Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE PHARE SUR LE ROC

CHAPITRE IX
Un changement au phare

Le temps nous parut long jusqu'à ce que mon grand-père revînt ; alors il dit simplement d'une voix basse :
- Vous pouvez l'apporter maintenant elle sait tout.

Et la triste procession se mit en route, pour se rendre chez les Miller. Mon grand-père et moi nous suivions.
Je n'oublierai jamais cette scène, ni mes impressions de ce moment-là.
Mme Miller était réellement malade ; le coup avait été trop fort pour elle, et de plus elle avait pris froid. Les hommes repartirent avec le bateau chercher un médecin, et celui-ci à son tour les renvoya encore une fois chercher une infirmière.
Mon grand-père et moi restâmes toute la nuit dans la maison des Miller, car la garde-malade n'arriva qu'à l'aube. Les six enfants dormaient paisiblement dans leurs petits lits. J'allai une fois les regarder et m'assurer que ma petite Lily était bien couchée. On l'avait mise dans le lit de Jenny, et les deux fillettes se tenaient la main en dormant. Les larmes me vinrent aux yeux en pensant que toutes deux étaient orphelines et que ni l'une ni l'autre ne pouvait le comprendre.

Quand la garde-malade arriva, mon grand-père et moi retournâmes chez nous Mais nous n'aurions pu dormir ; nous allumâmes notre feu et nous assîmes devant en silence.
Mon grand-père me dit enfin :
- Alain, mon garçon, cela m'a donné un coup ! Je crois que je n'ai jamais été aussi bouleversé. Cela aurait pu être moi, Alain, cela aurait tout aussi bien pu être moi !

Je pris sa main et la serrai fortement, sans rien dire.
-Oui, répéta-t-il, cela aurait pu être moi ; et alors, où serais-je maintenant ?

J'étais trop ému pour parler, et il continua :
- Je me demande où est ce pauvre Jem à présent ? J'y ai pensé toute la nuit.

Alors je lui racontai ce que Miller m'avait dit au moment de son départ.
- Sur le Roc ! A-t-il dit qu'il était sur le Roc ? Je voudrais bien pouvoir en dire autant, Alain.
- Ne pouvons-nous pas, aussi bien que lui, être sur ce Roc, grand-papa ?
- Je le voudrais bien, mon enfant. Je commence à comprendre ce que cela signifie. Le vieux monsieur m'a dit : « Vous bâtissez sur le sable, et votre construction ne résistera pas à l'orage ». Ces paroles ont résonné constamment à mes oreilles pendant que nous étions assis cette nuit chez Mme Miller. Mais... je ne sais pas, non, je ne sais pas comment me mettre sur le Roc...

Toute la semaine suivante la pauvre Mme Miller fut entre la vie et la mort. Elle avait une congestion pulmonaire et, au début, le docteur laissait peu d'espoir ; mais enfin le mieux prit le dessus, et il parla d'une manière plus encourageante. Je passai tout mon temps avec les pauvres enfants, faisant tout ce que je pouvais pour les occuper paisiblement, afin qu'ils ne fissent point de bruit qui pût déranger leur mère.

Un seul jour nous fûmes absents, mon grand-père et moi, pendant plusieurs heures, car nous nous rendîmes à terre pour accompagner à sa dernière demeure le corps de notre ancien et cher compagnon. Sa femme était encore trop mal ce jour-là pour se rendre compte de ce qui se passait.
Quand, au bout de plusieurs semaines, la fièvre la quitta, elle était très faible, et il devait se passer longtemps encore avant qu'elle pût reprendre ses occupations.
Cependant nous apprîmes qu'on avait nommé un autre homme pour occuper le poste de Jem Miller, et il fallut bientôt que la pauvre famille se préparât à partir.

Quel triste jour pour nous que celui de leur départ ! Nous les accompagnâmes jusqu'à la jetée et les vîmes s'embarquer. Ils se rendaient chez les parents de Mme Miller qui, heureusement, pouvaient facilement les recevoir. Bien des larmes coulèrent de part et d'autre au moment de la séparation, car nous partagions depuis si longtemps la même vie que nous étions très attachés les uns aux autres.

Après leur départ, l'île nous parut très solitaire et désolée. Si nous n'avions pas eu notre petit Rayon de soleil, comme mon grand-père l'appelait, je ne sais ce que nous serions devenus. Chaque jour nous l'aimions davantage et notre grande crainte était de recevoir un lundi une lettre nous annonçant qu'elle devait nous quitter.
- Ah ! mon garçon, me disait souvent mon grand-père, combien peu nous nous doutions le fameux jour de la tempête, quel trésor renfermait l'étrange petit paquet que nous rapportions avec nous !

L'enfant grandissait ; l'air de mer lui faisait beaucoup de bien et de jour en jour elle devenait plus jolie et plus intelligente.
Nous étions très curieux de savoir qui avait été nommé à la place de Jem Miller ; mais nous ne parvînmes même pas à savoir son nom. Le capitaine Sayers nous dit qu'il ne savait rien de cette affaire ; et les messieurs qui vinrent une ou deux fois afin de faire réparer la maison pour le nouvel arrivant furent très réservés à son sujet, et paraissaient nous trouver trop curieux lorsque nous leur posions des questions. Pourtant notre bien-être dépendait beaucoup de notre voisin, car mon grand-père et lui étaient constamment ensemble, et nous n'avions personne d'autre sur l'île à qui parler.

Mon grand-père désirait accueillir amicalement le successeur de Miller et lui rendre agréable son séjour sur l'île. Nous nous mîmes donc à l'oeuvre dès le départ de Mme Miller, pour bêcher le jardin inculte qui appartenait à la maison voisine, et pour lui donner un aspect aussi plaisant que possible.
- Je voudrais bien savoir de qui se compose la famille, dis-je pendant que nous travaillions dans le jardin.
- Peut-être l'homme sera-t-il seul, dit mon grand-père. Lorsque je suis arrivé ici moi-même, j'étais jeune et pas encore marié. Mais nous saurons bientôt tout ce qui le concerne, puisqu'il doit arriver lundi prochain.
- C'est étonnant qu'il ne soit pas venu une fois d'avance pour voir l'île et sa maison. Je me demande ce qu'il en pensera.
- Il se sentira sans doute un peu étranger tout d'abord, dit mon grand-père, mais nous l'accueillerons de notre mieux. Tu lui prépareras un bon déjeuner, Alain - et il faudra qu'il y ait suffisamment à manger pour sa femme et ses enfants, s'il en a - du café chaud, du pain, du beurre, des saucisses grillées, et tout ce que tu voudras. Ils seront heureux de se réconforter après leur traversée.

Nous fîmes donc tous nos préparatifs, et attendîmes avec une certaine anxiété l'arrivée de notre nouveau compagnon.


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CHAPITRE X
Notre nouveau voisin

 Le lundi matin, nous allâmes, comme à l'ordinaire, de bonne heure sur la jetée, pour attendre le bateau à vapeur.
Il nous tardait beaucoup de savoir ce que seraient nos voisins. Nous avions préparé chez nous le plus joli déjeuner possible, pour quatre ou cinq personnes, et j'avais cueilli dans notre jardin un beau bouquet de dahlias pour égayer la table.
Enfin le bateau apparut et nous distinguâmes sur le pont un homme qui parlait avec le capitaine ; nous pensâmes aussitôt que c'était notre futur compagnon.
- Je ne vois pas de femme, dit mon grand-père.
- Ni d'enfant, ajoutai-je, en soulevant Lily dans mes bras pour qu'elle pût voir le bateau.
- Pouf, pouf ! pouf ! disait-elle en le voyant approcher ; puis elle partait d'un joyeux éclat de rire.

Quand le bateau eut abordé, nous nous approchâmes du capitaine et de l'étranger.
- Voici votre nouveau compagnon, M. Fergusson, dit le capitaine. Voulez-vous lui montrer le chemin de sa maison, pendant que je fais débarquer vos provisions ?
- Je vous souhaite la bienvenue sur notre île ! dit mon grand-père en serrant la main du nouveau venu.

C'était un homme grand, bien bâti, au teint fortement hâlé.
- Merci, dit l'homme tout en me regardant avec persistance. Cela fait du bien d'être ainsi reçu.
- Voici mon petit-fils Alain, dit mon grand-père en posant sa main sur mon épaule.
- Votre petit-fils, répéta l'homme en continuant à me regarder d'une manière étrange, votre petit-fils - Vraiment !
- Venez maintenant, dit mon grand-père, vous devez avoir besoin de vous restaurer. Le café est tout prêt à la maison, et vous serez le bienvenu, je vous assure.

Nous avancions vers le phare, mais l'homme ne paraissait pas très disposé à parler. Il me sembla une fois voir une larme dans ses yeux ; mais je pensai que je me trompais, car qu'est-ce qui aurait pu le faire pleurer ? Je me doutais peu de tout ce qui remplissait son coeur.
- À propos, dit mon grand-père en se tournant tout à coup vers lui, comment vous appelez-vous ? On ne nous l'a pas dit.

L'homme ne répondit pas, et mon grand-père, le regardant avec étonnement, lui dit :
- N'avez-vous pas de nom ? ou avez-vous quelque objection à ce qu'on le sache ?
- Père ! dit l'homme en saisissant la main de mon grand-père, ne reconnais-tu pas ton propre fils ?
- David ! C'est mon David ! Alain ! regarde, Alain, c'est ton père !

Brisé par l'émotion, mon grand-père se mit à sangloter comme un enfant, tandis que mon père le soutenait fermement d'un bras et posait l'autre main sur mon épaule.
- Je n'ai pas voulu qu'on vous le dise, expliqua-t-il ; je leur ai fait promettre de me laisser le faire moi-même. À mon arrivée dans le pays j'ai appris que la place était vacante et je l'ai demandée aussitôt. Quand j'ai dit que j'étais ton fils, père, on me l'a accordée tout de suite.
- Mais où donc as-tu été tout ce temps, David, et pourquoi ne nous as-tu jamais écrit ?
- Oh, c'est une longue histoire, dit mon père ; entrons d'abord, et je vous raconterai tout.

Je commençai à servir le déjeuner, tandis que mon père tenait constamment les yeux sur moi.
- Comme il lui ressemble ! dit-il d'une voix étouffée.

Je compris qu'il parlait de ma mère.
- Alors tu as appris la mort de notre chère Alice ? dit mon grand-père.
- Oui. Par une étrange coïncidence, sur le bateau qui me ramenait en Europe il y avait un homme de par ici, qui m'a tout raconté. Mon coeur s'est brisé quand j'ai appris qu'elle était morte... Je m'étais tant réjoui de la retrouver !

Mon grand-père lui raconta alors longuement tout ce qui concernait ma mère. Combien elle l'avait attendu, et comment, lorsque mois après mois s'étaient écoulés sans qu'elle reçut des nouvelles de lui, elle avait langui, était devenue de plus en plus faible, et enfin était morte de douleur...
Chaque fois qu'il s'arrêtait, mon père lui demandait de continuer, de sorte que ce ne fut que le soir, tandis que nous veillions dans notre observatoire, que mon père commença enfin à raconter sa propre histoire.

Il avait fait naufrage sur les côtes de la Chine. Le vaisseau sur lequel il était avait été mis en pièces, non loin du rivage qu'il n'avait pu atteindre qu'avec trois de ses compagnons seulement. Aussitôt qu'ils avaient pris pied sur la rive, des Chinois les avaient entourés avec des gestes menaçants, les avaient fait prisonniers, et, pendant plusieurs jours, les pauvres naufragés avaient pu craindre d'être mis à mort, car, dans ce temps-là, les Chinois ne pouvaient pas souffrir que des étrangers abordent dans leur pays. Enfin on les conduisit à une grande distance à l'intérieur du pays. C'est là que mon pauvre père avait passé toutes ces années pendant lesquelles nous le pensions mort ! Il ne fut pourtant pas maltraité, et il enseigna beaucoup de choses aux gens qui l'entouraient. Mais il était surveillé si constamment, de jour et de nuit, qu'il ne put jamais trouver la moindre occasion de s'échapper. Naturellement il n'y avait ni poste, ni chemin de fer dans cet endroit éloigné, et il était privé de tout rapport avec le monde civilisé.

Ainsi se passèrent tristement onze longues années. Tout à coup, un jour, on dit aux prisonniers qu'ils allaient être renvoyés à la côte et embarqués sur un vaisseau en partance pour l'Angleterre. On leur expliqua qu'il y avait eu une guerre et qu'une des conditions du traité de paix avait été que les Chinois devaient rendre tous les étrangers retenus comme prisonniers.
- David, mon fils, dit mon grand-père avant de se retirer pour la nuit, c'est une vraie résurrection de te voir de nouveau au milieu de nous !


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CHAPITRE XI
Sur le Roc

Environ quinze jours après l'arrivée de mon père, nous eûmes la surprise d'avoir une nouvelle visite du vieux M. Benson. Il venait nous dire que son gendre avait reçu une lettre concernant la petite fille qui avait été sauvée lors du naufrage de la Victoire.
Voilà ce qu'il me dit en me trouvant sur la jetée, et, tout le long du chemin, en revenant à la maison, je brûlais de savoir ce que contenait la lettre.
Lily courait à mon côté, sa petite main dans la mienne, et je ne pouvais supporter la pensée qu'elle nous serait probablement bientôt enlevée.
- Quoi ! c'est M. Benson ! dit mon grand-père en se levant pour le saluer.
- En personne, répondit-il ; et vous devinez, sans doute, pourquoi je viens.
- Pas pour prendre notre petit Rayon de soleil, j'espère, dit mon grand-père en prenant Lily dans ses bras. Vous n'allez pas l'emmener ?
- Attendez un peu, dit le vieillard en s'asseyant et en tirant une lettre de sa poche ; attendez de voir ce qui est écrit là, et vous me direz ensuite ce que vous en pensez.

Et il se mit à lire ce qui suit :
« Cher Monsieur,
Nous ne pouvons exprimer la joie que nous a causé la nouvelle reçue il y a une heure à peine. Nous avions appris la perte de la Victoire, et nous pleurions notre enfant chérie. Sa mère a été brisée par la douleur, et elle est tombée dangereusement malade quand elle a appris ces tristes nouvelles.
Ai-je besoin de vous dire quels ont été nos sentiments en apprenant tout à coup que notre enfant était vivante !
Nous prendrons le prochain vaisseau partant pour l'Angleterre, afin de venir chercher notre petite chérie. Nous serions partis au lieu de cette lettre, si ma femme avait été assez forte pour supporter la traversée. Mille et mille remerciements aux braves hommes qui ont sauvé notre enfant ! J'espère pouvoir bientôt les remercier moi-même. Mon coeur est trop plein pour exprimer tout ce qu'il sent !
Notre petite fille avait été confiée à des amis pour la traversée, car nous désirions qu'elle pût quitter les Indes avant la saison chaude, et je ne pouvais m'en aller que deux mois plus tard. Voilà pourquoi le nom de Villiers ne se trouvait pas sur la liste des passagers.
En vous remerciant de tout coeur pour la peine que vous avez prise pour nous faire savoir que notre enfant était sauvée, je vous envoie mes meilleures salutations.

Edouard Villiers. »

- Eh bien, dit le vieillard en souriant, quoiqu'une larme brillât dans ses yeux, refuserez-vous de la rendre à ses parents ?
- Que peut-on dire après cela ? soupira mon grand-père. Pauvres gens ! Comme ils paraissent heureux !
- Lily, dis-je en prenant la petite fille sur mes genoux, sais-tu qui va bientôt venir te voir ? Ta maman va venir, elle va venir voir sa petite Lily !

L'enfant me regarda avec sérieux ; le nom de maman lui rappelait d'anciens souvenirs. Elle resta un instant pensive, puis répéta doucement :
- Maman vient voir sa petite Lily.
- Chère petite ! dit le vieillard en caressant la tête bouclée ; on dirait qu'elle comprend de quoi il s'agit.

Alors je préparai du café et, tandis que M. Benson en prenait une tasse, il me demanda si j'avais lu le papier qu'il m'avait fait passer par un matelot.
- Oui, répondit mon grand-père, oui, nous l'avons lu.

Et il se mit à raconter la conversation que nous avions eue à ce sujet avec Jem Miller, et ce que celui-ci m'avait encore dit le matin de sa mort.
- Maintenant, continua-t-il, je voudrais que vous me disiez comment on peut être sur le Roc, car je suis encore sur le sable, il n'y a pas de doute ; et cela m'effraye, puisque vous m'avez dit, la dernière fois que vous êtes venu, que je ne résisterais pas à l'orage.
- Ce serait, en effet, un grand malheur d'être sur le sable quand arrivera le grand ouragan.
- Oui, monsieur, je le sens. Souvent, la nuit, je reste éveillé et j'y pense quand j'entends au dehors le vent mugir et les vagues se briser contre les rochers. Je pense alors à ce Psaume que j'ai entendu lire dans ma jeunesse où il est parlé de ceux qui sont sur mer par la tempête, et dont l'âme se fond de détresse. Ah ! j'aurais terriblement peur si le jour du jugement arrivait !
- Vous n'aurez aucune raison d'avoir peur si vous êtes sur le Roc, dit notre vieil ami. Tous ceux qui sont venus à Christ et qui se reposent sur Lui, sont aussi parfaitement à l'abri du jugement que vous-même vous êtes en sûreté dans cette maison lorsque la tempête fait rage au dehors.
- Oui, je le comprends maintenant mais je ne vois pas bien ce que vous entendez par « être sur le Roc ».
- Que feriez-vous, mon ami, si votre demeure ici était construite sur le sable, près du rivage, et si vous saviez que la première tempête l'emporterait inévitablement ?
- Ce que je ferais, monsieur ? Je la démolirais entièrement et la rebâtirais sur le rocher.
- C'est exactement cela ! dit M. Benson. Eh bien, jusqu'à présent vous avez fait reposer votre espérance de salut sur vos bonnes oeuvres, vos bonnes intentions, sur le sable enfin, n'est-ce pas ?
- Oui, c'est vrai.
- Maintenant il faut démolir tout cela Dites-vous : « Je suis un homme perdu si je reste comme je suis ; mon espérance repose entièrement sur le sable ». Et alors, fondez votre espérance sur quelque chose de meilleur, sur quelque chose qui résistera à l'orage ; fondez-la sur Christ. Il est le seul chemin pour aller au ciel. Il est mort pour que vous, pauvre pécheur, puissiez être sauvé. Croyez que ce qu'Il a fait pour vous est votre seul espoir de salut. Voilà ce que signifie bâtir sur le roc.
- Oui, monsieur, je comprends maintenant.
- Faites cela, cher ami, confiez-vous en Jésus, et votre espérance sera sûre et ferme. Alors, quand le dernier grand ouragan viendra, il ne vous atteindra pas ; vous serez dans une sécurité absolue, comme vous êtes à l'abri dans ce phare pendant que la tempête fait rage au dehors ; vous n'aurez rien à craindre, parce que vous serez sur le Roc immuable.

Je ne saurais répéter tout ce qui fut dit encore ce matin-là, mais je me souviens qu'avant de s'en aller, M. Benson s'agenouilla avec nous et pria ardemment que chacun de nous acceptât Christ comme son Sauveur et fût ainsi en sûreté sur le Roc.
Le même soir, lorsque mon grand-père me donna son dernier baiser, il me dit :
- Alain, mon garçon, je n'irai pas me reposer ce soir avant de pouvoir dire, comme notre brave Jem :

Sur Christ, mon rocher, se fonde
Mon espérance et ma foi.

Et je sais que mon grand-père tint sa parole.


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CHAPITRE XII
Le petit Rayon de soleil doit partir

Un lundi matin, le temps était si froid et si pluvieux, que nous n'aurions pas voulu laisser sortir notre petite Lily. Je restai donc pour jouer à la balle avec elle, tandis que mon père et mon grand-père allaient attendre le bateau à vapeur.
Elle était si mignonne ce matin-là ! Elle portait une robe bleue que Mme Miller lui avait faite avant son départ et un tablier blanc bien propre qui lui allait à ravir.
Elle criait de joie en courant après la balle, lorsque la porte s'ouvrit et mon père entra précipitamment.
- Alain ! me dit-il, ils sont venus !
- Qui ?
- Les parents de Lily ! Ils arrivent avec ton grand-père.

Il avait à peine fini de parler qu'en effet ils entrèrent tous les trois. La dame courut vers la petite fille, la saisit dans ses bras et la tint serrée contre son coeur. Puis elle s'assit, la tenant sur ses genoux, la caressant, lui parlant tendrement, et cherchant anxieusement à se rendre compte si l'enfant se souvenait d'elle.

Au premier moment, Lily, fort intimidée, baissait la tête et ne voulait pas regarder sa mère. Mais ce ne fut qu'un instant. Dès que sa maman lui parla, elle reconnut évidemment sa voix, et, quand Mme Villiers lui demanda, les larmes aux yeux :
- Me reconnais-tu, Lily ? Sais-tu qui je suis, ma chérie ?

L'enfant leva les yeux, sourit et dit :
- Maman ! La maman de Lily !

Et elle se mit à caresser doucement, de sa petite main potelée, la figure de sa mère. En voyant cela, je n'osais plus regretter que la petite dût nous quitter.

Nous passâmes une heureuse journée. M. et Mme Villiers furent très aimables avec nous et se montrèrent extrêmement reconnaissants de ce que nous avions fait pour leur petite fille. Ils disaient qu'elle paraissait en bien meilleure santé que lorsqu'elle avait quitté les Indes. Mme Villiers ne pouvait quitter son enfant des yeux ; elle la suivait partout, et je n'oublierai jamais combien ses parents paraissaient heureux.
Mais le jour le plus agréable prend fin comme un autre, et, vers le soir, un bateau arriva pour chercher les parents et leur enfant.
- Ma chérie ! dit mon grand-père en prenant la petite sur ses genoux ; je n'ai jamais eu autant de peine à me séparer de quelqu'un, non jamais ! Je l'appelais mon petit « Rayon de soleil », monsieur ! Vous me pardonnerez de vous dire que je ne puis éprouver de sentiments très amicaux pour vous, au moment où vous me l'enlevez !
- Alors, que direz-vous, lorsque vous saurez que j'ai grande envie de vous voler encore davantage ? dit M. Villiers en souriant.
- Me voler encore davantage ? répéta mon grand-père.
- Oui, dit M. Villiers en posant la main sur mon épaule. Je voudrais vous prendre aussi votre petit-fils. Écoutez-moi. N'est-ce pas bien dommage que ce garçon perde son temps dans cette petite île, sans acquérir aucune instruction ? Laissez-le venir avec nous ; je le placerai dans une bonne pension pendant trois ou quatre ans, et ensuite il pourra choisir lui-même la vocation qu'il préfère. Je sais que c'est un grand sacrifice que je vous demande ; mais, pour le bien de votre enfant, ne voulez-vous pas y consentir ?
- Vous êtes bien bon, monsieur, répondit mon grand-père, mais... je ne sais que vous dire. Ce serait sans doute une bonne chose pour Alain ; mais il ne m'a jamais quitté, et je pensais toujours qu'il prendrait ma place ici quand je serai trop vieux pour faire le travail.
- Oui, dit mon père ; mais, à présent que je suis de retour, c'est moi qui te remplacerai, père ; et, si M. Villiers est assez bon pour se charger de faire instruire Alain, nous devons être bien reconnaissants qu'il ait trouvé un tel ami.
- Tu as raison, David, mon garçon, tu as raison. Nous ne devons pas être égoïstes. Vous le laisserez revenir quelquefois, n'est-ce pas, monsieur ?
- Sans doute ! Il passera toutes ses vacances ici, et vous fera le récit de sa vie d'écolier. Et toi, Alain, qu'en dis-tu ? Il y a une très bonne pension dans la ville où nous allons habiter, de sorte que tu serais près de nous, et tu pourrais venir passer avec nous les après-midi de congé, pour t'assurer que cette petite fille n'oublie pas ce que tu lui as enseigné. Qu'en dis-tu ?

Cette perspective me plaisait beaucoup, et je balbutiai que j'étais bien reconnaissant ; mon père et mon grand-père ajoutèrent qu'ils ne pourraient jamais reconnaître tant de bonté.
- Comment donc ! s'écria M. Villiers mais c'est moi qui serai toujours votre débiteur. Je ne pourrai jamais faire pour vous ce que vous avez fait pour moi, et encore au péril de vos deux vies... je vous prie de me donner l'adresse de la brave femme dont le mari vous a accompagnés dans cette course si dangereuse et qui vous a aidés elle-même à soigner notre chérie. Nous lui écrirons tout de suite, car nous ne l'oublions pas dans notre reconnaissance. C'est donc entendu, vous nous donnez votre Alain ?
- Oui, monsieur, dit mon grand-père, mais accordez-nous un mois de répit ; ce serait trop soudain maintenant.
- Très bien, c'est juste ce qu'il faudra pour qu'il entre au Collège après les vacances.
Ainsi, en disant adieu à Lily, j'avais l'espoir de la revoir bientôt. Son vrai nom était Elisabeth, mais pour moi elle resta toujours Lily, ma petite Lily.

Je ne pourrais décrire mes impressions pendant le mois qui suivit ces événements. Une nouvelle vie s'ouvrait devant moi, et cette perspective occupait toutes mes pensées.
Tous les soirs, réunis tous trois dans notre observatoire, nous parlions ensemble de mon avenir ; et, pendant la journée, j'errais dans notre petite île, me demandant ce que j'éprouverais quand il me faudrait la quitter.

Depuis la visite de M. Benson, il s'était opéré un grand changement dans notre intérieur. La grande Bible avait été descendue de l'étagère, et elle était journellement lue et étudiée. Le dimanche n'était plus comme les autres jours, car nous le sanctifiions de notre mieux dans notre solitude.
Il était aisé de voir que mon grand-père était un nouvel homme, que les choses vieilles étaient passées et que pour lui toutes choses étaient faites nouvelles. Il m'était plus cher que jamais et ce n'était pas sans un serrement de coeur que je pensais à m'éloigner de lui.
- Je ne t'aurais jamais quitté, grand-père, lui dis-je un jour, si papa n'était pas revenu.
- Non, mon garçon, je ne crois pas que j'aurais pu me passer de toi ; mais ton père est revenu au bon moment. N'est-ce pas, David ?

Enfin le jour du départ arriva. Mon père et mon grand-père m'accompagnèrent jusqu'à la jetée et me virent monter dans le bateau.
Les dernières paroles que m'adressa mon grand-père furent :
- Alain, mon garçon, tiens-toi sur le Roc ! Tiens-toi fermement sur le Roc, et ne le lâche pas !

Et, grâces à Dieu, je n'ai jamais oublié les paroles de mon grand-père.


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