Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Nous les jeunes

II.
L'INSTINCT SEXUEL

« PREMIÈREMENT LA VOLONTÉ, PUIS LA FORCE, ET A LA FIN, LA VICTOIRE ! »

MULTATULI.

Dans notre corps, à nous, jeunes hommes, s'éveille une puissance qui semble être notre ennemie, qui menace d'entraver la formation de notre caractère, de détruire l'intimité et l'unité de notre être, et nous attaque ainsi dans ce que nous possédons de meilleur, dans notre honneur : C'est l'instinct sexuel.

Mais le fait de considérer cette puissance comme une ennemie, indique bien que quelque chose, en nous, n'est pas dans l'ordre. Car la force sexuelle, ce signe de notre virilité, qui agit dans notre corps pour le former, qui fortifie nos muscles, donne à l'oeil l'éclat et à l'âme la puissance de sentir et de penser fermement, fait si bien partie de notre être que son absence est regardée, avec raison, comme une mutilation. Il faut donc qu'il y ait en nous une dégénération de la pensée, pour que nous arrivions à considérer cette force, si indissolublement liée à notre être, comme un pouvoir ennemi et perturbateur. Nous ne voulons plus nous tromper nous-mêmes ; l'instinct sexuel est le plus fort de tous les instincts ; il peut fondre sur nous comme un feu dévorant, comme une vague irrésistible, Nous traversons des moments où il nous semble que tous les autres instincts sont morts en nous - celui-là seul subsistant pour s'enfoncer dans notre chair comme une lame d'acier - ou qu'ils se sont ligués pour fortifier l'instinct sexuel et en faire une souffrance continuelle et insupportable.

Mais il n'est pas naturel que tous nos instincts, si riches et si variés, soient soumis à ce seul instinct et dirigés uniquement par lui. Si nous croyons que l'humanité a réussi à se dégager de l'animalité, grâce à un développement progressif, nous avons une nouvelle conquête à faire : il faut que l'instinct sexuel devienne partie intégrante de notre vie physique et morale. De même, si nous estimons que les péchés des innombrables générations qui nous ont précédés, ont produit une dégénération de la vie sexuelle, nous devrons nous efforcer de reconquérir ce qui a été perdu par elles.

Loin de partager cette ancienne conception monacale qui considère l'instinct sexuel comme quelque chose de mauvais et de repoussant, nous croyons, au contraire, que grâce au pouvoir sexuel, l'homme participe à cette création éternelle qui rajeunit constamment l'humanité. Il est ainsi élevé, par lui, au-dessus de toutes les autres créatures. À l'aide de cette force, l'homme éveille de nouvelles vies, engendre des individualités nouvelles, qui contribueront, à leur tour, au progrès de l'humanité, au bien de la collectivité. Et s'il est, de nos jours, difficile de contester la réalité du développement ininterrompu de notre race, il deviendra, de plus en plus certain que la puissance de procréation de l'homme, beaucoup plus grande que celle des animaux, est aussi un facteur beaucoup plus actif et plus puissant de son développement.

La force sexuelle est une force créatrice ; bien comprise et bien employée, elle est ce que l'homme possède de plus noble et de plus fécond. Il nous suffit d'avoir, une fois, la joie de serrer dans nos bras un enfant robuste et plein d'avenir, qui soit à nous, pour que nous nous moquions de toutes les préventions et de tous les mystères qui ont enveloppé, comme d'une atmosphère étouffante, la puissance sexuelle, et pour que nous nous réjouissions de tout notre coeur de la posséder, ainsi qu'au printemps, la nature se réjouit, les montagnes sont en fête, et les sources exultent lorsque germe la nouvelle vie.

Cependant, au lieu d'être pour nous une source de joie, l'instinct sexuel est devenu une source de souffrance. Ce sont, d'abord, les tentations qui détruisent notre équilibre intérieur et compromettent le développement harmonique de notre caractère. Puis, le mauvais emploi de l'instinct sexuel qui charge la conscience, trouble la vue intérieure et affaiblit la volonté ; puis c'est la licence dans la jouissance sexuelle, qui use les forces et rabaisse le niveau de la vie spirituelle, jusqu'à ce qu'on ait honte de soi-même.
Enfin, ce sont toutes sortes de maladies qui ruinent la force vitale de notre corps et nous conduisent à cette constatation effroyable que notre vie est gâtée, qu'elle a perdu sa valeur, par le fait de cette même force qui, bien dirigée, nous aurait extraordinairement enrichis et fortifiés.Comment se fait-il que la force sexuelle, qui devrait être un bienfait, puisse devenir une source de malheur ? Avant tout, grâce à des notions inexactes : notre éducation a déjà été faussée, sur ce point, par une pruderie exagérée dans tout ce qui touchait aux sexes. Au lieu de nous faire considérer comme une joie l'éclosion de cette force nouvelle, au moment où l'instinct sexuel s'éveillait en nous, au lieu de nous dire : « Enfant, tu es sur le point de devenir un homme, et maintenant, toutes tes forces, mentales et physiques, vont être accrues d'une force nouvelle, » on nous a inspiré une frayeur malsaine et impure de ce mystère.
Un grand événement est ainsi survenu dans notre vie, sans que nous sachions ce qu'il signifiait ; une arme nouvelle s'est trouvée dans notre main, et personne ne nous a appris à nous en servir. Alors le nouvel instinct devint ce qu'il n'aurait jamais dû être : notre maître. Notre vue, qu'il rendit plus perçante, se mit à rechercher les objets propres à exciter nos sens ; notre ouïe, qu'il rendit plus fine, nous servit à écouter mille folies auxquelles nous ne prêtâmes que trop volontiers attention. Mais tout ce que nous apprîmes, tout ce que nous parvînmes à savoir, ne nous expliqua pas le grand mystère qui sommeillait en nous, et n'aboutit qu'à nous rendre à la fois craintifs et brûlants d'une ardeur malsaine, état que beaucoup d'entre nous conservent dans la maturité.

Parce qu'on ne connaissait pas la signification de la force sexuelle, on s'en joua, et l'on s'imagina qu'elle ne s'éveillait que pour le plaisir ; puis on chercha une raison, une sorte de justification scientifique, et l'on déclara que l'instinct sexuel était un instinct animal qui réclamait impérieusement sa satisfaction. Il arriva, alors, ce qui arrive souvent en pareil cas ; la morale générale baissa, et l'on inventa une théorie destinée à cacher cet affaissement moral. C'est ainsi qu'on répandit cette fausse notion du besoin insurmontable de satisfaction sexuelle. On oublia que, dans le monde animal, la vie sexuelle est réglée par des lois naturelles inviolables, non seulement par le rut, mais aussi par le repos sexuel, dans lequel le mâle laisse instinctivement la femelle lorsqu'elle est fécondée. Même en admettant le fait que l'instinct sexuel est toujours en éveil chez l'homme, l'idée que celui-ci pourrait et devrait satisfaire ce besoin à chaque sollicitation placerait l'homme au-dessous de la bête. Du reste, une observation exacte de la vie des animaux, chez les oiseaux aussi bien que chez les mammifères les plus développés, a démontré que chaque mâle ne peut pas toujours satisfaire son instinct sexuel lorsqu'il a atteint sa maturité. La concurrence pour la possession d'une même femelle fait souvent reculer le mâle plus jeune, mais pourtant pubère, devant le plus âgé, et le force ainsi à la continence.

Un autre mal provient d'une satisfaction artificielle de l'instinct sexuel. Beaucoup de garçons, parvenus à l'âge de puberté, se livrent à la masturbation (onanisme). Ils font bien vite l'expérience que cette satisfaction contre-nature ne leur apporte pas l'apaisement souhaité, mais augmente, au contraire, leurs souffrances. L'excitabilité devient toujours plus grande et enserre le jeune garçon, ou le jeune homme, comme dans un étau de fer. Il a involontairement conscience qu'il fait quelque chose de mal, mais il recule devant cette découverte, il cache sa souillure et le désordre de sa vie intime. Ainsi, au moment où la force sexuelle lui ouvre un monde de pensées et de sensations inconnues jusqu'alors, au moment où des sentiments virils demandent à se faire jour en lui, son imagination l'entraîne dans une voie où il n'y a pas de progrès féconds.

Même si la masturbation ne dépasse pas certaines limites, elle exerce son influence déprimante sur l'âme, sans parler des traces, facilement reconnaissables, qu'elle laisse dans l'organisme. Corps et âme perdent en fraîcheur, en vivacité de mouvements, en force impulsive et réconfortante, et nombreux sont ceux qui n'ont jamais pu recouvrer, leur vie durant, ce que ce vice leur avait fait perdre dans leur jeunesse.

Lorsque le garçon est devenu un jeune homme, il se lie avec des camarades plus âgés, parmi lesquels il rencontre des fanfarons qui veulent prouver leur virilité en se vantant de leur libertinage, et regardent avec mépris ceux qui n'ont pas encore essayé leur force sexuelle ; ils éveillent ainsi chez ces derniers une ambition malsaine. Plus d'un jeune garçon inexpérimenté s'est engagé dans le chemin qui mène à la prostitution pour prouver qu'il était un « homme » et mettre fin aux railleries de ses « amis » plus âgés.

J'estime que répondre par le mépris à de telles attaques serait une bien plus grande preuve d'énergie et d'indépendance. Celui qui veut être véritablement un « type » doit se montrer différent des autres, plus indépendant. Par sa force de résistance, il rendra stériles les moqueries des libertins. Un « non ! » ferme et courageux, voilà ce qui est vraiment digne !
Car, qu'est-ce qui engage ces fanfarons à donner aux plus jeunes, leur libertinage comme un signe de virilité ? Ils auraient cependant tous les motifs de cacher cette triste page de leur vie. Ne serait-ce pas qu'inconsciemment ils cherchent à s'excuser à leurs propres yeux en proclamant la licence sexuelle comme un droit et un privilège du jeune homme ? Et une autre raison semblable ne serait-elle pas qu'ils désirent aussi avoir des complices ? Il est si facile de distinguer ce qui est bien de ce qui est mal ! Seul, le besoin de s'excuser soi-même est capable d'engendrer les théories proclamant la liberté sexuelle !

Et demandez à ceux qui font parade de leurs moeurs relâchées si, dans leur première visite à une prostituée, ils n'ont pas dû surmonter un dégoût physique qui a considérablement amoindri la jouissance espérée ! Je n'ai qu'à penser à ce linge touché aussi par d'autres hommes, à ce lit qui n'est certainement pas toujours maintenu dans un état de propreté parfaite, à l'absence de soins corporels, surtout chez les prostituées à bas prix, pour que la simple possibilité d'une jouissance physique avec de semblables femmes soit, pour moi, plus que douteuse. Il faut avoir des goûts peu raffinés pour se lier avec une de ces filles de joie. Celui qui n'est plus capable de discerner la situation écoeurante dans laquelle la prostitution place l'homme, a perdu une partie de sa valeur morale, car le sens et le goût se tiennent de très près.

C'est une folie inexcusable que d'éveiller les désirs sexuels chez un jeune homme qui est encore en plein développement corporel. On empiète ainsi sur les droits de la nature, on provoque une précocité qui n'est utile ni à la croissance physique, ni à la croissance spirituelle. La nature travaille lentement ; c'est là le secret de sa force et de son art. Comme le dit C. F. Meyer, dans « Huttens letzte Tage »

« Patience, je connais la force de mon peuple !
Ce qui croît lentement devient doublement fort.
Patience ! ce qui mûrit lentement vieillit tard !
Quand d'autres se faneront, nous, nous serons forts. »

Je veux supposer, pour un instant, qu'un jeune homme a réussi à traverser le bourbier de la prostitution, sans préjudice physique, sans maladies sexuelles. Je dis que je veux le supposer, quoique, en réalité, ce soit à peu près impossible, les maladies les plus repoussantes se contractant presque à coup sûr. Mais, dans quel milieu l'homme pénètre-t-il, lorsqu'il s'unit à une prostituée ? Nous ne voulons jeter la pierre à aucune de ces créatures sacrifiées à notre fausse manière de vivre. Qui dira quelle part de responsabilité incombe à telle pauvre fille dans la faute qui l'a jetée à la rue, et l'a conduite à offrir son corps en pâture à celui qui désire assouvir ses convoitises ? Je suis convaincu que, même dans ces bas-fonds de la société, beaucoup de créatures soupirent après la délivrance. Mais, la souillure qui, transmise et renforcée de génération en génération, s'est accumulée dans la prostitution, avec son atmosphère chargée de vapeurs d'alcool, de pensées perverses et de désirs sexuels, n'est, en réalité, pas propre à nous faire progresser.
Au lieu d'éviter tout ce qui pourrait faire obstacle à la formation de notre caractère et de rechercher ce qui nous ferait avancer, nous attacherions à notre pied, par la prostitution, un boulet qui entraverait nos progrès et notre développement normal. Nous introduirions dans nos veines un sang qui trouble la vision, égare les pensées, et nous ferions, enfin, bien vite l'expérience que nous avons été trompés quant à la satisfaction espérée. C'est l'amour mercenaire qu'offre la prostitution, et des rapports intimes et tendres ne peuvent pas naître, entre l'homme et la femme, lorsqu'il n'existe qu'une union sexuelle. Nous perdons ainsi de notre dignité humaine, et nous n'exerçons pas la fonction sexuelle plus noblement que l'animal ; donc, nous sommes dans l'erreur.

Je ne veux pas insister ici sur ce que l'abus dans la jouissance sexuelle peut conduire à la perversion sexuelle, qui déprave la vie personnelle jusqu'à la rendre intolérable. Je ne m'appesantirai pas non plus sur le danger de contracter des maladies répugnantes que l'on ne guérit que très difficilement, ou même pas du tout, et qui peuvent empoisonner toute une vie et toute une génération. Cela fera le sujet d'un autre chapitre, quoiqu'il soit loin de ma pensée de chercher à effrayer et à angoisser par l'épouvantail de la maladie.

Revenons plutôt au point de départ de nos réflexions. Nous voulions protéger notre honneur personnel ; cet honneur, nous en sommes tombés d'accord, exige que nous conservions la voie libre au développement d'un caractère ferme, d'une personnalité robuste et vaillante qui puisse être, pour le monde, un élément de prospérité et de progrès. Si l'instinct sexuel tend à détruire l'harmonie de notre être, nous devons employer toute notre énergie à l'incorporer dans notre vie, de telle sorte qu'il nous serve au lieu de nous nuire, et qu'il devienne, pour elle, une bénédiction et non une malédiction.

Pour cela, il est avant tout nécessaire que nous croyions à la possibilité de nous en rendre maître. Celui qui, d'emblée, estime impossible de dompter cet instinct, renonce, par cela même, à atteindre un degré supérieur de vie morale, accessible cependant à tous.
Carlyle a dit : « Ce n'est pas un mot heureux que le mot impossible ; il n'y a rien de bon à attendre de ceux qui l'ont souvent à la bouche. Quel est celui qui dit : Il y a un lion sur le chemin ? Toi, paresseux ! eh bien, tue-le ; le chemin doit être parcouru... Toutes les perspectives n'étaient que banalité lorsque Napoléon parut et conquit le monde. Par les calculs exacts des courants, on avait déclaré que les navires ne pourraient jamais aller, par le plus court chemin, de l'Irlande à Terre-Neuve : force propulsive, résistance, maximum ici, minimum là, lois naturelles et preuves géométriques ; que pouvait-il en résulter ? Le « Great Western » leva l'ancre dans le port de Bristol ; le « Great Western » traversa sans danger le détroit d'Hudson et alla aborder devant New-York ! L'écriture, encore humide, de nos preuves accumulées put sécher en tout repos. « Impossible » ? criait Mirabeau à son secrétaire, e ne me dites jamais ce bête de mot ! »

C'est avec la certitude absolue de pouvoir atteindre le but que nous devons procéder à une nouvelle orientation de notre pensée et à une nouvelle organisation de notre vie.

Commençons tout d'abord à nous habituer à penser autrement.

Dès maintenant, regardons l'instinct sexuel comme une chose naturelle à laquelle on peut appliquer le vieux proverbe : « naturalia non sunt turpia ». Nous ne parlerons plus seulement à voix basse de ce qui concerne le sexe, comme si nous avions quelque chose à cacher. Plus nous traiterons ces sujets simplement et ouvertement, plus vite s'évanouiront les brouillards de la pruderie. Nous ne tomberons pas, non plus, dans l'extrême contraire, comme si l'on devait parler de ces choses à tout le monde. Si les cachotteries étaient pleines de danger, le manque de tact pourrait aussi détruire le bien que nous voulons faire.
De même que nous exerçons notre corps en vue de grands efforts, nous disciplinerons nos pensées et parlerons de choses sérieuses avec une gravité virile.

Nous apprendrons, avec une joie intime, que la force sexuelle est la base de notre virilité, que d'elle dépend la force productrice de notre corps et celle de notre esprit. Les racines de l'arbre sont soigneusement cachées sous la terre, afin que les sucs et la sève montent dans le tronc et les branches ; de même, la nature a prudemment caché, les sources de la virilité, afin que des forces merveilleuses puissent en jaillir. Si nous n'avons pas à épaissir le voile dont la nature a discrètement recouvert ce qu'elle tenait à cacher, comme nous le ferions pour quelque chose de honteux, nous ne nous permettrons pas non plus d'écarter ce voile, sans nul souci de la pudeur. En considérant la vie sexuelle comme naturelle, compréhensible, nécessaire, nous la tiendrons pour sainte, car tout ce qui est naturel est saint. Pourquoi la laisserions-nous injurier plus longtemps, comme si c'était une chose honteuse ?

C'est avec fierté que nous nous dirons que la force sexuelle nous confère une force créatrice avec laquelle nous pouvons travailler à l'avenir de l'humanité. De même que nous ne réussissons à faire quelque chose de grand qu'en concentrant toutes les forces de notre esprit et de notre âme, de même la transmission de la vie est liée à la concentration, dans l'acte conjugal, de toutes les forcer, du corps et de l'esprit. C'est au moment où l'homme et la femme s'appartiennent que culminent le sentiment de la possession de soi-même et la conviction d'appartenir à l'humanité. Mais ces sentiments ne peuvent vibrer en nous, purs et forts, que si l'acte conjugal est un acte d'amour, la plus forte expression du don de l'union la plus intime entre l'homme et la femme qui veulent transmettre leur personnalité à leurs enfants. Ce n'est que dans l'exercice légitime de l'acte sexuel, lorsque tout ce qui est contre-nature est exclu, et que l'union des corps et des âmes existe, que l'on y trouve cette satisfaction qui augmente les forces et rend plus riche et plus pur. À côté des délices passagères du moment, il y a le sérieux stimulant d'une paternité possible ; à côté de ce don inexprimable de la nature, une grande tâche : élever des enfants.

Disciplinons nos pensées, veillons à ce qu'elles ne s'introduisent dans notre vie sexuelle qu'avec cette vraie simplicité et cette joie paisible, et nous apprendrons à nous défaire de tout ce monde de pensées qui font voir dans l'instinct sexuel quelque chose de bestial et dans sa satisfaction, une nécessité. Les autres besoins de notre nature ne sont-ils pas identiques à ceux des animaux ? Et cependant, quelle différence dans notre manière de les satisfaire ! Le besoin de nourriture existe chez l'homme comme chez l'animal ; mais, s'il est resté chez ce dernier une fonction purement organique, il a été ennobli par l'homme qui y a ajouté le charme de la société. Nous ne buvons et ne mangeons pas uniquement pour apaiser notre faim. Des aliments bien préparés nous procurent une sorte de jouissance, et nos repas sont devenus l'occasion et l'expression d'une joyeuse sociabilité. Nous subordonnons notre besoin de nourriture à notre goût, et nous choisissons nos aliments en tenant compte de leur saveur et de leur digestibilité. Et ce qui est convenable pour un besoin physique ne devrait-il pas l'être, à plus forte raison, pour le besoin sexuel qui est la concentration de toutes les virtualités et de toutes les forces de l'homme ? Si nous désirons nous distinguer de l'animal, ce sera dans le domaine des choses sexuelles que devra se manifester le plus clairement notre possibilité d'ennoblir une fonction purement animale.

Une autre considération nous amène à conclure que notre force sexuelle, mal dirigée, ne peut occasionner que du mal. Lorsque la matière est mise en mouvement par une force aveugle, elle ne peut produire que confusion ou malheur. Celui qui ne sait pas manoeuvrer la voile ou le gouvernail, sera anéanti par la tempête. Des enfants qui voudraient jouer avec les fils dans lesquels passe le courant électrique seraient tués. Le matérialisme creux, qui ne sait trouver dans la puissante organisation de la nature aucun esprit directeur, est réfuté par les petites expériences de la vie quotidienne. Toute force doit être soumise à la discipline d'un esprit directeur, autrement elle se consume inutilement, ou cause des dommages. L'homme qui travaille depuis des siècles à s'associer toutes les forces de la nature, pourra-t-il se proclamer le maître du monde, aussi longtemps qu'il n'aura pas pu ranger sous sa domination la force naturelle la plus puissante, celle qui lui tient de plus près, la force sexuelle ?

Mais n'en restons pas à des réflexions générales, allons plus loin ! Nous affirmons, de la façon la plus catégorique, que nous n'entendons pas, en posant le principe de l'assujettissement de l'instinct sexuel, condamner ceux qui n'ont pas toujours su y parvenir. Nous savons combien d'innombrables influences, découlant de notre civilisation, nous rendent cette maîtrise difficile. Nous savons que nous pouvons avoir à traverser le bourbier, ou à livrer bien des combats, avant d'arriver à secouer toute entrave et à mener une vie saine et naturelle. Nous ne voulons pas condamner un seul de ceux qui ont succombé dans ce combat pour la pureté. Il est faux de dire, ainsi qu'on le fait, d'un ton grave et en levant un doigt menaçant : « Une fois tombé, c'est pour toujours. » Il n'y a aucun domaine vital à la conquête duquel nous puissions marcher de victoire en victoire ; et même, en regardant bien, nous constaterons que pour plus d'un combattant, une défaite est devenue le commencement de la victoire. Nous ne voulons rien avoir à faire avec la pureté rigoriste d'hommes incomplets dont la vie sexuelle est physiquement atrophiée, ou chez qui, grâce à une crainte maladive, elle est devenue d'une immatérialité exagérée et mystique. Nous nous entretenons ensemble comme des jeunes hommes pour qui la question de la vie sexuelle est une question brûlante, qui cherchent une solution, et ne redoutent aucun moyen de la trouver.

Et si l'on doit affirmer que la pureté absolue et sans exception, dès le commencement, est non seulement la meilleure, mais, à proprement parler, la seule condition digne de l'homme, et de beaucoup la plus facile pour le jeune homme normal, il faut aussi faire ressortir qu'il y a une énorme différence entre celui qui, par faiblesse, a perdu occasionnellement la maîtrise de lui-même et un cynique dépravé ayant abandonné toute honte au contact de la prostitution. Celui qui, tombé, a en se relevant secoué la boue de la chute avec une sainte horreur, pourra encore faire son chemin. Mais, comment pourrait progresser, dans sa vie intérieure ou extérieure, celui qui se trouve bien dans la vase, qui y vit à son aise, et n'a plus la volonté de se relever ? Vouloir, ou ne pas vouloir, tout est là !

Je crois aussi qu'un homme possédant de la force morale pourra, même s'il est descendu profondément dans la fange de la débauche sexuelle, s'en arracher par un vigoureux effort. Toutefois, cela ne réussit qu'aux êtres doués d'une force extraordinaire. Pour la généralité des hommes, l'abandon volontaire d'eux-mêmes à l'instinct sexuel leur enlève dignité et force.

Le « Pierre Camenzind » de Hermann Hess, après avoir expliqué dans quels bas-fonds de la vie parisienne il était plongé, raconte ce qui suit : « Un soir, j'étais assis, seul, au « Bois », et je me demandais si je quitterais Paris, ou s'il ne valait pas mieux en finir tout de suite avec l'existence. Pour la première fois, depuis longtemps, je revoyais en pensée toute ma vie, et je calculais que, je n'avais plus grand chose à perdre. Mais, tout à coup, un souvenir précis et vivant me reporta à un jour depuis longtemps passé et oublié - une matinée d'été, là-haut dans les montagnes - et je me vis agenouillé au chevet d'un lit sur lequel gisait ma mère mourante. J'eus peur, et j'eus honte d'avoir, pendant si longtemps, oublié cette matinée. Les stupides idées de suicide étaient passées... Je commençai à comprendre que la souffrance, la mélancolie et les déceptions ne sont pas destinées à nous paralyser, à nous rendre sans valeur et sans dignité, mais à nous mûrir et à nous transformer. Huit jours plus tard, mes malles partaient pour Bâle... »

Beaucoup d'entre nous ne possèdent-ils pas des souvenirs qu'ils devraient seulement éveiller, pour donner à leur vie une direction, une force et une valeur nouvelles ? Celui qui veut, ne doit jamais désespérer de son relèvement. Mais, il faut vouloir.

Nous ne pouvons fermer les yeux sur le fait que, dans nos conditions sociales actuelles, il n'est possible que 6, 8 ou 10 ans après la maturité sexuelle, de songer au mariage par lequel, grâce aux relations conjugales normales, la vie sexuelle se règle presque d'elle-même. Cependant, avant d'accuser les circonstances, il est juste que nous nous demandions si nous n'avons pas contribué à les former, si les « prétentions » que nous élevons, en ce qui concerne la vie sociale et domestique, si la prodigalité avec laquelle nous avons, jusqu'à présent, employé nos forces et nos moyens, ne sont pas des causes qui nous rendent le mariage difficile. Je suis convaincu que le courant d'individualisme qui domine à notre époque fera aussi son oeuvre dans ce domaine. Lorsque le jeune homme se rendra compte de l'imperfection de son état et reconnaîtra que le mariage peut l'améliorer, il tiendra à se marier. Celui qui a une volonté se fraye vite un chemin.

Notre genre de vie, avant le mariage, devra également être l'objet de nos préoccupations, et voici la question que nous aurons à nous poser : « Voulons-nous être le coursier qui se laisse exciter et harceler par un cavalier sauvage, ou voulons-nous être le cavalier qui tient les rênes d'une main sûre, qui dompte son cheval avec vigueur ? Voulons-nous nous laisser pousser comme un navire sans gouvernail sur une mer sans rivage, ou voulons-nous être le pilote qui dirige son navire et le conduit au but ?»
Eh bien, il y a une direction à laquelle nous pouvons soumettre notre vie sexuelle :

NOUS AVONS UNE VOLONTÉ.

Je ne suis pas seul à avoir fait l'expérience qu'une volonté vaillante et joyeuse, unie à une foi sérieuse, à la certitude du succès, surmonte des obstacles, en apparence insurmontables. Il est vrai que la volonté n'est pas une de ces forces naturelles qui puisse être utilisée suivant des lois fixées d'avance ; c'est bien plutôt la seule force dont nous avons la libre disposition, et quoique de temps à autre, elle puisse dévier, par le fait d'influences extérieures, elle n'en demeure pu moins soumise à notre direction. C'est la volonté qui se charge d'établir l'harmonie dont nous avons parlé, entre les mobiles qui nous font agir et l'action elle-même. Elle est l'élément qui donne de la consistance à notre vie. Lorsque la volonté est mise en activité au bon moment, et dans la bonne direction, il n'est pas d'obstacle dans l'entourage, pas de vice héréditaire, si lourd soit-il, qu'elle ne puisse surmonter. Mieux nous comprendrons et excuserons les faiblesses des autres par leurs ascendants et leur entourage, moins nous serons tentés de nous servir de ces excuses pour nous-mêmes.

Loin de nous donc, la peur de l'insuccès dans l'exercice de notre volonté ! « C'est notre premier devoir, » dit Carlyle, « de vaincre la peur. Tant que nous n'aurons pas foulé aux pieds la crainte, nous agirons comme des esclaves ; nous n'aurons que l'apparence de la volonté ; nos pensées mêmes seront fausses, car nous penserons en esclaves et en lâches. Nous pouvons et nous devons être vaillants, marcher en avant avec la tranquille assurance que nous devons notre vocation à des puissances supérieures. Nous n'avons rien à craindre. C'est dans la mesure où un être vaine la peur, qu'il est un homme. »

Et c'est notre honneur que d'être un homme.
Nous ne voulons pas non plus être de ceux qui nient la vie, ou vivent comme des moines, en dehors du monde. Nous ne voulons pas, de parti pris, nier la force sexuelle, ni la comprimer. Nous la voulons dans toute sa beauté. Nous l'aimons, comme la quintessence de notre force. Et si notre amour pour elle est pur, comment cet amour ne nous rendrait-il pas infiniment plus capables de la maîtriser que cette lâcheté monacale qui fuit devant sa grandeur ?

En avant, donc, courons au combat ! Je sais que la lutte est difficile et exige un éveil journalier de toutes les forces disponibles, une vigilance continuelle, une tension ininterrompue, jusqu'à ce que le temps de l'apprentissage soit terminé et que nous soyons parvenus à une sécurité laissant entrevoir, comme très prochain le prix du combat.

Pourquoi redouterions-nous la lutte dans ce domaine, lorsque le monde entier n'est que guerre et combat ? Ce qui n'aspire qu'au repos meurt tout de suite. Nous devons toujours être équipés et armés, toujours prêts, comme ceux qui doivent rencontrer l'ennemi. Nous devons être des guerriers.

Et encore une fois, pourquoi redouterions-nous le combat sur ce terrain ? Il nous faut bien lutter, pour conquérir cette liberté intérieure qui est la mère de toutes les autres libertés. Entrons joyeusement dans la lice ; à celui qui accepte avec joie sa vie et son travail, à celui-là seulement, les puissances supérieures sont favorables, et le cours des ans lui apporte sa récompense. Un échec ne doit pas nous abattre. Le mot de Carlyle reste vrai : « Tout homme qui veut accomplir quelque chose de bien dans cette vie, ne le peut qu'en se disant : Je l'accomplirai ou je mourrai. »

Nous libérerons par ce travail plein de grandeur toutes les forces vives et nobles qui sommeillent en nous. Notre pensée deviendra plus féconde et plus pure, notre travail sera plus productif et notre jugement plus clair. Quand la victoire sur nous-mêmes sera complète, nous serons fermes, résolus, capables de résister au monde.

C'est notre honneur que d'employer notre volonté à créer la pureté et l'harmonie de notre être que notre force virile doit fortifier et non souiller.


Table des matières

Page suivante:
 

- haut de page -