il nous l'ordonne impérieusement à toi et à moi. Toi et moi avons la liberté de nous adonner à tous les amusements et de suivre nos inclinations en toutes choses; mais ton devoir aussi bien que le mien est d'éviter tout mal et d'honorer la loi de notre Maître en nous détournant de la méchanceté.
Réfléchis à ces choses, mon ami, et reconnais les responsabilités que tu ne saurais éviter, et dont tu ne désireras plus d'être débarrassé après les avoir acceptées.

Ils arrivaient alors au magasin, et chacun se rendit dans son département. Ces deux jeunes hommes étaient entrés en même temps au service de la maison A. B. & Cie, environ deux ans avant que cette conversation eût lieu. Charles avait mérité la confiance de ses chefs, et il avait eu de l'avancement. Le plus ancien associé de cette maison de commerce se proposant de se retirer des affaires, était en quête. d'un jeune homme sûr et, énergique pour l'adjoindre à son fils comme associé. Or Charles lui avait paru précisément la personne convenable. Il l'avait observé attentivement, et avait cru découvrir en lui toutes les aptitudes désirables pour réussir dans les affaires.

Il avait aussi surveillé la conduite de Henri. Il avait appris qu'on le voyait dans des lieux où un homme qui aspire à une position honorable ne se rendra jamais, et il était sur le point de proposer à ses associés de lui donner son congé. Il savait qu'un commis dont les habitudes dispendieuses exigent plus d'argent qu'il n'en peut gagner, aura presque infailliblement recours à des moyens peu avouables pour couvrir le déficit. Des cas de ce genre se présentent presque chaque jour dans et aussi longtemps qu'on rencontrera des petits-maîtres portant des habits plus coûteux que ceux de leurs patrons, de grandes chaînes de montre d'or, de beaux chronomètres, et des bagues ornées de pierres précieuses, on pourra s'attendre à entendre parler de beaucoup de détournements.

La conversation que nous avons rapportée produisit une profonde impression sur l'esprit de Henri. Jamais ce sujet ne lui avait encore été présenté sous ce jour. Il avait supposé, comme beaucoup d'autres, qu'il n'était sous le poids d'aucune obligation aussi longtemps qu'il ne les avait pas reconnues publiquement, et qu'il n'était pas entré dans une Église. Henri n'avait nullement l'intention de mourir de la mort des pécheurs; cette pensée ne lui était jamais venue. Sa ferme intention était de se convertir, après avoir joui de ce qu'il se plaisait à appeler les plaisirs de la jeunesse. Après cette conversation avec Charles, il ne put oublier la pensée de sa responsabilité devant Dieu. Ses amusements dégradants et ses habitudes dispendieuses se présentèrent à lui sous un jour tout nouveau, et il commença à en voir la véritable tendance. Il en résulta un changement radical dans sa conduite. Ce changement fut si marqué que tous les employés ne tardèrent pas à s'en apercevoir, et qu'il n'échappa pas aux patrons non plus.

Henri demeura dans la maison, avança progressivement, jusqu'aux plus hauts emplois, et il devint enfin le plus jeune associé de la maison dont Charles était sociétaire depuis quelque temps. Il a toujours attribué son bonheur et sa prospérité aux paroles opportunes de son camarade de magasin. Il a réussi non seulement comme négociant, mais aussi comme chrétien, exerçant une influence puissante et bénie sur ceux qui l'entouraient, mais particulièrement sur les jeunes employés de sa maison.



(5) UNE MISSIONNAIRE.

Catherine Lecomte vient d'une réunion de missions où elle a entendu une dame qui a été elle-même quinze ans missionnaire en Afrique. Elle n'a présenté que les beaux côtés de l'oeuvre; aussi Catherine est-elle tout enthousiasmée.

- J'ai résolu de devenir missionnaire quand j'aurai environ quarante ans, dit-elle en rentrant.
- Mais pourquoi attendre d'avoir quarante ans? lui dit sa mère en levant les yeux de dessus sa couture.
- Eh bien, il faut d'abord que je gagne beaucoup d'argent en enseignant; que j'écrive peut-être quelques ouvrages; puis, quand mes cheveux commenceront à grisonner, et mes dents à tomber, j'aurai toujours assez bonne façon pour aller enseigner l'Évangile; cela importe assez peu aux païens.
- Ton plan est très beau, si tu peux le mettre à exécution, dit Mme Lecomte. Mais souviens-toi que Mme X. qui est morte la semaine dernière avait juste quarante ans. Ne penses-tu pas que tu ferais bien de fixer ton départ à un âge moins avancé?
- Eh bien, peut-être que cela pourrait aller à trente-cinq.

- Oui; ce ne serait que garder les sept huitièmes de ta vie pour toi, et donner l'autre huitième à Jésus. Cela pourrait encore aller; mais tu te souviens que la tante Catherine est morte à l'âge de trente-cinq ans. Cette décision serait-elle bien sûre ?
- Eh bien, je partirai à trente ans, dit Catherine en se rendant, à la fenêtre pour regarder dehors.
- Trente, cela va mieux; c'est précisément l'âge qu'avait la tante Marie quand elle fut précipitée de voiture, en faisant une partie de plaisir ; et tu sais qu'elle n'a pas été capable de marcher depuis.

Catherine regardait par la fenêtre et se trouvait fort mal à l'aise. Il lui semblait qu'il n'avait jamais passé aussi peu de personnes âgées dans la rue.

- Je pourrais peut-être aller à vingt-cinq ans, dit-elle enfin en poussant un soupir.
- Tu serais assez jeune alors pour aller en Afrique, dit Mme Lecomte; mais tu te souviens que l'aimable Mlle Robin qu'on a ensevelie la semaine dernière justement à cet âge se proposait aussi de se rendre dans les Indes.
- Je crois donc, dit Catherine en se retournant vers sa mère, les larmes aux yeux, et le sourire sur les lèvres, que je devrais me décider à partir sans délai.
- C'est là ce que tu feras, ma chère, si tu veux être une ouvrière chrétienne; mais commence par travailler aujourd'hui, et ici-même pour le Sauveur. Si tu vivais vingt-cinq ans pour toi, il te serait fort difficile ensuite de changer tout d'un coup le cours de ta vie et de ne plus vivre que pour les autres.
Ne perds pas ton temps à penser aux grandes choses que tu te proposes de faire par la suite; mais acquitte-toi chaque jour avec fidélité, de tous les petits devoirs qui se présentent jusqu'à ce qu'enfin le Seigneur voie que tu as acquis assez de force pour pouvoir supporter de grandes choses.
- Je m'efforcerai de le faire, maman; je puis prendre soin du bébé, et faire avec joie tout ce que tu pourras me commander.

Catherine tint parole; elle se mit aussitôt à l'oeuvre, et elle commença de la bonne façon. Les missionnaires au foyer sont aussi indispensables, et accomplissent une oeuvre tout aussi grande que ceux qui se rendent dans les pays étrangers; et de plus, tous ne peuvent pas être envoyés chez les païens.

Catherine s'occupa de l'oeuvre de Dieu de différentes façons, et ses efforts furent bénis, aussi bien pour elle que pour son entourage. Il y avait plusieurs choses qu'elle pouvait faire pour soulager sa bonne maman. En s'acquittant de ses devoirs, elle était comme un ange de miséricorde. Elle allait porter un panier de provisions à quelque pauvre veuve et à des orphelins, même par la pluie et la neige; elle adressait quelques paroles de consolation aux affligés; elle réunissait et enseignait à l'école du Sabbat les petits enfants du voisinage qui sans elle n'auraient peut-être jamais été instruits dans les choses de Dieu; elle amenait au bercail des brebis qui n'auraient jamais connu la porte de la bergerie du bon Berger.

C'est ainsi que Catherine se prépare pour des travaux missionnaires plus importants, si le Seigneur lui accorde la vie et la santé pour les faire. Et si c'était sa volonté de l'enlever à son champ d'activité, elle n'en sera pas moins au nombre de ceux auxquels le Maître dira: « Cela va bien, bon et fidèle serviteur.... entre dans la joie de ton Seigneur. »



(6) LÉON LABARTHE.

Léon Labarthe était le pire garçon du village; l'indulgence de son père l'avait gâté. « Ne reprends pas cet enfant, disait-il à sa femme quand elle voulait le corriger : ce serait anéantir entièrement sa personnalité. » Et c'est ainsi qu'en grandissant, il devint la terreur de tous les voisins. Les, vieillards, les estropiés, les infirmes étaient en butte à ses vexations. Il se plaisait en particulier à couvrir de mépris une pauvre vieille femme, courbée par l'âge et les infirmités, qui venait tous les jours avec son seau pour puiser de Peau tout près de la maison d'école.
- Regardez, disait-il à ses camarades; n'est-elle pas une S avec un crochet en plus? » Mais malgré toutes les invectives dont elle était l'objet de la part de ce méchant garnement, et toutes les grimaces qu'il lui faisait en la suivant de près, la pauvre vieille ne paraissait pas y prendre garde. Un jour, toutefois, elle se détourna, puis le regardant avec indignation, elle lui dit:
- Va à la maison, mon enfant, et tu y liras l'histoire d'Élisée et des deux ours qui sortirent de la forêt.
- C'est une honte, lui dit Louis Nicolier, que de se rire ainsi des infortunes des autres! Ma grand'mère m'a dit que cette pauvre femme était devenue infirme en voulant soulever son fils qui était idiot, et dont elle prenait soin jour et nuit.
- Il m'importe assez peu de savoir ce qui l'a rendue ainsi, répliqua Léon; mais ce que je sais, c'est que je ne resterais plus parmi les gens si j'étais aussi horrible. Mais regarde donc cela!
- Tu devrais rougir de parler ainsi, dit Louis; c'est une honte! C'est une honte! répétèrent en choeur tous les garçons présents. Et pour lui témoigner de leur sympathie, plusieurs s'avancèrent et aidèrent à la pauvre femme à porter son eau; mais c'est Louis Nicolier, - qui était le plus âgé, et toujours le premier à donner l'exemple du bien, qui s'avança le premier.
- Permettez que j'aille chercher votre eau, Madame, lui dit-il en saisissant le seau qu'elle tenait à la main.

La voix de la pauvre femme tremblait d'émotion, et ses yeux étaient remplis de larmes, quand elle lui dit: - Je te remercie, mon cher enfant. Fasse le Ciel que tu ne sois jamais affligé d'une telle infirmité.

- Si c'était jamais le cas, ce serait le devoir des jeunes gens de m'aider, et ils devraient s'estimer heureux de pouvoir le faire. L'un de nous vous apportera chaque jour votre eau, de sorte qu'à l'avenir vous n'aurez plus besoin de la venir chercher.
- Oui, répondirent plusieurs des enfants.
- Que Dieu vous bénisse; que Dieu vous bénisse tous, dit-elle en reprenant le chemin de sa solitude demeure, et en essuyant une larme du coin de son tablier.

Informé de la conduite de Léon Labarthe, son instituteur le condamna à étudier tout une semaine pendant les heures de récréation. La punition était sévère, car Léon aimait beaucoup mieux le jeu que ses livres; mais combien elle était légère en comparaison de la rétribution qui l'attendait!
Le deuxième jour de sa réclusion, il était devant la fenêtre, suivant des yeux les jeux de ses camarades. Mais soudain, comme le maître était absorbé par ses occupations, Léon s'élança au milieu d'eux en poussant un cri de joie à la pensée de l'exploit qu'il venait de faire.

- Qu'il me punisse de nouveau, s'il le peut, s'écria-t-il; puis il se mit à courir en arrière en élevant les bras, et en poussant un cri de défi quand ....... sa voix cessa soudain de se faire entendre; une lourde chute et un horrible gémissement parvinrent jusqu'aux oreilles des enfants consternés, puis tout rentra dans le silence.

Il arriva qu'en ce moment le puits dont nous avons précédemment parlé était en réparation, et que les ouvriers qui y travaillaient se trouvaient à une certaine distance pour chercher des matériaux. Ils avaient négligé d'en recouvrir l'ouverture, en sorte qu'au moment où il jouissait de son triomphe, Léon s'y trouvait précipité à la renverse. Un cri d'horreur échappa à tous les garçons assemblés, qui se précipitèrent autour de l'ouverture du puits. Louis Nicolier, le plus courageux de tous, fut le premier à saisir la corde, et à s'attacher par le milieu du corps pour descendre dans le puits et aller porter secours à son malheureux camarade. Le puits était fort profond. Fort heureusement, il se trouvait en ce moment à peu près vide; mais Léon était immobile et inconscient au fond. Louis le souleva avec soin; puis passant un bras autour du corps mutilé, et apparemment sans vie, de son camarade, et se tenant à la corde de l'autre, il donna le signal pour qu'on le retirât. Le visage livide du méchant garçon remplit tous les jeunes écoliers d'une terreur surnaturelle; et en silence, ils le transportèrent dans la maison de la pauvre infirme qui se trouvait tout près. De sa fenêtre, elle avait été témoin de l'accident; et, appuyée sur sa béquille, elle s'était empressée d'aller au-devant d'eux. Léon fut déposé dans l'humble maison, et sur le pauvre lit de celle pour laquelle il avait eu un si profond mépris. Celle-ci s'empressa d'obéir à cette parole: « Faites du bien à ceux qui vous haïssent.... et qui vous persécutent. »

Ses prières montaient à Dieu en silence en faveur du petit souffrant. Elle vida son petit flacon de camphre et épuisa, pour le soulager, les quelques autres médicaments qui lui avaient été donnés par des voisins charitables. Elle prit les rares morceaux de toile qu'elle possédait pour lui faire des pansements à la tête qui était toute meurtrie et ensanglantée; puis, s'oubliant entièrement, elle s'installa à son chevet, lui appliquant des compresses sur le front, tandis que quelques-uns des garçons allaient chercher le docteur, et que les autres allaient avertir l'instituteur. On supposait que la tête seule avait souffert de cette chute; et quand le docteur eut achevé sa besogne, le pauvre garçon, toujours insensible, fut transporté à la maison sur un brancard, et entouré de ses camarades, muets d'émotion. Ce jour devait produire une profonde impression sur tous les élèves de cette école, l'instituteur, et tous ceux qui entendirent parler de ce triste accident.

Quelques heures plus tard, quelques garçons se réunissaient dans la cour de l'école. Ils parlaient à voix basse; l'émotion se lisait sur leur visage; tous étaient pâles et abattus. Louis Nicolier s'approchant d'eux, leur dit :
- Comment va le pauvre Léon, quelqu'un de vous a-t-il de ses nouvelles?

- Ne sais-tu pas ? N'en as-tu pas encore entendu parler? On, dit qu'il a ouvert les yeux, et qu'il peut parler, mais qu'il a l'épine dorsale fracassée.

Louis joignit les mains, les éleva au ciel et ne prononça pas une parole, mais il éclata en sanglots. Il se laissa aller quelques instants à l'émotion; puis, pâle encore et abattu, mais d'une voix ferme, il dit à ses camarades :

- Mes amis, oublierons-nous jamais la leçon qui nous est enseignée aujourd'hui?

Pauvre Léon! Les paroles sont impuissantes à décrire les angoisses physiques et mentales par lesquelles il passa pendant les longs mois de sa séquestration sur un lit de souffrances; mais quand il s'en releva avec un corps faible et déformé, et une large cicatrice au front, son coeur était aussi transformé; son esprit était abattu, humble et contrit. La repentance avait accompli en lui une oeuvre parfaite. Quand il entra en convalescence, et que ses camarades vinrent pour le féliciter de son rétablissement, il passa ses bras autour du cou de chacun d'eux, et ne put leur dire autre chose que ces mots Pardonne-moi ! pardonne-moi.

À sa requête, la pauvre vieille femme fut invitée à aller habiter une jolie, petite maison de campagne appartenant à son père, dont l'usage lui fut gratuitement accordé, et sa mère pourvoyait constamment à ses besoins. Aussitôt que la chose lui fut possible, il lui écrivit pour lui demander humblement pardon; et elle lui donna en retour sa bénédiction. À partir de ce temps, la pauvre vieille recevait régulièrement la moitié de l'abondante provision d'argent de poche de Léon; il la visitait dans sa solitude, et à la fin il fit sa paix avec Dieu, et reconnut la justice de son châtiment - il se résigna de bon gré à être pour la vie impotent et bossu.

Jeunes lecteurs, puisse l'histoire de Léon Labarthe faire une profonde impression sur vos coeurs. Respectez les personnes âgées, qu'elles soient dans l'abondance ou dans la pauvreté, et estimez un privilège de pouvoir les soulager dans leurs infirmités, comme elles l'ont fait pour vous dans la faiblesse et l'impuissance de l'enfance. C'est la seule récompense que les jeunes personnes puissent rendre à celles qui sont âgées. De plus, la bénédiction de Dieu reposera sur le jeune coeur qui s'inclinera avec respect devant les cheveux blancs.



(7) LA VOIX DE MA MÈRE.

Un ami m'a raconté il n'y a pas longtemps une très belle histoire à propos d'une parole aimable. Une bonne dame passait devant une auberge, précisément au moment où le tenancier mettait brusquement à la porte un jeune homme. Il était très jeune et fort pâle; mais ses yeux hagards et sa mine étrange montraient assez qu'il était déjà bien avancé dans le chemin de la perdition. Brandissant son poing, il menaçait de se venger de l'homme qui venait de lui infliger un aussi indigne traitement. Ce jeune homme était tellement excité et aveuglé par la colère qu'il ne vit pas une dame qui se trouvait tout près de lui, jusqu'à ce que celle-ci lui eût posé la main sur le bras, et qu'elle lui eût demandé d'une voix douce ce qu'il y avait.

Cette parole aimable fut pour le jeune homme un coup de foudre ; il devint plus pâle que la mort et se prit à trembler des pieds à la tête. Regardant la dame quelques instants, il lui dit en poussant un soupir de soulagement:

- J'ai cru que c'était la voix de ma mère : c'est tout à fait le même timbre! mais il y a bien des années que ses lèvres se sont fermées pour toujours.
- Vous avez donc eu une mère qui vous aimait, lui dit-elle.
- Oh oui! dit le jeune homme en fondant en larmes, ma mère était un ange et elle aimait son fils! mais depuis sa mort, tout le monde s'est tourné contre moi, et j'ai perdu tout sentiment d'honneur, toute pudeur; je suis perdu, perdu, pour toujours!
- Non pas perdu pour toujours; car Dieu est miséricordieux, et sa miséricorde peut changer le pire des pécheurs, dit la dame de sa voix douce et mélodieuse. Ces paroles opportunes firent vibrer les cordes cachées des sentiments du jeune homme qui n'avaient pas été touchées depuis longtemps, et produisirent un effet magique. Elles éveillèrent en lui une foule de douces émotions qui avaient été longtemps ensevelies sous les décombres du péché et du crime.

La bonne dame lui adressa encore quelques paroles d'encouragement, et quand elle poursuivit sa route, le jeune homme la suivit et remarqua la maison où elle entrait;. il inscrivit sur son carnet le nom qu'il vit sur la plaque d'or de la porte, puis s'en retourna lentement. L'expression de son visage était changée, et il était profondément ému.

Des années se passèrent, et la dame avait entièrement oublié cet incident quand tout par un beau jour, un jeune homme fit présenter sa carte en disant qu'il désirait voir Madame.
Se demandant qui pouvait bien être ce visiteur, elle descendit au salon où elle trouva un jeune homme à l'air noble, qui se leva à son arrivée et alla au-devant d'elle, puis en lui tendant la main :

- Veuillez, Madame, pardonner mon intrusion; mais j'ai franchi bien des kilomètres pour venir vous remercier du service inestimable que vous m'avez rendu il y a plusieurs années, dit-il d'une voix émue.

Fort embarrassée, la dame demanda des éclaircissements, ne se souvenant pas d'avoir jamais vu ce monsieur.

- J'ai tellement changé, lui dit-il, que vous ne me reconnaissez plus; mais bien que je n'aie vu votre visage qu'une fois, je suis certain que je vous aurais reconnue où que ce fût, aussi bien que le timbre de votre voix qui ressemble tellement à celui de ma mère.

Ces dernières paroles rappelèrent à la dame le jeune homme auquel elle avait adressé quelques mots d'encouragement devant une auberge, et les larmes commencèrent à couler avec abondance - l'un et l'autre sanglotaient. Après les premiers épanchements, le jeune homme raconta à la dame comment ses paroles aimables avaient été le moyen de le tirer du bourbier dans lequel il avait été plongé, et de faire de lui ce qu'il était en ce moment.
- Ces paroles: « Non; vous n'êtes pas perdu pour toujours, » prononcées avec conviction me suivirent partout, dit-il, et il me semblait toujours que c'était la voix de ma mère sortant de la tombe. Je me suis repenti, et j'ai pris la détermination de vivre pour Jésus, comme c'eût été la volonté de ma mère que je vécusse ; et avec la grâce de Dieu, j'ai pu résister à la tentation et tenir ma 'bonne résolution,
- Je n'aurais jamais supposé qu'il y eût une telle puissance dans quelques paroles aimables, s'écria la dame, et je veux certainement ne pas m'épargner de la peine pour en dire à l'avenir à toutes les personnes souffrantes et affligées que Dieu mettra sur mon chemin.


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