Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE II

LA MORALE NOUVELLE
(Matthieu V, 20-48.)

SON CARACTÈRE POSITIF
1. Son caractère positif: elle est un «accomplissement».

«Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : TU ne tueras point, et celui qui tue sera passible du jugement. Mais moi le vous dis : Celui qui se met en colère contre son frère sera passible du jugement, et celui qui dit à son frère : Imbécile ! sera passible de la cour de justice, et celui qui lui dira : Insensé ! sera passible du feu de la géhenne. Si donc tu apportes ton sacrifice à l'autel et si là il te revient en mémoire que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton sacrifice devant l'autel et va d'abord te réconcilier avec ton frère; après quoi reviens présenter ton offrande. Hâte-toi de te mettre d'accord avec ton adversaire, tandis que tu chemines avec lui, de peur qu'il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l'huissier et que tu ne sois jeté en prison. En vérité, je te le dis, tu n'en sortiras pas avant d'avoir payé jusqu'à la dernière obole. »

Tout ce développement est composé d'images, d'expressions, de figures, si complètement juives qu'il est presque impossible de le transposer en détail dans notre langage. Cet enchevêtrement d'exemples empruntés tantôt à la conduite morale, tantôt à la vie judiciaire, et aboutissant au feu de la géhenne, ce sacrifice apporté à l'autel, cette réconciliation avec l'adversaire inspirée par la crainte du châtiment, sont complètement étrangers à notre pensée. Mais ce n'est là que le vêtement juif qui recouvre un enseignement très simple et très clair.

Le meurtre est la manifestation suprême et dernière de l'irritation contre le prochain. Or, pour les hommes qui sont sur la voie de la vie, non seulement tout acte par lequel se trahit cette irritation - atteinte portée aux intérêts d'un autre, offense, jugement, insulte - est une faute morale, mais le fait seul de la ressentir est coupable en lui-même. Cependant, ce n'est encore là que la justice des pharisiens renforcée, la rigueur de la loi morale poussée à l'extrême, la fidélité au commandement remontant aux manifestations les plus intimes du mal, ce n'est pas encore l'accomplissement que Jésus attend de ses disciples. On peut dominer sa vieille nature au point de conserver sans cesse le sang-froid le plus absolu : on n'a fait que circonscrire et surmonter le chaos. La vie nouvelle est autre chose.

L'accomplissement dont parle Jésus ne se réalise que lorsque l'hostilité instinctive contre le prochain fait place à un bon vouloir qui vit au fond de l'âme et qui se manifeste involontairement à chaque agression nouvelle. C'est là l'ordre nouveau dans lequel la vie du prochain n'est plus niée, mais affirmée au contraire. L'attitude négative qui consistait à éviter les mauvais procédés et à réprimer les sentiments coupables fait place à l'action positive pour le bien des autres.

De là l'importance que Jésus attache à la réconciliation avec le prochain. Elle prime tout : même les devoirs les plus sacrés doivent lui céder le pas. L'ordre précis que Jésus nous donne de laisser notre sacrifice devant l'autel pour aller aussitôt nous réconcilier avec notre frère, s'il nous revient à l'esprit qu'il a quelque chose contre nous, marque ce que cette obligation a d'absolu, ce que notre bon vouloir doit avoir d'illimité. Bien loin d'arrêter sur nos lèvres la parole rédemptrice, la colère et la haine doivent l'évoquer au contraire. Telle est, dans sa perfection, la tâche proposée à l'accomplissement positif de la loi. La réconciliation est le pôle opposé du meurtre, elle est aussi féconde qu'il est destructeur.

Mais pour découvrir la loi de la vie nouvelle qui s'y manifeste, considérons de plus près ce phénomène intime. L'humanité nous offre le spectacle de l'antagonisme involontaire des individus : conflits d'intérêts, préventions hostiles, lutte instinctive pour l'existence. Il s'établit donc forcément entre eux une tension persistante que renforce le frottement de la vie commune. Survient une décharge de courant : l'irritation intérieure, la colère, la haine qui s'étaient amassées éclatent en injures, en offenses, en calomnies, bref en tentatives meurtrières à un degré quelconque.

Or, Jésus nous le fait comprendre, il ne suffit pas de prévenir absolument la décharge de ce courant mortel, il faut le supprimer. Cela n'est possible qu'en le remplaçant par un courant de vie, c'est-à-dire par l'impulsion qui nous presse de vivre pour autrui. Elle seule est capable de désarmer notre prochain.
À une condition toutefois : c'est qu'elle soit aussi naturelle et aussi involontaire que ne l'est communément l'attitude d'hostilité réciproque. L'accomplissement de la loi que Jésus nous présente ici est donc une manifestation spontanée de la vie originelle dont les béatitudes nous ont décrit la naissance et l'épanouissement. Nous y avons vu l'élan vers le prochain s'éveiller d'une manière tout impulsive, et se traduire par l'entr'aide miséricordieuse; la réconciliation avec notre adversaire irrité n'est pas autre chose que la paix que procurent les enfants de Dieu par le fait seul de leur vie nouvelle.

L'accomplissement positif des lois morales qui régissent l'ordre ancien n'est ainsi que l'épanouissement créateur de l'être nouveau opposé à toutes les agressions de l'adversaire. Il faut qu'en face de l'ordre ancien se dresse et triomphe l'ordre nouveau. L'influence vivifiante et conciliatrice de l'être originel doit vaincre et transformer aussi bien le chaos organisé et discipliné, que les puissances dévastatrices de la barbarie déchaînée.

C'est là ce que Jésus veut nous faire comprendre. Dans les paroles que nous considérons, il nous présente certaines applications d'une loi générale. Mais ces exemples n'ont qu'une importance secondaire. En nous y arrêtant nous perdrions l'intelligence du principe même. L'essentiel n'est donc pas de nous réconcilier à tout prix avec celui qui a quelque chose contre nous : il se peut que nous n'en possédions pas encore intérieurement la capacité. Dépourvus de la puissance créatrice de la vie nouvelle, nous ne pourrions ainsi qu'en copier sans succès les manifestations. Ce serait désastreux. Il se peut aussi que nous devions renoncer à une démarche qui ne ferait que surexciter la colère de notre frère. Qu'on songe aux cas si divers auxquels ces paroles peuvent se rapporter, et qu'on se rappelle que Jésus lui-même - pour autant du moins que nous sommes renseignés à ce sujet - n'a point cherché à se réconcilier avec ses adversaires. Ce qui importe, c'est que la loi de la vie nouvelle règne intégralement en nous : nous devons vivre absolument pour nos semblables et l'inimitié que nous rencontrons ne doit provoquer dans notre âme qu'une émotion miséricordieuse et le désir de la réconciliation.

Impossible de dire comment ces dispositions se manifesteront pratiquement dans chaque cas particulier; cela se montrera, si notre conduite découle directement de l'intuition de la situation donnée. Gardons-nous de la combiner d'avance par la réflexion. Elle perdrait la spontanéité dont dépend sa puissance créatrice. L'essentiel c'est que vive et règne en nous la sensibilité nouvelle de l'être originel qui ne connaît d'autre réaction contre le mal que la joie d'aimer davantage.

Si au lieu de nous en tenir aux exemples mentionnés par Jésus, nous saisissons ainsi la loi même de la vie nouvelle qu'ils illustrent, nous constaterons que les échappées qu'il nous ouvre sur tel ou tel domaine spécial, nous découvrent en réalité toute l'étendue de notre vie morale.

Considérons, par exemple, une question d'un autre genre. Il est évident que la véritable culture de l'humanité repose sur l'action réciproque et complémentaire de la nature féminine et de la nature masculine. C'est là que gît certainement le secret de notre avenir. Mais cet échange ne peut aujourd'hui porter tous ses fruits, parce que la relation mutuelle des deux sexes est encore si tendue qu'ils n'entrent guère en contact sans éprouver une émotion sensuelle. De là l'ordre de ne séduire personne, c'est-à-dire de ne se départir jamais de la réserve obligée envers l'autre sexe. Pour peu que nous approfondissions le sens de ce précepte, en le rapprochant de l'enseignement de Jésus sur la colère et les injures, nous envisagerons toute coquetterie, toute façon de jouer avec l'attrait sensuel, comme une faute morale. Mais le véritable accomplissement de la loi va beaucoup plus loin : si malgré notre attitude irréprochable, la convoitise sexuelle s'est allumée dans le coeur de notre prochain, bien loin d'en profiter, mais bien loin aussi de rompre brusquement tout rapport avec lui, nous chercherons à éteindre l'excitation sensuelle par notre pureté même et à la transformer peu à peu en une harmonie intérieur. Quand un homme et une femme se sont liés d'amitié, l'un d'eux vient à broncher, l'autre ne se précipitera point à corps perdu dans l'abîme de la passion; mais il ne se retirera pas non plus, en abandonnant le premier à son sort, au contraire, il le soutiendra et le guidera avec plus de fermeté que jamais jusqu'à ce que soit passé ce vertige d'un moment. C'est ainsi qu'il accomplira la loi, en mettant au service de l'autre sexe l'instinct profond qui l'attire vers lui et en devenant pour lui, par la puissance de sa nature originelle reconquise, une source de joie et de progrès.

Il en va de même dans tous les domaines. Écarter tout ce qui fait obstacle à la vie de notre prochain plutôt que l'entraver en quoi que ce soit, répondre à son mauvais vouloir par le bon vouloir et le bon secours, nous réjouir de son bonheur au lieu de lui porter envie, opposer aux cachotteries et aux méfiances une candeur absolue et une confiance sans réserve, administrer notre fortune comme un dépôt qui nous est confié pour le bien des autres, au lieu de tiré profit des dommages subis par eux, vivre non en égoïste mais comme membre d'un corps, - voilà la moralité qui est un accomplissement positif de la loi, et qui n'a plus à maîtriser les instincts mauvais, parce qu'elle en est affranchie et qu'elle est devenue vérité créatrice.

Cette morale supérieure de l'être originel nous garantit une organisation nouvelle de la vie, parce qu'elle contribue à l'établir. Car elle triomphe du chaos et le métamorphose. Sous son influence vivifiante, toutes choses sont faites nouvelles. Aussi les lois de la morale nouvelle sont-elles en même temps celles du développement de la véritable nature humaine dont nous attendons la réalisation.


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