Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



MARTIN NIEMÖLLER



 6. - « J'EN PARLERAI A MA PAROISSE »

Quiconque a téléphoné à Niemöller connaît cette phrase.
Qu'il s'agisse de nouveaux desseins de l'adversaire, dont quelqu'un a eu vent et qu'on veut lui communiquer confidentiellement, ou d'une nouvelle atteinte à la liberté de l'Eglise, dont il est dangereux de parler, sitôt que le fait est confirmé et qu'un danger menace l'Eglise, Niemöller ne connaît qu'une ressource :
- Dimanche je dirai à mes paroissiens du haut de la chaire : telle chose se passe, voici ce que nous avons à faire.

Là où d'autres se demandent en hésitant si cela est sage et si le moment est opportun, - l'argument classique pour toutes les occasions manquées dans l'histoire de l'Eglise - Niemöller estime que le premier devoir de son ministère est de dire ouvertement la vérité, car elle ne peut être nuisible à la paroisse. Toute « confidence » diplomatique lui répugne, lorsqu'il s'agit de la lutte pour la cause. De même les égards pour son intérêt personnel ne pourraient jamais le décider à se taire. Par contre, celui qui lui parle d'homme à homme, d'ami à ami, peut être aussi sûr de sa discrétion que n'importe quel fidèle sait pouvoir compter de la part de son pasteur sur le respect du secret professionnel.

L'obligation de rendre compte à la paroisse de tout ce qui survient d'important dans l'Eglise a donné au culte une tournure toute nouvelle que l'exemple de Niemöller a fortement contribué à influencer. Il a sans cesse insisté sur le fait que, pour l'Eglise confessante, qu'on a exclue de la radio, de la presse et des assemblées, la chaire reste l'unique possibilité d'informer les paroisses. Il n'y a là d'ailleurs rien d'anormal, si l'on se souvient que dans les épîtres du Nouveau Testament la doctrine voisine avec les communications. Le changement ainsi introduit dans les traditions cultuelles ne doit naturellement pas faire de la chaire une sorte de haut-parleur. Il faut plutôt que les communications s'adaptent à la prédication. On peut dire à cet égard que bon nombre des informations faites du haut de la chaire dans les paroisses de l'Eglise confessante ont parfois agi autant qu'un sermon. Là encore l'influence de Niemöller a été déterminante, ses nombreux voyages à travers le Reich lui donnant de fréquentes occasions de pratiquer ce culte nouvelle manière. Il tient pour une discipline salutaire de devoir donner le caractère d'une conférence biblique à tout ce qu'il a à annoncer. Car il n'est pas douteux que, sur le terrain de la Bible, des sujets tels que l'intercession pour les prisonniers ou bien les collectes, ressortent au culte et non à la politique ecclésiastique.

C'est ce qu'ont dû apprendre ceux qui ne suivaient les sermons de Niemöller que dans l'espoir d'entendre traiter de celle-ci. Il y en eut beaucoup dans les débuts, mais ils en furent bientôt pour leurs frais et purent s'en retourner. Ceux qui restèrent et dont le nombre augmenta, formèrent vraiment la paroisse que Niemöller appelait avec fierté « sa paroisse ».

On vient à lui de toutes les parties de Berlin, en auto, en métro ou en omnibus. Souvent même, c'était le contrôleur de tram qui renseignait des voyageurs sur la station où ils devaient descendre pour atteindre le plus vite l'église où prêchait Niemöller. Aux soirées du lundi, l'affluence était parfois telle qu'il fallait mettre en circulation des voitures supplémentaires. En général, ces gens se connaissent, au moins de vue, car ils appartiennent en majorité au cercle des vrais fidèles de toutes les paroisses et sont des habitués du culte. On est cependant frappé de voir parmi eux beaucoup de figures nouvelles et de jeunes gens, ainsi qu'une forte proportion d'hommes.

Cela commença en juillet 1933, au lendemain de la démission de l'évêque Bodelschwingh. Les « Chrétiens-allemands » ayant introduit dans l'Eglise des méthodes de violence, les trois pasteurs de Dahlem organisèrent ensemble un culte d'humiliation et de repentance.

Spontanément toute l'assemblée répéta à haute voix le Symbole des Apôtres dont les paroles sont affichées derrière la grande croix de l'autel dans l' « Église du Christ », à Dahlem. Cette croix et cette confession de foi, voilà ce qui domine le culte dans cette église, dont la sobriété correspond au genre de la prédication. On y est préoccupé, non de créer une émotivité religieuse, mais d'annoncer la Parole de Dieu dans toute sa pureté.

Peut-être, au début, Niemöller s'est-il laissé aller à répondre au désir de ses auditeurs en parlant de la situation de l'Eglise. Mais en observant attentivement ses prédications, on constate qu'il subordonne de plus en plus ce penchant à la simple explication du texte biblique afin de laisser parler l'Évangile lui-même, et cela sans concession aucune. Il ne choisit même pas librement son texte, mais s'en tient à la péricope du jour. Chaque parole, après avoir été, mûrement méditée, est interprétée avec le plus grand souci de fidélité.

On remarque chez le prédicateur les traces d'un grand effort de préparation. Il est vraiment au service de la Parole qu'il explique. Toute rhétorique lui est étrangère, comme d'ailleurs à la plupart des pasteurs de la nouvelle génération. Son style et son attitude ne laissent rien percer de la passion qui anime ce combattant.

Celui qui serait venu pour voir le « célèbre Niemöller » serait déçu. L'impression qu'il produit est sensiblement plus terne qu'à ses heures de « catéchisme » pour adultes. Pourquoi donc ces églises bondées ? Parce que les gens ont entendu parler d'un homme qui est le répondant de sa cause et parce qu'ils constatent le bien-fondé de cette réputation. Il annonce, avec courage, sans détours ni équivoque, une Parole qui l'engage, lui et ses paroissiens. Elle est libre de toute superfétation décorative et s'assure une audience par sa propre autorité. Elle est proclamée entièrement comme parole de Dieu et non comme parole humaine. Aussi les auditeurs de ses sermons sont-ils tout à fait pris par le sujet, ses adversaires aussi bien que ses partisans, car « la parole de la Croix est un scandale pour les Juifs, une folie pour les païens, mais puissance de Dieu pour nous qui sommes sauvés ».

Souvent, après le dimanche, ses notes de prédication circulent à travers la paroisse et vont trouver les vieillards et les malades. Deux séries de sermons de Niemöller ont été publiés. Leurs titres : « Afin que nous demeurions en Lui » et « Tout en Christ » montrent bien le centre autour duquel gravitent ses pensées. C'est au fond l'ancienne et toujours nouvelle vérité : l'homme ne peut rien par sa raison et sa force, il ne peut vivre et être sauvé que par la grâce de Dieu. Point d'appel à l'héroïsme humain, mais toujours la conscience profonde de l'impuissance de notre savoir et de notre pouvoir.

S'agit-il de sa propre personne, de sa foi et de sa piété, Niemöller, aussi bien que n'importe qui en connaît la fragilité. Les expériences de la lutte ecclésiastique lui ont appris - et il ne cesse de le rappeler - combien de tentations nous entourent et combien d'illusions doivent s'effondrer pour nous décider à renoncer à tous les faux appuis et à ne nous fonder que sur Lui. L'unique sécurité de l'Eglise attaquée comme de chaque croyant particulier est en Christ. C'est Sa Parole qui agit et la victoire n'est possible que par Sa puissance. La prédication de Niemöller a la tonalité du « C'est un rempart » et part de là pour passer à l'attaque. Elle dénonce les manoeuvres du vieil ennemi, découvre l'Antéchrist jusque derrière le masque d'un « christianisme positif » et met la paroisse en garde contre tout déguisement destiné à donner à l'adversaire un aspect d'innocence. Aucun domaine de la vie n'échappe au combat ni à la responsabilité de l'Eglise. École, famille, autorités, juridiction, travail, loisirs, partout et en tout, Christ.

« Dieu nous parle par sa sainte Parole et nous Lui parlons par la prière et par nos chants de louanges », c'est ainsi que Luther a défini le sens du culte évangélique. Telle est aussi la règle de Dahlem. L'assemblée y est active par le chant des cantiques, en disant le Credo et le « Notre Père » et en se joignant à l'intercession pour les frères persécutés. Il n'est aucun de ces éléments qui soit moins important que la prédication. Mieux que les adulateurs qui poursuivaient Niemöller jusque dans la sacristie, ceux-là l'ont bien compris, qui disaient de Dahlem : « Voilà une vraie paroisse », et qui emportaient dans leur demeure le gain retiré de ce culte. Car la qualité du travail d'un pasteur se reconnaît au fait que sa parole est reçue de telle façon qu'elle reste agissante, même si ce pasteur vient à disparaître. La paroisse de Niemöller, à cet égard, a été de bonne heure mise à l'épreuve.

En février 1934, Ludwig Muller, après lui avoir infligé une courte suspension, voulut mettre Niemöller d'office à la retraite, avec interdiction à la paroisse de mettre un local religieux à sa disposition. En outre, il essaya de le remplacer par un commissaire « chrétien-allemand ». Mais ce dernier ne put jamais franchir le seuil de Dahlem, parce que le Conseil de paroisse refusa de le recevoir et de plus rendit inopérante la mise à la retraite de Niemöller : il lui suffit de la déclarer illégale et de faire savoir aux autorités ecclésiastiques que la paroisse continuerait comme ci-devant à ne recourir qu'aux services du pasteur légal. Niemöller a pu ainsi continuer à remplir ses fonctions comme si rien n'était arrivé et personne ne remarqua qu'une année plus tard les ordres de Ludwig Muller furent rapportés sans bruit.

Ce n'était là cependant qu'un prélude. Le 1er juillet 1933 Niemöller fut arrêté et arraché par la force à sa paroisse. Cette intervention violente de l'adversaire éprouva gravement celle-ci, la paralysa et intimida plusieurs de ses membres. Mais le noyau resta fidèle, et ce furent dès lors des laïques qui jusqu'à cette heure-ci se mirent à présider des cultes quotidiens d'intercession pour leur pasteur prisonnier. De plus, chaque soir un des pasteurs de Berlin est appelé dans l'église de Dahlem afin que les fidèles ne soient pas privés du culte que Niemöller a si longtemps célébré avec eux et auquel, maintenant, il participe en silence et avec reconnaissance du fond de sa cellule. Ce n'est pas là seulement un bienfait pour lui et pour ses compagnons de captivité, mais un signe de la vie indestructible de l'Eglise du Christ et un témoignage attestant que Niemöller n'a pas en vain exhorte sa paroisse à demeurer en Christ et à chercher toutes choses en Lui.



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