Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Nous les jeunes

IlI.
LA FEMME

POURQUOI ACCABLEZ-VOUS CETTE FEMME?

JÉSUS

La première femme avec laquelle la vie nous met en contact est notre mère. Lorsque nous étions enfants, nous n'avions aucune idée des relations sexuelles qui existaient entre nos parents. À chaque nouvelle naissance, nous avions, malgré la fable de la cigogne, le sentiment instinctif que notre mère avait fait quelque chose de grand. Je me souviens que le respect que j'éprouvais pour ma mère ne fut jamais si profond que près du berceau d'une petite soeur qui venait de naître. Si l'on avait développé nos pensées enfantines dans cette direction, si, peu à peu, et à mesure que nous étions capables de le comprendre, on nous avait révélé que la nouvelle vie, après avoir été éveillée par le père, germait dans le sein de la mère, nous n'aurions jamais trouvé intéressantes les conversations inopportunes de camarades plus âgés, et nous ne nous serions pas écrié, dans notre indignation enfantine : « Cela, mes parents ne l'ont jamais fait ! »

Mais notre développement a été tout autre. Des camarades ignorants nous ont fourni nos premières informations, et désormais, nous ne pûmes parler, ni entendre parler de ces choses, sans y associer de mauvaises pensées. Nous devons donc, pour ainsi dire, redevenir des enfants et recommencer une éducation qui, depuis longtemps, devrait appartenir au passé.

Nous sommes redevables de notre existence au fait que notre mère s'est donnée à notre père. Nous considérerions comme une grossière offense toute allusion cynique à l'acte qui nous créa. La vie sexuelle de nos parents nous paraît naturelle, et par conséquent sainte.

Puis, nous sommes entrés en relation avec nos soeurs. Pour nos sens, les soeurs n'ont pas de sexe. Le même sang qui coule dans nos veines, les mêmes influences auxquelles nous avons été soumis, les impressions que nous avons reçues avec elles, dès la jeunesse, la vie commune sous le même toit, pendant des années, la connaissance intime que nous avons les uns des autres, tout cela exclut la possibilité d'une excitation sexuelle, et crée, entre frère et soeur, une amitié profitable à tous deux. C'est parce que l'instinct sexuel ne s'éveille pas au contact d'une soeur qu'un sentiment de protection chevaleresque, le premier et le plus puissant que nous éprouvions, peut, mélangé de tendresse, se développer en nous. La supériorité physique du frère lui crée des obligations vis à vis de sa soeur, et lorsque la supériorité intellectuelle, unie à la distinction morale, s'y ajoute, la vie matérielle aussi bien que la vie intellectuelle de la soeur viennent se placer sous la protection du frère. Lorsque la soeur est offensée, le frère se sent atteint. Il est le bouclier de son honneur, jusqu'à ce qu'elle appartienne à un époux.

Serait-il donc inouï que nous conservions, à l'égard de toutes les femmes, ce sentiment de protection que nous éprouvons pour nos soeurs ? C'est une faute de logique que de vouloir traiter autrement que la sienne, la soeur d'un autre. Ce serait une cruauté raffinée que d'entourer une femme, qui nous est étrangère, de pensées de convoitise contre lesquelles nous protégerions notre soeur à tout prix. Nos sentiments chevaleresques envers notre soeur seraient artificiels, conventionnels, si nous laissions libre cours à notre caprice, à notre convoitise vis à vis de l'étrangère. Dans chaque femme, nous devons voir un être auquel est confié le rôle le plus difficile dans le renouvellement du genre humain. Aucun enfant ne vient au monde sans que la vie de la mère soit exposée aux plus grands dangers et sans qu'elle souffre les douleurs de l'enfantement qui consument ses forces. Il est partout admis, sur la surface de la terre entière, que l'on doit traiter avec respect celui qui expose sa vie au danger pour le bien des autres. L'honneur que nous rendons à l'armée ne s'adresse pas à l'uniforme, mais bien à la possibilité, pour le soldat, d'être appelé en cas de guerre à risquer sa vie pour tous. Une femme, qui enfante est toujours, comme le soldat dans la mêlée, en butte au feu meurtrier dont plus d'une a été victime. Même dans le mariage le plus heureux, les années comptent double pour la femme. C'est pourquoi elle a des droits indiscutables à être entourée de respect et de tendre considération.

Le fait que l'homme, étant le plus fort, doive partir seul pour la guerre et s'exposer au danger, parfois même à la mort, qu'il doive être prêt à sacrifier, pour la femme, ce à quoi il tient le plus, n'est que l'indication la plus frappante du devoir que la nature lui confère envers celle dont il doit être le chevalier, le protecteur.

Qu'il y ait des femmes ne méritant, personnellement, aucun respect, que toute la classe des prostituées soit livrée au mépris de l'homme, cela ne peut être, pour nous, un motif d'abandonner notre attitude de respect, non plus que notre rôle de protecteur. Si nous apprenions à traiter avec considération, même celles qui sont tombées, et à leur inspirer ainsi le respect d'elles-mêmes, nous leur rendrions le plus grand service.

La richesse de la vie affective de la femme ne s'ouvre qu'au respect ; il n'y a que l'homme respectueux qui jouisse pleinement et purement des charmes du caractère féminin. Et celui qui est respectueux se rend à lui-même un grand service. Ruskin nomme, avec raison, le respect « la principale joie et la force de la vie, la reconnaissance de tout ce qui est pur et lumineux dans notre propre jeunesse, de tout ce que l'âge et l'expérience ont démontré vrai aux autres, de ce qu'on aime à rencontrer parmi les vivants, de ce qui demeure grand parmi les morts, de ces merveilles de forces qui ne peuvent mourir. » Un respect chevaleresque nous gagne la véritable confiance de la femme, ainsi que tout son amour.

Ne serait-il donc pas possible, nous objectera-t-on, de conserver un respect sincère pour la femme pure, et de rechercher, en même temps, dans le commerce avec les prostituées, la satisfaction des besoins sexuels ? Ce ne sera pas encore par son côté hygiénique que nous aborderons cette question ; nous rechercherons premièrement quelle devra être notre attitude vis-à-vis du monde féminin dans son ensemble. Un de mes contemporains me racontait, un jour, que jamais il ne lui viendrait à l'idée d'entamer une conversation, tant soit peu intellectuelle, avec la prostituée dont il se sert ; il la considère comme un objet dont il a besoin, qu'il repousse ensuite loin de lui, avec dégoût. Me récriant sur cette absence de sens moral, je ne trouvai pas d'autre argument que celui-ci : « Elle est pourtant aussi une créature humaine ! » Et j'estime que cette protestation qui m'échappa, dans mon indignation, est une raison suffisante, pour tout homme honnête, de repousser toute relation avec les prostituées.

ELLE EST POURTANT AUSSI UNE CRÉATURE HUMAINE

- elle est née pour obéir à sa vocation féminine. En elle sommeillent tous les germes qui, s'ils avaient reçu l'air et la lumière nécessaires, se seraient développés jusqu'à produire des fleurs belles et délicates. Mais un homme grossier les a brutalement foulés aux pieds, et d'autres viennent successivement piétiner ce sol, afin que plus rien ne puisse y prospérer. Tout jeune homme qui se sert de cette pauvre créature détruit plus complètement « la femme » en elle. Alors, elle devient une caricature qui nous donne le frisson. Nous ne voudrions pas lui confier une seule des pensées qui nous émeuvent, nous ne lui permettrions pas de prendre une part quelconque à nos intérêts, à notre vie, - et ce serait à elle que nous demanderions de partager avec nous ce qui, plus que toute autre chose, doit nous rappeler au sentiment de notre dignité, ce à quoi nous sommes redevables de nos sensations les plus fortes et les plus intimes !

Nous avons tous une profession qui nous met en relation avec les différentes classes de la population.

Plus nous avons de rapports avec les autres, plus nous avons l'occasion d'exercer une influence sur eux. Pour cela, il n'est pas nécessaire que nous occupions une position élevée, pleine de responsabilités ; dans la position la plus modeste, dans le cercle le plus restreint, notre influence peut rayonner sans que nous nous en doutions parfois. Elle portera l'empreinte de notre individualité et sera, jusqu'à un certain point, une aide pour ceux sur qui elle s'exercera. Nous n'avons besoin, pour nous en convaincre, que de nous rappeler combien grande a été l'influence des autres dans notre propre existence, combien les manifestations, presque inaperçues et involontaires, du caractère de telle ou telle personne ont occupé nos pensées, influencé notre jugement, et finalement, été d'une grande importance pour notre vie. Nous pouvons, ainsi, exercer notre influence sans que nous en ayons conscience. Mais toute possibilité d'exercer une influence entraîne une responsabilité. Et la responsabilité est d'autant plus grande que nous comprenons plus clairement que cette influence ne dépend pas seulement de nos paroles et de nos actions voulues et réfléchies, mais de notre manière d'être tout entière. Il faut donc posséder un caractère bien équilibré et fort pour pouvoir remplir honorablement la tâche que nous imposent nos relations avec les hommes. Tout désaccord dans notre vie paralyse nos forces. Et je ne connais pas de désaccord plus néfaste que celui qui consiste à vouloir unir ces deux choses : le respect pour la femme pure et les rapports avec les prostituées.

Comment pourrions-nous, vraiment, mener ces deux choses de front ? Il est impossible, qu'on l'avoue ou non, de rejeter loin de soi, comme un vêtement sale, la mentalité que l'on rencontre dans le monde de la prostitution ; imagination, pensées, sentiments en restent imprégnés, même en présence d'une femme pure. Les femmes honnêtes ont une intuition claire et nette de l'atmosphère invisible qui entoure un jeune homme, et même si elles se savent à l'abri d'offenses directes, elles n'éprouvent plus de sécurité, plus de candeur dans sa société. Celui qui s'adonne à la prostitution offense la femme pure.

En fin de compte, c'est à lui-même que le jeune homme a fait le plus de tort. Sans qu'il s'en doute, il a perdu l'estime de soi, sans laquelle le développement normal et harmonieux du caractère est impossible. Combien de jeunes gens ont dû reconnaître que, loin d'avoir trouvé dans la prostitution ce qu'elle semblait leur promettre, ils n'en avaient retiré que des déceptions et un amoindrissement physique et moral. Le côté bestial de l'instinct sexuel était seul satisfait, et l'homme réclame plus que cela. Impossible de séparer l'âme du corps. Notre corps prend part à tout ce qui intéresse notre âme, de même que notre âme prend part à tout ce qui concerne notre corps. Dans les relations sexuelles avec une prostituée, l'âme est toujours frustrée de ses droits, car ce qui fait la joie et la force de l'union corporelle de la femme et de l'homme, l'amour, manque. Si nous avons décidé d'abandonner tout ce qui tient à l'animalité, et de conserver notre dignité, d'homme, nous devons cesser de traiter comme purement animal ce qu'il y a de plus humain en nous. Tout retour en arrière, lorsque nous avons acquis un certain degré de développement, est un « péché » qui renferme en lui-même son châtiment. Les déceptions toujours renouvelées, que l'on éprouve auprès des prostituées, les rapports exclusivement physiques que l'on a avec elles, finissent par tuer la capacité de ressentir un amour fort et réel. Bien des célibataires ne peuvent plus se décider à se marier parce qu'il ont perdu, dans les bras des prostituées, la force d'aimer.

Beaucoup de jeunes hommes qui, pour des raisons hygiéniques ou esthétiques, évitent les relations avec les prostituées, mais ne croient cependant pas pouvoir se passer de jouissances sexuelles, ont ce que l'on nomme une « liaison » avec une jeune fille. Les rapports qu'ils entretiennent avec elle sont libres, et peuvent être abandonnés d'un instant à l'autre. Par leur intimité, ils semblent, au premier moment, se rapprocher des relations conjugales.

Je ne me dissimule pas la difficulté qu'il y a à parler de semblables « liaisons » de manière à traiter, avec justice, toutes les questions qu'elles soulèvent. Mais je n'ai pas affaire à des gens incapables d'aborder, de front et pour elle-même, cette question si importante des rapports entre les sexes, et dont les efforts ne tendraient qu'à rechercher froidement et égoïstement les moyens les plus sûrs et les plus commodes de satisfaire leur instinct sexuel. Nous sommes de ceux qui cherchent une solution, qui la cherchent sérieusement, et qui sont fermement décidés à conformer leur vie à celle de ces solutions que leur conscience leur désignera comme la vérité.

Tout jeune homme cultivé et honnête, qui s'efforce de prendre la vie au sérieux, ne se posera pas cette question, aussi brutale qu'égoïste : « Une liaison pourrait-elle m'être profitable ? » Il se demandera plutôt : « Que deviendrait la jeune fille que je m'attacherais pendant un temps ? »

Ne serait-il pas, en effet, lâchement égoïste de notre part, de chercher à éviter le combat, de la manière la plus commode, et de faire supporter à une femme le fardeau que nous ne voulons pas porter nous-mêmes ? Et ce sera, pour elle, un lourd fardeau, car il anéantira son bonheur. N'oublions pas non plus que les jeunes filles qui servent à nos « liaisons » ont, sans contredit, conservé infiniment plus de valeur morale que les prostituées : en elles, il y a donc encore beaucoup à corrompre.

Je prends le cas le plus favorable : La jeune fille a, dans ses relations avec son amant, jeté un coup d'oeil dans un monde qui lui était auparavant fermé ; des goûts intellectuels se sont éveillés en elle, son esprit s'est affiné, ses prétentions se sont accrues.

Fatalement, elle court au devant de déceptions souvent brutales. Le monde dans lequel elle a plongé ses regards lui reste éternellement fermé, non seulement parce que son origine et son manque de culture ne lui permettent pas d'y pénétrer, mais parce que son « passé » l'en éloigne. Ainsi le fruit qu'elle aura récolté de sa « liaison » sera un sentiment de profonde amertume, que même un mariage subséquent avec un homme de moindre éducation, ne pourra lui enlever. Et si l'occasion de se marier ne se présente pas, une fois que les années pendant lesquelles elle pouvait plaire seront passées, elle ira - si elle ne descend pas plus bas encore - grossir le nombre des malheureuses qui ont à peine effleuré de leurs lèvres la coupe de l'amour, mais ne l'ont jamais bue à longs traits.

Jamais bue à longs traits, - car les rapports intimes avec l'amant n'ont pas tenu compte de leur but naturel la procréation d'un enfant ; ils n'étaient que le moyen d'une satisfaction sexuelle, personnelle ou réciproque. Il fallait chaque fois se livrer à certains actes, peu esthétiques, pour empêcher la conception, et il manquait ainsi à la jouissance des relations sexuelles, la consécration du devoir qu'elles entraînent. Il est tout à fait impossible qu'en agissant de cette manière, la moralité de la jeune fille ne descende pas toujours plus bas. Puis, il arrive que, dans beaucoup de cas, elle sort des bras de l'un pour passer dans ceux d'un autre. Et si une union légale ne vient pas arrêter sa chute, il en sera d'elle ce que dit Valentin, dans Faust :

« Tu commenças par l'un, l'autre succédera, puis toute une douzaine ; et bientôt, chez toi, toute la ville, au grand jour, passera ! »

Mais à supposer qu'une jeune fille, ayant eu une « liaison » pendant quelques années, trouve ensuite un mari et devienne une épouse et une mère relativement heureuse, représentons-nous ce que nous éprouverions lorsqu'on viendrait nous dire que notre propre femme, la mère de nos enfants, a eu une « liaison » avant son mariage, et nous comprendrons quel tort a été faite à cet autre homme, de nous inconnu, et à ses enfants. Nous pouvons tourner et retourner la chose dans tous les sens, la « liaison » avilit toujours la femme, c'est donc une lâcheté de la part de l'homme que d'en contracter une.

Il faut avouer, pour être vrai, que l'élément qui manque dans la prostitution, l'amour, se rencontre dans la « liaison ». Mais qu'est-ce qu'un amour qui, dès le commencement, doit compter avec la certitude qu'il cessera un jour ! L'amour est l'union des âmes, et non pas seulement celle des sexes. L'amour vraiment digne de ce nom, ne peut pas admettre la possibilité de finir.

Celui qui existe dans une « liaison » est un amour dégénéré - en tout cas pour l'homme !

Établissons maintenant les avantages et les désavantages qu'un jeune homme peut trouver à avoir une maîtresse. L'avantage qu'il en retire est la commodité avec laquelle il esquive le problème sexuel ; il le résout à sa manière, et pense que l'instinct satisfait ne le troublera plus, sa vie durant. Mais ce qu'il ne voit pas, ou ne peut pas voir, c'est que ses relations intellectuelles, même superficielles, et surtout ses relations corporelles avec son amante, l'ont fait descendre à son niveau, à elle, bien plus qu'il n'a réussi à l'élever au sien, et que ce déficit est gravé en lettres de feu ineffaçables, dans son âme.

Puis il perd, dans sa « liaison » la faculté d'éprouver un amour véritable. Il n'a que la contrefaçon de l'amour, et se trouve dans le même cas que celui qui fréquente les prostituées ; il risque de ne jamais voir venir à lui l'amour vrai, fort et grand. Dans une « liaison » nous épuisons des sensations dont nous avons besoin pour le mariage, pour l'accomplissement des plus nobles actions de notre vie, et pour la procréation d'une nouvelle génération.

Ainsi, en y réfléchissant sérieusement et virilement, nous nous avouerons à nous-mêmes que l'usage si répandu d'avoir une maîtresse ne nous a apporté, à nous, jeunes hommes, aucun bienfait. Le désaccord d'une conduite, si différente selon que nous vivons avec les nôtres ou que nous avons une « liaison », les contrastes qui nous heurtent lorsque nous prétendons appartenir à deux mondes dissemblables, dissocient notre caractère, nous rendent intérieurement étrangers à un monde aussi bien qu'à l'autre, nous placent sur un terrain mouvant, et nous empêchent, à tout jamais, de devenir ce que nous devrions être : des individualités fortes, sérieuses et harmonieuses, dont les actes réfléchis ou spontanés tendent au même but.

Nous n'avons pas l'intention de mettre tout en oeuvre pour détruire l'abus des « liaisons » ; nous voulons essayer, tranquillement et sérieusement, de desserrer la chaîne qui nous lie, afin que nous puissions prendre un nouvel essor ; il n'est jamais trop tard pour cela.

Ce n'est pas tout. Nous avons nettement distingué le cas d'un jeune homme qui succombe une fois, occasionnellement, à sa faiblesse, de celui d'un cynique qui ne veut plus de la pureté. Nous faisons, également, une grande différence entre la chute momentanée, un rapport sexuel avant le mariage, dû à une très forte tentation, et la profanation de la jeune fille dans la « liaison ». Il n'y a rien de commun entre le soldat consciencieux que la lassitude envahit à son poste, au point qu'il ne peut plus résister au sommeil, et le soldat sans conscience qui considère, de prime abord, le poste isolé comme une place favorable pour dormir.

Et s'il naît un enfant de l'instant de faiblesse ou de la liaison ? Dans un cas semblable, pour un jeune homme honnête, la question ne se pose même pas. Le devoir imposé par une paternité de ce genre ne s'arrête pas au payement de la pension légale, bien que ce ne soit pas toujours un bonheur pour un jeune homme - souvent même le contraire - de faire sa femme de la mère de son enfant illégitime. Je connais, cependant, des cas où l'homme a écarté toutes les considérations de rang, de fortune et d'éducation, pour devenir le père légitime de son enfant. Celui qui ne peut le faire, doit, en tout cas, prendre soin de la femme et de l'enfant, afin qu'un malheur ne se transforme pas en souffrance et en malédiction. Et il doit le faire, non seulement pécuniairement, mais avec un affectueux intérêt, avec la pleine conscience que sa responsabilité s'étend à l'avenir tout entier de l'enfant. La responsabilité du père à l'égard de l'enfant né, hors du mariage, n'est pas moins grande, bien loin de là.

Si nous avons absolument nié que les diverses sortes de relations, avant le mariage, puissent avoir quelque valeur, si nous avons démontré leur immoralité qui provient, non pas de la « jouissance » qu'elles procurent, mais du tort qu'elles font à la vie personnelle de ceux qui les recherchent, c'est pour accentuer maintenant, avec d'autant plus d'énergie, la valeur et le charme uniques de cette autre relation qui est une des plus belles choses que la vie puisse offrir : l'amitié de la femme.

La question de la possibilité d'une amitié entre sexes différents est en passe de devenir un problème scientifique. Pour toute une catégorie de jeunes hommes et de femmes, il n'existe même pas. Les femmes qui s'abandonnent, comme objets de satisfaction sexuelle, dans une « liaison », et dont les pensées sont, sinon déterminées, du moins influencées par les sens, ne sont pas capables d'éprouver de l'amitié pour un homme. Les jeunes gens qui n'ont jamais voulu lutter pour dominer leur instinct sexuel ne sont pas davantage préparés à éprouver de l'amitié pour une femme ; car l'amitié entre sexes différents n'exige pas seulement l'exclusion du côté bestial de l'instinct sexuel, il faut encore que le charme et la valeur qui doivent lui appartenir en propre, proviennent de ce que cet attrait réciproque a été assez puissant pour s'élever des bas-fonds de l'animalité, jusqu'à la région supérieure d'une intimité personnelle basée sur la communion d'esprit. Mais cette intimité n'est possible que là où règne une confiance réciproque et inébranlable. Quand une femme devient pour son partenaire un objet de pensées frivoles et sensuelles, elle s'en aperçoit bien vite. S'il essaye de gagner son amitié, elle se retirera dès qu'elle s'apercevra qu'il ne respecte plus sa féminité. C'est pourquoi, la première condition à remplir pour un jeune homme qui cherche une amie, c'est de combattre jusqu'à ce qu'il ait discipliné son corps et son esprit. Tant que nous ne sommes pas fermement résolus à vouloir être purs, tant que nous n'avons pas fait de réels progrès sur le chemin qui conduit à la pureté, nous devons renoncer à rechercher l'amitié d'une femme.

Cependant, cette amitié peut être un bienfait pour nous. Notre constitution masculine, notre caractère viril, si différent de celui de la femme, demandent énergiquement à être complétés par le caractère féminin. « La force active, défensive et impulsive est l'apanage de l'homme. Il est, avant tout, celui qui agit, qui découvre, qui défend. Son intelligence est orientée vers la recherche et l'invention ; son action, vers les aventures, la guerre et les conquêtes, vers la guerre légitime, les conquêtes nécessaires. Mais la force de la femme veut régner et non combattre ; son intelligence ne veut pas inventer ou créer, mais ordonner, débrouiller et juger. Elle voit les propriétés des choses, la place qu'elles doivent occuper ; elle ne prend pas part à la lutte, mais elle décerne la couronne, prix du combat, d'une manière infaillible. Sa position et sa vocation la protègent contre tout danger et toute tentation. Grâce au rude travail qu'il accomplit dans le monde, l'homme est exposé à tous les dangers, à toutes les tentations ; échecs, obstacles, erreurs inévitables, voilà sa part ; il doit être souvent blessé et vaincu, souvent égaré et toujours aguerri. »

De même que la structure de son corps a assigné à l'homme le devoir de produire, de même la femme a été créée pour concevoir, enfanter, protéger et garder ; la vocation intellectuelle de l'homme est de créer quelque chose de nouveau, et celle de la femme de garder ce qui est créé, de l'administrer et de l'augmenter. Ce que Multatuli, qui ne s'est cependant pas laissé aigrir par une vie très dure, dit de ce qui est donné, pris et rendu dans le mariage par chacun des conjoints, est vrai aussi des délicates relations entre ami et amie

« Je retrouve plus belles, plus vigoureuses, plus nobles, pleinement développées, les pensées que j'ai confiées au sol fécond de son coeur. Je demande, comme Haydn, ébloui de son oeuvre, demanda lorsqu'on exécutait sa « Création » : Mon Dieu, est-ce bien moi qui ai fait cela ?

« Ainsi la femme rend à très fort intérêt ce que l'homme qu'elle aime a semé dans son âme. Je lui donne mon âme entière, sans en rien retrancher. J'implante mes pensées dans son intelligence - et lorsque le temps est écoulé, je trouve un arbre où j'avais semé une graine ; un fleuve coule où j'avais laissé tomber une goutte, et je retrouve un rocher où j'avais déposé une petite pierre. »

L'amitié entre un homme et une femme, a donc aussi quelque chose de sexuel, mais seulement en ce sens que deux créatures humaines tendent intellectuellement l'une vers l'autre pour se compléter, qu'elles s'appartiennent par la différence sexuelle de leur intelligence.

N'avons-nous encore jamais subi l'influence d'une femme avec qui nous pouvions avoir des relations de telle nature que nos sens demeuraient dans un bienfaisant repos ? N'avons-nous jamais rencontré une jeune fille entourée de cette atmosphère d'élévation morale qui exclut toute pensée impure ?

Oui ? Alors foulons à nos pieds ce qui, en nous, est animal, et recherchons, nos sens étant maîtrisés, l'amitié de femmes semblables. Cette amitié ne nous sera pas refusée, elle enrichira notre vie ; elle nous rendra, purifié, ce que nous lui aurons donné ; elle nous conduira, si nous sommes purs, à une pureté plus grande encore ; elle augmentera notre force pour le combat que nous avons à livrer contre nous-mêmes ; elle nous imprégnera de l'esprit chevaleresque, en nous imposant l'obligation d'être, notre vie durant, le protecteur de la femme. Tant que nous n'avons pas trouvé celle à qui nom appartiendrons toute notre vie, les relations d'amitié avec une femme nous sont nécessaires. Aussi longtemps que l'humanité existera, l'homme recherchera la femme, car il ne peut s'en passer. Quoique le mariage reste l'union la plus élevée et la plus complète, et bien que l'amitié, par le fait qu'elle est une union incomplète, ne puisse jamais être une compensation au mariage, elle n'en reste pas moins l'occasion la plus noble, la seule possible de relations fécondes entre les sexes.

Elle offre à l'homme un des meilleurs éléments du mariage, le complément de son être intérieur. Car les rapports sexuels ne sont pas ce que le mariage offre de meilleur. Une union conjugale qui ne possède rien d'autre, ne mérite pas ce nom. Le bonheur du mariage doit, dans beaucoup de cas, subsister alors même que, pour différentes raisons, les rapports sexuels ne peuvent plus avoir lieu. Lorsque le mariage n'est fondé que sur une attraction physique et sensuelle, il devient une souffrance. Mais s'il a des racines plus profondes, sa réelle valeur deviendra manifeste. Ce qui est possible dans une union où la continence est observée, l'est aussi dans l'amitié : une compréhension, un enrichissement, un dévouement réciproques.

Mais dans l'amitié comme dans le mariage, l'homme, qui doit être le plus fort, portera la plus grande part de responsabilité, afin que cette amitié soit durable et harmonieuse. D'abord la responsabilité vis-à-vis des dangers de toutes sortes, le plus souvent mesquins, que les sens peuvent faire courir à la durée de cette amitié. En exclure totalement les sens, voilà le parti le plus salutaire à prendre, et aussi, - je demande qu'on veuille bien me croire - ce qui vaudra le mieux pour les deux parties. Et si, peut-être, des jeunes hommes pleins de force n'y réussissent pas toujours, un baiser ou une caresse inoffensive ne sont pas choses si terribles. Il n'y a que les pédants qui fronceront les sourcils. Mais il est certain, qu'entre amis de sexes différents, de semblables tendresses ne doivent pas être la règle. Autrement l'amitié deviendrait niaise, ou même un peu vulgaire, et dénoterait, en tout cas, un manque de goût. Or, l'homme qui aime le plus à jouir de la vie doit se garder de manquer de goût, surtout en ces matières. Le manque de goût est non seulement le signe d'une sensibilité qui n'est plus très saine, mais il nuit toujours en diminuant la joie réciproque ; il est aussi le chemin qui mène à l'avilissement personnel et général.

Impossible de définir exactement ce qui constitue un manque de goût ; chacun doit le sentir pour son propre compte. Il vaut cependant mieux être un peu sévère - mais sans pédanterie envers les autres, - que trop indulgent pour soi-même.

Il pourra arriver que « le monde » jase sur l'amitié, même la plus pure et la moins équivoque, existant entre une jeune fille et nous. Par égard pour elle, nous ne devrons pas ignorer complètement ces bavardages ; cependant nous ne leur accorderons pas non plus trop d'attention, car ceux qui s'y livrent sont, pour la plupart, de pauvres diables, incapables de comprendre que la sensualité peut être exclue des relations entre les sexes et remplacée par quelque chose de meilleur. Celui qui est sûr de lui-même a, non seulement le droit, mais le devoir d'opposer au bavardage des gens, un hautain : « Eh bien, peu m'importe ! » Les idées insensées et hypocrites qui s'opposent aujourd'hui encore, à des relations de ce genre, lors même qu'elles sont inoffensives et en état de braver toute critique, ne disparaîtront que lorsque nous ne nous préoccuperons plus de ces bavardages, car il est certain que moins nous serons sûrs de nous-mêmes, plus nous serons craintifs et soumis à leur influence.

L'amitié entre un homme et une femme doit encore compter avec une autre éventualité. Un amour peut s'éveiller dans le coeur d'un des amis, sans trouver d'écho chez l'autre. C'est l'objection que l'on fait le plus souvent à ce genre d'amitié. Elle deviendrait ainsi un malheur, et ce qui a commencé, dans la joie et avec de grandes espérances, finirait dans les larmes et la douleur. Un amour non partagé est-il toujours un malheur ? Cela dépend entièrement de la manière dont celui qui est frappé se comporte. S'il considère philosophiquement cet événement comme une chose qui devait arriver dans sa vie, s'il accepte courageusement cette déception, s'il s'efforce d'en tirer parti pour son propre développement, s'il a la ferme volonté de ne pas permettre à la douleur de le rendre plus faible, il sortira plus fort de cette épreuve, et ce qui lui paraissait insupportable deviendra finalement, pour lui, un stimulant sans égal. Qu'il traverse cette épreuve en la sondant jusqu'au fond ; plus il le fera, mieux cela vaudra. Alors il fera de sa douleur une guérison, de sa chute, un relèvement. Un amour malheureux ne peut conduire à la ruine que les faibles. Ils auraient aussi bien succombé dans toute autre circonstance.

Et d'un autre côté, quelle joie, lorsque dans le sanctuaire paisible de l'amitié, la flamme de l'amour réciproque s'allume, et que l'amie devient la fiancée ! En tout cas, cette manière d'apprendre à s'aimer et de se fiancer est beaucoup plus sûre et naturelle que les coups de foudre d'où résultent fréquemment les fiançailles.

Ruskin parle sévèrement de cette facilité avec laquelle les jeunes gens se lient pour la vie : « Je ne puis trouver de termes assez forts pour exprimer le danger universel et signaler la vulgarité des demandes en mariage, que la mode actuelle a, presque érigée en loi ; lorsque, misérablement égarés à la lumière des salons et des salles de bal, au clair de lune, - en tout cas, pas au grand jour, - des jeunes gens, vêtus d'une façon indécente et provocante, ou follement prétentieuse, tristement ignorants, se cachent dans les coins, se regardent en souriant, se font les yeux doux, chuchotent, gémissent, s'insinuent, tâtonnant et trébuchant dans ce qu'ils nomment l'amour - et cherchent toujours à obtenir ce qui leur plaît, au moment où ils en ont envie, continuellement en danger de perdre tout l'honneur de la vie, pour une folie, toute sa joie, à cause d'un hasard. »
Et qu'y a-t-il à côté de cette amitié profonde de la femme ?

Eh bien, vous connaissez les différents degrés de l'amourette, depuis l'amusante camaraderie avec une jeune fille, jusqu'à cette manière déplaisante de faire sa cour qui rend si pénible, pour une personne ayant le sens du beau, la vue des regards langoureux qui en sont les manifestations ostensibles. Une bonne camarade, avec qui on se taquine, avec qui on fait toutes sortes de plaisanteries, à qui l'on vole parfois un baiser, en lui laissant cependant la conviction qu'elle n'a à redouter aucune assiduité désagréable, n'est pas à dédaigner. Si la jeune fille qui vous accorde cette camaraderie est pure, elle pourra vous inspirer l'envie d'être pur, vous-même, autrement vous auriez honte près d'elle. Vous connaissez aussi la façon déjà indiscrète par laquelle, comme dit la chanson : « on cligne de l'oeil et pousse du pied », le flirtage qui recherche la satisfaction du besoin momentané d'aimer, mais qui ne pense pas à s'engager sérieusement, et qui, reposant sur une excitation superficielle et sensuelle, disparaît avec l'objet de la convoitise. Vous connaissez aussi cette frivolité masculine qui « tourne la tête » de toutes les jeunes filles et qui se complaît à jouer le rôle d'un irrésistible ; cette vanité intolérable qui, par des traits d'esprit, des vêtements élégants ou d'autres futilités, croit en imposer à des jeunes filles de valeur. C'est ainsi que sombre, souvent, le légitime sentiment de joie que fait éprouver la beauté féminine, et que la sensualité, non maîtrisée, commence à exercer sa domination. Il suffit d'avoir, une fois, surpris derrière une haie un semblable couple d'amoureux, pour être convaincu, à tout jamais, de la laideur insupportable du désir, à peine voilé, qui recherche plus que le baiser.

Et lorsqu'un fils de parents riches ou un grand commerçant s'autorise de la dépendance dans laquelle se trouve une jeune fille pour se procurer la jouissance d'un baiser, ou même de rapports plus intimes, nous ne pouvons que nous écrier : « C'est une lâche infamie ! » Car, ce que la femme possède de meilleur, le sentiment de sa valeur, tout-à-fait indépendant de sa position sociale, lui est enlevé à jamais. Une jeune fille peu instruite, qui accepte trop volontiers les flatteries que lui vaut sa beauté, descend insensiblement à un niveau où elle ne se considère plus que comme une marchandise, et si le secours ne vient à temps, cela la conduira facilement sur la pente fatale.

« Mais, nous faudra-t-il donc devenir des « misogynes » (1) ou des jeunes hommes craintifs et efféminés, ou encore des « petits garçons bien sages » (2) qui éviteront, à tout prix, le contact des femmes ? Faudra-t-il que nous renoncions à toute la joie de la vie ? » Pas du tout ! Nous pouvons et nous devons jouir de la vue d'une belle jeune fille, d'une belle femme, comme de tout ce qui est beau dans la nature et dans l'art. Mais, tu tiens sûrement pour indigne de cueillir une belle fleur pour la déchirer, de saisir un joli insecte pour l'écraser. Serait-ce moins vilain de briser une fleur humaine pour satisfaire tes convoitises ?

Apprenons à regarder une femme pour admirer sa beauté ! Surtout cette beauté de l'âme qui peut se manifester au travers des traits les plus irréguliers, et malgré des mains déformées par le travail. Nos yeux perdront alors l'habitude de rechercher les charmes sexuels, et la jouissance que nous fera éprouver la vue de la femme, au lieu d'être un piège pour notre convoitise, deviendra l'éducatrice de notre pureté.

Je le répète : conservons toute la fraîcheur de notre amour pour la femme qui nous appartiendra. La vie est trop longue pour être supportable lorsque la faculté d'aimer est émoussée. Seule une grande âme est capable d'un grand attachement, ce n'est que sur des cordes harmonieuses que peut résonner le chant de l'amour éternel. Tout ce que nous donnons à un amour artificiel et peu sérieux, nous le perdons en bonheur et en force.


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1 Philister.

2 Brave Muttersöhnchen.

 

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