Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
REGARD
Bibliothèque chrétienne online EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON - 1Thess. 5: 21 - (Notre confession de foi: ici) |
Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
LA MAIN DE
DIEU
|
Il se mit
à leur dire ce qui devait lui
arriver. |
|
LA CROIX
La haine des hommes et l'amour du Christ
L'homme est né pour souffrir, comme
l'étincelle pour voler, affirme celui qui
dans l'Ancien Testament a donné à la
douleur des hommes ses accents les plus poignants
parce que les plus vécus et les plus
directs. La Bible tout entière nous enseigne
aussi que l'homme vit pour faire souffrir. Il n'est
pas naturellement bon ; il est méchant
et cruel, et irrésistiblement répand
autour de lui la souffrance. Il ment, il vole, il
commet l'adultère, il calomnie, il frappe,
et ainsi de toutes les manières, il torture
son semblable. Comme l'homme est ingénieux
pour faire souffrir ! Là il se
surpasse, il donne toute sa mesure, toute l'adresse
et la ruse de son esprit, toute
l'ingéniosité de ses inventions et de
ses astuces les plus diaboliques.
Oui, l'homme naturel aime à faire
souffrir l'homme ; il aime à tourmenter
son prochain, celui-là même qui est
dans sa propre maison, surtout
lorsqu'il a conscience que sa victime le domine par
une supériorité quelconque. C'est
là l'histoire étrange de toutes les
persécutions, leur explication profonde et
définitive. Certes, les persécuteurs
quels qu'ils soient, ont toujours
allégué des raisons d'ordre
théologique, d'ordre politique, d'ordre
social. Ces raisons ne sont pas forcément
sans fondement ni sans valeur. Mais elles
n'expliquent et ne justifient jamais cette passion,
cet acharnement, cette rage que l'homme apporte
à torturer surtout celui en qui il sent une
prééminence de l'esprit.
Or, c'est là un
phénomène inhérent à
l'espèce humaine. Bien des observateurs ont
remarqué que l'on ne trouve pas chez les
animaux cet étrange besoin de faire
souffrir, de persécuter, de tourmenter
inutilement son semblable. Il serait faux d'en
conclure que l'homme est cruel à cause de sa
raison et de son intelligence. Son intelligence lui
fournit les moyens les plus perfectionnés de
mort, les instruments les plus subtils de torture,
mais elle n'est pas la cause et elle n'est pas le
moteur suffisant pour mettre en branle tout le
déferlement des passions délirantes
qui se repaissent de la souffrance et de la mort
inutiles, injustifiées, et injustifiables.
Nous sommes donc là devant un des aspects
les plus troublants du problème de la
souffrance et du mal dans le monde de
l'humanité, un aspect qui n'est pas
suffisamment dégagé dans la plupart
des spéculations philosophiques. Toute cette
souffrance créée sur tout le globe
par l'homme pour l'homme, elle ne vient pas de ce
qui serait en nous les bas-fonds de notre
animalité ; et elle ne vient pas non
plus des facultés supérieures de
notre esprit dont la destination est, nous le
savons très bien, tout autre. C'est donc
quelque chose de très spécial et de
très étrange qui se manifeste
à travers toutes les querelles, les
vexations et les difficultés de toutes
sortes que les hommes se créent les uns aux
autres dans la vie de tous les
jours. Il n'y a pas d'autre explication que celle
de la Parole de Dieu : cette explication seule
nous permet de comprendre la souffrance inutile,
injustifiée et injustifiable donnée
à l'homme par l'homme ; car la Bible
nous révèle le triste secret de notre
race : il existe sur nous une
malédiction.
Nous sommes à une époque
où il n'est plus possible de sourire ou de
prendre à la légère cette
réalité tragique ; car chacun se
voit enfermé dans le cercle maudit ; de
quelque côté qu'il se tourne, il ne
voit que des larmes, de la peine et du sang ;
et il se sent menacé lui-même
directement, visé personnellement, et non
pas par des dangers qui lui viendraient des forces
de la nature, mais par la pure et gratuite
méchanceté de l'homme. Bien des
âmes se résignent alors, s'abandonnent
et acceptent les impitoyables arrêts qui les
brisent, car il semble que l'on ne peut pas faire
autrement, et que pèse sur nous tous une
nécessité inéluctable de
souffrance créée par la haine et
destinée particulièrement aux
êtres d'élite.
Aussi, mes Frères, nous
comprenons mieux que jamais les récits de la
Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Lorsque le Fils de l'Homme vient dans toute sa
sainteté et dans toute sa pureté, Il
polarise sur Lui par une sorte de
nécessité toutes les forces de haine,
de destruction et de mort qui ne pouvaient faire
autrement que de se déchaîner en un
assaut sans précédent. Inutile
d'interroger longuement : Pourquoi celui-ci
lui a-t-il craché au visage et
celui-là l'a-t-il frappé ? Et
pourquoi l'ont-ils vendu, trahi,
renié ? Et pourquoi tous en choeur
criaient-ils : Crucifie-le, crucifie ! Et
pourquoi tant d'horreur ?
Mais pourquoi, mes Frères, dans
toute l'histoire humaine ces crimes atroces dont on
peut rechercher et énumérer les
raisons, les motifs, les mobiles, les circonstances
aggravantes ou atténuantes, mais qui
révèlent tous cette espèce de
nécessité, cette sorte de
fatalité qui entraîne et emporte tout
aussi bien le bourreau que la
victime dans une ronde infernale où toutes
les forces de l'homme sont tendues jusqu'au
paroxysme pour faire souffrir et pour faire mourir,
pour détruire et pour anéantir
l'homme ?
Malédiction, malédiction
que l'homme a déchaînée sur lui
par sa chute et sa
désobéissance !
Malédiction qui montre toute sa puissance
sauvage en clouant sur la Croix le Fils de
Dieu !
Mais la Croix nous révèle
aussi une nécessité de
bénédiction ! La Croix
était inévitable parce qu'il y a
également une nécessité qui
vient de Dieu, comme il y a une fatalité qui
vient de Satan. Il existe une logique, un ordre
éternel dans le monde moral et spirituel.
C'est tout un ensemble de principes, de
vérités, de lois, peu importent les
termes du vocabulaire philosophique ou
théologique. Nous sommes devant un monde
cohérent, harmonieux, souverainement
équilibré, et les déroulements
de cet univers moral et spirituel ne sont pas
fantasques, irréguliers ou capricieux. Les
plans de Dieu suivent des lignes fermes, et ses
desseins souverains s'accomplissent
fidèlement. C'est pourquoi les
prophètes qui avaient reçu une
magnifique révélation du Royaume de
Dieu et de ses lois, ont pu prédire des
siècles à l'avance, la venue du
Messie qui sauverait les hommes et les nations.
Leur certitude, quand ils entonnent dans la nuit le
chant messianique de la lumière, est
impressionnante, et il ne faut porter atteinte en
rien à la splendeur de leur
espérance.
Cependant ces hommes n'avaient au sens
vrai du mot, aucun mérite à annoncer
la venue du Christ et de son Règne ;
ils en étaient sûrs, ils n'en avaient
pas seulement la persuasion ou la conviction, mais
ils étaient possédés par cette
espèce de certitude dont il ne semble pas
que des hommes encore aveuglés par le
péché puissent comprendre toute la
souveraineté qui s'impose à l'esprit
du croyant. Certes, ce n'est pas une
évidence mathématique
qui remplit une intelligence
humaine après une démonstration bien
faite, et cependant il s'agit bien ici d'une
évidence aussi lumineuse, et plus
impérieuse encore. Étant donné
que Dieu est Amour, Il ne peut pas abandonner les
hommes à leur malédiction.
Étant donné que l'Éternel est
le Souverain Maître des cieux et de la terre,
Il ne peut pas livrer sa création au Prince
de la perdition. Et, comme aucune Royauté et
aucune Sacrificature d'ici-bas ne peut accomplir
cette oeuvre de salut, alors il faudra bien que
Dieu envoie son Fils. Tel est le fondement de la
certitude prophétique. L'Évangile de
Jean montrera les accomplissements de cette attente
dans le verset glorieux : « Dieu a
tant aimé le monde qu'Il a donné son
Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne
périsse pas mais qu'il ait la vie
éternelle. »
Admirons ici la logique même de
l'esprit ; une fois l'Amour de Dieu
posé et accepté, tout le reste
s'ensuit ; c'est un enchaînement
rigoureux et harmonieux. Dieu interviendra, Dieu
nous enverra un Sauveur du moment qu'Il nous aime,
annoncent les prophètes. Et voici la
réponse de l'Évangile de jean qui
constate le déroulement parfait. Comme tout
est alors évident !
C'est pourquoi d'ailleurs le second
Esaïe a pu entrer au chapitre 53 dans des
précisions étonnantes concernant le
ministère de la Passion. Ce prophète,
surnommé encore le grand anonyme de l'exil,
a été le chantre de
l'espérance indéfectible pour tout un
peuple de déportés. Il rassurait avec
fermeté ses compagnons de souffrance. Il ne
doutait pas de la délivrance du peuple de
Dieu, mais en même temps, il voyait le chemin
douloureux, le chemin de Passion, que gravirait le
Serviteur de l'Éternel. Car il n'y avait pas
d'autres moyens : pour montrer son Amour aux
hommes et pour sauver sa création, il
fallait que Dieu lui-même remporte avec sa
bénédiction, la victoire sur le
propre terrain de
l'Adversaire ; il fallait qu'en la personne de
son Fils bien-aimé, Il aille jusqu'au fond,
jusqu'à la lie de la haine, de la
persécution, de la destruction et de la mort
que l'humanité porte en elle comme une coupe
de malédiction ; il fallait que cette
coupe de malédiction soit bue jusqu'à
la dernière goutte, qu'elle soit
épuisée jusqu'à sa
suprême amertume, afin que soit offerte aux
hommes la vraie coupe, celle de la
Bénédiction et de l'Amour.
Ainsi le ministère de la Passion
est là pour rappeler éternellement
aux hommes les vérités du salut.
Incontestablement, son rappel émouvant et
glorieux est particulièrement
nécessaire aux croyants
d'aujourd'hui.
Car nous voyons à travers lui que
Dieu ne se situe pas en dehors ou au-dessus d'un
monde perdu. Il vient sur le propre terrain de
l'Adversaire ; Il entre dans cette
malédiction de haine et de mort, et Il en
triomphe par la Bénédiction de son
Amour. Depuis lors les croyants ne peuvent plus
ignorer qu'ils ne sont plus seuls et qu'ils ne sont
pas les jouets des forces aveugles ou des
nécessités brutales. C'est au moment
même où les déferlements de la
haine les menacent le plus directement qu'ils
doivent entendre avec d'autant plus
d'évidence les déferlements plus
forts encore de l'Amour de Dieu en
Jésus-Christ. C'est au moment où le
péché impose tous les jougs de ces
tragiques nécessités que les croyants
doivent saluer, à l'oeuvre dans leur vie et
dans leur monde, les nécessités plus
contraignantes encore du Dieu sauveur.
Car l'empire des principautés de
chair est toujours brisé ; et par le
ministère de la Passion de Notre Seigneur
Jésus-Christ nous entrons, nous marchons
dans la souffrance et dans la mort d'ici-bas afin
de vaincre et de vivre.
Qu'aucun de nous n'oublie que la
malédiction a été un jour
vaincue à Golgotha, et que toute souffrance,
même celle qui est
créée par la haine, la guerre, la
persécution, en un mot le
péché est un germe de salut et de vie
éternelle, pourvu que cette épreuve
soit portée dans la communion victorieuse de
la Bénédiction qui est en Notre
Seigneur Jésus-Christ, mort et
ressuscité pour nous selon les lois
mêmes de l'Amour de Dieu.
14 mars 1943.
X
Personne ne
me prend ma vie. Je la
donne. |
Lectures : Jean 12: 20-23 |
LA CROIX
La souffrance volontaire
La semaine de la Passion offre sans aucun
doute l'exemple historique le plus saisissant de
fatalités humaines et de
nécessités divines. Ce qui domine
tout le drame, c'est le : « Il
faut », que le Seigneur s'efforce de
faire accepter par ses disciples réticents
ou révoltés. Il faut que le Fils de
l'Homme soit outragé, flagellé,
crucifié, et qu'Il ressuscite au
troisième jour. Il le faut pour que le
péché donne toute la mesure de son
horreur et pour que l'Amour de Dieu se
révèle dans toute sa splendeur. Mais
il est un troisième terme qui intervient
dans ce débat dramatique ; et c'est la
glorieuse Liberté du Fils de Dieu :
« Personne ne me prend ma vie. je la
donne ».
Voilà pourquoi la Croix nous
apporte une révélation
complète. Elle est l'aboutissement logique
et horrible de toute la perversité
humaine ; elle est aussi l'accomplissement
parfait de l'Amour du Dieu sauveur ; mais elle
est encore l'offrande
entièrement volontaire du Seigneur des
hommes. Ainsi la foi reconnaît dans cet
exemple mémorable de la Passion cette
trilogie qui est la trame sur laquelle toute vie
chrétienne doit inscrire son
déroulement, à savoir :
fatalités de péché,
contraintes victorieuses de l'Esprit de Dieu, et
don de soi souverainement libre.
Nous avons insisté dimanche
dernier sur les deux premiers aspects. Nous
voudrions dégager aujourd'hui le
troisième. Il est à remarquer que le
Seigneur Jésus-Christ tient
particulièrement à sauvegarder la
souveraine liberté du don qu'il fait de
lui-même.
Car enfin la Croix n'aurait pas la
même signification ni la même vertu si
elle n'était qu'une acceptation courageuse
des solidarités de péché et
qu'une soumission complète à la
Volonté de Dieu. Certes, subir jusqu'au bout
le sort des criminels, suivre pas à pas,
sans défaillance et sans écart, le
dur chemin de la crucifixion que le
péché des hommes a
préparé, cela est grand et cela est
beau, lorsqu'il s'agit du Saint et du juste
défiguré par toutes ces
fatalités de souffrance et de malheur. Dans
cet abîme de douleur, se soumettre
entièrement à la volonté de
son Père cela est encore plus grand et
encore plus beau. Lorsque dans son agonie sanglante
du jardin des Oliviers, le Seigneur se prosterne en
disant : « Père, que ta
volonté soit faite et non pas la
mienne ! », il s'élève
au-dessus de toutes les royautés terrestres,
au-dessus de toutes les vertus et de tous les
héroïsmes humains. Mais ce serait
négliger une des plus grandes clartés
qui rayonnent de la Croix que d'oublier un seul
instant au milieu, au coeur, au centre même
de tous les messages de la Passion, la grandiose
parole : Personne ne me prend ma vie, je la
donne. Le Seigneur n'avance pas avec un instrument
de supplice que les hommes lui auraient jeté
sur les épaules ou que Dieu lui aurait
imposé. Il choisit son sacrifice ; Il
prend sa croix, Il la charge, Il la porte, Il la
veut, ainsi qu'Il l'avait déjà
demandé à ses disciples :
Que celui qui veut me suivre, charge sa
croix, qu'il la prenne. Cette insistance du
Seigneur à préciser son
entière liberté prend toute sa valeur
lors des adieux suprêmes ; le Seigneur
va être arrêté, chargé de
liens, emprisonné, étroitement
gardé, conduit aux autorités, enfin
livré par Pilate à la foule pour
être crucifié. Il ne faut pas que les
disciples, et plus tard les
générations de croyants qui
méditeront et contempleront les
scènes de la Passion, aient une vision
extérieure, superficielle et par
conséquent fausse de la
réalité ; au milieu des soldats
le Christ est libre ; les mains liées,
Il est libre ; cloué sur la Croix, Il
est libre, de cette liberté qui est
éternelle et qu'aucun pouvoir ne pourra
jamais juguler ; Il est libre, car Il donne sa
vie, ce n'est pas le péché qui la lui
prend. Les hommes croient exercer leur
royauté ; ils s'imaginent avoir
courbé à leur décision, rendu
à leur merci, le Fils de l'Homme. Ce n'est
pas vrai ; ils n'ont rien pris ; car Lui
avait tout donné, à l'avance,
librement, volontairement, spontanément.
Ainsi le péché est joué ;
il a perdu la partie ; il est vaincu, car il
voulait tuer le Fils de l'Homme ; mais il
arrive trop tard ; il est
distancé ; le Fils de l'Homme,
librement donne sa vie.
Lorsque les forcenés crient
devant Pilate : Que son sang retombe sur nous
et sur nos enfants ! littéralement ils
ne savent pas ce qu'ils disent ; ils ne
comprennent rien à ce qui se passe. Chose
infiniment plus grave, des chrétiens
persécuteront plus tard, dans les juifs, les
descendants de ceux qui criaient devant
Pilate ; à leur tour ils ne sauront pas
ce qu'ils font, ils ne sauront pas ce qu'ils
disent. Car à l'avance, le Seigneur a
apporté une absolution totale, un pardon
complet à tous les protagonistes du grand
drame du Calvaire ; tous ces fantoches ne sont
que les jouets de passions délirantes que le
Seigneur a vaincues par son sacrifice. C'est
très exactement que le Crucifié peut
dire à son Père : Père,
pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font !
Un seul sait ce qu'il fait ; un seul sait
où il va ; oui, du dimanche
des Rameaux au glorieux matin de
Pâques, un seul est libre ; toute cette
humanité qui s'agite au cours de la
première semaine sainte ne sait plus ce
qu'elle fait ; ne sait plus où elle
est ; ne sait plus où elle va.
Les juifs, qu'ils appartiennent au parti
des scribes, des pharisiens, des sadducéens
ou à la foule anonyme et mugissante, ont
perdu le contrôle d'eux-mêmes et ne
sont plus que la proie d'une passion collective et
forcenée ; Ponce-Pilate ne sait plus ce
qu'il fait ; lui, le magistrat romain,
représentant de la justice impériale,
il condamne ouvertement un innocent ; il est
l'esclave de tous les délateurs qui le
menacent ; Pierre ne sait plus ce qu'il
dit ; il se trouble et bafouille devant les
questions embarrassantes d'une femme ; tous
les disciples renient et s'enfuient ; ils ne
savent plus ce qu'ils font ; ils ont perdu la
maîtrise d'eux-mêmes, ils sont esclaves
de leur peur ; ces soldats romains qui forment
le peloton d'exécution, ils sont aussi les
esclaves, les esclaves d'une consigne ;
après le drame, le capitaine qui les
commande s'écriera, bouleversé :
Certainement cet homme était un juste !
Mais, en attendant, lui, le capitaine, il
obéit à cet ordre inique, à
cette fatalité de péché. Tous,
tous sans exception, sont des esclaves. Seul, le
Fils de l'Homme se dresse dans toute sa glorieuse
liberté, ne cessant d'attirer sur sa Croix,
les regards de tous ceux qui ont entendu cette
parole, l'ont comprise et l'ont aimée :
Personne ne me prend ma vie. Je la
donne !
Voilà la Liberté ! L'homme
ne peut pas s'en passer. Il peut souffrir au
delà de toute expression ; il peut accepter
par solidarité ou par
nécessité des contraintes humaines,
des chaînes extérieures et
passagères, des liens qui le serrent et le
meurtrissent, jusqu'au jour où ils tomberont
d'eux-mêmes. Mais cela n'est pas sa
destinée, cela ne le nourrit pas, cela ne le
satisfait pas, cela ne le grandit pas, et aucune
doctrine de résignation et de
passivité n'a jamais consolé l'homme,
ne l'a jamais relevé, ne lui a jamais
donné
l'héroïsme et la
foi ; pour être soulevé, il faut
que l'homme sente passer sur sa misère le
souffle de la Liberté, de la vraie
Liberté, de cette liberté morale et
intérieure dont le rayonnement
inégalé descend de Golgotha.
Il est donc bien vrai que la Croix de
Jésus-Christ représente pour le
chrétien une libération, un
affranchissement, une délivrance, un salut
merveilleux dans tous les sens du mot. L'homme qui
a reçu de son Seigneur ce qu'on appelle la
puissance de la Croix est libre, est affranchi. Il
ne risque plus rien. Personne ne lui prendra jamais
sa vie, puisqu'à l'imitation de son
Maître, il la donne.
Il la donne à Dieu et à
son Royaume. Et il la donne librement. Car un don
qui n'est pas libre n'existe pas. Il faut avoir,
mes Frères, une conception bien païenne
et bien matérialiste du monde, de la vie et
de l'homme, pour s'imaginer construire quoi que ce
soit de beau, de grand, et de durable dans
l'univers spirituel par la contrainte. Or,
l'univers spirituel commande tous les autres, et
l'on ne fera jamais rien de l'homme à qui
l'on arrache par contrainte et contre son
gré, sa foi, son travail, son amour. L'homme
a en lui une réclamation impérieuse,
irrésistible pour se donner librement,
même et surtout vis-à-vis de ceux
qu'il aime. « Personne ne me prend ma
vie, je la donne ! » Cela est vrai
aussi vis-à-vis de Dieu !
Dieu attend de nous des sacrifices
volontaires, libres et sans réserve. C'est
ainsi que le Seigneur s'est donné
lui-même. Et c'est aussi pour Dieu qu'Il a
bien voulu établir le caractère de
son offrande. Certes, le Fils de l'Homme se courbe
devant la volonté de son Père
Céleste : Père, que ta
volonté soit faite, et non la mienne !
Mais le Fils ne veut pas que les hommes croient que
c'est son Père qui lui a imposé
extérieurement la crucifixion. Il ne veut
pas que l'on puisse plus tard accuser le
Père de l'avoir livré, lui l'Enfant,
contre son gré : « Personne
ne me prend ma vie, je la donne ! »
C'est pourquoi, le nom de
Jésus-Christ est au-dessus de tous les noms
sur la terre et dans les cieux. Ce don de soi, qui
garde chez les hommes les meilleurs un
caractère d'arrachement et qui chez la
plupart d'entre nous, ne s'opère qu'à
travers des demi-mesures, des atermoiements, des
reculades, des hésitations et des regrets,
est dans le sacrifice du Seigneur, l'offrande,
l'offrande par excellence.
La plus belle offrande !
l'humanité l'attendait, la recherchait
depuis des siècles comme l'expression la
plus haute de sa vie et de son culte !
Déjà au lendemain même de la
Chute, Abel et Caïn dressent les premiers
autels où ils déposeront leurs
naïves offrandes. Depuis lors, la terre
habitée par les hommes verra couler les
fleuves de sang répandu par la guerre, par
la haine, par le péché sous toutes
ses formes ; mais aussi elle verra jaillir,
irrésistibles, les sources
rafraîchissantes et bénies de
l'offrande. Offrandes des bergers, offrandes des
patriarches, offrande de la veuve de
l'Évangile qui a donné une
pite ; toutes ont une grande valeur par la
douceur, par la joie, par l'élévation
qu'elles ont apportées au coeur de l'homme,
mais aucune en particulier ni toutes ensemble
n'auraient pu délivrer les hommes de leur
misère morale et de leur esclavage. Enfin
est venu pour le salut de tous, Celui qui, dans le
dépouillement total, a réalisé
l'offrande parfaite et a dit devant sa
Croix
« Personne ne me prend ma vie.
je la donne ! »
21 mars 1943.
Table des
matières Page précédente:
|
|