Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Nous les jeunes

 

Nous désirons aborder, simplement, un sujet sérieux, et parler naturellement de choses naturelles. Nous ne voulons pas nous placer à un point de vue déterminé, et nous y cantonner, mais ouvrir une voie, dans laquelle nous pourrons aller de l'avant. Un point de vue, si élevé soit-il, ne mène nulle part. Les théories et les doctrines ne nous sont d'aucun secours ; il nous faut des FAITS. Ce livre veut appeler à l'action, dans un domaine qui nous touche de plus près qu'aucun autre, nous, les jeunes hommes !

La vie sexuelle est, pour nous, un problème à résoudre, mais ce problème n'est pas insoluble ; la nature renferme dans son sein les éléments nécessaires à la solution, et elle indique le chemin à qui le cherche. Mais chacun doit le parcourir pour son propre compte.

Nous ne prendrons pas, pour point de départ, certaines « lois », soi-disant « éternelles », qui peuvent se formuler et se comprendre de tant de manières différentes, mais bien l'état réel de notre mentalité actuelle. Les premières pages de cet ouvrage décrivent cet état, il vaudra donc la peine de les méditer.

Les jeunes célibataires se préoccupent beaucoup de leur futur mariage. C'est en ma qualité de jeune mari, qui a mis en pratique les principes qu'il préconise, que je parlerai à mes camarades célibataires. Car notre responsabilité à l'égard du bonheur de notre mariage ne commence pas le jour où il se conclut, seulement ; les conditions essentielles de ce bonheur se trouvent dans une jeunesse qui, loin de gaspiller ses forces, les a conservées et augmentées.

HANS WEGENER

 


I.

L'HONNEUR DE L'HOMME
À NOTRE ÉPOQUE

« CE NE SONT JAMAIS LES DERNIERS QUI DONNENT L'IMPULSION, MAIS LES PREMIERS »

BJÖRNSON

On a si souvent dit, et de tant de manières, que nous vivons à une époque d'évolution continuelle, que beaucoup d'entre nous ne peuvent plus supporter qu'on en parle. Ils ne voient que la décadence de « l'antique honneur » et « l'absence d'idéal » chez ceux qui regardent vers l'avenir ; ils se plaignent de cette décadence, et raillent cette absence d'idéal. Mais l'histoire leur apprendra que des périodes d'évolution, comme l'époque actuelle, sont simultanément des périodes de décadence et des périodes de recherches, de formations nouvelles et inexpliquées ; elles ressemblent à un travail d'enfantement pendant lequel la vie est exposée à un réel danger pour enfanter une existence nouvelle. Et c'est bien une vie nouvelle qui est sur le point d'éclore maintenant.

Obéissant à cette impulsion intérieure, aussi mystérieuse qu'irrésistible, qui sans relâche la pousse en avant, l'humanité s'apprête à faire, une fois de plus, un pas dans la voie du progrès.

Si beaucoup d'entre nous, jeunes hommes, n'ont pas encore constaté, à notre époque et dans notre peuple, cette impulsion intérieure, cela provient de ce qu'un pénible sentiment de mécontentement règne parmi nous. Et ce sentiment de malaise semble augmenter en proportion des biens et des avantages que la civilisation actuelle met, chaque jour plus nombreux, à notre portée. Qu'est-elle, au fond, cette civilisation ? Je ne l'ai pas observée seulement dans le cercle étroit d'une petite ville, j'ai vécu dans ses centres classiques, dans les capitales de l'Europe, où les rapports entre les hommes sont les plus fréquents, où cette civilisation apporte ses produits sur le marché, et où les hommes en débattent les prix. Et qu'a-t-elle donc à nous offrir de nouveau ou d'important ? Des choses, rien que des choses ! et toutes produites en vue de la satisfaction des besoins matériels, de la jouissance et du luxe. Tout le monde produit des choses ; toute la science technique, si raffinée soit-elle, est au service de cette production, afin que les choses soient mieux fabriquées, plus vite, et à meilleur marché. L'homme ne paraît exister que pour les choses.

Le progrès semble ne résider que dans l'industrie. Et ce qui est le plus généralement estimé, c'est l'argent, qui joue le rôle principal dans la civilisation vieillissante, telle que nous pouvons la contempler.

C'est à la machine que nous devons cette grande révolution dans la civilisation, au cours de laquelle l'homme, au lieu d'être le maître de la machine et des choses, est devenu leur esclave. La machine a enlevé à notre travail la variété, l'individualité ; nous sommes en train de devenir nous-mêmes des machines, et de laisser notre vie se dérouler comme le fil se dévide de la bobine, ce qui est juste le contraire de cet état supérieur auquel, par suite de développements organiques, nous devrions aboutir.

Mais voilà que depuis quelques années, « l'évangile de la personnalité » retentit dans le vide causé par cette existence impersonnelle et toute végétative ; et nous ne pouvons plus nous dissimuler que, derrière notre manière de voir actuelle, il existe un prisonnier qui réclame de l'air et de la lumière, parce que sans air et sans lumière il est condamné à périr. Un cri passionné de ce « moi » prisonnier a été la première protestation contre le règne de la machine, de la chose et de l'argent, et cela nous indique dans quelle direction le renouveau s'opérera. Il ne peut en être autrement ; il faut que le règne de la matière fasse place au développement de la personnalité. Il est possible que nous ayons des pensées absurdes sur ce renouveau, et que nous ne soyons pas encore au clair sur son développement futur, mais notre coeur vibrant l'appelle, car nous sentons que, maintenant, ce n'est plus seulement de nos sens, de nos pensées, de notre activité qu'il s'agit, mais de nous-mêmes, de notre vie, de notre être tout entier, de notre personnalité. Nous ne voulons plus ressembler à des automates qui, pour de l'argent, font des mouvements prescrits, mais nous voulons être des hommes capables de supporter l'air vivifiant de la liberté.

Il est probable que le « moi », si longtemps tenu sous tutelle, aura perdu l'habitude de porter le sceptre. Les premiers essais de son règne seront peut-être malhabiles, mais, de même que les premiers pas chancelants d'un bébé nous réjouissent, les premiers signes de la vitalité du jeune « moi » nous réjouissent aussi, et nous avons la ferme confiance que chaque personnalité viable prospérera dans la liberté, et se créera la forme d'existence nécessaire à son propre développement.

Et c'est ainsi - bien que tous ne le reconnaissent pas - qu'une révolution sans précédent s'opère sous nos yeux. Beaucoup de choses, reconnues jusqu'ici comme honorables et sacrées, chancellent sur leur base et ne sont pas loin de la chute. Déjà de dangereuses fissures se produisent dans le monument géant de notre civilisation, et des valeurs nouvelles sortent de profondeurs immenses et insondables. Les générations futures nous envieront, peut-être, d'avoir été les témoins de ces débuts. En attendant, le privilège dont nous jouissons d'assister à cette éclosion nous oblige à y prendre part. Ce qui sortira du combat entre la matière et la personnalité sera quelque chose d'organique, qui aura crû tout naturellement. Nous assistons au combat naturel et nécessaire de la vie contre la « mécanisation » de la vie, à la lutte inévitable entre la vérité intérieure et la routine extérieure. La croissance de ce nouveau principe ne se fera pas à coups de décrets et de lois, mais elle s'opérera lentement, dans le silence, par une lutte opiniâtre et conquérante qui envahira, l'un après l'autre, chacun des domaines de la vie jusqu'à ce que... mais nous ne connaissons pas le but final.

Nous avons déjà reconnu le souffle de cet esprit nouveau dans l'art, et nous avons perçu son murmure dans le cours de la vie sociale. Mais il ne se contente pas d'envahir les vastes domaines de la vie commune, il vise un but plus élevé, plus difficile à atteindre, il veut pénétrer dans le sanctuaire de notre vie intime. Car c'est le « moi » qui a été le promoteur de la tempête ! Comment serait-il possible qu'un orage ainsi provoqué n'arrache et ne détruise pas tout ce qui est contraire à la personnalité ?

Les natures craintives - et il y en a beaucoup - ne se hasardent pas où sévit la tempête. Pour elles, ce qui était contre nature est devenu naturel, et elles s'y sont attachées avec toute la ténacité incorrigible de la routine. Mais - ici les barrières ne serviront à rien - il faudra laisser pénétrer l'orage dans notre vie personnelle, et au souffle de cette tempête, surgira une culture nouvelle à laquelle tout être humain sera tenu de participer.

Ne les voyez-vous pas, ces natures craintives, tomber à droite et à gauche ? Elles ont échoué là, comme après une nuit d'orgie. La coupe enivrante de l'ancienne civilisation leur a bien paru parfois écoeurante, mais elles n'ont jamais su, ou voulu combattre leur apathie par un autre moyen que celui qui les avait rendues inaptes à la lutte. Elles n'étaient plus assez énergiques pour éprouver un salutaire dégoût ; elles avaient perdu la force de vouloir. Devenues inertes, elles n'avaient plus d'autre volonté que celle de la masse ; maintenant, elles tombent et étouffent dans le marais des conventions !

Cependant, d'autres natures l'ont secouée, cette ivresse causée par la jouissance des biens de notre civilisation. L'orage les a renversées, elles ont fait une chute humiliante ; mais, lorsqu'elles se sont relevées, elles ont constaté qu'elles étaient devenues plus fortes, l'orage les ayant débarrassées du poids de tout de ce qui est impersonnel, conventionnel et contre-nature. Comme des êtres devenus libres, elles respirèrent à pleins poumons, saluant avec allégresse l'orage qui leur avait apporté le renouveau. La première certitude qui s'éveille en elles, c'est qu'il faut, à tout prix, en finir avec l'ivresse, quelles qu'en soient les conséquences. Elles serrent les dents, rassemblent leurs énergies. Les voilà réveillées ! Pour le moment, c'est cela seul qui les distingue des autres humains. Ce qu'elles feront à tête reposée, à la lumière du jour, ne se manifestera que plus tard ! Une seule chose est claire pour elles maintenant, point de nouvelle ivresse, point de faiblesse, plus de compromis avec les principes morbides d'une civilisation mourante !

Veiller, croître, vivre notre vie propre, voilà, ce qu'il nous faut vouloir, ce à quoi nous devons tenir, sans défaillance, nous, les jeunes hommes. Nous ne voulons plus être dominés par la matière, la machine ne fera plus de nous ses esclaves, et les chaînes dorées de la fortune ne nous lieront plus. Nous dominerons toutes ces choses ; elles doivent nous servir, car nous sommes de trop grande valeur pour nous sacrifier à elles.

Il est assez remarquable qu'un mot, constamment dans la bouche de ces rêveurs et de ces enivrés, ait pris une tout autre signification ; je veux parler du mot « moderne ». Jusqu'ici, on désignait sous ce nom tout ce qui était à la mode. Il y avait ainsi des souliers modernes, des cravates modernes, des organisations modernes et des livres modernes. On ne pouvait pas faire, à ceux qui se consumaient dans la civilisation mourante, de reproche plus cruel que celui de rester en arrière. Tout devait être moderne chez eux : leurs vêtements, leur demeure, leurs pensées, leurs goûts, leur conception du mariage, - tout enfin.

Ce qui les avait rendus ainsi « modernes », c'étaient les catalogues et les échantillons des tailleurs et des fabricants de meubles, les journaux et les affiches de théâtre. Ils avaient assez d'argent pour s'entourer de choses modernes, assez d'intelligence pour parler de tout ce qui est moderne, assez de liberté d'esprit pour remplacer les préceptes vieillis par de nouveaux. Mais eux-mêmes n'avaient en rien contribué à leur modernité. Cette espèce d'hommes modernes est créée par les fournisseurs qui, par milliers, parcourent les grandes villes. Si l'on sait peu de chose sur eux, on les reconnaît cependant facilement, ils sont tous coulés dans le même moule, leur frappe est identique.

Nous aussi, nous voulons être des hommes modernes, mais nous ne voulons rien avoir à faire avec la mode démoralisante. Aussitôt que quelque chose est à la mode, c'est dans un certain sens déjà vieilli, mort, parce que cela n'a plus rien de personnel, d'individuel. À la mode, ils se soumettent tous, mais nous, nous voulons être « modernes » en combattant la mode, en déclarant la guerre aux échantillons. Nous ne serons pas seulement modernes par la nouvelle coupe de notre vie extérieure. Ce qui fera de nous des hommes modernes est, dans le fond, déjà très vieux ; il y a toujours eu de vraies individualités, se distinguant de la masse. Et ce dont nous pressentons la prochaine venue, c'est que la possibilité de s'épanouir en une forte individualité ne sera plus l'apanage de quelques-uns, mais de tous. Librement et courageusement, nous nous élèverons contre la civilisation décadente, nous lutterons et travaillerons.

Un jeune homme moderne sera donc celui qui, dégoûté de la mode, cherchera à développer son individualité, mettant à cette tâche tout son sérieux et toute sa force de volonté, qui se rendra maître de sa vie, luttera pour acquérir de nouvelles forces, et qui, indépendant des autres, voudra être quelqu'un.

Cette modernité-là ne court pas le risque de vieillir, en dépit des changements toujours possibles de la mode. Le principe de la personnalité est aussi ancien que l'humanité, et il a toujours pu se manifester, sous de nouvelles formes, dans quelques individus isolés. Il est si riche et si varié qu'il ne pourra jamais devenir routinier. Si cela lui arrivait, ce serait un principe sans valeur. Devenir une individualité est la vocation de l'homme ; la nature n'est jamais uniforme, elle offre des variétés. Le « moi » dans sa puissance de développement infinie, dans sa lutte toujours renouvelée contre l'étroitesse des civilisations passagères, ne vieillira jamais ; il est toujours moderne, seul il est parfaitement sûr de l'avenir, il est le principe éternel de civilisation pour l'humanité.

C'est dans la nature même des époques semblables à la nôtre que les valeurs en cours soient révisées et, si cela est nécessaire, refrappées. L'honneur de l'homme est, aujourd'hui, une de ces valeurs.

Qu'entend-on, communément, par l'honneur ? On ne le considère pas comme une force émanant de l'homme, de la même manière que le parfum émane de la fleur, mais comme quelque chose que la société lui confère, ainsi que l'on confère un ordre. Avoir de l'honneur signifie occuper une position, jouer un rôle, choses pour lesquelles on doit nous honorer. Si ce n'est pas la position sociale qui en impose à la société, ce sont d'autres privilèges, également extérieurs, qui créeront à leur heureux possesseur une « position honorable. »

Mais, lorsque le tourbillon actuel s'est emparé de nous, lorsque l'évangile du « moi » a pénétré dans notre âme, nous ne pouvons plus nous contenter de l'honneur conféré par autrui. Nous voulons que la source de notre honneur soit en nous-mêmes. Notre honneur ne peut consister qu'en ceci : que nous devenions ce à quoi nous appellent les germes et les forces qui sommeillent en nous, et ce que notre époque réclame à grands cris : des êtres possédant une individualité vivante et forte, mettant leur joie à se développer. Nous ne pouvons obtenir l'unité de notre être que si nous réussissons à maîtriser les sentiments inconscients et impulsifs de notre âme, et cela de telle façon qu'ils soient obligés d'obéir aux motifs conscients que nous avons adoptés comme règle de notre activité. Car il n'y a rien de plus triste que de voir un homme, ayant des vues et des principes élevés, être à la merci d'un tempérament impulsif et irréfléchi à chaque instant décisif. Notre idéal ne sera pas le « bourgeois » qui suit sans broncher une voie toute tracée, ne commet aucune faute et n'encourt aucun blâme, parce que, chez lui, toute impulsion et tout naturel sont morts. Ce ne sera pas non plus celui qui cherche à excuser ses étourderies par sa nature impulsive. Ce sera celui qui domine et résume les deux autres, dont l'activité,inspirée par des motifs raisonnés trouvera en lui-même la forte impulsion nécessaire pour la mettre en oeuvre. Plus l'harmonie sera grande entre les mobiles et les impulsions, plus la volonté sera forte et l'honneur inattaquable. Cet honneur qui a ses racines dans le for intérieur de l'homme, nous procure la plus grande force de résistance dont nous ayons besoin, car le « vrai bonheur » ne peut être goûté, dans toute sa profondeur, que par celui qui est devenu assez fort pour gouverner ses passions, grâce à l'harmonie de son être intime.

Cet honneur nous donne aussi la force de faire des sacrifices, non pas pour flatter notre vanité, mais avec le sentiment à demi-conscient que le véritable esprit de sacrifice fortifie ce qu'il y a de meilleur en nous, et enrichit infiniment notre vie. Il nous fera comprendre, un jour, la mystérieuse parole de Goethe : « Tout notre secret consiste en ce que nous renonçons à notre existence pour exister. »

Le véritable honneur est l'instinct de conservation, compris dans son sens le plus élevé, le développement progressif de notre personnalité, dont l'unité, l'originalité et la force doivent être sauvegardées coûte que coûte.

Il est tout à fait indifférent que les mobiles de nos actions honorables proviennent d'une conception réfléchie de la vie ou qu'elles soient la résultante de notre inconscience ou de notre caractère. C'est pourquoi cet honneur est à la portée de l'homme le plus cultivé comme de l'ouvrier le plus ignorant.

À la vérité, nous sommes encore loin, aujourd'hui, de cette conception de l'honneur ; preuve en soit la position prise, par les classes dirigeantes surtout, dans la question du duel. Il est clair comme le jour, qu'un sentiment aussi intime que l'honneur ne peut être qu'en apparence, jamais en réalité, attaqué ou défendu par des moyens extérieurs. Si quelques-uns, subissant encore aujourd'hui l'influence d'anciens préjugés, estiment ne pas pouvoir se soustraire à l'obligation du duel, ils doivent pourtant, pour eux-mêmes, chercher à se débarrasser de cette ancienne conception de l'honneur, et se rattacher à l'idée nouvelle de l'honneur véritable, à laquelle appartient l'avenir, parce qu'elle est exacte.


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