Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE PREMIER

LE POINT DE DÉPART
(Matthieu V, 3-19.)

2. La vocation des chercheurs. (Suite)

«Vous êtes la lumière du monde. »

Par leur seule présence, par leur vie qui rayonne au dehors, les chercheurs apportent tout naturellement au monde la véritable clarté, car en eux se révèle la vérité cachée sous les formes et les phénomènes, par eux est démasqué le monde des apparences dans lequel restent emprisonnées les âmes satisfaites. À la lumière de la vie nouvelle qui émane de ceux qui marchent, les yeux des endormis s'entrouvrent; ils aperçoivent ce qu'il y a d'anormal dans la vie où s'étiole leur être véritable, et dans les conditions d'existence qui entravent notre développement intégral. L'intuition du véritable état des choses, de la vocation réelle de l'homme, du sens et du but de l'évolution, de la puissance créatrice qui pousse l'humanité vers sa perfection, cette intuition vivante qu'aucune parole ne saurait produire, et de laquelle jaillissent aussitôt une aspiration, un élan vers le but, elle leur est communiquée directement par le spectacle de la vie des chercheurs, et par l'expérience personnelle de l'ordre de choses nouveau chez les hommes qui l'incarnent.

Cette démonstration est seule efficace; toute autre insensibilise et obscurcit. Tout ce qu'on nous enseigne est nuisible, tant qu'on ne nous en communique pas l'impression spontanée. Il faut que les hommes voient la lumière, pour constater qu'ils sont dans les ténèbres et pour se tourner vers la lumière. La sensation immédiate de la vie nouvelle peut seule créer la réceptivité qui y rend accessible. C'est sur cette loi de nature que repose la vocation universelle des chercheurs, dont la vie témoigne de ce qui naît et grandit en eux.

« Une ville située sur le sommet d'une montagne ne peut rester cachée. On n'allume pas une lumière pour la mettre sous le boisseau, mais on la pose sur un chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.. »

Si le royaume de Dieu ne s'établit pas au moyen d'institutions extérieures, mais par l'effet de la vie personnelle, s'il ne se manifeste pas avec éclat, mais dans le secret, au sein de la vie quotidienne, « il n'y a rien de secret qui ne se découvre » cependant. Le ressort de notre vie ne peut rester ignoré, surtout lorsque nous occupons une position en vue. Or tous ceux qui se distinguent de la foule par un caractère spécial, se trouvent bon gré, mal gré, mis en évidence. Tel est le cas des chercheurs. Par le fait seul qu'ils se donnent ingénument pour ce qu'ils sont, et en dépit de leur réserve naturelle, ils attirent l'attention sur eux.

Cela est nécessaire, du reste, bien que cela ne doive jamais être intentionnel. Leur action sur le monde résulte précisément de l'impression particulière qu'ils produisent en raison de ce qu'ils sont, de la qualité spéciale de toutes leurs manifestations vitales.

Puis donc que leur action vivifiante dépend du rayonnement de leur être, il ne leur est point permis de le dérober aux regards. S'ils fuient le monde, le monde demeure dans les ténèbres. Combien d'entre eux cependant mettent leur lumière sous le boisseau au lieu de la faire luire dans la vie! Leur vie intérieure constitue un domaine à part; elle se dépense dans une activité déterminée, en vue d'intérêts particuliers, et s'y épuise tout entière. Pour les uns, c'est la religion; tous les élans provoqués en eux par leurs aspirations nouvelles, se concentrent dans la culture de leur vie intérieure, les exercices de piété et d'édification, la préoccupation de questions religieuses, la participation à la vie de l'Église : fonctions du coeur auxquelles manque la circulation du sang, dilettantisme religieux. Pour d'autres, le boisseau qui cache la lumière, c'est une méthode nouvelle de retour à la nature, une réforme d'un genre quelconque. Cette activité les absorbe, leur élan intérieur s'y épuise et reste sans action sur leur vie. Ils sont nombreux ces boisseaux sous lesquels se cache la lumière.

La place de notre lumière n'est pas sous le boisseau, mais sur le chandelier. Le chandelier, c'est la position particulière que chacun de nous occupe dans la vie : position familiale, professionnelle, mondaine, sociale, intellectuelle. C'est là notre sphère lumineuse, l'espace illimité dans lequel la force éclairante de notre être nouveau doit rayonner sans obstacles. Ceci ne concerne point uniquement ceux qu'on appelle communément les gens haut placés. Dans ce domaine, toute situation est importante, et le plus humble des travailleurs peut avoir parmi les milliers de compagnons qui sont les témoins de sa vie une sphère d'influence plus considérable qu'un savant illustre dont la vie personnelle n'exerce son action que dans un milieu restreint.

Si chacun est, à sa place, une manifestation vivante du nouveau devenir, la grande transformation qui s'accomplit chez les chercheurs ne peut rester cachée. Elle rayonne au dehors et allume dans les âmes un pressentiment qui les pousse à chercher à leur tour. Ce mode de diffusion de la vie nouvelle en garantit l'influence permanente aussi bien que le succès réel. Quand on l'a compris, on s'explique pourquoi Jésus a considéré toute méthode extérieure de propagande comme une tentation qui devait être repoussée, et dans l'intérêt même de l'intégrité de la nouvelle création, a limité l'action des chercheurs au seul rayonnement de. l'être nouveau.

«Que votre lumière luise donc devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et louent votre père qui est aux cieux. »

Si nous laissons transluire ce qui brûle en nous, on percevra Dieu dans notre personne et dans l'oeuvre de notre vie. Car du premier éveil de notre inquiétude jusqu'à l'éclosion de la vie nouvelle en nous, tout n'est que vibration, impulsion, opération de la puissance créatrice qui pousse l'humanité vers son achèvement. Si donc Dieu est. manifesté par notre être et par notre vie, l'humanité prend conscience de sa présence qui lui devient sensible dans la personne de quelques-uns de ses membres. La gloire du Dieu invisible transparaît dans ses créatures en sorte que ceux qui en sont témoins rendent hommage au Père de toute vie originelle.

Si c'est à nous que s'adressent leurs louanges et non à Dieu, cela tient évidemment à ce que nous ne l'avons pas mis en lumière nettement et pleinement. Il est évident que cela aussi dépend de la spontanéité avec laquelle la vie nouvelle se manifeste en nous et par nous. Pour peu que cette spontanéité soit compromise, le divin s'obscurcit dans notre âme. Quand nous essayons de remplacer par quelque chose d'analogue ce qui ne surgit pas spontanément en nous, nous «profanons le nom de Dieu» et nous ne faisons ainsi que gâcher et détruire. Aussi n'y a-t-il qu'un conseil à donner à tous ceux qui sentent combien insuffisamment luit leur lumière : Brûlez; veillez à entretenir en vous la flamme intérieure, ne fût-ce que l'ardeur obsédante qui aspire à la vérité, et la douleur de ne rien trouver en vous qui vous satisfasse.

Il serait temps de reconnaître cette loi de l'évolution nouvelle et de comprendre combien est illusoire notre méthode actuelle de propager et de soutenir la foi chrétienne. Elle diffère absolument de celle que Jésus nous indique ici. On défend un point de vue, on lutte pour une croyance, on se meut dans les ténèbres des notions théoriques, tandis que le seul moyen de prouver Dieu, c'est de le faire éprouver. N'apprendrons-nous pas enfin à garder lé silence au sujet de notre Dieu pour le laisser parler lui-même par ses créations de vie?

En tout cas, la méthode courante est étrangère à l'esprit de Jésus : elle n'est en effet qu'un effort stérile pour suppléer à notre incapacité de faire naître chez les autres l'expérience de Dieu; elle est donc fausse en soi. Aussi ne peut-elle que blaser ceux auxquels elle s'adresse, en même temps qu'égarer ceux qui la pratiquent. Le fait que cette manière de « rendre témoignage » à notre foi a reçu la sanction de l'histoire et même de l'organisation ecclésiastique, n'en modifie point le résultat funeste. La sincérité et le zèle de ceux qui s'y livrent n'y changent rien non plus. Car nous sommes en présence de la loi de nature qui veut que nous ne puissions saisir aucune vérité en dehors d'une expérience correspondante. C'est pourquoi la vie divine éclatant dans la personnalité humaine avec la spontanéité d'une force de la nature est l'unique argument qui convaincra les hommes de notre temps; et ceux-là seuls qui en ont fait l'expérience ont le droit de s'en faire les interprètes.

Les deux similitudes du sel et de la lumière ne nous indiquent pas seulement le vrai mode de propagation du règne de Dieu dans l'humanité, elles nous montrent du même coup le mode de croissance de l'être nouveau chez les chercheurs. L'un n'est que l'envers de l'autre.

Ce qui ne fonctionne pas normalement ne saurait pas non plus croître normalement. Ce ne sont pas seulement les obstacles extérieurs qui portent atteinte à la croissance de l'être originel. Il s'étiole et dépérit aussi lorsqu'il doit supporter le poids artificiel d'une activité voulue qui ne procède pas directement de lui. Dans le premier cas, son développement est arrêté par le manque d'espace; en conséquence, il s'affaiblit et dégénère, sa sève s'épuise en états d'âme malsains, en réflexions, en rêveries, pour se retirer enfin et tarir. Dans le second cas, c'est un élément de fausseté qui s'insinue en lui et le corrompt; un désaccord se produit entre le vouloir et le pouvoir, entre l'opinion que l'on se fait de soi-même et ce qu'on est en réalité. On succombe à la tentation de chercher à remplacer par des efforts de volonté la puissance qui fait défaut; on perd le sens délicat de la contradiction entre l'original et l'artificiel; on cesse d'éprouver du malaise à paraître ce qu'on n'est pas et une répugnance instinctive pour tout ce qui est le produit d'un zèle factice, d'un raisonnement. Le levain de l'hypocrisie pénètre ainsi toujours plus profond et tue la vie originelle.

La meilleure volonté, les intentions les plus sincères, la Piété la plus fervente n'y changent rien. Dans ce domaine aussi règne la rigueur inflexible de la nature, de la vérité, de la sainteté divine. Gardez-vous donc, ô chercheurs, de devenir un sel affadi et de perdre toute action sur le monde en vous perdant vous-mêmes. Gardez-vous de la méthode que préconisent les satisfaits et qui est, à leurs yeux, la seule bonne, et restez fidèles à votre caractère de franche spontanéité, à la vie impulsive qui procède directement et nécessairement de votre évolution nouvelle.


Table des matières

 

- haut de page -