Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Un lys noir



Esclavage

C'était au temps de la guerre civile en Amérique. L'acte d'affranchissement des esclaves n'était pas encore signé et l'esclavage sévissait partout. Les villages des noirs étaient pillés, les enfants arrachés des bras de leurs mères et vendus comme de la marchandise, selon la qualité. On ne se représente pas ce que ces pauvres mères souffraient, car une négresse a le même amour maternel qu'une femme blanche. Seul l'Évangile pouvait adoucir ses souffrances et pour plus d'une mère le nom du Seigneur Jésus était un baume bienfaisant.



Jacob Jessé

Jacob Jessé était un pauvre petit négrillon esclave. Né dans la plantation de coton d'un riche Américain, il se rappelait sa mère qui, dans une pauvre cabane, le dorlotait la nuit, car pendant le jour ses parents devaient travailler dans les champs de coton. Jessé était alors attaché dans un mouchoir sur le dos de sa mère et passait la journée dans ce berceau incommode, exposé à la chaleur brûlante, et nourri par sa maman dans le temps de repos. Mais comme Jessé était fort, il put grandir dans ces conditions défavorables et vite se tirer d'affaire ; bientôt il fut même en état de se rendre utile. Combien son petit coeur souffrait de voir le fouet du surveillant s'abattre sur le dos de son père tandis que sa mère était près de succomber sous l'ouvrage si pénible.

Certain jour, il put voir qu'on liait les mains de son père et qu'on l'emmenait avec quelques autres esclaves. Jessé regarda sa mère qui lui fit comprendre que son père était vendu. Alors Jessé se réjouit :
- Oh ! maintenant Pappy sera mieux traité !
- Peut-être, mon enfant, lui dit sa mère ; mais, à voix basse, elle ajouta : Jessé, tu es fort, tu as de bonnes jambes ; de l'autre côté de la rivière tu seras libre. Quand je serai morte, tu t'enfuiras. Les blancs de l'autre côté de la rivière ne livrent plus d'esclaves.
- Mammy ne doit pas mourir et laisser Jessé seul ; Jessé veut travailler dur et racheter Mammy ; Mammy doit être aussi heureuse qu'une femme blanche.
- Que Dieu bénisse notre massa, (Maître ou seigneur, dans le langage des noirs) pour que je puisse te garder, dit-elle tristement en passant ses faibles doigts à travers les noirs cheveux crépus de son petit.

Quelques années plus tard Jessé eut le grand chagrin de perdre sa mère ; elle succomba pendant la chaleur torride et tomba à terre pour ne plus se relever. Ce fut un coup terrible pour le pauvre garçon qui se jeta dans son désespoir sur le corps de sa mère. Mais aussitôt le surveillant le chassa avec son fouet ; il dut prendre la place de sa mère sans un instant de répit. Depuis ce moment Jessé prit la décision de partir comme sa mère le lui avait enjoint.
Quoiqu'il n'eût que dix ans, il garda son secret, n'en dit rien à personne et travailla consciencieusement et même gaiement pour détourner tout soupçon de la part des surveillants.

Un certain matin Jessé était introuvable ; le surveillant jura, gronda et mit toute une armée sur pied et même des chiens pour le chercher, mais ce fut en vain. Dieu aida merveilleusement le jeune garçon ; impossible de le dépister. Je ne sais pas comment il réussit à fuir, mais je puis vous affirmer qu'il arriva de l'autre côté de la rivière, affamé et les pieds tout meurtris. Il était libre.



Le fugitif

Au printemps de l'année 1862, le colonel L. passait en revue son régiment, quand il vit surgir devant lui un petit être sortant des broussailles, le buste raide, les talons joints, et faisant le salut militaire. Le colonel s'amusa de cette apparition peu ordinaire et se sentit attiré vers le garçon.

- Que fais-tu ici, petit homme ? lui dit-il, comment t'appelles-tu ?
- Mon nom est Jacob Jessé Jonas, massa, répondit-il très poliment, tandis que ses yeux pétillants trahissaient l'intense satisfaction qu'il éprouvait à pouvoir parler à un homme si important, mais on m'appelle simplement Jessé.
- Bon, Jessé. Et que cherches-tu dans l'armée ?
- Oh ! monsieur le colonel, j'aimerais bien nettoyer les souliers des soldats, puis il ajouta en baissant les yeux : Je me suis enfui. Ils ont vendu mon papa en Alabama et ma mammy est morte dans le champ de coton. Alors j'ai pensé qu'il valait mieux me sauver, et c'est ce que j'ai fait. J'ai erré quelques jours par ici et j'ai vu que les soldats avaient des souliers sales, mais je n'osais rien dire avant de vous avoir vu. Maintenant il fallait bien me décider ou mourir de faim ; voilà cinq jours que je n'ai rien mangé.
- Pauvre garçon, fit le colonel, viens avec moi, je te donnerai à manger et ensuite tu me raconteras ton histoire.

Un instant plus tard Jessé était installé dans la tente du colonel devant un bon repas. Quand il fut réconforté, il raconta son histoire de son mieux et le colonel, touché de sa misère, le prit chez lui comme brosseur.
C'était un plaisir de voir l'intelligent garçon fourbir les armes de son maître, qui se montra très satisfait de son petit domestique. Mais Jessé avait beaucoup de temps libre ; alors, muni de ses brosses, il se rendait au camp. Les soldats qui avaient quelques sous à leur disposition faisaient nettoyer leurs chaussures. Jessé se donnait tant de peine qu'en un moment elles brillaient comme du satin. Ses nouveaux clients déclaraient qu'il était né pour être décrotteur ; mais Jessé savait faire autre chose encore ; il chantait fort bien et amusait les soldats avec ses mélodies étranges apprises dans les plantations. Et quand il chantait un des cantiques que sa mère lui avait appris dans ses moments de répit, un de ces cantiques qui l'avaient maintes fois consolée et encouragée, c'était bien touchant de voir de grosses larmes couler le long de ses joues noires, et plus d'un soldat en fut profondément ému.

Jessé devint en très peu de temps le favori du régiment. En nettoyant les souliers il gagnait quelques sous, qu'il gardait soigneusement dans un petit sac qu'il avait une fois trouvé et qu'il portait à son cou attaché à un ruban de flanelle rouge. Le soir il comptait quelquefois son argent et disait à haute voix : « Mammy, mammy, pourquoi es-tu partie pour l'autre pays ? ton Jessé sera bientôt riche. » Et il se sentait bien seul.

Quelques semaines plus tard Jessé tomba malade. Le bon colonel, qui s'était beaucoup attaché à lui, le fit conduire à l'hôpital des enfants dans la ville prochaine. Cette maladie fut en bénédiction pour notre négrillon. Pendant qu'il était couché là, seul, il put réfléchir à tout ce que sa mère lui avait appris, car elle avait été une femme sage et intelligente. Et ici on lui parlait du Seigneur Jésus qui veut sauver aussi les petits garçons noirs.



Jacob Jessé à l'hôpital

Une dame riche visitait tous les jours la division de l'hôpital où Jessé était soigné. Cette dame aimait le Seigneur Jésus et faisait volontiers quelque chose pour Lui. Elle apportait aux malades de petites gâteries et des fleurs, et je ne puis pas vous dire ce que Jessé préférait. Un jour elle ne put faire sa visite habituelle et l'enfant en fut profondément attristé ; il regardait toujours vers la porte, espérant voir entrer la bonne dame. Lorsque celle-ci apprit la déception qu'elle avait causée, elle ne manqua plus de visiter Jessé, et, quand il alla mieux, elle se mit à lui lire des histoires. Personne ne lui avait jamais témoigné autant de bonté et Jessé écoutait de toutes ses oreilles quand son amie lui lisait les belles histoires du Seigneur Jésus et les lui expliquait. Ah ! comme il aimait entendre que Jésus avait été un tout petit enfant à Bethléhem, qu'Il avait obéi à ses parents, étant devenu plus grand, et que, plus tard, Il prenait les enfants dans ses bras, les bénissait et disait : « Laissez venir à moi les petits enfants, car à de tels est le royaume des cieux ». Et comme il jouissait d'entendre que le Seigneur était devenu pauvre, afin que les pauvres négrillons pussent devenir riches. Ses yeux brillaient quand on lui parlait de l'amour de Dieu pour les pauvres pécheurs perdus. Un nouveau monde s'ouvrit pour lui, et il donna son coeur en toute confiance au Sauveur, car il savait qu'Il était aussi mort pour lui.
- Mon massa du ciel, Jésus, est mort pour moi, et pour mammy, et je veux l'aimer.
C'est avec ces mots qu'il prit congé de ses amis de l'hôpital.

Quand Jessé reprit son service, il était un autre noir, comme il le disait lui-même. Ses regards, ses paroles, son air témoignaient de ce changement. Il était encore plus serviable qu'auparavant et quand on voulait lui donner de l'alcool, il refusait sans hésitation. Il recommença à faire des économies et son petit pécule grossissait toujours. Chaque samedi il allait en ville, d'habitude avec une bourse bien garnie, mais le soir celle-ci était tout à fait vide. Le colonel fut intrigué de cette manière de faire et se demanda comment Jessé pouvait dépenser tout cet argent. Il n'achetait rien pour lui-même ; ce n'était pas nécessaire, puisqu'il était bien nourri et avait fort bonne mine ; ses habits restaient en loques, donc sa garde-robe n'entrait pas en ligne de compte. Finalement le colonel décida de suivre une fois ce petit vaurien.

Le samedi suivant Jessé chercha son passeport chez le colonel comme de coutume, car personne n'osait quitter le camp sans être muni de ce papier important. Alors le colonel lui dit, moitié plaisantant, moitié sérieusement :
- Écoute Jessé, il est grand temps que tu t'achètes de nouveaux habits, car tu as l'air très déguenillé. Dis-moi franchement, ne reçois-tu pas assez de gages?

Jessé regarda son maître tristement et répondit :
- Sûrement, massa, sûrement Jessé reçoit assez de gages ; mes habits sont déguenillés; massa dit la vérité.

Puis, très embarrassé, il ajouta :
- Jessé veut faire ce que massa dit, la semaine prochaine.

Le colonel sortit de la tente et laissa le garçon seul. Quel fut son étonnement quand il revint un moment plus tard d'entendre la voix de Jessé. L'enfant priait. « Tu vois, Massa dans le ciel, Jessé est dans le besoin, Jessé est dans l'embarras. Massa colonel le dit et c'est vrai. Mais je n'ai pas d'argent pour ce pauvre noir. Je dois avoir des habits. La bonne dame à l'hôpital disait que tu savais tout. Je puis employer mon argent mieux que cela. Dans ce livre que la dame lisait, les lys n'avaient pas de soucis pour leurs habits. Cher Massa du ciel ! habille-moi aussi comme les lys et je serai hors d'embarras. Mon argent doit servir autrement, car il y a tant de petits enfants malades. Tu sais tout - c'est comme massa le colonel le dit, c'est ainsi, Massa du ciel, amen ! »

L'on peut s'imaginer la surprise du colonel en entendant cette simple prière, mais il ne laissa rien remarquer. Dès que Jessé se fut mis en route, il fit seller son cheval et suivit le garçon pour voir ce qu'il ferait. Jessé entra tout d'abord chez un boulanger-pâtissier. « Ah ! pensa le colonel, c'est pourtant un mendiant arrogant, un nègre très ordinaire, qui ne pense qu'à manger et dormir, dormir et manger, c'est tout ; la seule différence c'est que Jessé veut au moins travailler. » Et Jessé sortit du magasin chargé d'un grand paquet ; aussi vite que possible il entra dans une autre rue, chez un fleuriste, ensuite dans un magasin de fruits. Puis, au pas de course, il se dirigea vers un faubourg où il entra dans un hôpital. Le colonel remarqua que le concierge saluait Jessé très aimablement et quand celui-ci disparut derrière la grande porte, le colonel sauta de son cheval et questionna le concierge.
- Pouvez-vous me dire où est allé ce nègre ? C'est mon domestique.
- Mais certainement, monsieur ; on aime beaucoup le voir ici ; on l'attend toute la semaine avec impatience. Il visite la division des garçons. Si vous le désirez, vous pouvez entrer dans la salle d'attente et vous pourrez observer tout ce qu'il fait.
- Très bien, mais il ne doit pas me voir.

Un instant plus tard le colonel, par la fenêtre de la salle d'attente, put voir Jessé entrer de l'autre côté. Le garçon allait d'un lit à l'autre, distribuant des oranges et disant un mot d'encouragement. Tous semblaient enchantés de le voir et même plusieurs enfants le remerciaient. Le militaire aurait bien donné une grosse somme pour être à la place de Jessé. Enfin tout se trouva distribué ; il ne restait qu'un petit lit, dans lequel gisait un petit garçon de sept ans à peine. Cet enfant était bien près de la mort. Lorsque Jessé s'approcha de lui les mains vides, le visage du garçonnet devint très triste. Ah ! que le colonel aurait aimé donner à Jessé une grosse pièce d'argent pour qu'il puisse faire plaisir au pauvre petit malade, mais il voyait bien que l'enfant ne pourrait plus rien manger. Jessé, voyant son air affligé, se mit à sourire en montrant ses dents blanches ; il prit une boîte de laquelle il sortit une belle rose blanche bien emballée dans un linge humide. Le petit malade poussa un cri d'admiration et lorsque Jessé mit la rose sur le coussin pour qu'il puisse bien en respirer le doux parfum, il dit tout doucement :
- Oh ! Jessé, que tu es bon. Je pense que, quand tu viendras au ciel, tu seras l'ange le plus blanc de tous, aussi blanc que cette délicieuse rose.
- Oui, oui, disait Jessé, c'est aussi ce que le bon Livre dit, quand il parle des lys, là-haut, pas ici. Je suis un stupide nègre noir. J'ai aussi prié à cause des lys, qui n'ont pas besoin d'habits, pour que je puisse donner tout mon argent pour les enfants malades. J'ai pensé que peut-être un matin je trouverais des habits près de mon lit, mais ce n'est pas encore arrivé. Pourtant, je dois avoir d'autres habits, ces guenilles deviennent tous les jours plus mauvaises. Maintenant tu m'as aidé ; je vois que, dans le ciel, je serai un lys, un lys noir, c'est vrai, mais cela ne fait rien. Dieu les connaît. Et maintenant, mon chéri, je dois m'en aller : je dois travailler, sans quoi je ne pourrai rien te donner. Je sais ce que c'est que d'être couché dans un hôpital. Mais vois-tu, je suis en service chez le colonel et je dois être mieux habillé.

Puis il salua le petit et s'en alla en courant.
Le colonel était très touché en voyant tout cela et les larmes lui vinrent aux yeux, quoiqu'il dût bien rire aussi. Il donna une bonne pièce d'argent au concierge et le chargea d'acheter des oranges pour les enfants malades.

Le lendemain, il arriva quelque chose qui causa une vive joie à Jessé, mais aussi un grand embarras. Lorsqu'il se leva de son sac de paille, ses vieux habits avaient disparu ; ils avaient fait place à un nouveau costume. Le colonel observait sans être vu, ce qui allait arriver. Et vraiment, c'était bien amusant de voir comment Jessé s'y prenait avec ses nouveaux habits. Il se frottait les yeux, croyant rêver, il examinait les vêtements, enfin il se hasarda à mettre les souliers, mais il les ôta tout de suite. « Peut-être ne sont-ils pas pour toi, mais pour qui alors ? Jessé, je voudrais bien que tu aies de pareils souliers. »
- Jessé, fit le colonel en entrant en ce moment.
- Me voici, massa, répondit le garçon.
- Jessé, ton Massa du ciel a exaucé ta prière et t'a envoyé de nouveaux habits, pour que tu ne te fasses plus de soucis et que tu puisses vivre comme les lys.
- Monsieur le colonel, qui vous a dit cela ? Le nègre a-t-il rêvé ? Est-ce bien vrai - vraiment vrai, monsieur le colonel? et il se mit à genoux et rendit grâces comme un enfant très simple peut le faire.

Le colonel était un incrédule, qui ne se souciait nullement de la Parole de Dieu, mais il raconta plus tard à ses amis que la prière de Jessé avait fait de lui un autre homme, et qu'il désirait souvent que tout son régiment ait entendu le négrillon. Le garçon était si convaincu que le colonel ne trouva pas le courage de lui dire d'où venaient les habits. Depuis ce moment les relations entre le colonel et son domestique changèrent complètement. Le colonel n'entreprenait plus rien sans en parler à Jessé, car dans sa simplicité, celui-ci savait toujours trouver le chemin droit. Ce n'était plus le maître et l'esclave, mais deux amis, quoique Jessé restât toujours soumis et de bonne volonté.

Jessé était très heureux dans ses nouveaux habits et il ne se gênait pas pour raconter aux soldats comment il les avait reçus. Souvent il mettait ses deux mains sur sa poitrine, comme il devait le faire jadis devant le propriétaire des plantations et disait avec un bon rire :
- Mon Massa du ciel, Jésus, m'habille comme les lys. Personne n'osait se moquer de lui.

En attendant, les enfants de l'hôpital remarquaient bien que la bourse de Jessé était mieux remplie et souvent le riche colonel accompagnait son pauvre domestique noir et n'arrivait jamais les mains vides. Jessé parlait si simplement de l'amour du Sauveur, qu'il aimait de tout son coeur. Son visage s'illuminait quand il leur parlait des lys, que le Sauveur lui-même habillait, - des lys blancs et des lys noirs, comment il avait déjà été revêtu, et que dans le ciel il brillerait, lui, un lys noir au milieu de tous les lys blancs. « Mais cela ne fait rien, ajoutait-il, Massa du ciel, Jésus, aime les noirs autant que les blancs.

Quelques jours plus tard le colonel reçut l'ordre de se rendre en un autre endroit avec son régiment et, comme il savait que le prochain camp serait moins tranquille que le camp actuel, il fut bien embarrassé de savoir que faire de Jessé. Certes il aimerait toujours l'avoir près de lui, mais il devait aller plus près du front, ce qui pourrait mettre leur vie en danger. Enfin, il pensa avoir trouvé une solution. Il proposa à Jessé de l'envoyer dans une école tenue par des missionnaires, mais celui-ci refusa avec décision de quitter son maître, quoiqu'il eût bien aimé porter la bonne nouvelle du salut à ses compatriotes et peut-être même à son père.
- Jessé doit aller avec monsieur le colonel, c'est impossible autrement, dit-il.
- Mais Jessé, ton père est peut-être encore un esclave, as-tu bien réfléchi à cela ? demanda le colonel. Mais Jessé resta ferme.
- Monsieur le colonel d'abord et puis mon pappy ; le pauvre nègre serait toujours triste si Monsieur le colonel partait seul.



Sur le champ de bataille

Quelques semaines plus tard, nous retrouvons Jessé sur le champ de bataille à côté de son maître. C'est vrai qu'il refusait de charger un fusil ou de tirer sur l'ennemi, mais il était toujours très occupé à pourvoir les soldats d'eau et si possible de pain ; et le soir, quand on se reposait, Jessé était introuvable. Il se glissait tout doucement jusqu'au champ de bataille pour assister les soldats mourants dans leurs derniers moments.

Le colonel n'avait pas le temps de s'occuper de Jessé, jusqu'à un certain jour où plusieurs soldats blessés lui dirent qu'un ange noir leur avait sauvé la vie. Alors il décida de suivre son domestique pour voir ce qu'il faisait la nuit. Et il put à peine croire ce qu'il vit et entendit. Le négrillon se tenait accroupi près d'un soldat mourant dont il appuyait la tête sur sa poitrine. Le colonel tendit l'oreille pour entendre les paroles de Jessé.

- N'aie pas peur, pauvre soldat, disait le garçon doucement. Massa du ciel, Jésus, est mort pour les pécheurs. Massa Jésus te fait tout blanc. Il fait tout, Il soigne pour tout. Pauvre soldat, prie Massa Jésus.

Le soldat mourant buvait les mots de Jessé avec avidité. Il lui semblait qu'un ange noir lui parlait et, rassemblant ses dernières forces, il joignit ses mains et dit d'une voix très faible : « Mon Jésus ».
- Massa du ciel t'aime. Il t'entend prier, dit Jessé, puis il déposa le soldat doucement dans l'herbe et s'agenouillant auprès de lui, il pria si simplement que le colonel ne put retenir ses larmes.
- Que fais-tu ici, Jessé ? demanda-t-il un peu rudement, quand le garçon ayant dit amen voulut arranger le soldat plus commodément.
- Jessé aide le pauvre soldat à mourir, monsieur le colonel, répondit-il en toute confiance. Il y a beaucoup de besoins ici, beaucoup plus que chez les enfants malades. Pauvre nègre ne peut pas aider, monsieur le colonel ; Massa du ciel, Jésus, seul petit aider. Il entend prier les pauvres soldats.

Alors Jessé vit que le soldat était mort et, satisfait, regardant son maître, il dit :
- Celui-ci est au ciel, colonel ; un lys blanc comme la neige ; Massa Jésus prend soin de lui.

Il y eut un moment de silence, qui fut vite interrompu par les gémissements d'un autre mourant.
- Tu entends, maître, dit Jessé, et il se hâta de se rendre à l'endroit d'où venait la plainte.
- Attends, Jessé, je viens avec toi, dit le colonel, et les deux rendirent ensemble les derniers services d'amour aux soldats mourants.

Vers le matin, le colonel et Jessé se trouvaient au haut d'une colline pour écouter s'il y avait encore d'autres blessés dans le voisinage. Tout d'un coup, Jessé sursauta et, de toutes ses forces, jeta l'officier de côté. Celui-ci ne comprit pas ce qui arrivait, mais quand il se releva, il vit qu'une balle ennemie avait frappé Jessé ; celui-ci avait entendu siffler la balle de loin. Si Jessé ne l'avait pas jeté de côté, la balle l'aurait touché, lui. Jessé avait sauvé la vie de son maître, mais il s'était blessé lui-même.
- Jessé, mon pauvre garçon, tu serais presque mort pour moi, dit le colonel en donnant les premiers soins à son serviteur. Il le porta soigneusement au lazaret, où il choisit le meilleur lit et recommanda le garçon aux bons soins des gardes... Cette nuit-là, le colonel comprit pour la première fois la bonne nouvelle du Rédempteur qui mourut pour nous.

Dans sa fièvre, Jessé parlait constamment de son maître. Il semblait qu'il passait continuellement par l'angoisse de cette triste nuit, car il ne cessait d'appeler le colonel :
- Massa, vite, va vite. - Massa ne doit pas encore mourir, le nègre à ta place, - vite Massa !

Lorsque enfin il ouvrit les yeux, il vit son maître assis à côté de son lit. Il voulut le saluer avec l'enthousiasme qui lui était habituel, mais retomba sur ses oreillers.
- Pauvre nègre est malade, soupira-t-il.
- Tu seras bientôt guéri, Jessé, fit le colonel. Sais-tu bien que tu as failli mourir pour moi ?

Jessé fit un signe d'assentiment.
- Jessé devait faire cela, essaya-t-il d'expliquer. Massa doit encore vivre. Ce nègre n'était pas encore sûr, si Massa colonel serait un lys, - s'il aimait vraiment Jésus. Oui ? Oh ! monsieur le colonel aime Jésus ; Dieu soit béni !

Maintenant seulement le colonel comprit bien pourquoi Jessé avait préféré rester avec lui. La crainte que son maître pourrait mourir sans Jésus l'avait retenu d'aller à l'école des missionnaires.



Un lys noir

C'est en automne de la même année. La plupart des malades de l'hôpital dormaient déjà, car c'était tard dans la soirée. Jessé seul veillait. On lui avait dit que le colonel ne pouvait pas venir ce soir-là, parce qu'il devait s'en aller très loin. Exténué, Jessé avait le regard fixé sur la porte, il avait l'assurance que son maître viendrait encore ce soir-là. Lorsque celui-ci entra enfin, il entendit que Jessé ne pouvait pas maîtriser sa joie.
- Massa, cria-t-il.
- Me voici, mon cher enfant, dit le colonel avec bonté. Il venait de descendre de cheval et avait l'air très fatigué ; son uniforme était taché de boue, mais il voulait pourtant encore faire plaisir à Jessé, et quand il eut bien arrangé ses coussins, il déposa un petit paquet sur le lit. Le malade était anxieux de voir ce qu'il pouvait contenir et lorsqu'il en sortit un beau lys blanc, la joie de Jessé fut à son comble. Le colonel n'aurait rien pu lui apporter de mieux. Jessé tenait le lys dans ses faibles mains noires et ne pouvait assez le regarder.
- Monsieur le colonel, Jessé sera bientôt un lys, un lys dans le ciel, - un lys noir près de Jésus. Jessé se réjouit, bientôt je verrai mon Massa du ciel, Jésus. Pauvre nègre verra Jésus, et son visage brillait de joie.

Mais ses yeux n'exprimaient pas seulement la joie ; ils avaient quelque chose de suppliant, que le colonel comprenait très bien. Il était venu précisément pour enlever la dernière tristesse de cette terre à son fidèle petit domestique. Le Sauveur avait vaincu le soldat, par l'amour qui est plus fort que tout.
- Jessé, dit-il doucement, en prenant la petite main noire dans la sienne, Jessé, quand tu seras avec ton Massa du ciel, dis-lui que le colonel l'aime !
- L'aime, monsieur le colonel ? tu aimes Jésus ! s'écria-t-il, tandis qu'une joie inexprimable illuminait son visage.

Combien le maître et le serviteur étaient heureux de se savoir un dans le Seigneur. S'ils devaient être bientôt séparés, ce ne serait que pour peu de temps, et bientôt ils seraient réunis auprès de Jésus. Avec cette douce certitude Jessé s'en alla cette nuit même auprès du Sauveur qui l'avait tant aimé.

Et le colonel ? Bien triste de ne plus pouvoir parler avec son garçon chéri, il connaissait maintenant le plus grand bonheur don un homme puisse jamais jouir.

Je ne sais pas si le colonel a jamais trouvé le père de Jessé pour lui parler du grand amour de Jésus, mais je sais bien qu'il n'a jamais manqué une occasion de parler de son « lys noir dans le ciel » et que plusieurs ont appris par ce moyen à aimer le Seigneur Jésus.


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