Nous
les jeunes
IlI.
LA FEMME (Suite)
Les savants ont essayé d'expliquer
l'origine de l'amour. Ils ont raison lorsqu'ils
affirment que le sens sexuel plane au-dessus du
berceau de tout amour naissant. Et, en
réalité, il est naturel que l'homme
cherche à conquérir la femme.
Lorsque, soit un homme, soit une femme, en arrivent
à éprouver l'un pour l'autre des
sentiments bien réels, la coquetterie leur
répugne, et ils la repoussent d'un commun
accord, car elle constitue toujours un
empiétement dans le domaine de celui qui en
est l'objet. Comme dans l'acte sexuel les
spermatozoaires recherchent
l'ovule pour le pénétrer et le
féconder et que la voie qui conduit
l'élément mâle à la
rencontre de l'élément féminin
est purement physiologique, ainsi la recherche de
la femme par l'homme et l'acquiescement volontaire
de la femme sont, socialement et
intellectuellement, la seule voie normale, la seule
saine. La femme qui reste ainsi dans son
rôle, y trouvera une protection puissante
pour son honneur.
Mais il y a cependant tant de mariages
qui ont été conclus de la sorte, et
qui n'en ont pas moins été ensuite
des unions malheureuses ! Je l'accorde !
Mais une grande partie de ces unions malheureuses
n'auraient-elles pas pu être
évitées, si l'homme, dans le feu de
son premier amour, n'avait pas cru devoir aller de
l'avant, sans réfléchir et sans
s'examiner lui-même. Pour un premier amour,
la jeune fille est toujours le modèle de
toutes les vertus. Un amoureux n'est tout
simplement pas capable de voir clair. C'est
pourquoi, il doit laisser passer la première
ivresse, et examiner, après plus intime
connaissance avec la jeune fille de son choix, si
son amour est de ceux qui durent, surtout lorsqu'il
aura écarté de son imagination
l'idée qu'« elle » est
« un ange », sans défaut
et sans tache ! Il se demandera s'il se sent
capable de passer une vie
entière avec elle, et si les défauts
découverts chez l'aimée ne tueront
pas l'amour. La vie n'est pas une partie de
plaisir, mais une chose sérieuse, quoique
heureuse. La femme est plus que la compagne de
jeu de l'homme, elle est son aide. Celle
qui plaît le plus comme compagne de jeu est
peut-être la moins propre à aider son
mari, à prendre part à ses travaux et
à le rendre heureux. Ce n'est donc pas avec
les sentiments d'un amoureux, mais avec ceux d'un
être aimant, que tu dois rechercher la femme
que tu veux t'attacher.
- « Tu es ma force lorsque je
suis las et chancelant,
- Tu es mon soleil quand le jour
s'obscurcit ! »
Celui qui peut dire cela de la femme qu'il aime
a le droit de la demander en mariage.
L'amour qui conduit au mariage s'empare
de toutes les forces de l'homme - de sa force
sexuelle, aussi bien que des autres - et les porte
à leur plus grande puissance. Même le
jeune homme qui, avant ses fiançailles, n'a
pas été assez sévère
pour lui-même, aura en horreur pendant le
temps de ses fiançailles, les rapports avec
d'autres femmes ; car, s'il aime sa
fiancée, tous ses désirs se
dirigeront vers elle et trouveront leur expression
et leur satisfaction dans la
tendresse dont il l'entourera. Mais s'il est
resté pur, ou s'il a reconquis, après
un moment de défaite, la domination sur
lui-même, et suivi courageusement le chemin
de la pureté, il se jettera, conscient de sa
virilité et avec une joie indescriptible,
dans les bras de sa fiancée, et trouvera
dans le parfum de sa virginité une
récompense précieuse pour
l'acquisition de laquelle il valait bien la peine
de lutter pendant des années
C'est pruderie ou hypocrisie que de
prétendre que l'homme ne doit pas voir le
sexe chez sa fiancée car c'est justement ce
qui distingue la fiancée de l'amie. Par le
« oui » qu'elle accorde
à notre demande, elle nous donne son corps
et sa vie, elle s'attache à nous, non
seulement « jusqu'à ce que la mort
nous sépare », mais pour former
une union indissoluble. Tandis que les
amitiés peuvent être anéanties,
soit par des souffrances et des douleurs, soit par
des événements imprévus et
irréparables.
Si je parle de l'indissolubilité
du lien qui unit les fiancés, ce n'est pas
par considération pour des idées et
des coutumes ecclésiastiques quelconques, ni
par considération pour le code civil qui
rend difficile la rupture du mariage ; je ne
pense, ici, qu'à l'indestructibilité,
toute naturelle et
compréhensible, de l'amour qu'éprouve
celui qui a trouvé l'être qui lui
appartient et le complète. Mais l'amour
n'est indestructible que là où deux
créatures humaines s'élèvent
ensemble, se comprennent, symphonisent, et
où, pour chacune d'elles, la force
d'attraction sexuelle est la plus forte expression
du sentiment qu'elles ont de s'appartenir l'une
à l'autre.
Quelque pénible que cela puisse
être dans ses conséquences, surtout
pour la fiancée, ce n'est certainement pas
un malheur que des fiançailles rompues.
Lorsque ce ne sont pas des raisons
extérieures, viles, ou même
pécuniaires qui amènent la rupture,
celle-ci est toujours un signe que deux êtres
étaient sur le point de s'unir, alors qu'ils
n'auraient jamais pu former une union harmonieuse.
La douleur de la séparation, le bavardage
des gens, toutes choses pénibles qui
accompagnent une semblable rupture ne sont pas
comparables au malheur, beaucoup plus grand, qui a
été évité.
Nous n'avons pas à parler, ici,
de la part de responsabilité qui incombe au
sexe féminin dans tant de fiançailles
rompues et de mariages malheureux. C'est aux femmes
à s'en entretenir. Inutile aussi de
gémir et de nous plaindre de ce
qu'actuellement. comme dans tous
les temps, toutes sortes de
mobiles conduisent au mariage, sauf celui qui en
aurait seul le droit : l'amour, de ce que des
considérations d'affaire, de rang, de
politique même, font entendre leur voix
où l'amour seul devrait parler. Mais nous
sommes bien obligés de reconnaître
que, grâce à la vie que nous avons
menée, antérieurement à notre
mariage, nous, les jeunes hommes, sommes en grande
partie responsables de l'affaiblissement de la vie
domestique, et que, maintenant, nous devons nous
lever pour travailler à sa guérison.
Devenons modernes, dans le vrai sens du mot,
devenons des personnalités fortes et
honnêtes, et cessons de considérer la
femme comme un complément uniquement
destiné à satisfaire notre instinct
sexuel, et dont nous puissions abuser au gré
de nos caprices. Ne troublons pas nous-mêmes
notre vision en laissant les femmes, les unes
après les autres, tendre leurs filets autour
de nous. Un jour viendra où nous saluerons
avec allégresse cet autre nous-mêmes
que l'avenir nous tenait en réserve pour
notre plus grand bonheur ; nous l'enserrerons
de nos bras vigoureux, défiant toute
puissance ennemie de nuire à notre bonheur.
Or, le bonheur, dans toute sa plénitude et
sa profondeur, est la récompense
accordée à la pureté.
« Alors notre home
devient un lieu de paix ; il ne nous
protège pas seulement contre l'injustice et
l'outrage, mais aussi contre toute frayeur, contre
le doute et la discorde. Cependant, aussitôt
que l'agitation de la vie extérieure s'y
introduit, que l'homme ou la femme permettent au
monde extérieur, cet ennemi anonyme et
détesté, de franchir son seuil, il
cesse d'être un intérieur ; il
n'est plus alors qu'une partie de ce monde
extérieur que tu abrites et dans laquelle tu
as allumé un feu. Mais tant qu'il demeure un
lieu saint, un temple inviolé, l'autel du
Foyer, protégé par des dieux lares
(1), devant la
face desquels ne peuvent paraître que ceux
qui se les sont rendus favorables ; tant que
c'est cela, et que le toit et le feu ne sont que
des emblèmes d'un abri et d'une
lumière plus nobles, - d'un abri semblable
à celui qu'offre un rocher au milieu d'un
pays désolé, d'une lumière
telle que celle du phare au milieu de la mer
orageuse - alors il justifie son nom de
home. » (Ruskin.)
Le raffinement extérieur de notre
civilisation, l'exagération du confort et de
la jouissance, le goût déplorable pour
tout ce qui brille et, comme conséquence,
l'éducation contre-nature de la femme -
éducation qui meuble le
cerveau des jeunes filles de toute espèce de
connaissances, mais ne leur confère aucune
des qualités de la maîtresse de maison
ou de la mère de famille - ont
répandu parmi nous la frayeur du mariage.
Plus d'un jeune homme, en position de se marier,
préfère mener une vie mesquine de
célibataire, plutôt que de s'accorder
le bienfait de la vie de famille, avec ses joies et
ses peines. Il prétend se sentir très
bien dans sa peau. Et c'est ce que je
déplore le plus. Le sentiment de ce qui
manque à sa vie lui échappe
complètement ;
« l'homme » est en danger de
mourir en lui.
« Il est bon pour l'homme de
se marier, afin que son être se
complète et qu'il soit vraiment un homme.
Car Dieu ne se reposa pas après la
création de l'homme ; Il ne créa
pas seulement un homme ou seulement une femme. Mais
Il créa l'homme et la femme, afin que le
genre humain fût parfait. De même,
celui qui possède la main droite et se passe
de la main gauche n'est pas parfait. Et celui qui a
la main gauche, et pas de main droite, n'est pas
parfait non plus. Les deux mains ont
été données à l'homme,
afin qu'il soit parfait. La main droite ne dit
pas : A quoi sers-tu, main gauche ?... Je
suis la main. Et la gauche ne dit pas, non plus,
à la droite : A quoi
sers-tu ?... Je suis la main ; car,
ensemble, elles sont parfaites. Ainsi en est-il de
l'homme et de la femme. La main droite boucle la
ceinture, ce qui est nécessaire. La main
gauche porte la cruche à eau dont tu as
besoin. Celui qui perd sa ceinture et l'argent
qu'elle renferme ne peut pas vivre. Et celui qui
n'emporte pas de cruche à eau succombe. Il
en est de même pour l'homme et la
femme. » (Multatuli.)
Si un homme reste célibataire,
lorsque aucun devoir sérieux ne
l'empêche de se marier, non seulement il
pèche contre sa génération,
mais il se prive du meilleur des biens que cette
terre puisse lui offrir. « Le mariage est
la vocation de l'humanité, une
éducation pour l'individu, une source de
jeunesse éternelle, la base, la source
première de la vie en commun et du travail
économique. Tu dois te marier si tu n'as
aucune raison précise et personnelle
à alléguer contre le mariage. Ces
raisons personnelles peuvent provenir du dehors ou
être très intimes. Elles ne
dépendent que de ton propre jugement, et tu
es pleinement en droit de te raidir et de refuser
de répondre à toute personne qui
cherche à s'immiscer dans ce domaine. C'est
toi qui te lieras pour toute la vie, toi, et non
ton père, ni ta mère ! Le
mariage est une décision
qu'on doit prendre pour soi-même, car
personne ne sera disposé à en
supporter les conséquences à notre
place. Mais n'oublie pas de t'examiner
toi-même, en te plaçant bien en face
des devoirs qu'entraîne le mariage. Il y a
des gens qui sans prendre de résolution,
attendent, et attendent encore, voulant bien, mais
ne se décidant jamais, toujours
mécontents d'eux-mêmes et qui,
finalement, restent célibataires. À
eux s'adresse l'appel que la Bible fait entendre
dans ces simples mots : « Croissez
et multipliez, et remplissez la
terre ! » Ce sont les grandes
familles qui ont fait la grandeur d'Israël, et
tous les peuples devraient avoir cet idéal.
Dieu veut que les peuples aient la volonté
de s'accroître. Lorsqu'ils n'ont plus cette
volonté, ils tombent dans une pernicieuse
sensualité, et perdent les forces
nécessaires à la lutte pour
l'existence... » (F. Naumann.)
J'ai déjà dit que
c'était pruderie ou hypocrisie que de ne pas
vouloir voir la femme dans la fiancée. Dans
les couches profondes de notre peuple, règne
aussi cette idée que les rapports sexuels
peuvent commencer avec les fiançailles. Bien
plus, à la campagne, les fiançailles
ne sont souvent regardées comme
indissolubles que lorsque la fiancée a
conçu un héritier pour la maison.
Il est inutile de s'élever contre
de telles pratiques et de s'en plaindre. C'est un
usage qui dure depuis des siècles, il est
entré dans l'âme du peuple, et si la
santé de la vie nationale et domestique n'en
souffre pas, le mieux est de laisser les choses en
l'état, jusqu'à ce qu'une culture
personnelle supérieure atteigne aussi ces
couches populaires. Ces coutumes dans lesquelles,
étant donnés les rapports naïfs
et les idées de cette classe, l'honneur de
la jeune fille est à peine atteint, n'ont
rien de commun avec le raffinement de jouissance
sexuelle qu'offrent la
« liaison » ou la
prostitution.
Nous aussi, nous voyons la femme dans la
fiancée, et nous nous en réjouissons
d'autant plus que nous sommes restés plus
purs. C'est néanmoins une raison plus forte
que le simple respect des convenances qui nous
oblige, nous autres jeunes gens de la classe
cultivée, à réfréner
nos désirs, et à nous interdire tout
rapport sexuel avec notre fiancée. Les
convenances qui veulent que la femme ne se donne
qu'à son mari, l'idée que le mariage
seul rend les rapports sexuels légitimes,
sont un héritage que nous ont transmis les
générations successives. Que nous en
admettions, ou non, la raison d'être, que
nous accordions, ou non, à la, parole du
magistrat ou à la
bénédiction de
l'ecclésiastique, le pouvoir de rendre
légitime ce qui auparavant était
illégitime, notre fiancée, si peu
imbue soit-elle d'idées du bon vieux temps,
est pénétrée de respect pour
ces convenances, et se refusera farouchement
à tout désir qui sortira des bornes
de ces bonnes moeurs. La jouissance sexuelle,
pendant les fiançailles, affecte toujours,
de la part du jeune homme l'apparence d'un rapt,
elle ne devient, pour la femme, un abandon plein
d'amour que dans le mariage. C'est pourquoi nous
honorons dans notre fiancée le désir
naturel, jamais exprimé, de rester pure
corporellement. Les relations que nous avons avec
elle, la tendresse dont nous l'entourons, sont,
dans un autre sens il est vrai que chez l'amie, la
preuve de la force que nous avons acquise, et
l'école qui nous apprend à
séparer de l'instinct sexuel ce qu'il
renferme de bestial pour le transformer. Plus la
sécurité avec laquelle notre
fiancée reposera dans nos bras sera grande,
plus fort sera le sentiment de protection dont elle
jouira. Il est aisé d'allumer un feu, mais
difficile de s'en rendre maître
ensuite.
Encore un mot ! Une jeune fille
candide qui a grandi sous la protection sûre
du foyer paternel, supposera, en
général, chez son fiancé la
même innocence que celle
qu'elle possède. Une jeune
fille pure ne peut que très difficilement se
faire à l'idée que l'abandon du corps
est une industrie, et que la jouissance sexuelle
peut devenir une marchandise que l'on se procure
facilement avec de l'argent. Avec une confiance
toute naturelle, elle va au devant de son
fiancé, et ne songe pas un instant que lui
aussi peut s'être plongé dans ce
mystérieux monde de souillure. Le jeune
homme peut-il la laisser dans l'erreur et lui
cacher sa faute, s'il a des aveux à
faire ? Non, dirai-je, en aucun cas ! Le
mariage reposerait alors sur une supposition
fausse, et cela ne peut jamais rien amener de bon.
Que le fiancé s'arme de courage, et confesse
ce qu'il a à confesser. Pour agir ainsi, il
faut certainement beaucoup de tact et de courage,
et suivant les circonstances, il vaut parfois mieux
attendre après le mariage pour faire ces
aveux. Ils peuvent amener une crise, qui n'est
cependant pas insurmontable, et la victoire
remportée augmentera la confiance
réciproque. Une union qui repose sur l'amour
vrai peut supporter un semblable aveu. Loin de nous
la pensée de vouloir soutenir la
théorie des « deux
morales » mais, d'autre part, nous sommes
certains que la structure physiologique de l'homme
l'expose à un danger plus
grand de perdre sa pureté.
(Nous sommes, toutefois certain aussi, qu'une force
plus grande lui est accordée pour surmonter
ces dangers plus grands.) Je crois que la femme a
un sentiment instinctif de cette différence
de situation, et pardonnera. Le pardon attache
doublement l'un à l'autre. Une des femmes
les plus heureuses que j'aie jamais
rencontrées, me disait une fois :
« On ne s'aime jamais mieux que lorsqu'on
a eu quelque chose à se
pardonner ! »
Je ne veux pas faire parler un
moraliste, mais un médecin,
Schönenberg, sur la mauvaise habitude des
noces luxueuses, sur l'usage, nuisible à la
santé, des voyages ; de noces il
dit : « Si l'on savait combien
certains principes délétères
peuvent agir sur la progéniture, on se
garderait bien de célébrer, comme on
le fait aujourd'hui, les veilles de noces et le
jour du mariage. L'amollissement intellectuel et
corporel des parents au moment de la
procréation constitue un danger, et l'on
sait aussi, d'une manière certaine, que
l'alcool peut empoisonner les germes reproducteurs.
La vie en formation y perd sa force de
résistance... Si l'usage t'oblige à
boire, ne prends que des boissons sans alcool. Tu
ne te feras ainsi aucun mal, et tu t'assureras la
postérité que tu es en droit
d'attendre... Le voyage de noce ouvre le
cortège des
absurdités, si nombreuses dans certains
mariages... L'instinct sexuel est violemment
excité. Les organes, jusque-là plus
ou moins en repos, entrent en activité. Ces
excitations mettent le système nerveux dans
un état d'irritation excessive. Une vie
calme et tranquille est, à ce moment, la
meilleure voie à suivre pour apaiser la
tempête, pour calmer les vagues
déchaînées. Par contre, tout ce
qui augmente l'excitation peut occasionner des
troubles du cerveau et de la moelle
épinière, et chez la femme, des
maladies des organes génitaux très
sensibles pendant les premiers temps du mariage. Il
n'est donc pas étonnant que le voyage de
noce dépose souvent dans le corps de la
femme les germes d'un état maladif
perpétuel. »
Je sais bien qu'actuellement il faut un
certain courage pour suivre la voie indiquée
par la nature et choisir, par exemple, au lieu du
voyage de noce fatigant, un tranquille
séjour de campagne dans les environs. Mais
c'est le courage qu'inspire la
vérité. Si l'un attend que l'autre
commence, nous n'avancerons jamais.
La société de femmes
mariées, envers lesquelles toute
pensée impure, même non
exprimée, constituerait une offense, peut
être une bonne école pour nous. La
femme mariée contribue au rajeunissement de
notre génération. Nous honorons en
elle la mère, notre propre mère.
Lorsque j'étais étudiant, j'ai connu
une femme que le poids des souffrances physiques et
des revers de fortune avait vieillie avant le
temps. La maladie rendait son mari incapable de
remplir les devoirs de sa position, de telle sorte
que la protection et la direction de la maison
reposaient entièrement sur elle ; je
l'ai vue se mouvoir entre des lits de malades et
des cercueils, et jamais l'héroïsme de
la femme, de la mère, ne m'est apparu plus
grand, et le devoir de rester pur en face de
semblables femmes, plus distinct. L'amour
respectueux qui nous attire vers elles est un bain
purificateur, sans égal, pour nous
dépouiller de notre sensualité. C'est
pourquoi, aucun de ceux d'entre nous qui doivent
vivre loin de la maison paternelle, ne devrait se
résigner à se contenter d'une
auberge, mais, si possible, chercher à
être reçu dans une famille où
il apprendra à connaître des femmes
qui, sans le savoir ou le vouloir, lui rendront le
même service que cette vaillante femme me
rendit.
Les relations amicales avec une famille
où vit une femme pure ont toujours quelque
chose d'encourageant, non pas exclusivement en
éveillant en nous de nouveaux
intérêts ou en développant ceux
qui existent déjà, mais en augmentant
d'une façon générale notre
force virile et notre faculté de
sentir.
Dans le cas où il ne
réussirait pas à trouver des
relations de famille amicales, le jeune homme devra
transformer sa solitude en une source de force. Il
y a des personnes qui ont une vraie frayeur de la
solitude ; mais cette frayeur n'est pas autre
chose que la peur de soi-même. On est, pour
soi, un compagnon si incommode, qu'on ne se trouve
bien que dans la compagnie des autres. Celui qui en
est là, a justement besoin de s'exercer
à la solitude. Il peut se la faciliter de
toutes manières. Au lieu de payer le plus
petit loyer possible, afin de réserver son
argent pour de « meilleures »
choses, il se procurera une chambre agréable
et meublée avec goût, dans laquelle il
se plaira. Une chambre peu confortable est toujours
une excuse commode pour l'habitude, si
fréquente et bien bourgeoise, de courir les
cafés. Dans un milieu confortable, il est
déjà plus facile de lire un bon livre
ou de prendre son plaisir à contempler des
estampes et des gravures. Et
lorsque des après-midi ou des jours de
congé le lui permettront, qu'il prenne le
bâton de voyage, que les moyens de
communication rapides dont nous jouissons
maintenant ont presque fait oublier. La saine
nature est, en tout cas, une meilleure
société que la table du
cabaret ; elle a quelque chose de plus
important à dire à un homme
observateur que les calomnies formant la
conversation habituelle des cafés. Si tu ne
trouves pas d'ami véritable, tu seras
toujours isolé, même au milieu de la
meilleure société. Mais ne cesse pas
de chercher à te créer des relations
dans une famille.
Là, nous rencontrons une jeune
mère qui porte son enfant dans son sein.
Nous prenons part, quoique de loin, à tous
les soucis qui précèdent et suivent
la naissance de l'enfant. Le grand mystère
créateur de la nature se
révèle à nous par les yeux,
à la fois graves et joyeux, de la
mère future. Il nous parle de la liaison si
étroite qui existe entre l'état
d'âme de la mère et le
développement caché de l'enfant. Il
nous parle encore du devoir chevaleresque qui nous
incombe vis-à-vis de la femme, celui de la
protéger contre tout ce qui pourrait lui
porter préjudice, il nous oblige à
une admiration respectueuse.
Notre position à l'égard
du monde féminin nous est ainsi
assignée. La femme doit nous être
sacrée, inviolable, à cause
d'elle-même et à cause de l'amour
après lequel nous soupirons. Ce n'est que
l'homme pur qui ne pèche pas contre la femme
pure ; ce n'est qu'à l'homme fort
qu'elle donnera son amour. Cherchons à
subir l'influence de la femme pure, et la femme
impure s'éloignera de nous et nous deviendra
étrangère. Mais n'oublions pas
que toutes ces influences de la pureté et de
la chasteté, de l'amitié
féminine et des relations de famille ne nous
encouragent, ne nous élèvent et ne
nous rendent plus forts, que lorsqu'elles
rencontrent en nous une volonté libre,
prête à les accueillir. Ce ne sera pas
une crainte inspirée par des mobiles
personnels qui nous gardera de la prostitution, pas
davantage des règles de conduite tout
extérieures ou un luxe de précautions
minutieuses qui nous pousseraient à passer
à côté des choses sexuelles
avec un dédain plein d'affectation ; ce
ne seront ni le célibat, ni une
règle, ni un ordre, ni un voeu qui auront la
puissance de nous rendre purs :
C'est la VOLONTÉ qui, en
premier et en dernier ressort, donnera à
notre lutte sa valeur et assurera sa victoire.
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