Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



MARTIN NIEMÖLLER



2. - LA MILICE DU CHRIST

« Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; mais prononce un mot seulement et mon serviteur sera guéri. Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j'ai des soldats sous mes ordres. Je dis à l'un : Va ! et il va, et à l'autre : Viens ! et il vient, et à mon serviteur : Fais cela ! et il le fait. » (Matth. VIII, 8-9)

Ainsi parle, dans l'Évangile, le centenier de Capernaüm.
Ces paroles nous font comprendre la position de Martin Niemöller dans sa lutte pour l'Eglise. La relation du subordonné à l'égard de son chef suprême est appliquée à l'attitude du croyant à l'égard du Christ. Il combat pour l'honneur de cet unique Seigneur, contre tous les faux-dieux qui usurpent sa place et contre tout orgueil humain qui veut adorer son propre moi. « Nous devons craindre et aimer Dieu par dessus tout et nous confier en Lui ». Ce n'est pas par hasard que Niemöller emploie de préférence la formule « Christ le Seigneur », marquant la puissance et l'autorité de celui qui commande et qui exige une obéissance pure et simple, sans partage. Ce qu'ordonne Christ le Seigneur, c'est là, au fond, la seule question que son serviteur et disciple ait à se poser et qui doive lui dicter sa ligne de conduite. À ce propos, Niemöller aime à citer ces vers de Théodore Storm :

L'un demande : qu'adviendra-t-il après ?
L'autre : qu'est-ce qui est juste et droit ?
C'est cela qui distingue
L'homme libre du valet.

Mais on ne peut, longtemps à l'avance, préciser quelle sera la volonté de Jésus-Christ. On la reçoit sous forme d'ordres du jour quotidiens, dans chaque cas particulier. Il suffit de savoir ce qu'aujourd'hui Il attend de nous et de l'exécuter aussitôt. « Dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri », déclare le centenier, montrant par là que son obéissance est fondée sur sa confiance. Pour le croyant, cette parole seule entre en ligne de compte. Il obéit sans se préoccuper des conséquences ni des possibilités éventuelles de délivrance. L'avenir est à Dieu. C'est Lui qui gouverne et qui dirige toutes choses pour le plus grand bien. Nous n'avons rien d'autre à faire qu'à servir sous ses ordres et à marcher aveuglément sous sa direction. De la prison où il entrera, Niemöller écrira aux siens : « Quand je passe par des voies que je n'ai pas cherchées, je pense souvent à la dernière parole de Jésus à Pierre : « Un autre viendra et te mènera où tu ne voudras pas aller » ( Ev. Jean XXI, 18).

Il n'est pas possible d'exprimer plus nettement l'opposition contre toute diplomatie et contre toute stratégie calculée. Niemöller sait que le combat où il se trouve n'a été ni désiré ni engagé par lui. D'ailleurs, à parler humainement et au point de vue purement historique, c'est la partie adverse qui a ouvert les feux. Si maintenant il doit prendre du service actif dans la milice du Christ, c'est en raison de l'ordre de marche auquel il est soumis : « Va et il va ! » et du voeu par lequel il s'est lié le jour de sa consécration. Ces deux considérations précèdent et dominent le conflit ecclésiastique proprement dit. Elles ne font qu'y déployer leurs effets avec une force particulière. Qu'au près et au loin, même dans les milieux pastoraux, l'attitude de Niemöller soit considérée comme un cas exceptionnel, ce n'est certes pas dans ses intentions. Il fait son service ordinaire, comme tout autre doit le faire. Rien de plus.

Il y a plus qu'une coïncidence extérieure dans le fait que la pensée et l'activité de Niemöller ont pris ce caractère et celle allure militaire. « Tenir », « tomber », « manquer son tir », ces termes reviennent sans cesse dans la conversation. La génération à laquelle appartiennent Niemöller et la plupart de ses amis dirigeants de l'Eglise confessante est formée de combattants du front et trouve dans les circonstances une nouvelle occasion de se montrer sous ce jour-là. Plusieurs aspects de la lutte actuelle rappellent les expériences de la vie des tranchées, dont on retrouve les expressions et les formes de langage familiers aux soldats. Lorsque, en 1935, Karl Barth publie son « Credo », il le dédie aux pasteurs Asmussen, Immer, Niemöller, Vogel, « en pensant à tous ceux qui ont tenu, qui tiennent et qui tiendront ». Deux ans plus tard, quelqu'un faisait remarquer, à Berlin, que le terme de « tenir » devait maintenant être remplacé par celui de faire de la prison (1).

À vrai dire, la milice du Christ, dont ces hommes font partie, a peu de points communs avec l'ancienne Église. Le terme même d'ancienne Église résume tout ce que l'on veut précisément supplanter. Bureaucratie, fonctionnarisme, procédures administratives, n'intéressent en rien Niemöller. Il a horreur de la « politique ecclésiastique » et ne veut rien avoir à faire avec elle.

Il n'y voit que démarches dans les ministères, pétitions, requêtes, pourparlers, commissions et solutions moyennes. Tout cela est de la tactique, de laquelle il n'attend rien et qui, dans la plupart des cas, passe à côté de la question. La stérilité de cette politique est apparue clairement au cours des premiers mois de la lutte, lorsque les anciennes autorités ecclésiastiques succombèrent sous l'assaut des « Deutsche Christen ». C'est alors que Niemöller lança pour la première fois son « ordre de compagnie » qui retentira dans tous les moments critiques, et qu'on vit cette chose inouïe : le jeune pasteur Niemöller, de Dahlem, inconnu et sans mandat officiel, faisant irruption dans les séances rigoureusement confidentielles des superintendants généraux de Prusse et des dirigeants ecclésiastiques, pour rappeler, d'une voix forte, ses vénérables supérieurs à leur responsabilité et pour les instruire de leurs devoirs.

Par là-même, cette responsabilité a passé dans ses mains et dans celles de ses amis. Une nouvelle manière de direction d'Eglise commence alors, qui, dans la suite, prendra la forme des « Conseils fraternels » de l'Eglise confessante. Ces hommes n'ont ni titres ni légitimation officielle. L'un d'eux a dit avec raison en plaisantant : « Monsieur le superintendant Niemöller ! », notion inconcevable ! Ils ont simplement l'autorité, une autorité qui s'affirmera et s'affermira au cours de la lutte. Une règle non écrite voudra qu'avant chaque décision importante, on entende l'avis de Niemöller, même s'il ne fait pas partie du comité qui délibère. La charge pastorale qui, trop longtemps, était restée cachée derrière l'organisation ecclésiastique et les actes du Consistoire, reprend du coup une nouvelle ampleur et une importance décisive pour la direction de l'Eglise.

Il est facile, du point de vue d'un ancien dignitaire ecclésiastique, s'appuyant sur une longue expérience, de regarder de haut un homme du type de Niemöller. Et, certes, la méthode de celui-ci prête le flanc à plus d'une critique. Mais lequel d'entre-nous se sentirait autorisé à le critiquer ? Tandis que les autres se taisaient et regardaient, lui parlait et agissait, par simple obéissance de soldat du Christ. De là, sans doute, ce qu'un état-major général taxerait d'imprudence de langage ou d'inconséquence dans l'action. Mais, sans sa parole et sans son action, la résistance de l'Eglise contre ses ennemis n'eût jamais été si résolue ni si efficace et ceux qui se drapaient dans leur neutralité pour critiquer Niemöller ne seraient assurément plus installés tranquillement à leurs postes.

Lorsque, au début de 1933, l'un des anciens amis de Niemöller passa inopinément dans le rang des « chrétiens allemands » et que Niemöller racontait la chose aux siens, son garçonnet de onze ans éclata en larmes et comme on lui en demandait la cause, il répondit :
« Parce qu'il y a si peu d'hommes. »

En un temps où ce reproche devait s'appliquer à la presque totalité des professeurs de théologie et, en général, à toutes les Universités allemandes et aux universitaires, c'est l'honneur du corps pastoral évangélique de compter des hommes tels que Martin Niemöller.
Ce fait a une portée, non seulement ecclésiastique, mais nationale de la plus haute signification.

« Rien n'est plus nécessaire au peuple allemand que d'avoir des hommes qui savent vivre d'après le principe de l'Écriture sainte : il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes ». Ainsi s'exprimait le superintendant général Dibelius, au lendemain de sa révocation, dans une lettre au commissaire d'État de Prusse pour les affaires d'Eglise. L'adversaire lui-même doit en convenir et l'a reconnu par la bouche d'un fonctionnaire de la police secrète : « Il est incontestable que le pasteur Niemöller est un rude gaillard, un des meilleurs que nous ayons en Allemagne ».


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1 Il y a dans le texte allemand un jeu de mots intraduisible en français. « Sitzen » (être assis) est synonyme de subir une détention et se trouve ainsi en opposition à « stehen » (être debout), c'est-à-dire « tenir » en style militaire.

 

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