LA PUISSANCE
DE LA PRIÈRE
I
LE MOMENT DE PRIER
La prière réalise l'union
avec Dieu. Elle est donc la religion en
acte.
AUGUSTE SABATIER.
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C'est le moment de prier.
Le temps est aux prieurs, - ce
mot étant pris dans son sens naturel.
Après avoir tant démoli, il faudra
reconstruire, et les prieurs seront les
indispensables agents de la reconstruction.
Sans les prieurs, que ferait-on ?
On mettrait des pierres sur des pierres ; on
signerait des tas de conventions. Mais pour lier
les pierres et surtout pour lier les âmes, il
manquerait le meilleur des ciments, le ciment de
l'amour et de la durée, dont les prieurs ont
le secret.
C'est l'âme qui fait les peuples.
C'est l'âme aussi qui les refait. Or seule,
la prière vivifiera et unira les âmes.
Seule, elle multipliera les âmes de bonne
volonté, tolérantes et fraternelles.
Les, vrais et bons prieurs sont les vrais semeurs
de paix et d'harmonie.
Vis-à-vis du monde partagé
en deux camps, vis-à-vis du monde en danger
de rechute dans la pire des barbaries, jamais plus
qu'aujourd'hui on n'a eu besoin de prier, et jamais
peut-être on n'a moins prié.
Il faut que cela change ! Et pour
que cela change, il faut une armée de
prieurs ; il faut des volontaires et des
soldats de la prière.
Le salut du monde l'exige.
II
QU'EST-CE QUE LA PRIÈRE
Il y a bien des manières de prier, et il
y en a de franchement mauvaises. Il y a des
machines à prier. Il y a le moulin à
prières des Thibétains et de leur
grand lama. Il y a le marmonnement sourd, il y a la
génuflexion mécanique de celui qui ne
prie que par ordre, par pénitence
imposée ou par peur, sans amour et sans
foi.
Je ne reconnais point là la vraie
prière.
Qu'est-ce donc que prier
vraiment ?
Prier, c'est communiquer avec le
monde des forces supérieures, avec les
puissances bienfaisantes et amies de
l'humanité, et tout d'abord avec le Christ
qui, est au premier rang parmi ces puissances, avec
le Christ, chef de l'humanité dans le
domaine spirituel,
Dieu-délégué de la
planète Terre.
Prier, c'est s'approcher du centre de
la vie ; c'est doubler, décupler,
centupler sa pauvre énergie personnelle par
des emprunts aux énergies cosmiques et
surtout à l'Énergie
suprême.
Prier, c'est mettre son âme
« à l'unisson de
l'infini ».
Prier, c'est remonter à la
source de son esprit, à la source de
toute lumière, de toute
connaissance.
Prier, c'est, comme l'alouette,
s'élever, en chantant,
droit au soleil, au soleil des
esprits, en plein milieu de création
vitale, pour de là redescendre vers la
besogne familière, vers la terre noire et
parfois hostile.
Prier, c'est éclairer, c'est
illuminer son âme aux irradiations des
clartés éternelles.
Prier, c'est prendre un bain dans
l'océan des perfections divines :
Vérité, Amour, Justice,
Sainteté ; c'est prendre par ce bain
des forces pour la lutte.
Prier, c'est aussi se recueillir,
se ramasser, se tasser en soi-même ;
c'est imposer silence aux vains bruits du dehors
et, à la faveur de ce recueillement, entrer
dans la chapelle que chacun porte en soi, et
là, écouter les voix
intérieures, les voix incorruptibles,
l'écho de la Sagesse, de la Bonté, de
la Beauté suprême.
Prier, enfin, c'est entamer un
dialogue avec Dieu... Mais avec quel
Dieu ?
Aujourd'hui, il faut bien
s'entendre ! Il est un Dieu casqué,
botté, cuirassé, porteur d'un grand
sabre.
Ses fabricants eux-mêmes en
auront, en ont peut-être déjà
honte.
Ce Dieu-là, nous n'en voulons
pas. Jamais nous ne l'avons prié. Mais ce
Dieu de contrefaçon ne supprime pas le vrai
Dieu.
Le Dieu de l'enfant au coeur innocent,
le Dieu de la mère et de la veuve en deuil,
le Dieu du soldat qui meurt pour ce qu'il sait
être la cause juste ; le Dieu des
consciences droites, des coeurs sincères,
des âmes généreuses, de la
raison ferme et impartiale ; le Dieu qui est
la terreur des criminels, le refuge des
opprimés, le vengeur des victimes et le
cauchemar des bourreaux ; le Dieu qui s'est
fait homme en Jésus-Christ afin
d'élever les hommes jusqu'à
lui ; le Dieu qui a
pleuré afin que ceux qui pleurent ne
pleurent pas toujours ; le Dieu qui a
porté la croix afin qu'un jour nous portions
la couronne ; le Dieu qui est un Père
et, en Jésus-Christ, un Frère et un
Sauveur, - ce Dieu-là, c'est le nôtre.
C'est le Dieu de l'humanité : Il existe
pour elle : elle est faite pour Lui.
C'est ce Dieu-là que nous
prierons.
Le prier, c'est notre grandeur et notre
privilège ; c'est notre étoile
des bons comme des mauvais jours.
La vraie prière est un
téléphone par le moyen duquel
nous appelons le Père que nous avons au
ciel... Nous l'appelons, et Il
répond.
La vraie prière est une
véritable télégraphie sans fil
qui envoie des dépêches de l'homme
à Dieu, puis en rapporte de Dieu à
l'homme.
Par la prière nous causons
face à face avec le Dieu vivant ;
nous le prenons par la main comme un
Père ; par la prière, comme on
l'a dit, nous faisons mouvoir le bras qui gouverne
le monde.
Catherine de Sienne a
donné de la prière, où elle
excellait, cette belle
définition :
« La prière parfaite
ne consiste pas dans la multitude des paroles, mais
dans l'intensité du soupir qui
élève l'âme à Dieu. Tout
ce qui est dit et fait pour le salut des hommes est
une prière continuelle, mais une
prière qui ne nous exempte pas d'user dans
certains moments de la prière mentale et
verbale. Tout ce qui se fait pour l'amour de Dieu
et du prochain, dans un but juste et droit, est une
prière. Ils ne cessent pas de prier ceux qui
ne cessent pas de faire le bien. Notre amour pour
le prochain est une prière
continuelle ; mais ce même amour nous
poussera toujours à la prière
pratique, à certains moments et bien au
delà des heures prescrites, si le salut des
âmes ou quelque difficulté où
nous nous trouvons le demande. »
Quand tant d'êtres humains, nos
frères et nos soeurs, pleurent sur des
ruines, sur des berceaux, sur des tombeaux ;
quand beaucoup d'entre eux ont tellement
pleuré que la source des larmes est tarie et
que dans leur oeil sec, on ne lit plus qu'un muet
désespoir, oh ! comme on voudrait que
chacun sût au moins appeler le Père,
le Dieu des pardons et des
miséricordes !... Mais voilà, le
mal est trop grand ; la plaie trop large et
trop profonde. Comme cette Rachel dont parle
l'Évangile, ils ne veulent pas être
consolés, parce que ce qu'ils aimaient n'est
plus...

S'ils ne savent pas appeler Dieu, appelons-le
pour eux.
Dieu répondra et par nous leur
dira : « Invoque-moi au jour
de ta détresse. Je te soulagerai
d'abord ; puis un jour, car le temps est
à moi comme l'éternité, un
jour, je te délivrerai ; et alors tu me
rendras gloire. »
III
COMMENT IL FAUT PRIER
Même adressées censément au
vrai Dieu, il est des prières qui n'en
sont pas, et que, par conséquent Dieu
n'exauce pas.
Telle est évidemment la
prière du violent et du
méchant, prière de brigand qui
demande à réussir son coup,
prière de crocodile en quête de
proie.
La prière du méchant est
un péché ajouté à
d'autres péchés.
C'est la confirmation du mot de
Tacite : « Corruptio optimi
pessima. » Ce qu'il y a de meilleur
lorsqu'il est corrompu devient ce qu'il y a de
pire.
Le masque de la prière sur une
face de fourbe, de voleur, d'assassin, c'est un
record d'hypocrisie ; c'est le renouvellement
du baiser de Judas. C'est « Satan
déguisé en ange de
lumière ».
La prière de vengeance est
une tentation très naturelle au coeur
humain.
Pour écarter les brûlantes
sollicitations de l'esprit de vengeance,
rappelons-nous la nature de notre Dieu.
« Il ne veut pas la mort du
pécheur, mais sa conversion et sa
vie. »
Rappelons-nous aussi l'exemple de
Jésus. C'est à propos d'une
prière de vengeance que Jésus dit
à deux de ses disciples :
« Vous ne savez de quel esprit
vous êtes
animés. » Sa vengeance, à
lui, a été de prier pour ses
bourreaux.
Des prières inutiles, ce sont
les prières faites sans foi, ou avec
si peu de foi que ce n'est pas la peine d'en
parler, prières des lèvres, non du
coeur ; prières de routine,
prières qui font partie en quelque sorte de
la toilette du matin ou du soir, mais qui n'ont pas
plus de valeur morale et religieuse que les divers
actes de cette toilette.
Des prières sans valeur, ce sont
aussi les prières molles et vagues,
qui ne disent rien et qui ne veulent rien, vain
bruit, vaine parade, vain simulacre de ce qu'il y a
de plus sacré au monde.
Eh quoi ! il s'agit d'obtenir
audience du Roi des rois, d'obtenir communication
de sa force toute-puissante. O prodige !
Ambition folle, en apparence, et pourtant
légitime ! Il s'agit, comme Jacob au bord du
torrent de Jabbok, de lutter avec Dieu, et de
vaincre dans cette lutte...
En ce moment où les puissances du
mal sont déchaînées avec un
acharnement extraordinaire d'un bout à
l'autre du monde, au sein de chaque nation, au sein
des Églises mêmes, en plein
sanctuaire ; en ce moment où le
Tentateur s'efforce de séduire les
élus mêmes, tout est possible ;
en ce moment où Satan, « le Prince
de ce monde », comme au temps de
Jésus, semble jouer la suprême partie,
il s'agit de gagner la partie, pour Dieu et
pour l'humanité ! Il s'agit de
cela ! Et, à ce moment-là, nous
opposerions à l'Ennemi séculaire de
notre race, à ses citadelles, à ses
armes et à ses bandes, nous opposerions...
Quoi ?... Des prières de paille, des
prières d'eau tiède, des
prières endormies et
endormantes, des oraisons sans
pensée et sans âme !...
Autant vaudrait aller au combat avec,
pour armes, un éventail, un plumeau, un
roseau.
Non, non !... Prier, c'est
croire.
La foi, dit saint Paul, un maître
prieur, c'est le bouclier qui
« éteint les traits
enflammés du Malin. » La foi,
c'est l'épée ; c'est, dirait-on
aujourd'hui, la baïonnette, dont Satan n'a
jamais attendu ni paré les coups. La foi,
c'est l'irrésistible canon de siège
qui nivelle les forts, comble les tranchées,
disperse les hordes de Satan. La foi, Jésus
l'a dit, c'est la force qui peut transporter les
montagnes, - et que de montagnes à
transporter pour réaliser le rêve de
la Cité future !
La foi et Jésus sont les
deux assises, les deux pôles de la
prière.
Le Christ a eu conscience de ce
rôle unique et vainqueur qui, de
siècle en siècle, lui appartient.
Comme un général en chef en une
veille de victoire, il a lancé cet ordre du
jour :
« En vérité,
en vérité, je vous le dis, ce que
vous demanderez au Père EN MON NOM, Il vous
le donnera. »
En mon nom !... Suivant les temps,
les circonstances, quel n'est pas le pouvoir d'un
nom ou d'une signature ! Le nom de
Jésus, avec celui de Dieu, est le plus grand
des noms. Le pouvoir du nom de Jésus, le
crédit de Jésus auprès de Dieu
son Père, est illimité dans l'espace
et le temps. Quiconque est l'ami et le serviteur de
Jésus possède auprès de Dieu
un blanc-seing utilisable à
discrétion.
Sur la vertu du nom de Jésus, je
lisais, l'autre jour, un trait bien
caractéristique
(1).
Le pasteur Blumhardt, un des modernes
héros de la prière, était
arrivé plus d'une fois, par le pouvoir qui
lui venait d'en haut, à guérir des
malades gravement atteints.
Une fois, cependant, il
désespérait d'obtenir la victoire. La
malade était en proie à des
convulsions effrayantes, accompagnées de
manifestations étranges. Tout à coup,
saisi d'une inspiration subite, convaincu
d'ailleurs qu'il se trouvait en face de
phénomènes sataniques, Blumhardt
saisit les mains de la malade et lui dit avec
force : « Joins les mains et
dis : « Seigneur,
aide-moi ! » Quelques instants
après, la jeune fille s'éveilla,
répéta ces paroles, et les
convulsions cessèrent
aussitôt.
Durant plusieurs semaines, la pauvre
possédée eut encore de terribles
crises. Mais le remède était
trouvé, Une nuit, vers deux heures du matin,
elle s'écria d'une voix surhumaine :
« Jésus est vainqueur !
Jésus est
vainqueur ! »
Elle était guérie.
Jusqu'à la mort de Blumhardt,
c'est-à-dire pendant trente-huit ans, elle
fut son aide la plus utile.
Dès lors, en plusieurs occasions
critiques, Blumhardt poussa à haute voix ce
cri : « Jésus et
vainqueur ! » et jamais
l'efficacité n'en fut démentie
« J'ai vaincu le
monde », a dit le Christ en marchant
à la croix... L'Ennemi le sait et se le
tient pour dit.
IV
EFFICACITÉ DE LA VRAIE
PRIÈRE
ELLE DONNE L'EXPÉRIENCE DE DIEU ET DE
LA LIBERTÉ
Rien n'est plus éloquent qu'une
expérience. Or la vraie prière est
une expérience. Cette expérience,
il est vrai, comme toutes les expériences,
vaut surtout pour celui qui la fait ; mais
elle peut en engager d'autres à la faire
à leur tour.
En la faisant, ils resteront dans la
vraie et large tradition de l'humanité. En
effet, par son antiquité et par son
universalité, la prière est un
fait humain.
C'est un fait naturel, dirai-je.
L'homme a toujours prié, il
priera toujours. Il serait bien étrange, il
serait contre nature que ce besoin inné qui
pousse l'homme à prier aux heures graves de
la vie fût une faim et une soif pour
l'apaisement desquels il n'y aurait ni pain ni
eau.
« Pendant qu'il priait, le
ciel s'ouvrit et l'Esprit saint descendit sur
lui » ; c'est en ces termes que
l'Évangile de Luc nous raconte le
baptême du Christ au Jourdain.
« Pendant qu'il priait, le
ciel s'ouvrit », c'est une
expérience, mais une
expérience-type, une expérience
qui s'est répétée des milliers
et des millions de fois, qui
se répète chaque fois qu'une
âme chrétienne prie avec foi au nom de
Jésus.
Oui, le ciel s'ouvre alors, mais non pas
toujours à la minute. Il faut pomper un
certain temps pour amener l'eau à jaillir de
certaines sources. Il faut plusieurs battements
d'ailes pour enlever de terre un oiseau. De
même, le plus souvent, il faut au prieur
même le plus exercé et le plus
entraîné, quelques moments d'appel et
de recherche avant de trouver Dieu. Mais quand
on l'a trouvé, quelle récompense et
quelle expérience ! l'expérience
de Dieu même, l'expérience que
Dieu existe, qu'Il est vivant et qu'Il entend,
qu'Il répond à qui l'appelle et qu'Il
se communique, qu'Il est justice, paix, amour et
liberté.
Un des fruits les plus excellents de
la prière de la foi, c'est de nous
démontrer à nous-mêmes que nous
sommes libres. C'est de renverser les murs de
la prison d'un inflexible mécanisme
où les matérialistes veulent nous
enfermer. C'est de prouver qu'il y a, entre les
êtres vivants, d'autres rapports que ceux qui
se pèsent et se calculent, qu'il y a autre
chose que la matière, qu'il y a l'esprit, et
que l'esprit, que notre esprit est libre,
libre comme l'oiseau, libre de s'envoler aux
sphères éternelles, au dessus des
brumes, des laideurs et des horreurs de ce bas
monde, libre de s'unir à l'Esprit Souverain,
libre de s'épurer de se
régénérer, de se grandir
à son contact.
Révélatrice et
libératrice, telle est la vraie
prière.
Ne fût-elle que cela, il vaudrait
la peine d'en user.
Mais elle est davantage.
Dans toutes les sphères de la
vie, elle est le grand, l'efficace secours à
la portée de tous.
V
LA PRIÈRE ET LE PAIN QUOTIDIEN
L'homme est un esprit enfermé dans un
corps. L'esprit prime le corps, l'anime, le
conduit. Cependant, en ce monde, l'esprit ne peut
se passer des services du corps. Les
pédantes du grand siècle traitaient
de guenille le corps. À quoi Molière
répondait :
« Guenille, si l'on
veut ; ma guenille m'est
chère. »
Le Christ, sur ce point, tient l'avis de
Molière. Jamais il n'a méconnu les
besoins de la vie physique. Parlant du
vêtement, du boire et du manger :
« Votre Père céleste,
a-t-il dit, sait que vous avez besoin de ses
choses. » Et dans la prière qu'il
nous a enseignée, les besoins du corps
trouvent place avant même ceux de l'esprit,
immédiatement après ce qui concerne
nos devoirs envers Dieu.
Ne soyons pas plus spiritualistes que le
Christ. Demandons à Dieu le pain
quotidien, c'est-à-dire le
nécessaire, rien que le nécessaire,
mais tout le nécessaire ; mais
demandons-le comme il faut demander toute chose, en
nous soumettant d'avance aux lois divines,
spécialement à la loi du travail.
Demandons aussi avec foi, puisque prier sans foi,
c'est vraiment battre l'eau avec un
bâton.
Ainsi faisait le petit garçon
dont parle un numéro du
Libérateur, de M. Théodore
Monod, de Paris, dans un apologue
ingénieux :
- Maman, disait cet enfant à sa
mère, tu dis, n'est-ce pas ? que, si
nous demandons quelque chose à Dieu, Il nous
le donne.
- Oui, mon enfant, pourvu que nous
demandions avec foi.
- Eh bien, maman, puisque nous sommes
pauvres et que nous n'avons pas de pain, je vais
demander à Dieu avec foi de faire que demain
il y ait un gros pain dans le buffet.
- Soit, pourvu que tu croies qu'il y en
aura un.
En effet.
Le lendemain, l'enfant, à peine
levé, court ouvrir le buffet. Il
était vide. Alors l'enfant :
- Tu vois, maman. Ah, ! j'en
étais bien sûr.
Prière sans foi, prière
sans exaucement, c'est tout un.
Que de fois, en revanche, Dieu a
merveilleusement exaucé ceux qui lui
demandaient avec foi le pain
quotidien !
Les exemples sont innombrables.
En voici quelques-uns, empruntés non aux
livres, mais à mes relations. Je pourrais en
citer aussi de personnels.
« Un jour, me raconta mon ami
A. M., je devais payer une traite à jour
fixe et il me manquait une quarantaine de francs.
J'étais en grand souci. Je me mis à
prier. Quelques instants après, le facteur
passa et me remit un pli marqué du sceau de
la préfecture de Gap. C'était un bon
de quarante-neuf francs en remboursement de ce que,
j'avais versé en excédent pour une
canalisation. »
Le trait suivant, d'un milieu moins
rustique, est parvenu, l'autre
jour, à ma connaissance. Il s'agissait d'un
homme que je connais, éclairé,
instruit et d'une parfaite honorabilité.
Malgré toutes ces qualités, M. X. se
trouvait dans une situation très
gênée. Directeur d'un institut de
fondation récente, il avait vu sa
clientèle fondre subitement et il ne savait
comment faire face à ses obligations. Homme
de foi vivante, il se mit en prière, sans
voir d'ailleurs d'où pourrait lui venir le
secours. Après des semaines d'angoisse, au
moment où il s'y attendait le moins, dix
mille francs lui arrivèrent,
c'est-à-dire le nécessaire.
Voici ce qui s'était
passé. Pendant deux ans il avait eu pour
élèves deux frères, fils d'un
étranger habitant un pays lointain et se
trouvant alors, lui aussi, dam une situation
très étroite. Avant la guerre, il
était venu chercher ses fils, sans pouvoir
rien remettre à M. X. de ce qu'il lui
devait, et il était parti sans même
donner son adresse. M. X. avait passé la
somme en souffrance aux profits et pertes. Il n'y
comptait plus. Il n'y pensait même plus, tant
il jugeait nulles les chances de recouvrement.
C'est cependant ce débiteur
réputé insolvable qui lui
écrivit : « J'ai fait de
meilleures affaires, et je suis heureux de
m'acquitter intégralement de ce que je vous
dois. »
M. X. a raison de dire avec
l'apôtre Jean : « Nous
savons que Dieu nous exauce, quoi que nous lui
demandions, parce que nous avons reçu ce que
nous lui avons demandé. »
(1 Jean V, 14-15.)
Je causais, un soir, avec un
négociant d'une grande ville, placé
à la tête d'une affaire importante et
prospère.
- Dans les affaires, me dit-il, celui
qui ne réussit pas, c'est qu'il ne le veut
pas.
- Comment cela ? fis-je un peu
ahuri ; car enfin chacun veut le
succès.
- Eh oui, il n'y a qu'à demander
à Celui qui a dit :
« Demandez et vous
recevrez. » J'en ai fait vingt fois
l'expérience.
J'ajoute que ce
négociant-là jouit de l'estime
générale et qu'il la mérite.
Il est non seulement juste, mais bon et paternel
avec ses nombreux employés, ce qui, sans
doute, ne nuit pas à l'efficacité de
ses prières.
Il est un exemple que je n'ai pas le
droit d'omettre ici. C'est celui de George
Muller, le célèbre philanthrope
de Bristol.
Tout jeune encore, George, Muller
résolut de prendre à la lettre les
promesses de l'Écriture sainte et de compter
sur Dieu avant tout pour sa subsistance. Selon sa
propre expression, il prit Dieu pour
associé.
Muller eut une vie excessivement active
et féconde. Il fit distribuer à ses
frais plus de deux millions d'exemplaires des
Saintes Écritures et plus de cent millions
de traités religieux. Il bâtit cinq
grands orphelinats et y recueillit des milliers
d'orphelins. Il fonda des écoles et des
cours d'adultes où furent instruits plus de
120 000 élèves de tous les
âges. Pour toutes ces oeuvres, Muller
reçut et administra environ 35 millions de
francs et fit de longs et nombreux voyages. Pendant
les 68 ans que dura son ministère, il ne
posséda en propre que ses vêtements,
son mobilier et l'argent nécessaire aux
dépenses courantes. Sa méthode
consistait à faire connaître ses
besoins généraux, mais sans parler en
détail de ses besoins du
moment. Pour ces derniers, il s'adressait
directement à Dieu, certain que, tôt
ou tard, les prières sont exaucées si
l'on a confiance.
La confiance de George Muller
était illimitée.
« Quand je perds une clef ou
tout autre objet, écrit-il, je demande au
Seigneur de me la faire trouver, et je sais qu'Il
me répondra. Quand j'ai donné
rendez-vous à quelqu'un, quand ce quelqu'un
ne vient pas à l'heure convenue et que cela
commence à me gêner, je demande au
Seigneur de bien vouloir hâter
l'arrivée attendue, et je sais qu'Il me
répondra. Quand je ne comprends pas un
passage de la Parole de Dieu, j'élève
mon coeur au Seigneur, pour qu'Il veuille bien
m'instruire par son Saint-Esprit et je sais qu'Il
m'instruira, bien que je ne sache pas quand ni
comment Il le fera. Quand je dois prêcher la
Parole, je cherche du secours auprès du
Seigneur, et je suis plein de joie parce que je
compte sur son appui
(2). »
Dans ses orphelinats, on fut souvent
bien près de la disette ; on eut
rarement faim.
« Jamais, dit Muller, je n'ai
senti plus vivement la présence de Dieu et
sa fidélité que lorsque, le
déjeuner terminé, il ne restait rien
pour le dîner - et nous étions plus de
cent - ou lorsque, après dîner, il ne
restait rien pour le thé, et que le Seigneur
pourvoyait à tout, sans que nous eussions
informé de nos besoins une seule
créature humaine. »
En ne demandant les moyens de construire
ses orphelinats qu'à la prière et
à la foi, Muller déclare
qu'il voulait avant tout
démontrer que Notre Père
céleste est le même Dieu fidèle
qu'il a toujours été, tout
prêt, aujourd'hui comme autrefois, à
prouver qu'il est le Dieu vivant à tous ceux
qui mettent en lui leur confiance. Aussi
refusa-t-il d'emprunter de l'argent pour aucune de
ses entreprises.
Chose remarquable, S. Muller, ce
géant de la prière, a
été aussi un géant de l'action
au service de ses semblables. Aussi quand George
Muller mourut à quatre-vingt-six ans.. ce
fut un deuil public dans toute l'Angleterre. Les
cochers de Bristol, le jour des funérailles,
mirent du crêpe à leurs fouets. Ce
détail en dit long.
Que penser du système de George
Muller et de l'exaucement de ses
prières ?
« Hasard,
coïncidences ; séries de hasards
et de coïncidences ;
superstition » ! diront les
incroyants en haussant les épaules. À
quoi les croyants, forts de leurs
expériences et de celles de milliers
d'autres, répondront :
« Réalité,
réalité naturelle et rationnelle
entre toutes, puisque dans l'univers, la source
suprême de force est en Dieu, et puisque la
prière est un emprunt à cette
source. »
À la lumière de la
science, le monde entier nous apparaît de
plus en plus comme un échange, un
entre-croisement d'énergies et de forces
(3). Pourquoi,
dès lors, l'esprit de l'homme ne serait-il
pas influencé, actionné, enrichi, par
l'Esprit souverain ? Pourquoi
Celui qui commande aux anges, aux
saintes myriades aux choses visibles et aux
invisibles, n'exaucerait-il pas ceux qui entrent en
contact avec lui par la prière de la
foi ? Et pourquoi, dans ce but,
n'influencerait-il pas et, en certains cas, ne
modifierait-il pas les phénomènes,
tant matériels que spirituels ?
N'est-il pas Celui qui « fait des vents
ses messagers et des flammes de feu ses
serviteurs ? » Celui aussi qui
« incline les coeurs comme des ruisseaux
d'eau ? » Il ne lui est pas plus
difficile d'exaucer la prière que de
créer la feuille d'une rose ou l'aile d'un
papillon.
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