Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



MARTIN NIEMÖLLER



 5. - « NON, MONSIEUR LE PRÉSIDENT ! »

Le père Niemöller racontait un jour, après une visite au presbytère de Dahlem, avoir constamment vu son fils Martin à son bureau, entre ses deux appareils téléphoniques et répétant alternativement : « oui », « non », mais le plus souvent : « non », remarque l'interlocuteur.

Ce détail fait penser aux innombrables tentatives de journalistes étrangers pour obtenir une interview et qui se plaignaient de n'avoir entendu, au lieu du renseignement désiré, que la brusque fermeture de l'appareil. En effet, ce « non » de Niemöller est connu et redouté. Il est souvent arrivé, dans les séances du Conseil fraternel de l'Eglise confessante, que le président Koch, d'Oeynhausen, croyait avoir trouvé une formule propre à concilier les esprits, lorsqu'aussitôt Niemöller, debout, protestait énergiquement :
- Non, Monsieur le Président !

Cela était dit sur un ton qui contrastait avec la voix grave et tranquille avec laquelle le président Koch dirigeait les débats. Ce n'est pas une petite affaire de présider une assemblée composée de tant d'esprits divers et toujours en danger d'explosion. Mais le président du Synode « confessionnel » allemand a, dans cet art, une maîtrise incontestée. Son autorité a obtenu des résultats décisifs dans la lutte ecclésiastique aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Eglise. La génération à laquelle il appartient, son expérience politique et ecclésiastique, toute sa manière et ses méthodes le distinguent de son compatriote Niemöller. Mais quand leurs avis venaient à se heurter, ils en éprouvaient tous deux une vive douleur, non seulement à cause de leur amitié personnelle, mais parce qu'ils étaient unis au service de la même cause et que l'Eglise confessante ne pouvait se passer ni de l'un ni de l'autre.
Qu'est-ce donc qui provoque toujours chez Niemöller cet impitoyable « non » même à l'adresse de ses amis ?
Koch l'a expliqué un jour en le mettant sur le compte d'une mémoire extraordinaire qui ne laisse rien échapper.

NiemölIer se souvient des engagements pris une fois ou l'autre et, quand certains sont tentés de s'en détourner, il sait les leur rappeler avec une précision troublante. Et quand, sous l'influence de faits nouveaux, ils sont enclins à modifier leurs positions, Niemöller, lui, s'en tient strictement à ce qu'il a reconnu comme juste une fois pour toutes. « Me voici, je ne puis autrement ! ». C'est là son cri de guerre. Rien ne montre mieux combien peu politique est son attitude.

NiemölIer se sait, avant tout, lié par les premiers synodes confessionnels de Barmen et de Dahlem en 1934, où furent votées, concernant le message et l'ordonnance intérieure de l'Eglise, des résolutions fondamentales d'une valeur absolue pour l'avenir de celle-ci. Jésus-Christ, à qui l'Écriture sainte rend témoignage, est l'unique Parole de Dieu pour le monde (Barmen) et l'Eglise, en matière de doctrine et de discipline, doit prendre ses décisions en toute indépendance (Dahlem) : voilà ce qu'il ne se lasse pas de rappeler à ses frères toutes les fois qu'ils sont en danger d'oublier leurs engagements solennels. Bientôt Niemöller et ses amis recevront le surnom de « Dahlemites ». Ils ont parfois fort à faire à défendre leur tendance absolue, quand pasteurs et paroisses traversent des phases de lassitude et que même des hommes éprouvés comme Zoellner et Eger interviennent en faveur d'un compromis. Mais Niemöller ne se laisse jamais ébranler.

Ni son ancien chef Zoellner ni son prédécesseur Eger, à Dahlem, ne parviennent à le faire dévier d'un pouce de sa voie. Il discerne, mieux que ces messieurs des conseils ecclésiastiques, l'abus qu'on cherche à faire de leurs noms respectables pour une cause mauvaise, c'est-à-dire pour un autre Évangile, pour un Évangile nationaliste et raciste greffé sur l'Évangile biblique et pour la domestication de l'Eglise sous la souveraineté de l'État. Il s'agit donc de résister d'emblée au diable qui épie toutes les négociations et de ne pas même lui céder le petit doigt.

Voilà le sens du « non » de Niemöller : « nul ne peut servir deux maîtres ». Ce « non » n'est que l'opposé du « oui » qu'il dit au Seigneur et à son Évangile. Mais c'est un « non » indispensable. Car Niemöller à la conviction qu'il est impossible de confesser vraiment le Christ sans combattre l'Antéchrist. Ce n'est pas pour rien que les écrits traitant de la confession de foi juxtaposent la profession de la saine doctrine et le rejet de la fausse doctrine. Quand nous prêchons : « Je suis le Seigneur ton Dieu » nous avons à prêcher avec tout autant de netteté. « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face ». Il serait évidemment plus commode de taire cette contre-partie, pour ne choquer personne et se borner, à la manière des groupements neutres, aux affirmations qu'il est permis de formuler sans être inquiété. Mais cela s'appelle déjà trahir le Seigneur Jésus-Christ et subordonner sa parole à un décret humain. « Que votre oui soit oui ; que votre non soit non ».

Il y a là, sans doute, de quoi rendre le prédicateur impopulaire. Niemöller ne tarde pas à ressentir le mécontentement que son radicalisme suscite en-deçà et au-delà. Ils disent aux voyants : « Ne voyez point ! » et aux prophètes : « Ne nous prophétisez pas la vérité ! Dites-nous des choses agréables ; faites briller à nos yeux des illusions ! Sortez de la bonne voie, détournez-vous du droit chemin ! Ôtez de votre vue le Saint d'Israël » (Esaïe XXX, 10). On se fatigue du « non », on suspecte les « Dahlemites » de cultiver des chicanes pastorales, de dissoudre la communauté populaire. Et c'est Niemöller, bien sûr, le vrai trouble-fête, le coupable. Il y a trop longtemps qu'on le laisse sévir. L'heure vient où ses « sermons irritants », ses « attaques perfides » par quoi il trouble l'opinion publique, le conduiront au banc des accusés et devant ses juges.

Même cette perspective n'arrive pas à le décontenancer. Les interrogatoires que lui inflige la police secrète font partie de plus en plus de son programme hebdomadaire. Il les subit la tête haute et avec une bonne conscience. Il n'a rien à retirer de ce qu'il a dit ; il avoue même avoir dit plus qu'on ne lui reproche. Mais sa mémoire est là aussi d'une exactitude importune. Il ne laisse inscrire au procès-verbal aucun mot qu'il n'ait prononcé. Ce serait peine perdue d'attendre de lui la moindre rétractation ou la promesse de se modérer à l'avenir ou de s'abstenir tout à fait de certaines activités. Il fera sans hésiter tout ce qui appartient à son ministère, jusqu'à ce qu'on l'en empêche par la force, afin que chacun constate que l'Évangile est persécuté et que ce n'est pas lui qui a abandonné la partie. Et si même en fin de compte il pouvait acheter sa sécurité et sa liberté par un simple « oui », il demeurera ferme et s'en tiendra au « non » qui répond au « Résister » de Marie Durand dans la Tour de Constance.

Cette attitude, qui a fait du nom de Niemöller un symbole aux yeux du monde entier, a cependant son côté tragique. Qu'on se souvienne des débuts, des dispositions enthousiastes avec lesquelles il a accueilli le Ille Reich. - Tout son être, toute sa vie s'exprimait en un « Oui » sans réserve. Le jugement du tribunal, cinq ans plus tard, lui a rendu publiquement le témoignage qu'il n'y eut jamais rien de déshonorant dans sa manière d'agir, ni rien qui fût dirigé contre les intérêts de l'État allemand. S'il a dit « non », ce fut sous la contrainte de sa conscience, contre son gré, à la suite d'une longue et douloureuse évolution intérieure qui l'a obligé à sacrifier, morceau par morceau, ses espoirs et son idéal de naguère. On pourrait même, de divers côtés, lui en vouloir d'avoir dit un non trop tardif et incomplet. L'opposition politique a ses motifs d'être mécontente de lui. Mais nul ne peut contester que son « non » sorte d'un coeur rempli de l'unique désir d'être un fidèle serviteur de son peuple en le mettant en garde contre les faux-dieux et en l'appelant sans cesse à revenir au vrai Dieu.


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