Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA MAIN DE DIEU



VII

N'aie pas peur de souffrir. Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne de vie.
Apocalypse 2 : 10.


Lectures :
Luc 16: 10-14.



SOUFFRANCE ET FIDÉLITÉ

 Nous sommes rassemblés ce matin, sous le signe de la Fidélité qui est le fondement même de toute vie morale et spirituelle. En dehors d'elle, les sentiments les plus beaux et les plus purs, les réalités les plus saintes ne sont que des exaltations passagères et des élévations éphémères. Rien dans notre vie morale et religieuse n'est durable et solide, rien n'est résistant sans la fidélité. C'est ce que notre texte exprime avec une vigueur peu commune : « Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne de vie ! »

Car, sans fidélité, il n'est rien ici-bas qui puisse prétendre à la couronne de vie, c'est-à-dire à son triomphe, à son épanouissement éternel.

L'amour lui-même le plus rayonnant et le plus réchauffant n'est qu'un feu clignotant appelé à s'éteindre, s'il n'est pas soutenu, alimenté, vivifié par la force qui ne s'écarte pas, qui n'oublie pas, qui n'abandonne pas ; par une force paisible qui à travers tous les changements reste identique à elle-même, immuable et intangible.

Ainsi, pour qu'un foyer connaisse un solide bonheur, il ne suffit pas qu'aux jours de la jeunesse, un homme et une femme unissent leur destin dans un élan du coeur ; il faut qu'à travers toutes les vicissitudes et toutes les variations de l'existence l'un et l'autre restent fidèles ; alors et alors seulement, cet amour, loin de s'affadir dans la monotonie, loin de s'atténuer ou de s'affaiblir dans les combats de l'existence, trouvera tout son développement, tout son épanouissement et recevra ainsi la couronne de la vie.

Il en est de même pour toute vocation, pour toute profession, pour tout métier, pour tout travail. Il ne suffit pas qu'en un jour de ferveur un homme se consacre au service de Dieu, ou qu'il entre dans telle ou telle vocation de service, ou qu'il entreprenne avec ardeur telle ou telle activité. S'il veut vraiment connaître le couronnement de cette vie qu'il a choisie, il faut qu'il soit et qu'il reste obstinément fidèle, jusque dans les plus petites choses, nous dit la parole de Dieu. S'il se décourage, s'il faiblit ou s'il lâche pied avant la couronne de la vie, il perd toute sa vie, dit encore l'Évangile.

Loi auguste et solennelle que l'on n'enfreint jamais impunément ; loi sévère qui châtie toutes les désobéissances, et qui régit non pas seulement le destin d'un homme ou d'un foyer, mais aussi le destin des peuples.

Pour connaître le couronnement de sa vie, il ne suffit pas qu'un peuple inscrive dans son histoire des pages étincelantes de gloire, d'héroïsme et d'amour ; il ne suffit pas qu'il produise à certaines époques des oeuvres éblouissantes de la pensée, de l'art ou de la civilisation ; mais il faut que, génération après génération, il demeure obstinément fidèle, farouchement fidèle ; or cette fidélité se manifeste non pas tellement dans le succès et dans la prospérité que dans l'épreuve et dans le malheur. Un pays qui n'est pas alors fidèle perd sa vie ; et il n'y a que cela, il n'y a que l'infidélité qui peut lui faire perdre la couronne de sa vie. Car tout le reste - ses défaites et ses malheurs, sa pauvreté et sa misère passagères - ne lui est envoyé par le Souverain Maître des peuples et des hommes que pour littéralement l'éprouver, que pour voir s'il est toujours digne de conserver la vie et d'en recevoir la couronne. C'est pourquoi, un peuple, pas plus qu'un homme, n'a à redouter les puissances de la chair et du sang, ni à trembler devant les tyrannies et les contraintes d'ici-bas ; il n'a qu'à craindre et à éviter sa propre infidélité, car elle seule peut l'anéantir, elle seule peut le faire périr ; mais il sort vivant, vainqueur des plus terribles tourmentes s'il reste fidèle, fidèle jusqu'à la mort.

Faisons donc un retour sur nous-mêmes en présence du Dieu qui connaît les plus secrètes pensées comme les actions les plus cachées. Chacun de nous n'a-t-il pas à s'humilier et à se repentir bien plutôt qu'à juger son prochain et à lui adresser d'hypocrites exhortations ? Nous avons confessé que nous étions de pauvres pécheurs. Aucun de nous ne saurait prétendre qu'il a été dans sa vie personnelle, dans sa vie familiale, dans sa vie de citoyen, ou dans sa vie d'homme vraiment fidèle, fidèle jusqu'à la mort. Il ne s'agit pas de prononcer pour cela une condamnation sans miséricorde ; le Dieu de Jésus-Christ, qui sait de quoi nous sommes faits, qui sait que nous ne sommes que poussière, connaît notre faiblesse. Il sait toutes les embûches, toutes les tentations, toutes les sollicitations de la chair ou de l'esprit que ces misérables créatures que nous sommes rencontrent sur leur chemin, et Il est prêt à nous les pardonner par pure grâce à condition toutefois que nous reconnaissions intérieurement notre péché et que nous nous en repentions auprès de Lui.

Je plaindrais l'homme qui n'entendrait pas en s'examinant lui-même cet impérieux appel de conscience. Car cet homme-là montrerait, non pas qu'il est fidèle, mais qu'il ignore exactement ce qu'est la fidélité, et qu'il se contente à très bon compte de lui-même, sinon des autres. Il est d'ailleurs permis de se demander si notre époque n'a pas oublié ce qu'est la fidélité, quel en est le véritable sens, la signification. Un symptôme assez grave qui revient assez souvent est l'expression que l'on emploie volontiers de fidélité absolue. Comment une fidélité pourrait-elle être relative ? Un homme est fidèle ou il ne l'est pas. Il n'y a pas à jouer sur les mots il n'y a pas de degrés ; l'on n'est pas plus ou moins fidèle et il n'y a pas de domaines différents et séparés ; un homme est fidèle dans les petites choses comme dans les grandes ; cela ne dépend pas d'autres réalités ou d'autres personnes que de lui-même ; et il ne peut pas se permettre d'être fidèle ici et infidèle ailleurs.

Ainsi, il n'y a pas de fidélité relative, et il n'y a pas de fidélité absolue. Il n'y a que la fidélité tout court, cette réalité simple, élémentaire, quotidienne et éternelle, solide comme le roc et qui pourtant nous apparaît trop souvent comme merveilleuse et inaccessible.

Mais quel est l'obstacle qui se dresse ainsi entre cette splendeur de la fidélité et la misère de notre pauvre humanité ? Notre texte nous le dit clairement : la peur de souffrir.

N'aie pas peur de souffrir ! Sois fidèle jusqu'à la mort. Et tu auras la couronne de vie !

La peur de souffrir ! Ce sentiment qui peut être lâche, déshonorant et vil, et pourtant si humain et si compréhensible, voilà ce qui explique toutes les infidélités humaines. La peur de souffrir dans son corps ou dans son âme, dans ses aises, dans son confort, dans sa situation, dans ses convictions, ne cherchez pas ailleurs : c'est bien là que réside la source de toutes les trahisons.

L'âme de toute une génération a été chez nous et est encore profondément viciée par cette appréhension néfaste. L'éducation de l'enfance et de la jeunesse n'est-elle pas inspirée depuis longtemps par le désir d'épargner tout effort, par la peur de souffrir et de faire souffrir ? Et n'avons-nous pas assisté lors de la période de prospérité, à un véritable déchaînement de jouissance et à une recherche obsédante de tout ce qui pourrait supprimer ou écarter la souffrance ? Alors il ne faut pas s'étonner ; lorsqu'a sonné l'heure de graves fidélités, la peur, la peur de souffrir, avait déjà accompli dans un grand nombre d'âmes son action néfaste et dissolvante. Et il ne faut pas s'étonner que cela continue.
Ayons une franchise salutaire, car seul le courage de dévoiler le mal peut faire découvrir le remède. Ce qui, à l'heure actuelle, pèse sur des milliers de vies comme un poids mortel, ce n'est pas tellement le fardeau incontestable des difficultés matérielles, mais la peur paralysante, la peur qui étouffe toute joie, la peur qui empoisonne tous les instants, la peur qui réfreine tous les élans et tous les appels, la peur de souffrir. jamais aucune génération, n'a été, semble-t-il marquée d'un signe aussi humiliant. C'est une menace dont on ne saurait exagérer le caractère de gravité, car elle atteint les sources mêmes de la vie de notre peuple. Ce n'est pas sous-estimer la douloureuse question matérielle de ravitaillement qui pèse sur chacun de nos foyers et sur le pays tout entier que de dire que notre peuple ne risque pas seulement, aujourd'hui, de mourir de faim, mais de mourir de peur, de la peur de souffrir. Alors il aurait droit à une couronne, mais ce ne serait pas la couronne de vie ; ce serait une couronne funéraire.

N'aie pas peur de souffrir,
Sois Fidèle jusqu'à la mort,
Je te donnerai la couronne de vie.

Ainsi, dans ce raccourci saisissant, la Parole de Dieu condense bien tout ce qui nous est nécessaire. Car il faut bien reconnaître que la peur est un sentiment naturel, et lorsque nous pensons non seulement à nous-mêmes, mais à nos enfants, à nos jeunes, à nos vieillards, lorsque nous pensons à toutes les promesses de vie fragile qui sont en nous, lorsque nous connaissons notre propre faiblesse, nous ne pouvons faire autrement que de trembler devant la souffrance.

C'est pourquoi, pour dominer en nous cette inquiétude et ce tremblement si humains, Dieu nous donne une assurance qui nous apaise et nous fortifie : Par delà la souffrance et par delà la mort elle-même, je te donnerai la couronne de la vie. Ne sois pas obnubilé par ces questions écrasantes de la douleur et de la mort. Regarde plus haut - regarde à la vie et à sa couronne que personne ne peut te ravir.

Mais pour cela, mes Frères, il faut avoir la foi.
Et en terminant je ferai encore deux remarques.

Tout d'abord, il est incontestable qu'il y a des hommes qui n'ont pas peur de souffrir et qui sont fidèles jusqu'à la mort à cause de leur passion, de leur domination ou de leur péché. Cette fidélité mérite le respect alors même qu'elle est celle de l'aveuglement ou de l'endurcissement. Mais si la cause est mauvaise, quel que soit le courage dans la souffrance ou la fidélité jusqu'à la mort, il ne saurait y avoir au bout ce triomphe de la vie, la couronne de la vie.
Ainsi le courage et la fidélité des hommes ne sont rien en eux-mêmes. C'est la vie qui est au-dessus d'eux qui est tout : cette Vie telle que Dieu la donne dans la personne de son Fils Jésus-Christ et dans la réalité de son glorieux Évangile.

Ensuite, il convient d'observer que l'exhortation de notre texte, Dieu l'adresse tout spécialement à son Église, car c'est bien à la fois la réalité, l'histoire et la mission et la vocation de l'Eglise sur la terre qui nous sont de cette manière si énergiquement retracées. Une Église qui aurait peur de souffrir et ne resterait point fidèle, ne recevrait point de son Dieu la couronne de vie pour la porter aux hommes dans la douleur et dans le deuil ; elle prononcerait ainsi sa propre condamnation, ne serait plus l'Eglise de Dieu et perdrait sa vie.

Or, dans un monde emporté par le flot contradictoire de ses fidélités sanglantes à de ses infidélités mortelles, de ses carnages et de ses sacrifices qui ne sont que des défis à la volonté du Dieu d'amour et de vie, l'Eglise chrétienne n'est pas là pour prêcher une certaine forme de passivité et de résignation qui conviennent trop bien à notre peur humaine de souffrir ; elle n'est pas là pour dévitaliser ou pour efféminer les âmes ; elle est là pour apprendre tout particulièrement aux hommes d'aujourd'hui, à nos enfants et à nos jeunes, à regarder en face leur vie et leur mort, leur souffrance et leur destin à la lumière du Dieu de l'Evangile ; elle est là pour que retentisse avec toutes ses incidences dans notre vie d'hommes, de citoyens et de chrétiens, l'admirable exhortation de la Parole de Dieu au raccourci vainqueur :

« N'aie pas peur de souffrir... Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie. »

17 janvier 1943.



VIII

C'est par la foi que Moïse devenu grand, renonça au titre de fils de la fille du Pharaon, aimant mieux être maltraité avec le peuple de Dieu que de jouir pour un temps des délices du péché : il considérait l'opprobre du Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l'Égypte, parce qu'il regardait à la rémunération.
Hébreux 11: 24-25.



LES DÉCISIONS VIRILES DE LA FOI

Admirons la sollicitude, l'ingéniosité, la hardiesse de la foi prenant les initiatives du salut pour le petit enfant d'Israël au temps des persécutions ordonnées par le roi d'Égypte. Soulignons ce triomphe premier de la foi qui met dans les bras de la fille du Pharaon un de ces petits maudits pour le protéger et pour l'aimer. Le miracle s'accomplit et se déroule selon les plans mêmes de l'amour qui est toujours le plus sûr allié de la foi.

La fille du roi donne au jeune enfant autant de tendresse que le roi son père avait manifesté de cruauté envers cette race. Elle adopte Moïse pour son fils et met à sa disposition toutes les richesses de l'Égypte. Quelle splendide revanche et comme le jeune Israélite peut jouir en paix de cette heureuse fortune qui est, somme toute, une compensation à toute la souffrance de son peuple ! Lui-même va pouvoir aider ce peuple et répandre sur ses frères malheureux des largesses inépuisables ! Une carrière étincelante s'ouvre devant lui, plus brillante encore que celle de Joseph ; car celui-ci n'était que premier ministre tandis que Moïse est le fils de la fille du Pharaon. De quelles forces ne disposera-t-il pas pour la délivrance du peuple de Dieu ! Ah vraiment : Les accomplissements de la foi sont admirables, dirons-nous ; rappelons-nous le petit garçon qui pleurait dans la corbeille, au milieu des roseaux ; c'est maintenant un homme jeune et fort, tout près d'un des plus grands trônes de l'antiquité. C'est alors que la Foi brise tout cet avenir humain ; c'est alors que la Foi rejette Moïse sur les chemins de souffrance et de persécution ; c'est alors qu'elle en fait un fugitif et ensuite un révolté qui tient tête au Pharaon. Qu'est-ce à dire et que signifient ces contradictions ? Alors la Foi n'avait tant lutté pour sauver cet enfant, que pour le précipiter plus tard en des batailles terribles ? Ce ne sont pas des contradictions, ce sont les décisions viriles de la Foi.

C'est bien cela qu'il nous faut comprendre. Il faut savoir nous dépouiller de ces piétés intéressées et à base foncièrement matérialiste. Car la foi n'est pas une mère nourrice qui conserverait perpétuellement son enfant loin des dangers et des luttes de la vie. La foi est là pour accomplir un plan de salut dont les étapes sont souvent héroïques et toujours douloureuses. Ce serait alors la dévier et la rabaisser que d'en faire une simple puissance de philanthropie et que d'attendre d'elle d'éternelles et béates satisfactions. Il est parfois, chez les croyants eux-mêmes, certaines exploitations de la foi qui sont indignes et qui provoquent chez les incroyants des réactions de dégoût et d'écoeurement que nous comprenons fort bien. La foi n'est pas là pour nous maintenir en santé ou pour nous guérir de nos maladies ; elle n'est pas là pour éloigner le plus possible l'heure de notre mort ; elle n'est pas là pour nous conserver nos biens matériels ou pour sauvegarder les idées ou les idéologies qui nous sont chères, ou pour mettre nos personnes, nos foyers, ou notre pays, à l'abri des sacrifices et en dehors de la grande loi universelle de la souffrance.
La foi est là pour accomplir dans nos coeurs, dans nos vies, dans nos foyers, dans notre monde, la volonté suprême et souveraine de notre Dieu. Qui oserait nier que chacun de nous n'ait besoin d'un rappel de cet ordre jusque dans sa piété la plus intime ? Car ce que nous attendons trop souvent de la foi, ce que nous lui demandons obscurément ou clairement, c'est non pas de faire venir le Royaume de Dieu mais notre propre royaume. En ces temps troublés, il est des recours à la foi qui pour être sincères ne sont pourtant pas dépouillés de tout esprit intéressé. Or, il est bon que nous sachions que la mission de la Foi est ici-bas l'avènement de Jésus-Christ, et ceci par le chemin droit, montant et rocailleux. Car la foi ne prend jamais les chemins faciles qui mènent à la perdition, les chemins détournés des mensonges, des compromissions, des arrangements illusoires. Ce qu'elle exige de nous aux heures les plus saintes, ce sont les décisions les plus viriles et les plus coûteuses, et souvent, au point de vue humain, les plus désespérées en même temps que les plus héroïques.

Telle fut l'expérience de Moïse. Parvenu au sommet où il se trouvait, jouissant des honneurs, des avantages et de la puissance qu'il s'était acquis par son titre : fils de la fille du Pharaon, il aurait pu, usant d'habileté, pactiser avec la puissance étrangère, obtenir des adoucissements au sort de ses compatriotes et, qui sait, peut-être même arriver à un traité, à un modus vivendi avantageux pour les siens et lui-même. Ainsi il aurait sauvé sa situation tout en servant humainement son peuple. Quel triomphe ! Et de lui, plus tard, on aurait pu dire : Quel habile politique ! Croyez-le bien, dans certains cercles les admirateurs ne lui auraient pas manqué. Cela était la voie large, la voie facile et agréable sur laquelle il n'aurait point connu les angoisses de la fuite, l'aiguillon de la faim et de la soif, la fatigue des longues marches dans le désert et les murmures mêmes des tribus d'Israël dans leur douloureux exode. Mais alors Moïse n'aurait pas été pour toutes les générations croyantes un exemple de foi. Tout au plus son nom serait-il resté dans l'histoire, à côté de celui de beaucoup d'autres, comme celui d'un rusé diplomate qui, à un moment fugitif et bien éloigné de nous, aurait obtenu pour sa nation des concessions depuis longtemps évanouies. Son nom n'aurait pas été associé dans la gloire qui ne passe pas, à l'oeuvre de libération de son peuple et à la grande et souveraine oeuvre de la Révélation de Dieu parmi les hommes. Tandis que, par la foi, Moïse a été placé devant un choix catégorique ; ou bien il serait et il ne serait jamais que le fils de la fille du Pharaon, avec toutes les facilités, mais aussi toutes les vanités, toutes les illusions de cette gloire éphémère ; ou bien, par la foi, il renoncerait à jouir pour un temps des délices du péché ; il abandonnerait les trésors de l'Égypte pour porter la souffrance du peuple de Dieu, pour se solidariser avec l'opprobre du Christ, pour travailler ainsi au Royaume éternel et participer à la gloire qui ne passe pas.

La décision virile, vous la connaissez :
« C'est par la foi que Moïse devenu grand renonça au titre de fils de la fille du Pharaon, aimant mieux être maltraité avec le peuple de Dieu que de jouir pour un temps des délices du péché ; il considérait l'opprobre du Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l'Égypte parce qu'il regardait à la rémunération. »

Nous remarquerons encore, mes Frères, deux termes dans ce texte. D'abord celui-ci : Moïse devenu grand. En effet, pour ce choix décisif qui engagera toute une vie, la foi attend que Moïse soit devenu grand. Ce n'est pas à un enfant ou à un jeune irréfléchi qu'elle va poser la question redoutable et solennelle. Elle veut un choix qui soit pesé et mûri. Et elle veut que le choix soit pris en toute connaissance de cause. Elle a besoin d'une adhésion libre, personnelle, éclairée, et qui soit par là-même, totale et sans retour.

La foi ne cherche pas des approbations superficielles et qui soient comme des feux de paille, sans lendemain. Voilà pourquoi elle donne à Moïse tout son temps. Elle lui permet de connaître toutes les douceurs matérielles d'une vie confortable à la cour du roi ; elle lui permet de jouir en toute sécurité des délices du péché ; elle ne l'engage pas immédiatement à son service après le geste instinctif qui l'a entraîné à tuer l'Égyptien maltraitant l'Hébreu. La route sera dure, longue et âpre. La foi, pour ses desseins mystérieux, pour son plan héroïque, ne recherche pas des hommes qui s'embarquent sur un coup de tête. Voilà pourquoi Moïse ne reçoit pas son appel et sa vocation immédiatement après le meurtre de l'Égyptien.
La foi lui trouve encore un refuge, un abri, une retraite sûre auprès de Iethro, le prêtre de Madian, dont il épousera la fille. Là il passera des années silencieuses et tranquilles jusqu'au jour où la vocation retentira devant lui, et où la foi lui dira : C'est maintenant l'heure qui décidera de tout ; maintenant, en toute liberté, mais en toute responsabilité, il faut savoir si tu veux la vie facile du pays d'Égypte dans lequel tu peux retourner et être réintégré, car il y a depuis longtemps prescription pour le meurtre de cet Égyptien anonyme, ou si tu veux cette vie de renoncement, de désintéressement, d'abnégation. Ou les jouissances du péché, ou être maltraité avec le peuple de Dieu. Ou toutes les richesses de l'Égypte, ou l'opprobre de Jésus-Christ. Car c'est bien là toujours le choix entre le monde et la Croix de Jésus-Christ qui se propose à travers les événements historiques, à travers même les contingences humaines de notre vie. Cela dépasse infiniment le caractère localisé dans le temps et dans l'espace. C'est Jésus-Christ qui est là éternellement, avant comme après sa venue sur la terre. Et c'est à l'homme devenu grand, à l'homme majeur, à l'homme responsable de lui-même et de sa décision devant son Dieu et devant sa vie qu'il appartient de faire connaître son choix.

Cela n'a point changé et ne changera point. La foi n'impose pas, par des contraintes extérieures, aux lâches, aux timides, aux hésitants des décisions de salut ; elle les attend avec le calme et la certitude de ceux qui ont grandi dans sa lumière. Lorsqu'ainsi des hommes sont à un des grands carrefours de la vie, il faut qu'ils sachent que la foi qui les sauve ne peut pas opérer contre eux, envers eux, malgré eux, mais qu'elle attend le don spontané de leur coeur dans une décision virile.

Il est maintenant un second terme que je voudrais souligner en terminant, et c'est celui-ci : Moïse aima mieux ! Il aima mieux ! La discussion est close ! On ne raisonne pas ! On ne perd pas son temps à peser le pour et le contre, l'avantage et l'inconvénient, l'intérêt présent et l'intérêt lointain ! L'homme a des préférences ; elles sont prééminentes en lui, surtout lorsque ces préférences viennent de sa foi 

Moïse aima mieux être maltraité que de jouir. Moïse aima mieux l'opprobre du Christ que les trésors de l'Égypte.
D'autres, beaucoup plus nombreux, aimèrent mieux jouir que d'être maltraités, aimèrent mieux les trésors de l'Égypte que l'opprobre du Christ.
Vouloir les concilier, c'est une tâche impossible. Vouloir raisonner leurs préférences, c'est inutile. Devant des positions aussi radicales et devant des hommes majeurs, c'est perdre son temps que de vouloir un dosage, un mélange, une harmonie des inconciliables.
Les uns et les autres savent qu'il faut choisir ici-bas la souffrance ou la jouissance. Mais ce que Moïse savait c'est que pour les uns comme pour les autres, il y a au bout la rémunération.

Car on ne se moque pas de Dieu. Ce que l'homme aura semé il le moissonnera.

29 novembre 1942.


Table des matières

 

- haut de page -