Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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MARTIN NIEMÖLLER



 3. - BIBLE, CATÉCHISME, PSAUTIER

VUE DE BERLIN-DAHLEM EN 1919

Ce qui précède aura fait comprendre au lecteur que Martin Niemöller n'appartient pas à la catégorie de ceux qu'on appelle des réactionnaires. Il y a, dans sa manière d'être, trop de choses qui l'apparentent à l'Allemagne d'aujourd'hui. Aussi est-il compréhensible que ses adversaires donneraient beaucoup pour avoir un tel homme dans leurs rangs. Car, pour eux aussi, il s'agit d'une guerre sainte, d'une croisade, qui met en action toutes les principales notions religieuses, bien que dans un sens nouveau. Il n'est que d'ouvrir le premier journal venu pour y lire à chaque page que la conception nationale-socialiste implique également la foi, l'obéissance, le risque, l'esprit de sacrifice et de communauté, la vie dans un royaume éternel. Pourquoi un homme tel que Niemöller ne serait-il pas de la partie ? N'y a-t-il pas, d'un côté comme de l'autre, l'idéal d'une milice ? Oui, assurément, avec cette différence toutefois que le chrétien est de la milice du Christ. Cela change tout. La foi, le zèle, le dévouement sont certes incontestables chez les autres. Mais l'important est précisément de savoir en qui l'on croit, pour qui l'on combat, qui est le vrai Dieu et qui est l'idole. Le nom n'est pas ici pure affaire de mots ; il a le sens d'une décision, d'un choix. Niemöller veut et doit agir au nom de Jésus-Christ. C'est cela qui donne à sa milice son caractère et qui distingue son attitude de toute espèce d'héroïsme humain.

Il est lié à l'Écriture sainte. Ainsi est-il dit dans son voeu de consécration. Si, trop souvent, le conflit ecclésiastique revêt des aspects politiques, cela ne doit pas en atténuer le sens premier, à savoir que le pasteur doit en tout et partout rester un minister Verbi, un serviteur de la Parole de Dieu. Cela seul sera, un jour, devant la plus haute instance, le critère déterminant : sa vie a-t-elle servi à conduire des hommes à la Parole de Dieu ? Devant ce tribunal suprême, tout autre exploit, eût-il une portée historique, est sans importance. Aussi, tous les hymnes de louange en l'honneur de l'homme Martin Niemöller et de son oeuvre sont-ils déplacés. Nous ne cherchons pas à savoir quels sont ses mérites, mais quel rôle la Bible joue dans sa vie.

Niemöller a dû faire ses études dans des conditions difficiles et hâtives. On a parlé du bagage de fortune avec lequel il est entré dans le ministère pastoral et il serait le dernier à y contredire. Mais ces études un peu particulières ont eu pourtant leur avantage : elles l'ont préservé des préventions doctrinales et des traditions scolastiques. Il est entré dans la lutte sans être handicapé par un équipement compliqué. Seul un petit volume mais d'importance, était toujours à portée de main dans son havresac : l'Ancien et le Nouveau Testament.

Sa position à l'égard de la Bible, comme d'ailleurs toute sa façon de penser, est simple. Les questions de critique littéraire et philologique ne lui causent guère de cassements de tête.. Il n'a non plus besoin d'une théorie de l'inspiration littérale pour être un bibliciste. Il a appris et apprendra toujours à considérer pratiquement l'Écriture sainte comme la vivante Parole de Dieu, « à laquelle nous avons à nous confier et à obéir dans la vie et dans la mort », comme l'a déclaré le Synode confessionnel de Barmen. Aussi bien le mouvement théologique, qui substitue au subjectivisme et au libéralisme l'autorité objective de la Parole, répond-il tout à fait à son inclination. Il est heureux pour lui qu'il ait fait ses études après la guerre et qu'il soit assez jeune pour trouver son point d'attache dans la manière de penser de la génération présente.
Rencontre-t-il parmi ses frères un vrai théologien, il se sent devant lui comme un écolier, tout en gardant son indépendance. Il y a, dans cette attitude, à la fois de la déférence à l'égard du savant et comme un écho des dernières paroles de Luther : « Que personne ne s'imagine comprendre suffisamment l'Écriture sainte, à moins qu'il ait pendant cent ans gouverné des Églises avec Christ et les apôtres... Nous sommes des mendiants, rien de plus ».

Niemöller peut également s'approprier la déclaration de Luther disant n'avoir jamais traversé la « forêt » de la Bible sans en secouer les arbres pour faire tomber quelques fruits. Il le doit à sa pratique des « Textes moraves » qui ont pris pour Niemöller et pour la plupart de ses amis, pendant ces années de lutte, une signification toute particulière. Que de fois, en effet, dans des moments critiques, le texte du jour s'est merveilleusement rapporté à la décision qu'il s'agissait de prendre après le culte matinal. Niemöller aimait aussi à exposer devant lui, sur sa table de travail, les cartes ou gravures avec paroles bibliques que des paroissiens lui envoyaient.

Mais il ne se contente jamais d'un usage simplement édifiant de la Bible, pas plus que sa prédication ne se borne à un énoncé du texte. Il s'entend de façon étonnante à mettre la main sur la parole qui s'impose pour une circonstance donnée et à faire voir le chemin qu'elle indique pour le jour même. Ce n'est pas là seulement de l'à-propos ou le fait d'une bonne mémoire, mais le don extraordinaire de saisir l'aspect et l'analogie bibliques d'une situation précise. Celle de l'Eglise, par exemple, qu'il présente sous l'image du siège de Jérusalem. Ou bien, s'agit-il de règles à suivre dans ses rapports avec la police, il les déduit du Livre des Actes des Apôtres. Chaque interlocuteur est surpris de la rapidité et de la sûreté avec lesquelles Niemöller sait appuyer ses arguments sur les textes bibliques. Sous ce rapport, son frère Wilhelm Niemöller ne paraît pas être aussi doué. Lorsqu'en 1933 les « Deutsche Christen » tentèrent d'établir dans l'Eglise un gouvernement papistique, le pasteur Wilhelm Niemöller se rendit de Bielefeld à Berlin, muni des Confessions de foi de l'Eglise luthérienne, et lut à ces hauts personnages les passages lès plus marquants des écrits de Luther et de Mélanchton sur le pouvoir des évêques.

L'essentiel, en tout cela, est que la Parole de Dieu demeure dans son intégrité et garde toute sa force. Ce qu'on oublie trop aisément dans les Facultés de théologie, c'est au simple pasteur à le pratiquer. Un couple se présente à Niemöller pour la bénédiction nuptiale, mais demande expressément que l'allocution du pasteur ne porte sur aucun texte de l'Ancien Testament. Or, voici que toutes les paroles que proposent les futurs époux « Où tu iras, j'irai », ou « Moi et ma maison, nous servirons l'Éternel » sont tirées de l'Ancien Testament. Indice d'une mauvaise instruction religieuse. Il y avait longtemps que s'étaient manifestées dans la doctrine et dans la discipline de l'Eglise des traces de vermoulure qui ont rendu inévitable l'effondrement actuel. Il importe donc de traiter la Bible et la Confession de foi avec un sérieux tout nouveau. Celui qui, chaque semaine, a autant d'heures d'instruction religieuse à donner que Niemöller, découvre, dans les formules les plus élémentaires du catéchisme, tout le sens de la lutte que doit livrer l'Eglise.

« Nous voulons craindre et aimer Dieu », c'est là le premier commandement, non seulement dans l'ordre chronologique, mais l'alpha et l'oméga de tous les autres commandements. Aussi Luther le répète-t-il au début de chaque nouvelle déclaration de son catéchisme. En combattant pour l'honneur du vrai Dieu contre les idoles, l'Eglise combat du même coup pour la seconde table du Décalogue : pour la sanctification du mariage chrétien et de la famille, pour l'éducation de la jeunesse, pour la défense du droit et de la vérité. « La justice élève une nation, mais le péché est la honte des peuples » ( Prov. XIV, 34). Voilà ce qu'il faut prêcher, particulièrement en un temps qui proclame que le droit, c'est ce qui sert le peuple. Une telle morale est inconciliable avec tout ce qui s'appelle christianisme : car « on t'a dit, ô homme, ce qui est juste, d'aimer la miséricorde et de marcher humblement avec ton Dieu » ( Michée VI, 8). Il y a longtemps que Niemöller a compris et déclaré que l'opposition qui sépare les deux camps en Allemagne ne porte pas sur des dogmes, mais tout simplement sur les dix commandements et sur la question de savoir si la norme, c'est « ce qui sert le peuple » ou bien « ce que l'Éternel demande de toi ». Dans le mémoire que l'Eglise confessante a adressé en mai 1936, au Gouvernement du Reich et que Niemöller a contribué à rédiger, cette question est posée avec une grande netteté. Il y est montré en outre quelles conséquences doit avoir la déchristianisation du peuple.

Tout cela devient encore plus évident lorsqu'il s'agit de la confession de foi et en particulier de son second article : « Je crois que Jésus-Christ est mon Seigneur qui a racheté l'homme perdu et condamné que j'étais, afin que je Lui appartienne ». Toute la foi chrétienne repose sur cette déclaration. Niemöller n'a jamais eu la moindre sympathie pour la conception que les « libéraux » se font de Jésus et pour le moralisme qu'ils extraient du Sermon sur la montagne. Il entend annoncer « le Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs ». Il importe d'insister sur ce point en opposition à la doctrine qui nie le péché et la grâce et qui demande qu'on soit « délivré de Jésus-Christ ».

Niemöller s'exprime à ce propos en termes d'une ironie passionnée : « Que Monsieur le Général Ludendorff, d'accord avec Madame la Généralissime, laisse envahir de boue et d'ordure la « Source sacrée de la force allemande », et en tire par surcroît de l'orgueil, cela ne saurait nous troubler. Que la vanité humaine s'imagine pouvoir vivre sans le Sauveur et cherche à convaincre le peuple allemand, non point de son péché héréditaire, mais de sa noblesse héréditaire, le chrétien sait, lui, que « nous vivons non de nos oeuvres, mais du fait que nos oeuvres nous sont pardonnées ». (Karl Barth). Là encore il n'y a point de conciliation possible.

Alors même que, dans ce monde, l'Évangile n'a jamais rallié la majorité, il a pourtant trouvé des témoins « en tous temps et en tous lieux ». Il ne peut rien arriver de plus heureux au prédicateur de la Parole de Dieu que de voir son message trouver de l'écho.

Ému et réjoui, Niemöller revint un jour d'une noce, où le père de l'époux avait prononcé à table une prière telle qu'il n'en avait jamais entendu : « Seigneur Jésus-Christ, tu n'as pas dédaigné après ta résurrection, de t'asseoir à table avec tes disciples. C'est pourquoi exauce-nous quand nous te prions : Viens Seigneur, sois notre hôte et bénis les biens que ta grâce nous accorde » ! Être appelé au service de ce Seigneur, humilie l'homme jusqu'au fond de son être. Mais, contrairement à ce que ses adversaires lui reprochent, cet Évangile ne crée ni esclaves, ni flagorneurs, mais des hommes dont le psalmiste dit : « Quand tu m'humilies, tu me grandis ».

Le catéchisme aborde ensuite l'Oraison dominicale, dont la troisième demande forme le centre : « Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Qu'est-ce à dire, sinon que la souveraineté de Dieu doit s'exercer sur la totalité de la vie humaine ? Mais alors, une telle interprétation entre forcément en conflit avec la prétention totalitaire incluse dans la nouvelle mythologie d'un Rosenberg. L'Eglise, dit-on, peut se réserver le dimanche et prendre soin du salut éternel des âmes, mais la vie quotidienne d'ici-bas appartient uniquement au peuple et à l'État. C'est exactement ce que dit Luther : « Quand le monde apprend qu'après cette vie il y a une autre vie, il en est satisfait et abandonne cette autre vie à Dieu ». Mais quelle Église oserait se contenter de cela et quel prédicateur pourrait l'accepter sans autre ? « Donnez à César ce qui appartient à César, mais à Dieu ce qui est à Dieu ». Et de même que la monnaie qui sert à payer l'impôt porte l'effigie de l'empereur, l'homme est l'image et la propriété de son Créateur. L'homme tout entier et non seulement l'homme « religieux ». C'est pourquoi Niemöller considère comme sa vocation de ne pas se borner aux choses « célestes » mais de s'occuper aussi des « terrestres », car le même Seigneur règne sur les unes et sur les autres et sa puissance ne connaît point de limites.

Certes, il est plus confortable et moins risqué pour l'Eglise de rester dans son coin et, pour ses pasteurs, de se vouer à « l'édification ». Mais ce serait mettre la lumière sous le boisseau et faire perdre au sel sa saveur. Niemöller sait que son devoir et sa responsabilité à l'égard du peuple allemand ne lui laissent pas le choix et l'obligent à porter l'Évangile sur la place publique, en pleine vie quotidienne et à désigner sans équivoque, par leurs noms, les vrais et les faux prophètes, qu'ils soient à gauche ou à droite. Même si ce chemin doit un jour le conduire en prison, il n'en redira pas moins : « Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».

Voici, à la fin du catéchisme, les sacrements : baptême et Sainte-Cène. Si Christ, au nom duquel nous sommes baptisés, est plus qu'un mot décoratif, s'il est vrai qu'il nous apporte la vie éternelle et notre adoption comme enfants de Dieu, sa promesse doit alors avoir un sens pratique : « Il n'y a ici ni Juif ni Grec, mais tous sont un en Jésus-Christ ». Chaque baptisé devient en réalité notre frère, et il ne peut y avoir, dans l'Eglise, des chrétiens de seconde classe ou inférieurs en droits.

Frontières racistes, paragraphes aryens n'ont dès lors plus de sens. C'est ce que l'opposition ecclésiastique a nettement fait valoir, en automne 1933, contre les lois des « chrétiens-allemands ». Parmi ceux qui, dans la « Ligue de détresse des pasteurs », ont témoigné avec le plus de force pour la sainteté du ministère et du baptême, ainsi que pour la fraternité qui en résulte, Niemöller fut aussitôt le premier en lice. Lorsque, peu après, il annonça son intention de laisser sans réponse le questionnaire du gouvernement ecclésiastique, relatif à l'ascendance raciale, il se vit pour la première fois suspendu de ses fonctions pendant quelques jours. Ce fameux paragraphe aryen fut ensuite tour à tour rapporté et remis en vigueur, si bien que finalement on ne sait plus s'il est encore valable. Mais cela ne change rien à l'ordre du Christ ni à la promesse qu'il a rattachée, pour tous les temps, au baptême, et l'Eglise ne peut s'en tenir qu'à cela.

Il importe de même de défendre la Sainte Cène contre la déformation dissolvante que lui font subir les Chrétiens-allemands. Si, en 1527, Luther, écrivant à Zwingli, a insisté sur la déclaration de Jésus-Christ : « Ceci est mon corps », il le ferait aujourd'hui avec plus de vigueur encore s'il entendait des pasteurs protestants célébrer le pain comme symbole de la terre allemande et le vin comme symbole du sang allemand. C'est là que le blasphème de la nouvelle Église dite nationale se manifeste avec le plus d'évidence.

Mais il ne suffit pas de protester en paroles. Le sacrement de l'autel nous est donné non pour que nous le protégions, mais pour que nous en usions. Niemöller n'a pas oublié que son ministère est celui de la Parole et des sacrements. Il veut contribuer à faire sortir la Sainte Cène de l'ombre où on l'a trop longtemps reléguée pour lui rendre dans le culte même la place qui lui revient. Il invitera donc sans cesse les fidèles à rester assemblés pour assister à la communion. Il organise des services de Cène pour ses auditeurs du lundi et il a souvent la joie de voir un grand nombre de communiants s'approcher de la table sainte. C'est là qu'il trouve toute sa force pour la lutte dans laquelle il est engagé. Il sait bien que d'entre les pécheurs qui trouvent le pardon auprès de cette table et parmi les « affligés » que Christ console par sa Parole, lui-même est le plus grand.

C'est pourquoi il éprouve le besoin d'aller aussi au culte comme un simple auditeur, son psautier à la main. Les dimanches où il n'a pas à prêcher ici ou là sont rares, sans doute, mais ils lui sont indispensables. Et alors, avec quelle joie rayonnante il s'associe au chant des cantiques ! Car la confession de foi pour laquelle il combat est louange de Dieu et hymne de victoire de Jésus-Christ.

Rien ne serait plus erroné que de se représenter un culte de Dahlem comme une cérémonie funèbre. Niemöller bannit sans pitié les paroles et les mélodies sentimentales des XVIIIe et XIXe siècles. À leur place retentissent les chorals de la Réformation, ceux de Luther et de Paul Gerhardt, les cantiques de la croix et de la résurrection, de la foi et des promesses de Dieu. Et tout comme le pasteur s'édifie, lui-même et sa famille, par des psaumes et des strophes de cantiques, il indique ces textes aux nombreux désemparés qui viennent le trouver à ses heures de consultation. Au milieu du train de guerre auquel il est astreint, Niemöller trouve moyen de faire infiniment plus de cure d'âme que ses détracteurs ne le supposent. Plus d'un, en le quittant, a reçu de lui la parole décisive qui le redresse et qui résout ses difficultés. En quoi il ne s'imagine faire preuve ni d'originalité ni de supériorité. Car les moyens auxquels il recourt sont de la plus élémentaire simplicité : ce sont la Bible, le catéchisme et le psautier.


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