(45)
CE QUI L'A
PERDU.
On demandait à un jeune homme convaincu
d'un crime grave et qui attendait dans la prison sa
condamnation, ce qui l'avait perdu.
- Monsieur! répondit-il les
larmes aux yeux, c'est mon éducation de la
rue. Je recevais à la maison une bonne
éducation; mais je partais dans la rue pour
m'amuser avec les autres gamins. C'est dans la rue
que j'ai pris goût au vagabondage; c'est dans
la rue que j'ai appris à blasphémer;
c'est dans la rue que j'ai appris à fumer;
c'est dans la rue que j'ai pris l'habitude du jeu.
C'est enfin dans la rue que j'ai appris à
voler.
Vous voyez donc, mes chers enfants, que
c'est la rue qui a perdu ce jeune garçon. Il
lui paraissait agréable, de même
qu'à vous, de passer ses heures, de loisir
avec des enfants oisifs et turbulents. Il pensait
sans doute que ses parents étaient trop
stricts, trop minutieux, bien singuliers, quand ils
ne voulaient pas lui permettre de courir les rues;
étant dans ces sentiments, il
préféra suivre sa volonté
propre que d'obéir à ses parents. Il
fit sa volonté; mais quelles en ont
été les conséquences? La
perdition! Je crois qu'il lui en a
coûté trop cher pour faire sa
volonté propre. Êtes-vous de la
même opinion que moi? Si oui, prenez bien
garde de ne pas suivre son exemple; ne vous
attachez pas aux amis de la rue. Trouvez vos
plaisirs à la maison, et cela plus
spécialement le soir.
Souvenez-vous, mes chers jeunes amis,
que pour parcourir sains et saufs le sentier de la
vie, il faut bien prendre garde où vous
posez vos pieds. Suivre un sentier simplement parce
qu'il y croît des fleurs et que vous
désirez les cueillir, n'est pas sage. Les
sentiers les plus fleuris et les plus enchanteurs
conduisent souvent aux endroits
les plus dangereux. Cherchez donc toujours la
meilleure voie préférablement
à la plus agréable. Le bon sentier
est certainement toujours le plus agréable
à la fin.
Pour trouver la bonne voie et ainsi
éviter les dangers de la mauvaise, il vous
faut un guide. Il me souvient d'avoir lu quelque
part que sur les côtes de l'Angleterre se
trouvent des rochers abrupts. Pour empêcher
la contrebande, il s'y trouve jour et nuit une
garde. Les hommes de cette garde doivent monter et
descendre le rocher de nuit. Leur sentier est fort
étroit, et longe la plupart du temps le
précipice. Un simple écart suffirait
pour faire rouler dans l'abîme et mettre en
pièces l'imprudent qui le ferait.
Comment supposez-vous que ces
sentinelles trouvent leur chemin la nuit sans
courir le risque de se précipiter ? Si vous
considériez attentivement leur sentier, vous
y découvririez une rangée de pierres
blanches. Ces pierres sont visibles au milieu des
plus grandes ténèbres. On les
regarde, et ainsi on peut suivre le sentier sans
danger.
Chers enfants, Dieu vous a donné
sa Parole pour être sur votre sentier ce que
cette rangée de pierres est sur celui de ces
sentinelles du rocher d'Angleterre. Elle vous dit
où vous devez aller et où vous ne
devez pas aller; ce qu'il faut faire et ce qu'il
faut éviter. Votre seule
sécurité est donc d'étudier la
Bible et de suivre ses directions. Si vous ne
voulez pas, de même que le jeune homme
enfermé dans sa prison, vous trouverez sur
votre sentier la prison, les douleurs, la honte et
la mort.
(46)
LA
FÊTE DES ACTIONS DE GRÂCES ET
ALBERT.
La scène se passe aux États-Unis.
Par une froide journée de novembre, un jeune
gamin offre aux passants, à la porte d'un
petit restaurant de Boston, l'unique journal du
matin qui lui reste.
Mais il n'y avait en
réalité pas beaucoup de passants :
c'était la fête nationale des actions
de grâces (Thanksgiving day).
Les ateliers étaient fermés, et tous
ceux qui possédaient un foyer semblaient
avoir regagné la maison pour dîner en
famille. Albert, lui, faisait toujours de vaines
tentatives pour vendre son dernier journal de
l'édition du matin.
Un vieillard dont le visage semblait
porter les traces de la privation, vêtu d'un
habit râpé, s'arrêta devant la
même porte, et, la main sur la
poignée; paraissait en proie à une
lutte intérieure entre la faim et le
sentiment de sa pauvreté.
Il était toutefois possible qu'il
se demandât s'il pouvait se payer le luxe
d'un journal, comme c'était la fête
des actions de grâces; c'est du moins ce
qu'Albert pensa; aussi se mit-il en devoir de lui
présenter le sien.
- Désirez-vous acheter un
journal, Monsieur ? On y trouve tous les
détails relatifs à l'incendie de
l'est de Boston et à l'arrestation des
voleurs de Springfield. Dix centimes
seulement.
Le petit vieillard regarda le gamin de
ses yeux perçants qui semblèrent
éclairer son triste visage, et il
répondît d'une voix tremblotante
:
- Tu pourrais bien en baisser le prix,
à cette heure de la journée. Tu ne
peux pas t'attendre à vendre à midi
un journal du matin pour le prix entier.
- Eh bien, donnez-m'en donc cinq
centimes, dit Albert. C'est au-dessous du prix de
revient; mais peu importe, je veux m'en
débarrasser.
- Il semble que tu as froid, dit le
vieillard.
- Froid! reprit Albert, je gèle.
Et j'ai faim aussi. Mais je vais me payer un bon
dîner! c'est le jour des actions de
grâces.
- C'est fort heureux, mon garçon.
Tu as sans doute une famille où tu te
rendras, et des amis.
- Non, Monsieur, je n'ai ni foyer ni
amis - seulement ma mère. Albert
hésitait, puis devenant sérieux, il
changea tout à coup de ton.
Et Jean Houghton. Je lui avais
donné rendez-vous ici où nous aurions
eu un fameux dîner d'actions de grâces
ensemble, parce que ce n'est pas gai de dîner
seul le jour des actions de grâces! Cela
donne à réfléchir, si on a
jamais eu une famille et qu'on n'en ait
plus.
- C'est encore plus triste de ne pas
manger du tout, dit le vieillard en clignant des
yeux. Et à quoi un garçon comme toi
peut-il avoir à réfléchir?
Enfin, je crois que je trouve les cinq centimes; -
quoiqu'il n'y ait rien dans le journal qui
m'intéresse ; je le sais.
Le vieillard paraissait ému, ses
doigts tremblaient; il déposa dix centimes
au lieu de cinq dans la main d'Albert.
- Pardon, Monsieur, vous faites erreur!
dit Albert. Ce qui est convenu est convenu. Vous
m'avez donné cinq centimes de trop.
- Non; je ne donne jamais cinq centimes
de trop!
- Voyez donc s'il vous plaît! et
Albert-lui montra les dix centimes, lui offrant de
lui en rendre cinq.
- Peu importe, dit le vieillard, ce sera
autant de moins pour mon dîner voilà
tout.
Albert avait instinctivement mis les dix
centimes en poche; mais après quelques
instants de réflexion, ses sympathies furent
éveillées.
- Pauvre vieillard! se dit-il. Je
suppose qu'il a vu des jours meilleurs. Il n'a
peut-être pas de famille. Pour un jeune
garçon comme moi, cela peut encore aller,
mais je crois que ce doit être bien dur pour
lui. Il a voulu me donner dix
centimes, et je suppose qu'il y a plusieurs jours
qu'il n'a pas eu un dîner convenable.
Ces pensées que j'ai dû
écrire lentement se
présentèrent à l'esprit
d'Albert comme un éclair. C'était un
jeune homme généreux, et tout ce
qu'on faisait pour lui, quelque insignifiant que ce
fût, faisait déborder son coeur de
reconnaissance.
- Pardon, Monsieur! cria-t-il au
vieillard; où pensez-vous aller dîner
aujourd'hui ?
- Je puis prendre quelque chose ici tout
aussi bien qu'ailleurs. Il m'importe assez
peu.
- Dînez donc avec moi, dit Albert.
Je me sentirais très honoré de votre
compagnie.
- Je crains bien de ne pas pouvoir me
payer un dîner aussi copieux que le tien, dit
le vieillard avec un fin sourire, et en clignant de
nouveau des yeux.
- Je vous, le payerai, dit Albert.
Venez; le jour des actions de grâces ne vient
qu'une fois par an, et il faut qu'on se
réjouisse au moins alors.
- Mais n'attends-tu pas un ami?
- Oh, il ne viendra plus maintenant;
c'est trop tard. Je pense qu'il aura
été dans un établissement de
la rue du Nord : c'est un endroit que je
déteste; on y fume tellement, et il s'y
consomme tant de bière! Albert jeta un
dernier coup d'oeil sur la rue.
- Non; il ne viendra pas; tant pis pour
lui! Il aime ceux qui hantent cette taverne, et moi
je ne les aime pas.
- Ah! dit le vieillard en tirant son
chapeau et en le brossant du coude, comme pour
paraître plus convenable devant un petit
marchand de journaux qui prenait des airs si
dédaigneux.
Pour le remettre à l'aise, Albert
se hâta de dire :
- Ceux que je n'aime pas, ce sont les
tapageurs; mais les pauvres, s'ils se comportent
bien, sont tout aussi respectables à mes
yeux que les riches. Je ne suis
pas aristocratique; pas le moins du monde!
- Ah vraiment! Le vieillard sourit de
nouveau, puis il parut soulagé. Je suis bien
aise de t'entendre.
Déposant son chapeau par terre,
il se plaça en face d'Albert, à une
petite table qu'ils occupaient à eux seuls.
Albert lui présenta la carte du
menu.
- Je prendrai ce que tu voudras; rien
d'extravagant; tu sais, je suis accoutumé
à un ordinaire simple.
- Moi de même; mais une fois en ma
vie, je me propose de me payer un dîner, et
à vous aussi, dit Albert dans un bel
élan de générosité. Que
diriez-vous d'un bouillon de poule, et d'un bon
gâteau par-dessus? Comment est-ce que cela
ferait pour un dîner du jour des actions de
grâces?
- C'est magnifique! dit le vieillard
apparemment réconforté par la chaleur
de la chambre et la perspective d'un bon
dîner. Mais est-ce que cela ne te
coûtera pas trop?
- Trop? Non, Monsieur! dit Albert.
Bouillon: soixante-quinze centimes; gâteau -
ils en donnent d'énormes morceaux, et
épais! je puis vous l'assurer cinquante
centimes. Cela fait un franc vingt-cinq centimes;
soit deux francs cinquante pour les deux. Je ne
dépense naturellement pas autant tous les
jours de l'année! mais maman est tout
heureuse que je me réjouisse de temps
à autre. Albert donna ses ordres, comme si,
après tout, c'était fort peu de chose
pour un garçon aussi libéral que
lui.
- Où est ta mère ?
Pourquoi ne dînes-tu pas avec elle? demanda
le petit homme.
- Le visage d'Albert s'assombrit pour un
moment.
- Voilà la question! Pourquoi je
ne le fais pas ? Je vous le dirai. J'ai la
meilleure mère du monde! Ce que je veux
m'efforcer de faire, c'est de lui procurer un
agréable intérieur, de sorte que nous
puissions de nouveau vivre
ensemble et prendre ensemble nos
dîners du jour des actions de grâces.
Il est des personnes qui désirent une chose,
et d'autres une autre : l'un est à la
recherche du bonheur, et l'autre est tellement
désireux de faire fortune que tous les
moyens tendant à ce but lui sont bons. mais
pour moi, ce que je désire le plus, c'est
d'être de nouveau avec mes deux soeurs et ma
mère, et je n'ai pas honte de le
dire.
Les yeux d'Albert prirent une expression
de tendresse, et il poursuivit tandis que son
interlocuteur suivait tous ses mouvements d'un
regard bienveillant:
- Je n'ai pas été avec
elle depuis deux ans - tout au plus si j'ai pu la
voir de temps à autre depuis la mort de
papa. Quand on fit notre bilan - mon papa tenait un
magasin de vannerie à la rue de Hanovre - on
trouva qu'il ne nous laissait absolument rien.
Jusqu'à ce moment, nous avions
été relativement dans l'aisance, et
mes soeurs et moi allions à l'école;
mais dans ces circonstances, maman devait faire
quelque chose, et ses amis lui trouvèrent du
travail comme garde-malade - elle est garde-malade
maintenant.
Chacun l'aime; elle a toujours assez
à faire. Il ne nous est naturellement pas
possible d'être avec elle. Elle nous a mis en
pension dans une bonne famille; mais j'ai vu
combien il lui serait difficile de subvenir
à notre entretien aux trois; aussi me
suis-je dit : Je suis un garçon, et je dois
suffire à mes besoins. Paie la pension de
mes soeurs, et envoie-les à l'école,
dis-je à ma mère; et moi, je veux me
chercher une occupation; il est possible que je
puisse aussi t'aider quelque peu.
- Qu'est-ce que tu pouvais bien
entreprendre? demanda le petit vieillard.
- C'est là la question; je
n'avais que onze ans, et qu'est-ce que je pouvais
bien faire ? Ce que j'aurais aimé,
c'était une bonne place où j'aurais
pu faire un travail pas trop pénible, et
où j'aurais eu l'occasion d'apprendre un
métier lucratif. Mais il
n'est pas donné aux mendiants de choisir. Il
ne me fut pas possible de trouver un tel emploi. Ne
voulant pas rôder dans les rues à ne
rien faire, je me suis mis à vendre des
journaux. Je n'ai fait que cela depuis, et j'aurai
douze ans au mois prochain.
- Aimes-tu cette occupation?
- J'aime à gagner ma vie, dit
fièrement Albert. Ce que je désire,
c'est d'apprendre un état quelconque, et de
m'établir pour refaire un foyer à ma
mère. Mais il ne sert de rien de parler de
ce projet.
... Je vous ai raconté mon
histoire; ne voudriez-vous pas aussi me raconter un
peu la vôtre ?
- Mon histoire?
- Oui, je pense que cela irait
très bien avec le gâteau.
- Je pourrais retourner en
arrière et te faire part de mes plans et de
mes espérances quand j'étais à
ton âge, dit le vieillard en secouant la
tête, mais ce serait presque
répéter ton histoire. La vie n'est
pas ce qu'on la croit quand on est jeune. C'est ce
dont tu te rendras compte bientôt. Je suis
maintenant seul au monde; et j'ai bientôt
soixante-dix ans.
- Comme on doit sentir la solitude
à votre âge ! Que faites-vous pour
vivre?
- J'occupe une petite place à la
rue Downshire. Je m'appelle Crooker. Tu me
trouveras au second étage, à la
chambre du fond, à droite. Viens me voir ;
je te raconterai ce que je fais, et je pourrai
peut-être aussi t'aider à trouver la
place que tu désires. Je connais plusieurs
hommes d'affaires. Mais ne manque pas de venir me
voir.
M. Crooker écrivit son adresse
avec un petit bout de crayon, sur un coin du
journal qui leur avait fait faire connaissance, le
déchira soigneusement, et le tendit à
Albert.
Là dessus, ce dernier tira de sa
poche une carte qu'il tendit à son nouvel
ami.
Le vieillard lut : Albert Hampton,
marchand de journaux. Il sourit comme pour dire :
C'est passablement aristocratique, pour un marchand
de journaux de douze ans.
- C'est un imprimeur de ma connaissance
qui me les a faites, dit Albert en rougissant
légèrement. Je lui avais rendu un
service, et en retour, il m'a fait quelques cartes.
C'est très commode quelquefois, vous
savez.
- Eh bien, Albert, je suis bien aise
d'avoir fait ta connaissance, et j'espère
que tu viendras me voir. Tu me trouveras dans un
bien humble appartement; mais tu dis que tu n'es
pas aristocratique. Maintenant, ne me laisseras-tu
pas payer mon dîner? Je crois avoir encore
assez d'argent. Voyons....
Albert n'en voulut rien entendre ; mais
s'avançant vers le comptoir, il paya le
dîner avec l'air d'une personne qui ne
regarde pas à une aussi légère
dépense.
Quand il se détourna, le petit
homme avait disparu.
- Il faut que je me souvienne d'aller le
voir à la première occasion, se dit
Albert en regardant l'adresse au crayon qui lui
avait été laissée, avant de la
mettre dans sa poche.
Il se rendit alors dans sa
misérable chambre, tout au haut d'une maison
de bien chétive apparence, et se
prépara à franchir les sept
kilomètres qui le séparaient de la
maison où sa mère se trouvait en ce
moment, pour la voir, ne fût-ce que quelques
minutes.
Le lundi suivant, Albert ayant un moment
de loisir, alla faire la visite promise à
son nouvel ami, rue Downshire.
Ayant monté les deux escaliers,
il trouva la porte de la chambre de derrière
toute grande ouverte, et il y vit M. Crooker assis
à son bureau, où il recevait d'un
monsieur fort bien mis un rouleau d'argent.
Albert entra sans être
remarqué, et attendit jusqu'à ce que
M. Crooker eût reçu l'argent et
signé le reçu. Quand
le monsieur fut sorti, M.
Crooker se tournant, vit Albert. Il lui offrit une
chaise, puis il alla placer son argent dans le
coffre-fort.
- C'est donc ici votre bureau ? dit
Albert en jetant un coup d'oeil sur le simple
ameublement de la chambre. Que faites-vous
ici?
-J'achète des actions sur
l'État, je vends, je loue, etc.
- Pour quelle maison? demanda
Albert.
- Pour mon propre compte, dit M. Crooker
en souriant.
Albert demeura stupéfait.
C'était bien là l'homme qu'il avait
invité à dîner et avec lequel
il avait pris un tel air de protection!
- Je... je... vous avais pris pour un
pauvre!
- En effet, pauvre, je le suis, dit M.
Crooker en jetant un coup d'oeil sur son
coffre-fort. Ce n'est pas l'argent qui rend riche.
De l'argent, j'en ai assez. Je possède
plusieurs maisons en ville. Elles me donnent
quelque occupation et me distraient. J'ai eu des
richesses plus vraies; mais je les ai perdues il y
a longtemps.
Au tremblement de la voix du vieillard
et aux larmes qui perlaient dans ses yeux, Albert
comprit que ce qu'il entendait par ces richesses,
c'étaient des amis qu'il avait perdus, des
parents, et peut-être aussi une femme et des
enfants.
- Et penser que je vous ai invité
à dîner! dit-il tout honteux.
- C'était assez étrange;
mais cette circonstance peut contribuer à
notre bien aux deux. Je t'aime. J'ai confiance en
toi, et j'ai une offre à te faire. Je
désire trouver un garçon actif et
intelligent, en qui je puisse avoir toute
confiance, pour occuper ce bureau ; quelqu'un que
je puisse instruire, et entre les mains de qui je
puisse remettre mes affaires. Je me fais trop vieux
pour les faire moi-même. Qu'est-ce que tu en
penses ?
Qu'est-ce qu'Albert pouvait bien
dire?
Ce même après-midi, il
courut, ou plutôt il vola auprès de sa
mère, et après en avoir
conféré avec elle, il accepta
joyeusement l'offre de M. Crooker.
Son nouveau patron eut ensuite une
entrevue avec sa mère. Le vieillard
solitaire et sans enfants, celui qui
possédait tant de maisons, désirait
un foyer ; il offrit donc l'une de ses maisons
à Mme Hampton en lui promettant de subvenir
amplement à ses besoins et à ceux des
siens, à la seule condition qu'elle lui
réservât une place dans sa
famille.
La proposition fut naturellement
acceptée, et Albert eut bientôt la
satisfaction de voir se réaliser la grande
ambition de sa vie. Il avait un emploi qui
promettait de devenir lucratif, et il le devint en
effet après quelques années. Lui et
le vieillard furent utiles l'un à l'autre;
et il se trouva de nouveau réuni avec sa
chère mère et ses soeurs, en une
heureuse famille, où il a déjà
pu prendre depuis bon nombre de dîners
d'actions de grâces.
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