LE
DÉLUGE
ou
MÉDITATIONS SUR LES
CHAPITRES VI ET VII DE LA
GENÈSE.
VI
DIEU ORDONNE À NOÉ D'ENTRER
DANS L'ARCHE. - LE PATRIARCHE OBÉIT. -
L'ÉTERNEL FERME LA PORTE DE L'ARCHE SUR LUI.
- LES EAUX ÉLÈVENT L'ARCHE QUI'
FLOTTE AU DESSUS. - TOUT PÉRIT,
EXCEPTÉ CE QUI EST DANS L'ARCHE.
(Suite)
En fermant Lui-même la porte de l'arche
sur Noé et sur sa famille, l'Éternel
nous donne, par rapport à ceux qui
furent laissés dehors, une
instruction que nous ne ferons presque que
rappeler, vu que déjà
précédemment nous l'avons
présentée.
Il nous apprend qu'un jour la porte du
refuge sera fermée de la main de Dieu
Lui-même. À l'instant de la mort, au
moment où un homme rend son dernier soupir,
la porte du salut est fermée pour lui.
Inutilement dirait-il au dernier jour : Seigneur,
ouvre-nous ! La porte est fermée, pour
toujours fermée, et nul ne peut l'ouvrir.
Lors même que Noé aurait
voulu, par compassion, ouvrir la porte à
ceux qui périssaient et qui peut-être
le suppliaient de les laisser entrer, il n'aurait
pu le faire. L'Éternel avait fermé la
porte sur lui. Abraham était forcé de
répondre au mauvais riche qui lui demandait
une goutte d'eau pour se rafraîchir la langue
« Il y a un grand abîme entre vous et
nous ; tellement que ceux qui veulent passer d'ici
vers vous ne le peuvent, ni de là passer ici
»
(Luc XVI, 26).
Au nom de Dieu et pour l'amour de vos
âmes immortelles, profitez du temps pendant
lequel la porte est ouverte. Il est un temps, c'est
celui où nous sommes, où le Seigneur
déclare qu'on ouvre à celui qui
heurte
(Luc XI, 10). Bien plus, Il dit
à chacun : « Viens »
(Apoc. XXII, 17) ; Il fait inviter
aux noces par ses serviteurs tous ceux qu'ils
rencontreront, tant mauvais que bons
(Matth. XXII, 9, 10). Il veut
même qu'on les presse d'entrer, afin que sa
maison soit remplie
(Luc XIV, 23). Bien plus encore, Il
se tient à la porte et Il frappe, et Il
déclare que si quelqu'un entend sa voix et
Lui ouvre, Il entrera chez lui
(Apoc. III, 20). Mais le temps
viendra où, le Seigneur ayant fermé
la porte, il n'y aura plus d'invitation
miséricordieuse, plus de déclaration
que « si quelqu'un vient à Christ Il
ne le rejettera pas ; » plus de moyen
d'entrer. La porte sera fermée de la main de
Dieu, et fermée pour toujours.
Ceci est très-sérieux,
plus sérieux qu'on ne saurait l'exprimer.
Ceci regarde les enfants, les jeunes gens, aussi
bien que les personnes
âgées et les vieillards, car aux jours
de Noé la porte fut fermée pour tous
sans exception, tant jeunes que vieux.
Précédemment, nous avons
présenté quelques réflexions
sur le grand nombre de ceux qui périrent, et
nous avons montré que le grand nombre ne
fait pas la sûreté. Ici,
méditons la pensée inverse. Dans le
petit nombre de ceux qui furent sauvés par
le moyen de l'arche, trouvons un motif à ne
point nous laisser décourager dans le chemin
de la vie éternelle par le petit nombre de
ceux qui y marchent avec nous.
« Voyez ici combien peu furent
sauvés, et cependant ne valait-il pas mieux
être dans l'arche avec le petit nombre
qu'avec la multitude dans les flots ? Laissez le
monde qui veut périr murmurer et se moquer
de ce que vous voulez vous sauver avec les huit
personnes.
Quoi, s'écrie-t-il, vous pensez
aller seuls au ciel, et tous les autres seront
damnés ! - Que pourrons-nous
répondre, sinon qu'un affreux déluge
menace la multitude, et que certainement tous ceux
qui ne se trouveront pas dans l'arche
périront ? »
(8) - «
Fussions-nous seuls dans notre famille, dans notre
village, dans le monde entier, oui seuls à
nous occuper sérieusement de notre âme
et à chercher le Seigneur, encourageons-nous
par le souvenir de Noé. À son
exemple, invitons du fond du coeur ceux qui nous
entourent à se convertir, mais disons-nous
bien qu'après tout il vaudrait mieux
être sauvé. seul que de périr
avec tout le monde.
Si l'on se moque de notre
prétendue crédulité, de notre
folie, hélas ! prions pour les moqueurs,
pleurons sur leurs péchés, mais ne
laissons pas de bâtir paisiblement et
résolument notre arche. Les moqueurs ne se
sauveront pas par leurs moqueries, et si nous leur
permettons de nous détourner de la bonne
voie, nous nous perdrons
nous-mêmes sans aucun profit quelconque pour
leurs âmes. »
(9)
Après que Noé eut
séjourné une semaine dans l'arche,
les eaux du déluge furent sur la
terre.
« En l'an six cent de la vie de
Noé, au second mois, le dix-septième
jour du mois, en ce jour-là toutes les
fontaines du grand abîme furent rompues, et
les bondes des cieux furent ouvertes. Et la pluie
tomba sur la terre pendant quarante jours et
quarante nuits. Et les eaux crurent et
élevèrent l'arche, et elle fût
élevée au-dessus de la terre ; et les
eaux s'accrurent et se renforcèrent fort sur
la terre, et l'arche flottait au-dessus des
eaux »
(Gen. VII, 10-12,
17).
Ainsi pendant que tout périssait
autour de l'arche, tout ce qui s'y trouvait
renfermé flottait paisiblement au-dessus des
eaux, et s'élevait glorieusement vers les
cieux, à mesure que le déluge
engloutissait les impies. Ainsi se
vérifièrent par avance ces paroles
prononcées plus tard par l'Esprit saint :
« Ne crains point la frayeur subite, ni la
ruine des méchants, quand elle arrivera
»
(Prov. III, 25) ; car ceux qui sont
justes habiteront la terre, et les hommes
intègres demeureront de reste en elle ; mais
les méchants seront retranchés de la
terre, et ceux qui agissent perfidement en seront
arrachés. « Celui qui se tient dans
la demeure du Souverain se loge à l'ombre du
Tout-Puissant. Certes, il te délivrera de la
mortalité malheureuse. Il te couvrira de ses
plumes et tu auras retraite sous ses ailes ; tu
n'auras point peur de la mortalité qui
marche dans les ténèbres, ni de la
destruction qui fait le dégât en plein
midi. Il en tombera mille à ton
côté et dix mille à ta droite,
mais la destruction n'approchera point de toi.
Seulement tu contempleras de tes yeux, et tu verras
la récompense des méchants »
(Ps. XCI, 1-8).
Quant aux impies, leur
péché les trouva, et ils furent
enlacés dans les filets de leur
iniquité. Ils avaient fait la guerre
à Dieu, et ils éprouvèrent
qu'en une telle guerre il n'y a point de
délivrance
(Ecclés. VIII, 8). Ils avaient
été rebelles à Dieu, ils
avaient contristé l'Esprit de sa
sainteté qui plaidait avec eux par le moyen
de Noé ; c'est pourquoi Il devint leur
ennemi, et Il combattit Lui-même contre eux (
Esaïe LXIII, 10). Ils avaient
rejeté les eaux de Siloé, qui coulent
doucement; pour cette cause le Seigneur fit venir
sur eux les eaux grosses et fortes
(Esaïe VIII, 6, 7). Ils
s'étaient fortifiés les uns les
autres dans leur impiété, ils
s'étaient glorifiés de leur nombre,
de leur renom et de leur puissance, mais le
déluge vint les humilier et leur
répondre de la part de Dieu
« L'homme ne sera point le plus
fort par sa force, ceux qui contestent contre
l'Éternel seront froissés, Il tonnera
des cieux sur chacun d'eux »
(1 Sam. II, 9, 10). - « Parce
que j'ai crié et que vous avez refusé
d'ouïr ; parce que j'ai étendu ma main
et qu'il n'y a eu personne qui y prît garde,
et parce que vous avez rejeté tout mon
conseil et que vous n'avez point
agréé que je vous reprisse ; aussi je
me rirai de votre calamité, je me moquerai
quand votre effroi surviendra comme une ruine et
que votre calamité viendra comme un
tourbillon ; quand la détresse et l'angoisse
viendront sur vous. - Ils n'ont point aimé
mon conseil, ils ont dédaigné toutes
mes répréhensions. Qu'ils mangent
donc le fruit de leurs voies et qu'ils se
rassasient de leurs conseils. Mais celui qui
m'écoutera habitera en sûreté,
et sera à son aise sans être
effrayé d'aucun mal »
(Prov. I, 24, 25, 26, 27,
30, 31, 33).
Encore une fois, recevez instruction
vous tous qui oubliez Dieu, de peur qu'il ne vous
ravisse et qu'il n'y ait personne qui vous
délivre. Si vous méprisez le grand
salut qui vous est offert, comment
échapperez-vous
(Hébr. II, 3), et que
ferez-vous au jour de la visitation et de la ruine
éclatante qui viendra de loin ?
Vers qui recourrez-vous pour avoir du
secours, et où laisserez-vous votre gloire
?
« L'arche de Noé,
s'élevant doucement au-dessus des eaux qui
détruisaient les impies, est le symbole de
la puissance du jour de Christ à sa venue
prochaine, jour d'angoisse et de malédiction
pour les pécheurs impénitents, jour
de délivrance finale et de joie ineffable
pour les croyants. Rien n'était moins
sûr en apparence que de confier sa vie
à cette construction lourde et massive
où Noé dut se réfugier, mais
c'était là que Dieu avait mis le
salut. De même la doctrine de la foi
paraît une folie aux incrédules,
à ceux dont le Dieu de ce siècle a
aveuglé les yeux ; mais c'est la puissance
de Dieu en salut à tout croyant. Croyons
donc comme Noé ; avec lui,
réfugions-nous vers Christ, l'arche de notre
délivrance, et, comme lui, nous serons
sauvés.
»(10)
Au jour où la trompette
dernière réveillera les
méchants pour l'opprobre et l'infamie
éternelles, la voix de l'archange criera aux
justes : « Réveillez-vous et vous
réjouissez avec chant de triomphe, habitants
de la poussière ; la rosée de
l'Éternel est comme la rosée des
herbes, et la terre jettera dehors ses
trépassés »
(Esaïe XXVI, 19). «
Alors nous serons enlevés tous ensemble
dans les nuées au-devant du Seigneur en
l'air, et ainsi nous serons toujours avec le
Seigneur. C'est pourquoi consolez-vous les uns les
autres par ces paroles »
(1 Thess. IV, 16-18).
Déjà en ce monde, toutes
les misères, toutes les calamités qui
remplissent de terreur et d'angoisse l'âme
des méchants qui les enfoncent de plus en
plus dans leur impiété, qui les
engloutissent sans consolation et sans
remède, ces mêmes afflictions
deviennent un moyen de salut pour les amis de Dieu.
Elles les poussent à se réfugier dans
l'arche, elles les engagent à y demeurer,
elles leur font sentir le prix
de ce refuge, elles les élèvent
au-dessus de la terre pour les porter vers le ciel.
Elles détruisent en eux le
péché, elles les désabusent du
monde, elles tournent leurs affections vers les
choses qui sont en haut, et à mesure
qu'elles abondent, elles font abonder la
consolation dans l'âme des fidèles
(2 Cor. 1, 5). - Élus de Dieu,
race heureuse ! Toutes choses concourent ensemble
à votre bien
(Rom. VIII, 27) ! Ce qui est odeur de
mort à la mort pour ceux qui
périssent, est odeur de vie à la vie
pour vous qui vous sauvez
(2 Cor. II, 15, 16). «
Retenez la profession de votre espérance
sans varier, car Celui qui a fait les promesses est
fidèle »
(Hébr. X, 23).
Persévérez jusqu'à la fin
à suivre le Seigneur et à marcher
avec Dieu, car votre oeuvre aura sa
récompense,
Il est dit aux versets
dix-neuvième et suivants que
« les eaux se renforcèrent
extraordinairement sur la terre, qu'elles
s'élevèrent de quinze coudées
par dessus les plus hautes montagnes, que toute
chair qui se mouvait sur la terre expira, que
toutes les choses qui étaient sur le sec
moururent, que tout ce qui était sur la
terre fut exterminé depuis les hommes
jusqu'aux bêtes, jusqu'aux reptiles et
jusqu'aux oiseaux des cieux. Ils furent
exterminés de dessus la terre, mais
seulement Noé et ce qui était avec
lui dans l'arche demeura de reste. »
Ces expressions
répétées, par lesquelles
l'Esprit saint semble peser singulièrement
sur cette pensée, que tout périt,
excepté ce qui était dans l'arche,
ces expressions sont, sans doute, destinées
à nous faire considérer soigneusement
ce contraste entre un monde entier qui
périt, et huit personnes qui se sauvent dans
l'arche.
Lorsque le déluge
commença, les hommes enfoncés dans
leur incrédulité crurent, sans doute,
que ce n'était que quelque orage passager
qui se dissiperait, et ils se préparaient
à retourner à leurs occupations,
à leurs fêtes, à leurs
plaisirs, à la poursuite des objets
terrestres qui captivaient leurs coeurs. Parce
qu'ils n'avaient jamais vu de déluge, ils ne
pouvaient se persuader qu'il y
en eût un ; comme de nos jours il y a des
gens qui ne croient pas à la fin du monde,
parce que toutes choses sont conservées
depuis long-temps dans le même ordre, et que
rien ne semble annoncer la fin ; mais cette
dernière incrédulité sera
condamnée par les faits, comme le fut la
première. On se berçait encore
d'illusions trompeuses et funestes pendant que le
déluge avait déjà
commencé. On s'était dit si souvent
que le déluge était impossible, qu'il
était déjà là sans
qu'on voulût y croire.
Cependant l'incrédulité
fut forcée dans ses derniers retranchements
lorsqu'on vit les eaux se renforcer,
s'accroître extrêmement, soulever
l'arche, et menacer jusqu'aux plus hautes cimes.
Alors il fallut se dire avec désespoir :
C'est le déluge, c'est la fin de toute
chose, c'en est fait de nous, il n'y a plus
d'espérance.
Peut-être qu'alors plusieurs
cherchèrent à aborder l'arche au
moyen des embarcations dans lesquelles ils
s'étaient réfugiés.
Peut-être qu'ils en sollicitèrent
l'entrée avec des cris d'angoisse et de
désespoir ; mais il était trop tard,
Dieu avait fermé la porte, tout devait
être exterminé : « Seulement
Noé et tout ce qui était avec lui
dans l'arche demeura de reste. »
Peut-être que plusieurs de ceux
qui périrent avaient demeuré
près de Noé, avaient soutenu des
relations avec lui ; peut-être qu'un certain
nombre d'entre eux avaient été
employés à construire l'arche ;
d'autres peut-être avaient aidé
à l'approvisionner, d'autres l'avaient
visitée, examinée avec
curiosité ; ils en connaissaient les
dimensions, la distribution, la forme ; ils
pouvaient en raisonner habilement ; mais, tout cela
ne leur servit de rien. Il fallait être dans
l'arche ou périr : Seulement Noé et
tout ce qui était avec lui dans l'arche
demeura de reste.
Il n'est pas improbable que quelques
hommes de cette mauvaise génération
ne fussent moins corrompus que les
autres, et qu'ils ne
s'imaginassent qu'en tout cas, s'il venait un
déluge, leur probité humaine les
sauverait, et qu'ils trouveraient place dans
l'arche. Quelques-uns d'entre eux avaient
peut-être éprouvé quelques
impressions à l'ouïe des
prédications de Noé. Ils avaient
peut-être formé quelque vague
résolution de repentance, ils avaient
peut-être conçu un certain respect
pour le caractère vénérable de
celui qui les avertissait de la part de Dieu. Mais
tout cela ne leur servit de rien. Ils
périrent avec les autres, et seulement
Noé et ce qui était avec lui dans
l'arche demeura de reste. - De même au
dernier jour, « quiconque ne sera pas
trouvé écrit dans le livre de vie
sera jeté dans l'étang de feu; c'est
la seconde mort »
(Apoc. XX, 14, 15).
Pendant que Dieu attendait, et avant que
le déluge fût là, on
plaisantait, on raisonnait contre les
déclarations expresses de l'Éternel
Dieu. La science jointe à
l'impiété les méprisaient. On
s'entourait d'illusions, on se berçait
d'espérances trompeuses, on s'endormait, on
s'endurcissait, on disait : Paix et
sûreté, et c'était à qui
défierait le plus hardiment les menaces d'un
Dieu auquel on ne croyait pas, ou qu'on croyait
pouvoir braver.
Mais tout cela ne garantit personne au
jour de l'indignation. Toutes les illusions, tous
les faux raisonnements, toutes les
impiétés allèrent s'engloutir
dans les eaux du déluge, avec ceux qu'elles
avaient trompé. Seulement Noé et tout
ce qui était avec lui dans l'arche demeura
de reste.
Qui ne s'écrierait : « Tu
es terrible, toi ; qui est-ce qui pourra subsister
devant toi dès que ta colère
paraît »
(Ps. LXXVI, 7) : « C'est une
chose terrible de tomber entre les mains du Dieu
vivant »
(Hébr. X, 31). «
Seigneur, qui est-ce qui connaît selon ta
crainte la force de ton indignation et de ta grande
colère »
(Ps. XC, 11) ? - Ne l'oublions pas,
Dieu aura toujours raison, Il sera toujours
trouvé véritable, et l'homme menteur.
Ce qu'Il a dit aura infailliblement
son effet. Il avait dit : «
J'exterminerai de dessus la terre les hommes que
j'ai créés ; la fin de toute chair
est venue devant moi »
(Gen. VI, 7, 13). Quand le temps
déterminé dans ses décrets
éternels fut venu, toute chair expira et
tout ce qui subsistait sur la terre fut
exterminé
(Gen. VII, 21 - 23). selon que
l'Éternel l'avait dit, et qu'Il en avait
parlé.
Heureux donc celui qui, étant
averti des choses qu'on ne voit point encore,
craint comme Noé qui bâtit l'arche
pour sauver lui et sa famille !
Avant de terminer la méditation
de ce sujet éminemment instructif, entrons
un moment dans l'arche avec Noé et cherchons
à nous pénétrer du sentiment
dont il devait être animé dans cette
position solennelle. « Que faisais-tu,
Noé, quelles étaient, les
émotions de ton coeur dans la retraite
où Dieu t'avait mis en sûreté ?
C'est ce qui ne nous a pas été
révélé, mais ce que nous
savons de toi nous autorise à penser que,
triste et joyeux tout ensemble, tu occupais ta
pensée à méditer sur la
sévérité et sur la
bonté de l'Éternel ; sur sa
sévérité envers les
pécheurs impénitents et sur sa
bonté envers toi. »
(11)
Qu'on se représente en effet ce
que dut éprouver Noé pendant les sept
jours où, enfermé avec sa famille
dans l'arche, il attendait le commencement du
déluge. Que de prières, que
d'angoisses, que de larmes sur le sort d'un monde
qui allait périr et qui laissait perdre les
derniers moments de la patience de Dieu ! Quelle
reconnaissance et quelles actions de grâce
envers Celui qui l'avait sauvé par
grâce avec toute sa famille, qui lui avait
donné de croire à ses menaces et,
à ses promesses, qui avait soutenu sa foi au
milieu de tous les découragements, qui lui
avait donné la force d'achever son oeuvre et
qui maintenant le gardait dans cette arche
où il était avec les siens à
l'abri de la colère
à venir ! - Quelle nuit que celle qui
précéda le dix-septième jour
du second mois, par lequel se terminait la
dernière semaine d'attente. Demain le
châtiment, bientôt l'entière
destruction ! 0 mon Dieu ! s'il était
possible, retarde l'exécution de tes
sévères châtiments ! Mais non,
il est trop fard ; tu l'as déclaré,
ta justice va avoir son cours.
0 mon Dieu, que te dirai-je ! Je
m'humilie, j'adore, je tremble, et pourtant je te
bénis, heureux d'être sauvé
avec les miens !
Le lendemain les décrets de Dieu
commencèrent à s'exécuter sur
un monde que rien n'avait pu amener à la
repentance. Représentons-nous quelle force
durent prendre les saintes émotions de
Noé et de sa famille, lorsqu'ils
commencèrent à entendre tomber sur
l'arche les torrents du déluge, lorsque
l'arche soulevée, lorsque les cris de
désespoir des hommes qui périssaient
leur annoncèrent que le moment fatal
était venu, que la sentence
s'exécutait sur les coupables, et que des
millions d'âmes passaient dans
l'éternité !
Nous ne chercherons pas à
dépeindre les sentiments que devaient
exciter en eux une pareille situation ; ils
étaient, sans doute, au-dessus de tout ce
qu'on en pourrait dire. Nous vous demanderons
seulement si vous pensez que dans l'arche, et au
milieu de tous les objets solennels dont ou
était entouré, ceux qui sentaient
leur position auraient pu se laisser aller à
la légèreté, à la
plaisanterie, et s'ils n'auraient pas senti que
c'étaient là des choses
malséantes, au fond desquelles il y aurait
eu même une sorte de cruauté envers
ceux qui périssaient tout autour. Je vous
demande plutôt, si l'on ne devait pas
entendre retentir dans l'arche de continuelles
actions de grâce : « 0 mon Dieu, nous
sommes trop petits au prix de toutes les
gratuités et de toute la bonté dont
tu as usé envers nous ! Tu es notre asile,
tu nous gardes de détresse. » Mon
âme bénis l'Éternel et n'oublie
pas un de ses bienfaits. C'est lui qui garantit ta
vie de la fosse et qui te
couronne de gratuités et de compassions.
« Je bénirai l'Éternel durant ma
vie ; » je psalmodierai à mon Dieu
pendant que j'existerai. «
Célébrez l'Éternel, car Il est
bon, parce que sa bonté demeure à
toujours. »
Je vous demande encore si vous pensez
qu'au milieu d'une si merveilleuse
délivrance, on eut l'idée
d'être mécontent de quelque
gène, de quelque privation qu'on pouvait
éprouver dans l'arche ; si l'on eut
l'idée de murmurer de quelque contre-temps,
de quelque mal passager, de se plaindre de ce que
tout n'allait pas au gré des désirs
de chacun, de ce que la nourriture n'était
pas assez délicate, et de mille autres
choses dont nous, rachetés de Christ, nous
avons la lâcheté de nous plaindre, an
lieu de toujours louer, de toujours bénir,
de toujours être content de l'état
où nous nous trouvons, de toujours
être disposés à dire : «
Il ne m'a pas fait selon mes péchés,
Il ne m'a pas rendu selon mes iniquités.
»
La famille de Noé avait la vie
sauve au milieu de la destruction
générale ; c'était assez pour
elle; tout lui était bon ; elle pouvait dire
avec la Sunamite : « Tout va bien.
»
Nous qui sommes sauvés d'un
malheur éternel vers lequel se
précipitent des multitudes, nous petit,
troupeau, auquel il a plu au Père de donner
le royaume, nous qui jouissons de la paix dans
l'arche spirituelle, ne devons-nous pas être,
comme la famille de Noé, contents, oui
contents de tout. Nous sied-il bien de nous
plaindre, de murmurer, parce que nous n'avons pas
tout ce que notre chair souhaiterait d'avoir, ou
parce que l'Évangile nous contrarie dans nos
projets ou nous expose à quelque souffrance
? Ah ! malheureux que nous sommes ! Si pour nous
punir Dieu ouvrait la porte de l'arche et la
laissait inonder, que deviendrions-nous, et combien
ne déplorerions-nous pas nos plaintes et nos
murmures, Ah ! louons, louons, bénissons,
soyons contents de tout. L'âme est
sauvée ; le reste est comparativement de
bien petite importance.
Je vous demande si vous pensez que dans
l'arche on cherchait à satisfaire ces
convoitises pour lesquelles la colère de
Dieu criait sur les enfants de rébellion
(Coloss. III, 5, 6), et si, au
contraire, on ne cherchait pas à les faire
mourir, comme des choses à l'égard
desquelles Dieu manifestait par le déluge sa
haine et son indignation. L'arche prêchait
hautement la sainteté de Dieu. Le sang de
Christ, qui est notre refuge, la prêche-t-il
moins ? L'arche prêchait l'amour et le
dévouement pour le Dieu qui sauvait par ce
moyen Noé et sa famille. La charité
de Christ, qui s'est donné Lui-même
pour nous et dont la mort nous garantit de la
colère à venir nous presse-t-elle
moins fortement de ne plus vivre pour
nous-mêmes, mais pour Celui qui est mort et
ressuscité pour nous ?
Enfin pensez-vous que ceux qui
habitaient l'arche eussent l'idée d'employer
leur temps à de vaines disputes ; qu'ils
cherchassent à se rendre
réciproquement pénible leur
séjour dans l'arche ; qu'ils eussent
l'idée de se dénigrer les uns les
autres, de vivre chacun à part à
cause de quelques différences de vues et de
caractère, et de troubler la famille par
mille petites intrigues domestiques, au profit de
l'orgueil et au grand détriment de la
charité ? On comprend facilement que
rien de tout cela n'existait au milieu d'eux, et
que, trop heureux d'être sauvés
ensemble, ils vivaient ensemble dans la paix et
dans l'harmonie, cherchant pendant l'espèce
d'emprisonnement et d'exil, où ils
étaient momentanément, le soulagement
qu'on trouve dans la charité. - 0 vous qui
êtes réunis dans le coeur de
Jésus comme dans un commun refuge, ne
recevrez-vous pas instruction ? Est-ce
là qu'il faut se disputer, est-ce là
qu'il faut se mordre les uns les autres, au risque
de se détruire les uns par les autres
(Gal. V, 15) ?.... Si vous ne
comprenez pas ces choses, si vous ne les sentez
pas, si ce refuge commun, le coeur de Jésus,
continue à être pour vous un champ de
bataille, si, sous le
prétexte de la vérité, vous
continuez à fouler aux pieds la
charité, mon âme pleurera en secret et
continuera à demander au Seigneur de
meilleurs jours.
Il est temps de conclure. Nous concluons
par ces excellentes paroles que prononça, il
y a environ deux siècles, le pieux
évêque Leighton méditant ce
sujet solennel avec les hommes de son temps qui ont
passé avec lui, tant ceux qui
profitèrent de ses pieuses exhortations que
ceux qui les méprisèrent.
« Quelle impression ces
pensées doivent-elles laisser sur nos
âmes ? C'est que nous devons nous
réfugier sans retour en Jésus-Christ
qui est pour nous la seule arche de salut. C'est
que, hors de lui, il n'y a que destruction, car le
déluge de la colère divine se
répandra sur ce monde souillé par le
péché. Oh ! c'est notre vie, notre
sûreté, que d'être
trouvés en Lui. La porte de cette arche vous
est encore ouverte ; hâtez-vous d'y venir et
comptez sur cette miséricordieuse promesse :
« Je ne mettrai dehors aucun de ceux qui
viendront à moi. »
Oh ! si les mondains pouvaient
croire un tel danger et un tel salut, comme on les
verrait se précipiter en foule aux pieds de
Jésus-Christ ! Hélas ! ils croiront
l'un et l'autre quand il sera trop tard, semblables
aux hommes du déluge qui furent
dévorés du regret de n'être pas
dans l'arche, lorsqu'ils se virent engloutis par
les flots.
Vous qui avez cherché votre
refuge en Jésus, ne lui faites pas l'injure
de douter de votre sûreté. Que, si les
flots de vos péchés passés
s'élèvent autour de vous, l'arche
s'élève plus haut encore. Et si
même vous retrouvez en vous des restes de
péché comme, hélas ! il y en
avait, sans doute, dans l'arche, cela ne fera point
qu'elle s'enfonce dans les eaux. Elle vous portera
malgré les vents et les tempêtes
jusqu'aux rives éternelles où tout
sera sainteté et entière
délivrance.
Et si enfin vous croyez à votre
salut, admirez la grâce et l'amour de Celui
qui vous l'a assuré ; c'est à Lui que
toute gloire doit être rendue. Noé
était un homme juste ; mais d'où lui
venaient et sa justice et sa délivrance,
tandis que le monde périssait autour de lui
? Uniquement de ce qu'il avait trouvé
grâce devant Dieu. - Sans aucun doute,
c'était là le sentiment qui
remplissait son coeur, quand, en paix dans son
asile, il entendait autour de lui les cris d'agonie
de ceux qui périssaient.
Et vous, afin d'embraser votre coeur de
reconnaissance, adressez-vous fréquemment
cette question, source à la fois
d'humiliation et de joie.
Puisque si peu sont sauvés du milieu
de la multitude qui périt, d'où
vient, ô mon Dieu ! que je suis de ce petit
nombre ? Pourquoi ai-je été choisi,
moi, misérable pécheur, au milieu de
tant d'autres qui ont été
laissés ? Ta grâce, ta pure et libre
grâce, ô mon Dieu, voilà mon
unique réponse. Oh ! pourquoi mon coeur ne
déborde-t-il pas de reconnaissance et
d'amour ?
Un jour, un jour viendra au-delà
des limites du temps ou tout en moi sera
admiration, louange, amour infini »
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