Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
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Bibliothèque chrétienne online EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON - 1Thess. 5: 21 - (Notre confession de foi: ici) |
Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
LA MAIN DE
DIEU
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N'aie pas
peur de souffrir. Sois fidèle
jusqu'à la mort et je te donnerai
la couronne de vie. |
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SOUFFRANCE ET FIDÉLITÉ
Nous sommes rassemblés ce matin,
sous le signe de la Fidélité qui est
le fondement même de toute vie morale et
spirituelle. En dehors d'elle, les sentiments les
plus beaux et les plus purs, les
réalités les plus saintes ne sont que
des exaltations passagères et des
élévations
éphémères. Rien dans notre vie
morale et religieuse n'est durable et solide, rien
n'est résistant sans la
fidélité. C'est ce que notre texte
exprime avec une vigueur peu commune :
« Sois fidèle jusqu'à la
mort et je te donnerai la couronne de
vie ! »
Car, sans fidélité, il
n'est rien ici-bas qui puisse prétendre
à la couronne de vie, c'est-à-dire
à son triomphe, à son
épanouissement éternel.
L'amour lui-même le plus rayonnant
et le plus réchauffant n'est qu'un feu
clignotant appelé à
s'éteindre, s'il n'est pas soutenu,
alimenté, vivifié par la force qui ne
s'écarte pas, qui n'oublie pas, qui
n'abandonne pas ; par une force paisible qui
à travers tous les changements reste
identique à elle-même, immuable et
intangible.
Ainsi, pour qu'un foyer connaisse un
solide bonheur, il ne suffit pas qu'aux jours de la
jeunesse, un homme et une femme unissent leur
destin dans un élan du coeur ; il faut
qu'à travers toutes les vicissitudes et
toutes les variations de l'existence l'un et
l'autre restent fidèles ; alors et
alors seulement, cet amour, loin de s'affadir dans
la monotonie, loin de s'atténuer ou de
s'affaiblir dans les combats de l'existence,
trouvera tout son développement, tout son
épanouissement et recevra ainsi la couronne
de la vie.
Il en est de même pour toute
vocation, pour toute profession, pour tout
métier, pour tout travail. Il ne suffit pas
qu'en un jour de ferveur un homme se consacre au
service de Dieu, ou qu'il entre dans telle ou telle
vocation de service, ou qu'il entreprenne avec
ardeur telle ou telle activité. S'il veut
vraiment connaître le couronnement de cette
vie qu'il a choisie, il faut qu'il soit et qu'il
reste obstinément fidèle, jusque dans
les plus petites choses, nous dit la parole de
Dieu. S'il se décourage, s'il faiblit ou
s'il lâche pied avant la couronne de la vie,
il perd toute sa vie, dit encore
l'Évangile.
Loi auguste et solennelle que l'on
n'enfreint jamais impunément ; loi
sévère qui châtie toutes les
désobéissances, et qui régit
non pas seulement le destin d'un homme ou d'un
foyer, mais aussi le destin des peuples.
Pour connaître le couronnement de
sa vie, il ne suffit pas qu'un peuple inscrive dans
son histoire des pages étincelantes de
gloire, d'héroïsme et d'amour ; il
ne suffit pas qu'il produise à certaines
époques des oeuvres éblouissantes de
la pensée, de l'art ou de la
civilisation ; mais il faut que,
génération après
génération, il demeure
obstinément fidèle, farouchement
fidèle ; or cette
fidélité se manifeste non pas
tellement dans le succès et dans la
prospérité que dans l'épreuve
et dans le malheur. Un pays qui n'est pas alors
fidèle perd sa vie ; et il n'y a que
cela, il n'y a que l'infidélité qui
peut lui faire perdre la couronne de sa vie. Car
tout le reste - ses
défaites et ses malheurs, sa pauvreté
et sa misère passagères - ne lui est
envoyé par le Souverain Maître des
peuples et des hommes que pour littéralement
l'éprouver, que pour voir s'il est toujours
digne de conserver la vie et d'en recevoir la
couronne. C'est pourquoi, un peuple, pas plus qu'un
homme, n'a à redouter les puissances de la
chair et du sang, ni à trembler devant les
tyrannies et les contraintes d'ici-bas ; il
n'a qu'à craindre et à éviter
sa propre infidélité, car elle seule
peut l'anéantir, elle seule peut le faire
périr ; mais il sort vivant, vainqueur
des plus terribles tourmentes s'il reste
fidèle, fidèle jusqu'à la
mort.
Faisons donc un retour sur
nous-mêmes en présence du Dieu qui
connaît les plus secrètes
pensées comme les actions les plus
cachées. Chacun de nous n'a-t-il pas
à s'humilier et à se repentir bien
plutôt qu'à juger son prochain et
à lui adresser d'hypocrites
exhortations ? Nous avons confessé que
nous étions de pauvres pécheurs.
Aucun de nous ne saurait prétendre qu'il a
été dans sa vie personnelle, dans sa
vie familiale, dans sa vie de citoyen, ou dans sa
vie d'homme vraiment fidèle, fidèle
jusqu'à la mort. Il ne s'agit pas de
prononcer pour cela une condamnation sans
miséricorde ; le Dieu de
Jésus-Christ, qui sait de quoi nous sommes
faits, qui sait que nous ne sommes que
poussière, connaît notre faiblesse. Il
sait toutes les embûches, toutes les
tentations, toutes les sollicitations de la chair
ou de l'esprit que ces misérables
créatures que nous sommes rencontrent sur
leur chemin, et Il est prêt à nous les
pardonner par pure grâce à condition
toutefois que nous reconnaissions
intérieurement notre péché et
que nous nous en repentions auprès de
Lui.
Je plaindrais l'homme qui n'entendrait
pas en s'examinant lui-même cet
impérieux appel de conscience. Car cet
homme-là montrerait, non pas qu'il est
fidèle, mais qu'il ignore exactement ce
qu'est la fidélité, et qu'il se
contente à très bon
compte de lui-même, sinon des autres. Il est
d'ailleurs permis de se demander si notre
époque n'a pas oublié ce qu'est la
fidélité, quel en est le
véritable sens, la signification. Un
symptôme assez grave qui revient assez
souvent est l'expression que l'on emploie
volontiers de fidélité absolue.
Comment une fidélité pourrait-elle
être relative ? Un homme est
fidèle ou il ne l'est pas. Il n'y a pas
à jouer sur les mots il n'y a pas de
degrés ; l'on n'est pas plus ou moins
fidèle et il n'y a pas de domaines
différents et séparés ;
un homme est fidèle dans les petites choses
comme dans les grandes ; cela ne dépend
pas d'autres réalités ou d'autres
personnes que de lui-même ; et il ne
peut pas se permettre d'être fidèle
ici et infidèle ailleurs.
Ainsi, il n'y a pas de
fidélité relative, et il n'y a pas de
fidélité absolue. Il n'y a que la
fidélité tout court, cette
réalité simple,
élémentaire, quotidienne et
éternelle, solide comme le roc et qui
pourtant nous apparaît trop souvent comme
merveilleuse et inaccessible.
Mais quel est l'obstacle qui se dresse
ainsi entre cette splendeur de la
fidélité et la misère de notre
pauvre humanité ? Notre texte nous le
dit clairement : la peur de souffrir.
N'aie pas peur de souffrir ! Sois
fidèle jusqu'à la mort. Et tu auras
la couronne de vie !
La peur de souffrir ! Ce sentiment
qui peut être lâche, déshonorant
et vil, et pourtant si humain et si
compréhensible, voilà ce qui explique
toutes les infidélités humaines. La
peur de souffrir dans son corps ou dans son
âme, dans ses aises, dans son confort, dans
sa situation, dans ses convictions, ne cherchez pas
ailleurs : c'est bien là que
réside la source de toutes les
trahisons.
L'âme de toute une
génération a été chez
nous et est encore profondément
viciée par cette appréhension
néfaste. L'éducation de l'enfance et
de la jeunesse n'est-elle pas inspirée
depuis longtemps par le désir
d'épargner tout effort, par la peur de
souffrir et de faire souffrir ? Et
n'avons-nous pas assisté
lors de la période de
prospérité, à un
véritable déchaînement de
jouissance et à une recherche
obsédante de tout ce qui pourrait supprimer
ou écarter la souffrance ? Alors il ne
faut pas s'étonner ; lorsqu'a
sonné l'heure de graves
fidélités, la peur, la peur de
souffrir, avait déjà accompli dans un
grand nombre d'âmes son action néfaste
et dissolvante. Et il ne faut pas s'étonner
que cela continue.
Ayons une franchise salutaire, car seul
le courage de dévoiler le mal peut faire
découvrir le remède. Ce qui, à
l'heure actuelle, pèse sur des milliers de
vies comme un poids mortel, ce n'est pas tellement
le fardeau incontestable des difficultés
matérielles, mais la peur paralysante, la
peur qui étouffe toute joie, la peur qui
empoisonne tous les instants, la peur qui
réfreine tous les élans et tous les
appels, la peur de souffrir. jamais aucune
génération, n'a été,
semble-t-il marquée d'un signe aussi
humiliant. C'est une menace dont on ne saurait
exagérer le caractère de
gravité, car elle atteint les sources
mêmes de la vie de notre peuple. Ce n'est pas
sous-estimer la douloureuse question
matérielle de ravitaillement qui pèse
sur chacun de nos foyers et sur le pays tout entier
que de dire que notre peuple ne risque pas
seulement, aujourd'hui, de mourir de faim, mais de
mourir de peur, de la peur de souffrir. Alors il
aurait droit à une couronne, mais ce ne
serait pas la couronne de vie ; ce serait une
couronne funéraire.
- N'aie pas peur de souffrir,
Sois Fidèle jusqu'à la mort,
Je te donnerai la couronne de vie.
Ainsi, dans ce raccourci saisissant, la Parole
de Dieu condense bien tout ce qui nous est
nécessaire. Car il faut bien
reconnaître que la peur est un sentiment
naturel, et lorsque nous pensons non seulement
à nous-mêmes, mais à nos
enfants, à nos jeunes, à nos
vieillards, lorsque nous pensons à toutes
les promesses de vie fragile qui sont en nous,
lorsque nous connaissons notre propre faiblesse,
nous ne pouvons faire autrement
que de trembler devant la souffrance.
C'est pourquoi, pour dominer en nous
cette inquiétude et ce tremblement si
humains, Dieu nous donne une assurance qui nous
apaise et nous fortifie : Par delà la
souffrance et par delà la mort
elle-même, je te donnerai la couronne de la
vie. Ne sois pas obnubilé par ces questions
écrasantes de la douleur et de la mort.
Regarde plus haut - regarde à la vie et
à sa couronne que personne ne peut te
ravir.
Mais pour cela, mes Frères,
il faut avoir la foi.
Et en terminant je ferai encore deux
remarques.
Tout d'abord, il est incontestable
qu'il y a des hommes qui n'ont pas peur de souffrir
et qui sont fidèles jusqu'à la mort
à cause de leur passion, de leur domination
ou de leur péché. Cette
fidélité mérite le respect
alors même qu'elle est celle de l'aveuglement
ou de l'endurcissement. Mais si la cause est
mauvaise, quel que soit le courage dans la
souffrance ou la fidélité
jusqu'à la mort, il ne saurait y avoir au
bout ce triomphe de la vie, la couronne de la
vie.
Ainsi le courage et la
fidélité des hommes ne sont rien en
eux-mêmes. C'est la vie qui est au-dessus
d'eux qui est tout : cette Vie telle que Dieu
la donne dans la personne de son Fils
Jésus-Christ et dans la
réalité de son glorieux
Évangile.
Ensuite, il convient d'observer que
l'exhortation de notre texte, Dieu l'adresse tout
spécialement à son Église, car
c'est bien à la fois la
réalité, l'histoire et la mission et
la vocation de l'Eglise sur la terre qui nous sont
de cette manière si énergiquement
retracées. Une Église qui aurait peur
de souffrir et ne resterait point fidèle, ne
recevrait point de son Dieu la couronne de vie pour
la porter aux hommes dans la douleur et dans le
deuil ; elle prononcerait ainsi sa propre
condamnation, ne serait plus l'Eglise de Dieu et
perdrait sa vie.
Or, dans un monde emporté par
le flot contradictoire de ses
fidélités sanglantes à de ses
infidélités mortelles, de ses
carnages et de ses sacrifices qui ne sont que des
défis à la volonté du Dieu
d'amour et de vie, l'Eglise chrétienne n'est
pas là pour prêcher une certaine forme
de passivité et de résignation qui
conviennent trop bien à notre peur humaine
de souffrir ; elle n'est pas là pour
dévitaliser ou pour efféminer les
âmes ; elle est là pour apprendre
tout particulièrement aux hommes
d'aujourd'hui, à nos enfants et à nos
jeunes, à regarder en face leur vie et leur
mort, leur souffrance et leur destin à la
lumière du Dieu de l'Evangile ; elle
est là pour que retentisse avec toutes ses
incidences dans notre vie d'hommes, de citoyens et
de chrétiens, l'admirable exhortation de la
Parole de Dieu au raccourci
vainqueur :
« N'aie pas peur de
souffrir... Sois fidèle jusqu'à la
mort, et je te donnerai la couronne de
vie. »
17 janvier 1943.
VIII
C'est par
la foi que Moïse devenu grand,
renonça au titre de fils de la
fille du Pharaon, aimant mieux être
maltraité avec le peuple de Dieu
que de jouir pour un temps des
délices du
péché : il
considérait l'opprobre du Christ
comme une richesse plus grande que les
trésors de l'Égypte, parce
qu'il regardait à la
rémunération. |
|
LES DÉCISIONS VIRILES DE LA FOI
Admirons la sollicitude,
l'ingéniosité, la hardiesse de la foi
prenant les initiatives du salut pour le petit
enfant d'Israël au temps des
persécutions ordonnées par le roi
d'Égypte. Soulignons ce triomphe premier de
la foi qui met dans les bras de la fille du Pharaon
un de ces petits maudits pour le protéger et
pour l'aimer. Le miracle s'accomplit et se
déroule selon les plans mêmes de
l'amour qui est toujours le plus sûr
allié de la foi.
La fille du roi donne au jeune enfant
autant de tendresse que le roi son père
avait manifesté de cruauté envers
cette race. Elle adopte Moïse pour son fils et
met à sa disposition toutes les richesses de
l'Égypte. Quelle splendide revanche et comme
le jeune Israélite peut jouir en paix de
cette heureuse fortune qui est, somme toute, une
compensation à toute la souffrance de son
peuple ! Lui-même va pouvoir aider ce
peuple et répandre sur ses frères
malheureux des largesses inépuisables !
Une carrière étincelante s'ouvre
devant lui, plus brillante encore
que celle de Joseph ; car celui-ci
n'était que premier ministre tandis que
Moïse est le fils de la fille du Pharaon. De
quelles forces ne disposera-t-il pas pour la
délivrance du peuple de Dieu ! Ah
vraiment : Les accomplissements de la foi sont
admirables, dirons-nous ; rappelons-nous le
petit garçon qui pleurait dans la corbeille,
au milieu des roseaux ; c'est maintenant un
homme jeune et fort, tout près d'un des plus
grands trônes de l'antiquité. C'est
alors que la Foi brise tout cet avenir
humain ; c'est alors que la Foi rejette
Moïse sur les chemins de souffrance et de
persécution ; c'est alors qu'elle en
fait un fugitif et ensuite un révolté
qui tient tête au Pharaon. Qu'est-ce à
dire et que signifient ces contradictions ?
Alors la Foi n'avait tant lutté pour sauver
cet enfant, que pour le précipiter plus tard
en des batailles terribles ? Ce ne sont pas
des contradictions, ce sont les décisions
viriles de la Foi.
C'est bien cela qu'il nous faut
comprendre. Il faut savoir nous dépouiller
de ces piétés
intéressées et à base
foncièrement matérialiste. Car la foi
n'est pas une mère nourrice qui conserverait
perpétuellement son enfant loin des dangers
et des luttes de la vie. La foi est là pour
accomplir un plan de salut dont les étapes
sont souvent héroïques et toujours
douloureuses. Ce serait alors la dévier et
la rabaisser que d'en faire une simple puissance de
philanthropie et que d'attendre d'elle
d'éternelles et béates satisfactions.
Il est parfois, chez les croyants eux-mêmes,
certaines exploitations de la foi qui sont indignes
et qui provoquent chez les incroyants des
réactions de dégoût et
d'écoeurement que nous comprenons fort bien.
La foi n'est pas là pour nous maintenir en
santé ou pour nous guérir de nos
maladies ; elle n'est pas là pour
éloigner le plus possible l'heure de notre
mort ; elle n'est pas là pour nous
conserver nos biens matériels ou pour
sauvegarder les idées ou les
idéologies qui nous sont chères, ou
pour mettre nos personnes, nos foyers, ou notre
pays, à l'abri des sacrifices et en dehors
de la grande loi universelle de
la souffrance.
La foi est là pour accomplir dans
nos coeurs, dans nos vies, dans nos foyers, dans
notre monde, la volonté suprême et
souveraine de notre Dieu. Qui oserait nier que
chacun de nous n'ait besoin d'un rappel de cet
ordre jusque dans sa piété la plus
intime ? Car ce que nous attendons trop
souvent de la foi, ce que nous lui demandons
obscurément ou clairement, c'est non pas de
faire venir le Royaume de Dieu mais notre propre
royaume. En ces temps troublés, il est des
recours à la foi qui pour être
sincères ne sont pourtant pas
dépouillés de tout esprit
intéressé. Or, il est bon que nous
sachions que la mission de la Foi est ici-bas
l'avènement de Jésus-Christ, et ceci
par le chemin droit, montant et rocailleux. Car la
foi ne prend jamais les chemins faciles qui
mènent à la perdition, les chemins
détournés des mensonges, des
compromissions, des arrangements illusoires. Ce
qu'elle exige de nous aux heures les plus saintes,
ce sont les décisions les plus viriles et
les plus coûteuses, et souvent, au point de
vue humain, les plus
désespérées en même
temps que les plus héroïques.
Telle fut l'expérience de
Moïse. Parvenu au sommet où il se
trouvait, jouissant des honneurs, des avantages et
de la puissance qu'il s'était acquis par son
titre : fils de la fille du Pharaon, il aurait
pu, usant d'habileté, pactiser avec la
puissance étrangère, obtenir des
adoucissements au sort de ses compatriotes et, qui
sait, peut-être même arriver à
un traité, à un modus vivendi
avantageux pour les siens et lui-même. Ainsi
il aurait sauvé sa situation tout en servant
humainement son peuple. Quel triomphe ! Et de
lui, plus tard, on aurait pu dire : Quel
habile politique ! Croyez-le bien, dans
certains cercles les admirateurs ne lui auraient
pas manqué. Cela était la voie large,
la voie facile et agréable sur laquelle il
n'aurait point connu les angoisses de la fuite,
l'aiguillon de la faim et de la soif, la fatigue
des longues marches dans le désert et les
murmures mêmes des tribus
d'Israël dans leur
douloureux exode. Mais alors Moïse n'aurait
pas été pour toutes les
générations croyantes un exemple de
foi. Tout au plus son nom serait-il resté
dans l'histoire, à côté de
celui de beaucoup d'autres, comme celui d'un
rusé diplomate qui, à un moment
fugitif et bien éloigné de nous,
aurait obtenu pour sa nation des concessions depuis
longtemps évanouies. Son nom n'aurait pas
été associé dans la gloire qui
ne passe pas, à l'oeuvre de
libération de son peuple et à la
grande et souveraine oeuvre de la
Révélation de Dieu parmi les hommes.
Tandis que, par la foi, Moïse a
été placé devant un choix
catégorique ; ou bien il serait et il
ne serait jamais que le fils de la fille du
Pharaon, avec toutes les facilités, mais
aussi toutes les vanités, toutes les
illusions de cette gloire
éphémère ; ou bien, par
la foi, il renoncerait à jouir pour un temps
des délices du péché ; il
abandonnerait les trésors de l'Égypte
pour porter la souffrance du peuple de Dieu, pour
se solidariser avec l'opprobre du Christ, pour
travailler ainsi au Royaume éternel et
participer à la gloire qui ne passe
pas.
La décision virile, vous la
connaissez :
« C'est par la foi que
Moïse devenu grand renonça au titre de
fils de la fille du Pharaon, aimant mieux
être maltraité avec le peuple de Dieu
que de jouir pour un temps des délices du
péché ; il considérait
l'opprobre du Christ comme une richesse plus grande
que les trésors de l'Égypte parce
qu'il regardait à la
rémunération. »
Nous remarquerons encore, mes
Frères, deux termes dans ce texte. D'abord
celui-ci : Moïse devenu grand. En effet,
pour ce choix décisif qui engagera toute une
vie, la foi attend que Moïse soit devenu
grand. Ce n'est pas à un enfant ou à
un jeune irréfléchi qu'elle va poser
la question redoutable et solennelle. Elle veut un
choix qui soit pesé et mûri. Et elle
veut que le choix soit pris en toute connaissance
de cause. Elle a besoin d'une adhésion
libre, personnelle, éclairée, et qui
soit par là-même, totale et sans
retour.
La foi ne cherche pas des approbations
superficielles et qui soient comme des feux de
paille, sans lendemain. Voilà pourquoi elle
donne à Moïse tout son temps. Elle lui
permet de connaître toutes les douceurs
matérielles d'une vie confortable à
la cour du roi ; elle lui permet de jouir en
toute sécurité des délices du
péché ; elle ne l'engage pas
immédiatement à son service
après le geste instinctif qui l'a
entraîné à tuer
l'Égyptien maltraitant l'Hébreu. La
route sera dure, longue et âpre. La foi, pour
ses desseins mystérieux, pour son plan
héroïque, ne recherche pas des hommes
qui s'embarquent sur un coup de tête.
Voilà pourquoi Moïse ne reçoit
pas son appel et sa vocation immédiatement
après le meurtre de l'Égyptien.
La foi lui trouve encore un refuge, un
abri, une retraite sûre auprès de
Iethro, le prêtre de Madian, dont il
épousera la fille. Là il passera des
années silencieuses et tranquilles jusqu'au
jour où la vocation retentira devant lui, et
où la foi lui dira : C'est maintenant
l'heure qui décidera de tout ;
maintenant, en toute liberté, mais en toute
responsabilité, il faut savoir si tu veux la
vie facile du pays d'Égypte dans lequel tu
peux retourner et être
réintégré, car il y a depuis
longtemps prescription pour le meurtre de cet
Égyptien anonyme, ou si tu veux cette vie de
renoncement, de désintéressement,
d'abnégation. Ou les jouissances du
péché, ou être maltraité
avec le peuple de Dieu. Ou toutes les richesses de
l'Égypte, ou l'opprobre de
Jésus-Christ. Car c'est bien là
toujours le choix entre le monde et la Croix de
Jésus-Christ qui se propose à travers
les événements historiques, à
travers même les contingences humaines de
notre vie. Cela dépasse infiniment le
caractère localisé dans le temps et
dans l'espace. C'est Jésus-Christ qui est
là éternellement, avant comme
après sa venue sur la terre. Et c'est
à l'homme devenu grand, à l'homme
majeur, à l'homme responsable de
lui-même et de sa décision devant son
Dieu et devant sa vie qu'il appartient de faire
connaître son choix.
Cela n'a point changé et ne
changera point. La foi n'impose pas, par des
contraintes extérieures, aux lâches,
aux timides, aux hésitants des
décisions de salut ; elle les attend
avec le calme et la certitude de ceux qui ont
grandi dans sa lumière. Lorsqu'ainsi des
hommes sont à un des grands carrefours de la
vie, il faut qu'ils sachent que la foi qui les
sauve ne peut pas opérer contre eux, envers
eux, malgré eux, mais qu'elle attend le don
spontané de leur coeur dans une
décision virile.
Il est maintenant un second terme que je
voudrais souligner en terminant, et c'est
celui-ci : Moïse aima mieux ! Il
aima mieux ! La discussion est close ! On
ne raisonne pas ! On ne perd pas son temps
à peser le pour et le contre, l'avantage et
l'inconvénient, l'intérêt
présent et l'intérêt
lointain ! L'homme a des
préférences ; elles sont
prééminentes en lui, surtout lorsque
ces préférences viennent de sa
foi
Moïse aima mieux être
maltraité que de jouir. Moïse aima
mieux l'opprobre du Christ que les trésors
de l'Égypte.
D'autres, beaucoup plus nombreux,
aimèrent mieux jouir que d'être
maltraités, aimèrent mieux les
trésors de l'Égypte que l'opprobre du
Christ.
Vouloir les concilier, c'est une
tâche impossible. Vouloir raisonner leurs
préférences, c'est inutile. Devant
des positions aussi radicales et devant des hommes
majeurs, c'est perdre son temps que de vouloir un
dosage, un mélange, une harmonie des
inconciliables.
Les uns et les autres savent qu'il faut
choisir ici-bas la souffrance ou la jouissance.
Mais ce que Moïse savait c'est que pour les
uns comme pour les autres, il y a au bout la
rémunération.
Car on ne se moque pas de Dieu. Ce que
l'homme aura semé il le moissonnera.
29 novembre 1942.
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