Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA MAIN DE DIEU



IX

Il se mit à leur dire ce qui devait lui arriver.
Marc 10 : 32, 33, 34.


Lectures :
Esaïe 53. Luc 22: 32-34, 53-66.



LA CROIX
La haine des hommes et l'amour du Christ

 L'homme est né pour souffrir, comme l'étincelle pour voler, affirme celui qui dans l'Ancien Testament a donné à la douleur des hommes ses accents les plus poignants parce que les plus vécus et les plus directs. La Bible tout entière nous enseigne aussi que l'homme vit pour faire souffrir. Il n'est pas naturellement bon ; il est méchant et cruel, et irrésistiblement répand autour de lui la souffrance. Il ment, il vole, il commet l'adultère, il calomnie, il frappe, et ainsi de toutes les manières, il torture son semblable. Comme l'homme est ingénieux pour faire souffrir ! Là il se surpasse, il donne toute sa mesure, toute l'adresse et la ruse de son esprit, toute l'ingéniosité de ses inventions et de ses astuces les plus diaboliques.

Oui, l'homme naturel aime à faire souffrir l'homme ; il aime à tourmenter son prochain, celui-là même qui est dans sa propre maison, surtout lorsqu'il a conscience que sa victime le domine par une supériorité quelconque. C'est là l'histoire étrange de toutes les persécutions, leur explication profonde et définitive. Certes, les persécuteurs quels qu'ils soient, ont toujours allégué des raisons d'ordre théologique, d'ordre politique, d'ordre social. Ces raisons ne sont pas forcément sans fondement ni sans valeur. Mais elles n'expliquent et ne justifient jamais cette passion, cet acharnement, cette rage que l'homme apporte à torturer surtout celui en qui il sent une prééminence de l'esprit.

Or, c'est là un phénomène inhérent à l'espèce humaine. Bien des observateurs ont remarqué que l'on ne trouve pas chez les animaux cet étrange besoin de faire souffrir, de persécuter, de tourmenter inutilement son semblable. Il serait faux d'en conclure que l'homme est cruel à cause de sa raison et de son intelligence. Son intelligence lui fournit les moyens les plus perfectionnés de mort, les instruments les plus subtils de torture, mais elle n'est pas la cause et elle n'est pas le moteur suffisant pour mettre en branle tout le déferlement des passions délirantes qui se repaissent de la souffrance et de la mort inutiles, injustifiées, et injustifiables. Nous sommes donc là devant un des aspects les plus troublants du problème de la souffrance et du mal dans le monde de l'humanité, un aspect qui n'est pas suffisamment dégagé dans la plupart des spéculations philosophiques. Toute cette souffrance créée sur tout le globe par l'homme pour l'homme, elle ne vient pas de ce qui serait en nous les bas-fonds de notre animalité ; et elle ne vient pas non plus des facultés supérieures de notre esprit dont la destination est, nous le savons très bien, tout autre. C'est donc quelque chose de très spécial et de très étrange qui se manifeste à travers toutes les querelles, les vexations et les difficultés de toutes sortes que les hommes se créent les uns aux autres dans la vie de tous les jours. Il n'y a pas d'autre explication que celle de la Parole de Dieu : cette explication seule nous permet de comprendre la souffrance inutile, injustifiée et injustifiable donnée à l'homme par l'homme ; car la Bible nous révèle le triste secret de notre race : il existe sur nous une malédiction.

Nous sommes à une époque où il n'est plus possible de sourire ou de prendre à la légère cette réalité tragique ; car chacun se voit enfermé dans le cercle maudit ; de quelque côté qu'il se tourne, il ne voit que des larmes, de la peine et du sang ; et il se sent menacé lui-même directement, visé personnellement, et non pas par des dangers qui lui viendraient des forces de la nature, mais par la pure et gratuite méchanceté de l'homme. Bien des âmes se résignent alors, s'abandonnent et acceptent les impitoyables arrêts qui les brisent, car il semble que l'on ne peut pas faire autrement, et que pèse sur nous tous une nécessité inéluctable de souffrance créée par la haine et destinée particulièrement aux êtres d'élite.

Aussi, mes Frères, nous comprenons mieux que jamais les récits de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Lorsque le Fils de l'Homme vient dans toute sa sainteté et dans toute sa pureté, Il polarise sur Lui par une sorte de nécessité toutes les forces de haine, de destruction et de mort qui ne pouvaient faire autrement que de se déchaîner en un assaut sans précédent. Inutile d'interroger longuement : Pourquoi celui-ci lui a-t-il craché au visage et celui-là l'a-t-il frappé ? Et pourquoi l'ont-ils vendu, trahi, renié ? Et pourquoi tous en choeur criaient-ils : Crucifie-le, crucifie ! Et pourquoi tant d'horreur ?

Mais pourquoi, mes Frères, dans toute l'histoire humaine ces crimes atroces dont on peut rechercher et énumérer les raisons, les motifs, les mobiles, les circonstances aggravantes ou atténuantes, mais qui révèlent tous cette espèce de nécessité, cette sorte de fatalité qui entraîne et emporte tout aussi bien le bourreau que la victime dans une ronde infernale où toutes les forces de l'homme sont tendues jusqu'au paroxysme pour faire souffrir et pour faire mourir, pour détruire et pour anéantir l'homme ?

Malédiction, malédiction que l'homme a déchaînée sur lui par sa chute et sa désobéissance ! Malédiction qui montre toute sa puissance sauvage en clouant sur la Croix le Fils de Dieu !

Mais la Croix nous révèle aussi une nécessité de bénédiction ! La Croix était inévitable parce qu'il y a également une nécessité qui vient de Dieu, comme il y a une fatalité qui vient de Satan. Il existe une logique, un ordre éternel dans le monde moral et spirituel. C'est tout un ensemble de principes, de vérités, de lois, peu importent les termes du vocabulaire philosophique ou théologique. Nous sommes devant un monde cohérent, harmonieux, souverainement équilibré, et les déroulements de cet univers moral et spirituel ne sont pas fantasques, irréguliers ou capricieux. Les plans de Dieu suivent des lignes fermes, et ses desseins souverains s'accomplissent fidèlement. C'est pourquoi les prophètes qui avaient reçu une magnifique révélation du Royaume de Dieu et de ses lois, ont pu prédire des siècles à l'avance, la venue du Messie qui sauverait les hommes et les nations. Leur certitude, quand ils entonnent dans la nuit le chant messianique de la lumière, est impressionnante, et il ne faut porter atteinte en rien à la splendeur de leur espérance.
Cependant ces hommes n'avaient au sens vrai du mot, aucun mérite à annoncer la venue du Christ et de son Règne ; ils en étaient sûrs, ils n'en avaient pas seulement la persuasion ou la conviction, mais ils étaient possédés par cette espèce de certitude dont il ne semble pas que des hommes encore aveuglés par le péché puissent comprendre toute la souveraineté qui s'impose à l'esprit du croyant. Certes, ce n'est pas une évidence mathématique qui remplit une intelligence humaine après une démonstration bien faite, et cependant il s'agit bien ici d'une évidence aussi lumineuse, et plus impérieuse encore. Étant donné que Dieu est Amour, Il ne peut pas abandonner les hommes à leur malédiction. Étant donné que l'Éternel est le Souverain Maître des cieux et de la terre, Il ne peut pas livrer sa création au Prince de la perdition. Et, comme aucune Royauté et aucune Sacrificature d'ici-bas ne peut accomplir cette oeuvre de salut, alors il faudra bien que Dieu envoie son Fils. Tel est le fondement de la certitude prophétique. L'Évangile de Jean montrera les accomplissements de cette attente dans le verset glorieux : « Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais qu'il ait la vie éternelle. »

Admirons ici la logique même de l'esprit ; une fois l'Amour de Dieu posé et accepté, tout le reste s'ensuit ; c'est un enchaînement rigoureux et harmonieux. Dieu interviendra, Dieu nous enverra un Sauveur du moment qu'Il nous aime, annoncent les prophètes. Et voici la réponse de l'Évangile de jean qui constate le déroulement parfait. Comme tout est alors évident !

C'est pourquoi d'ailleurs le second Esaïe a pu entrer au chapitre 53 dans des précisions étonnantes concernant le ministère de la Passion. Ce prophète, surnommé encore le grand anonyme de l'exil, a été le chantre de l'espérance indéfectible pour tout un peuple de déportés. Il rassurait avec fermeté ses compagnons de souffrance. Il ne doutait pas de la délivrance du peuple de Dieu, mais en même temps, il voyait le chemin douloureux, le chemin de Passion, que gravirait le Serviteur de l'Éternel. Car il n'y avait pas d'autres moyens : pour montrer son Amour aux hommes et pour sauver sa création, il fallait que Dieu lui-même remporte avec sa bénédiction, la victoire sur le propre terrain de l'Adversaire ; il fallait qu'en la personne de son Fils bien-aimé, Il aille jusqu'au fond, jusqu'à la lie de la haine, de la persécution, de la destruction et de la mort que l'humanité porte en elle comme une coupe de malédiction ; il fallait que cette coupe de malédiction soit bue jusqu'à la dernière goutte, qu'elle soit épuisée jusqu'à sa suprême amertume, afin que soit offerte aux hommes la vraie coupe, celle de la Bénédiction et de l'Amour.

Ainsi le ministère de la Passion est là pour rappeler éternellement aux hommes les vérités du salut. Incontestablement, son rappel émouvant et glorieux est particulièrement nécessaire aux croyants d'aujourd'hui.

Car nous voyons à travers lui que Dieu ne se situe pas en dehors ou au-dessus d'un monde perdu. Il vient sur le propre terrain de l'Adversaire ; Il entre dans cette malédiction de haine et de mort, et Il en triomphe par la Bénédiction de son Amour. Depuis lors les croyants ne peuvent plus ignorer qu'ils ne sont plus seuls et qu'ils ne sont pas les jouets des forces aveugles ou des nécessités brutales. C'est au moment même où les déferlements de la haine les menacent le plus directement qu'ils doivent entendre avec d'autant plus d'évidence les déferlements plus forts encore de l'Amour de Dieu en Jésus-Christ. C'est au moment où le péché impose tous les jougs de ces tragiques nécessités que les croyants doivent saluer, à l'oeuvre dans leur vie et dans leur monde, les nécessités plus contraignantes encore du Dieu sauveur.

Car l'empire des principautés de chair est toujours brisé ; et par le ministère de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ nous entrons, nous marchons dans la souffrance et dans la mort d'ici-bas afin de vaincre et de vivre.

Qu'aucun de nous n'oublie que la malédiction a été un jour vaincue à Golgotha, et que toute souffrance, même celle qui est créée par la haine, la guerre, la persécution, en un mot le péché est un germe de salut et de vie éternelle, pourvu que cette épreuve soit portée dans la communion victorieuse de la Bénédiction qui est en Notre Seigneur Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous selon les lois mêmes de l'Amour de Dieu.

14 mars 1943.



X

Personne ne me prend ma vie. Je la donne.
Jean 10 : 18.

Lectures : Jean 12: 20-23



LA CROIX
La souffrance volontaire

 La semaine de la Passion offre sans aucun doute l'exemple historique le plus saisissant de fatalités humaines et de nécessités divines. Ce qui domine tout le drame, c'est le : « Il faut », que le Seigneur s'efforce de faire accepter par ses disciples réticents ou révoltés. Il faut que le Fils de l'Homme soit outragé, flagellé, crucifié, et qu'Il ressuscite au troisième jour. Il le faut pour que le péché donne toute la mesure de son horreur et pour que l'Amour de Dieu se révèle dans toute sa splendeur. Mais il est un troisième terme qui intervient dans ce débat dramatique ; et c'est la glorieuse Liberté du Fils de Dieu : « Personne ne me prend ma vie. je la donne ».

Voilà pourquoi la Croix nous apporte une révélation complète. Elle est l'aboutissement logique et horrible de toute la perversité humaine ; elle est aussi l'accomplissement parfait de l'Amour du Dieu sauveur ; mais elle est encore l'offrande entièrement volontaire du Seigneur des hommes. Ainsi la foi reconnaît dans cet exemple mémorable de la Passion cette trilogie qui est la trame sur laquelle toute vie chrétienne doit inscrire son déroulement, à savoir : fatalités de péché, contraintes victorieuses de l'Esprit de Dieu, et don de soi souverainement libre.

Nous avons insisté dimanche dernier sur les deux premiers aspects. Nous voudrions dégager aujourd'hui le troisième. Il est à remarquer que le Seigneur Jésus-Christ tient particulièrement à sauvegarder la souveraine liberté du don qu'il fait de lui-même.

Car enfin la Croix n'aurait pas la même signification ni la même vertu si elle n'était qu'une acceptation courageuse des solidarités de péché et qu'une soumission complète à la Volonté de Dieu. Certes, subir jusqu'au bout le sort des criminels, suivre pas à pas, sans défaillance et sans écart, le dur chemin de la crucifixion que le péché des hommes a préparé, cela est grand et cela est beau, lorsqu'il s'agit du Saint et du juste défiguré par toutes ces fatalités de souffrance et de malheur. Dans cet abîme de douleur, se soumettre entièrement à la volonté de son Père cela est encore plus grand et encore plus beau. Lorsque dans son agonie sanglante du jardin des Oliviers, le Seigneur se prosterne en disant : « Père, que ta volonté soit faite et non pas la mienne ! », il s'élève au-dessus de toutes les royautés terrestres, au-dessus de toutes les vertus et de tous les héroïsmes humains. Mais ce serait négliger une des plus grandes clartés qui rayonnent de la Croix que d'oublier un seul instant au milieu, au coeur, au centre même de tous les messages de la Passion, la grandiose parole : Personne ne me prend ma vie, je la donne. Le Seigneur n'avance pas avec un instrument de supplice que les hommes lui auraient jeté sur les épaules ou que Dieu lui aurait imposé. Il choisit son sacrifice ; Il prend sa croix, Il la charge, Il la porte, Il la veut, ainsi qu'Il l'avait déjà demandé à ses disciples :

Que celui qui veut me suivre, charge sa croix, qu'il la prenne. Cette insistance du Seigneur à préciser son entière liberté prend toute sa valeur lors des adieux suprêmes ; le Seigneur va être arrêté, chargé de liens, emprisonné, étroitement gardé, conduit aux autorités, enfin livré par Pilate à la foule pour être crucifié. Il ne faut pas que les disciples, et plus tard les générations de croyants qui méditeront et contempleront les scènes de la Passion, aient une vision extérieure, superficielle et par conséquent fausse de la réalité ; au milieu des soldats le Christ est libre ; les mains liées, Il est libre ; cloué sur la Croix, Il est libre, de cette liberté qui est éternelle et qu'aucun pouvoir ne pourra jamais juguler ; Il est libre, car Il donne sa vie, ce n'est pas le péché qui la lui prend. Les hommes croient exercer leur royauté ; ils s'imaginent avoir courbé à leur décision, rendu à leur merci, le Fils de l'Homme. Ce n'est pas vrai ; ils n'ont rien pris ; car Lui avait tout donné, à l'avance, librement, volontairement, spontanément. Ainsi le péché est joué ; il a perdu la partie ; il est vaincu, car il voulait tuer le Fils de l'Homme ; mais il arrive trop tard ; il est distancé ; le Fils de l'Homme, librement donne sa vie.

Lorsque les forcenés crient devant Pilate : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! littéralement ils ne savent pas ce qu'ils disent ; ils ne comprennent rien à ce qui se passe. Chose infiniment plus grave, des chrétiens persécuteront plus tard, dans les juifs, les descendants de ceux qui criaient devant Pilate ; à leur tour ils ne sauront pas ce qu'ils font, ils ne sauront pas ce qu'ils disent. Car à l'avance, le Seigneur a apporté une absolution totale, un pardon complet à tous les protagonistes du grand drame du Calvaire ; tous ces fantoches ne sont que les jouets de passions délirantes que le Seigneur a vaincues par son sacrifice. C'est très exactement que le Crucifié peut dire à son Père : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ! Un seul sait ce qu'il fait ; un seul sait où il va ; oui, du dimanche des Rameaux au glorieux matin de Pâques, un seul est libre ; toute cette humanité qui s'agite au cours de la première semaine sainte ne sait plus ce qu'elle fait ; ne sait plus où elle est ; ne sait plus où elle va.
Les juifs, qu'ils appartiennent au parti des scribes, des pharisiens, des sadducéens ou à la foule anonyme et mugissante, ont perdu le contrôle d'eux-mêmes et ne sont plus que la proie d'une passion collective et forcenée ; Ponce-Pilate ne sait plus ce qu'il fait ; lui, le magistrat romain, représentant de la justice impériale, il condamne ouvertement un innocent ; il est l'esclave de tous les délateurs qui le menacent ; Pierre ne sait plus ce qu'il dit ; il se trouble et bafouille devant les questions embarrassantes d'une femme ; tous les disciples renient et s'enfuient ; ils ne savent plus ce qu'ils font ; ils ont perdu la maîtrise d'eux-mêmes, ils sont esclaves de leur peur ; ces soldats romains qui forment le peloton d'exécution, ils sont aussi les esclaves, les esclaves d'une consigne ; après le drame, le capitaine qui les commande s'écriera, bouleversé : Certainement cet homme était un juste ! Mais, en attendant, lui, le capitaine, il obéit à cet ordre inique, à cette fatalité de péché. Tous, tous sans exception, sont des esclaves. Seul, le Fils de l'Homme se dresse dans toute sa glorieuse liberté, ne cessant d'attirer sur sa Croix, les regards de tous ceux qui ont entendu cette parole, l'ont comprise et l'ont aimée : Personne ne me prend ma vie. Je la donne !

Voilà la Liberté ! L'homme ne peut pas s'en passer. Il peut souffrir au delà de toute expression ; il peut accepter par solidarité ou par nécessité des contraintes humaines, des chaînes extérieures et passagères, des liens qui le serrent et le meurtrissent, jusqu'au jour où ils tomberont d'eux-mêmes. Mais cela n'est pas sa destinée, cela ne le nourrit pas, cela ne le satisfait pas, cela ne le grandit pas, et aucune doctrine de résignation et de passivité n'a jamais consolé l'homme, ne l'a jamais relevé, ne lui a jamais donné l'héroïsme et la foi ; pour être soulevé, il faut que l'homme sente passer sur sa misère le souffle de la Liberté, de la vraie Liberté, de cette liberté morale et intérieure dont le rayonnement inégalé descend de Golgotha.

Il est donc bien vrai que la Croix de Jésus-Christ représente pour le chrétien une libération, un affranchissement, une délivrance, un salut merveilleux dans tous les sens du mot. L'homme qui a reçu de son Seigneur ce qu'on appelle la puissance de la Croix est libre, est affranchi. Il ne risque plus rien. Personne ne lui prendra jamais sa vie, puisqu'à l'imitation de son Maître, il la donne.

Il la donne à Dieu et à son Royaume. Et il la donne librement. Car un don qui n'est pas libre n'existe pas. Il faut avoir, mes Frères, une conception bien païenne et bien matérialiste du monde, de la vie et de l'homme, pour s'imaginer construire quoi que ce soit de beau, de grand, et de durable dans l'univers spirituel par la contrainte. Or, l'univers spirituel commande tous les autres, et l'on ne fera jamais rien de l'homme à qui l'on arrache par contrainte et contre son gré, sa foi, son travail, son amour. L'homme a en lui une réclamation impérieuse, irrésistible pour se donner librement, même et surtout vis-à-vis de ceux qu'il aime. « Personne ne me prend ma vie, je la donne ! » Cela est vrai aussi vis-à-vis de Dieu !

Dieu attend de nous des sacrifices volontaires, libres et sans réserve. C'est ainsi que le Seigneur s'est donné lui-même. Et c'est aussi pour Dieu qu'Il a bien voulu établir le caractère de son offrande. Certes, le Fils de l'Homme se courbe devant la volonté de son Père Céleste : Père, que ta volonté soit faite, et non la mienne ! Mais le Fils ne veut pas que les hommes croient que c'est son Père qui lui a imposé extérieurement la crucifixion. Il ne veut pas que l'on puisse plus tard accuser le Père de l'avoir livré, lui l'Enfant, contre son gré : « Personne ne me prend ma vie, je la donne ! »

C'est pourquoi, le nom de Jésus-Christ est au-dessus de tous les noms sur la terre et dans les cieux. Ce don de soi, qui garde chez les hommes les meilleurs un caractère d'arrachement et qui chez la plupart d'entre nous, ne s'opère qu'à travers des demi-mesures, des atermoiements, des reculades, des hésitations et des regrets, est dans le sacrifice du Seigneur, l'offrande, l'offrande par excellence.

La plus belle offrande ! l'humanité l'attendait, la recherchait depuis des siècles comme l'expression la plus haute de sa vie et de son culte ! Déjà au lendemain même de la Chute, Abel et Caïn dressent les premiers autels où ils déposeront leurs naïves offrandes. Depuis lors, la terre habitée par les hommes verra couler les fleuves de sang répandu par la guerre, par la haine, par le péché sous toutes ses formes ; mais aussi elle verra jaillir, irrésistibles, les sources rafraîchissantes et bénies de l'offrande. Offrandes des bergers, offrandes des patriarches, offrande de la veuve de l'Évangile qui a donné une pite ; toutes ont une grande valeur par la douceur, par la joie, par l'élévation qu'elles ont apportées au coeur de l'homme, mais aucune en particulier ni toutes ensemble n'auraient pu délivrer les hommes de leur misère morale et de leur esclavage. Enfin est venu pour le salut de tous, Celui qui, dans le dépouillement total, a réalisé l'offrande parfaite et a dit devant sa Croix

« Personne ne me prend ma vie. je la donne ! »

21 mars 1943.



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