Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE II

LA MORALE NOUVELLE
(Matthieu V, 20-48.)

SON CARACTÈRE POSITIF
6. Elle témoigne d'une vie surabondante.

«Vous avez appris qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs, afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est aux cieux. Car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Tout le monde ne le fait-il pas ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d'extraordinaire? Les païens même n'en font-ils pas autant?»

À l'endurance sans limites s'ajoute l'amour sans réserve. Ainsi s'achève le contraste entre l'ordre nouveau et l'ordre ancien. Ce n'est Plus le principe de la réciprocité, de la revanche, qui détermine notre manière d'être : au contraire, notre caractère véritablement humain s'affirme en toute occasion, s'il est vivace. Notre conduite n'est plus relative, mais constante, - parce qu'elle est actionnée par la force motrice originelle, - absolue et catégorique. Aussi les hommes nouveaux aiment-ils même leurs ennemis et prient-ils pour leurs persécuteurs.

Plus notre vie est impersonnelle et passive, plus aussi notre conduite est déterminée de l'extérieur et devient une simple réaction dont la nature et la portée sont conditionnées par l'excitation qui l'a produite. Plus au contraire nous vivons d'une vie personnelle, plus aussi notre conduite est déterminée du dedans et devient une manifestation autonome, un libre déploiement de notre moi. Plus donc le moi véritable est puissant et s'affirme dans notre vie, moins il est influencé par l'attitude de notre prochain et plus il reste fidèle à son caractère propre; car il ne peut agir autrement qu'il ne le doit. C'est dans cet affranchissement de toute influence extérieure que réside la noblesse, la liberté et la souveraineté des hommes véritables.

Or ce caractère nouveau et inaltérable, c'est celui de leur être originel. C'est la véritable nature humaine qui se révèle par eux en tout et partout. Il n'est pas une des obligations que la vie leur impose, pas une des impressions qui les effleure, pas un des événements qu'ils rencontrent qui ne la fasse apparaître dans sa beauté et sa vertu rédemptrice. Dans les bons et dans les mauvais jours, parmi leurs amis et leurs ennemis, aux prises avec l'admiration comme avec la calomnie, avec l'amour comme avec la haine, leur vie nouvelle s'épanouit victorieusement. Tout contact agréable ou pénible avec leurs semblables ne saurait donc éveiller en eux que des sentiments d'amour.

L'amour est la marque de leur origine, le caractère de leur Père. Comme leur Père fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes, les citoyens de la terre nouvelle éclairent et réchauffent sans distinction et sans exception tous ceux qui pénètrent dans leur sphère lumineuse. Leur qualité d'enfants de Dieu leur confère la noblesse qui ignore la revanche soit en bien, soit en mal; aussi se donnent-ils tels qu'ils sont, de quelque façon que l'on vienne à eux. Rien ne saurait affaiblir leur ardeur ni intercepter leur lumière égale et paisible, puisqu'elles ne dépendent à aucun degré de l'attitude des autres à leur égard. Rien ne compromet leur équilibre, ni n'altère leur caractère; leur supériorité native les garantit également des séductions et des attaques de ceux chez lesquels ne vit point encore l'être nouveau. La conduite de leur prochain ne peut ni entraver, ni limiter leurs manifestations vitales, elle ne peut que les provoquer, car leur manière d'être découle du jaillissement de la vie en eux et non de causes ou de considérations extérieures. Or ce qui déborde ainsi sur ceux qui les approchent, c'est l'amour.

Leur amour est tout autre chose que ce qu'on appelle de ce nom, dans le régime ancien. Ce n'est pas une disposition morale qu'on puisse susciter en soi par un effort de bonne volonté, mais un sentiment spontané, l'élan naturel qui porte l'être nouveau au-devant de tous ceux qui l'approchent. Ce n'est pas la sympathie que nous inspirent des êtres attrayants ou dignes de pitié, mais le trop-plein de l'âme, la vie personnelle surabondante qui se répand au dehors parce qu'elle ne peut contenir ses richesses. Dans cet amour rayonne le bonheur qui remplit les hommes du devenir, leur joie de vivre, la force vitale et l'énergie créatrice accumulées dans leur for intérieur et dont le courant à haute tension se décharge pour devenir lumière et chaleur, irrésistible élan, force expansive de la personnalité. Semblable aux ondes lumineuses du soleil et aux vibrations de sa chaleur ardente, il enveloppe et pénètre tous les hommes et leur communique la force et la joie de vivre.

Cet amour se manifeste dans nos rapports avec nos semblables par un impétueux élan du coeur qui prend envers eux une position énergiquement et invariablement affirmative, par une ardeur à vouloir leur être en soi, leur bien, leur développement, l'apparition de leur beauté profonde. La volonté affirmative de l'être nouveau dans laquelle frémit le mouvement créateur, s'étend indistinctement à tous, par simple besoin de s'exprimer. Car l'amour ne veut pas les hommes tels qu'ils sont, mais tels qu'ils doivent et peuvent être, non leur apparence fortuite, mais leur vérité même, Or, par le fait seul qu'il les affirme ainsi, il les fortifie, les secourt dans leurs détresses, brise leurs entraves et rompt leurs liens, les arrache à leurs erreurs, et les modèle selon leur vérité et leur splendeur natives. Ainsi l'amour est une communication de force et de vie, une puissance créatrice, le rayonnement de l'être, la copie de l'original divin.

Notre amour s'élève jusqu'à Dieu en prières d'intercession. Car si notre vie consiste à puiser en Dieu, nos voeux pour ceux que nous aimons se transforment en requêtes. Nous ne sommes que des organes de transmission. Notre intercession n'est, pour ainsi dire, que l'autre face de notre amour, celle qui est tournée vers Dieu. Les enfants de Dieu mettent tous ceux qu'ils aiment en contact avec lui et les plongent dans son atmosphère, car leur amour est une vibration de la vie créatrice. En se communiquant aux hommes, il met en mouvement la puissance divine. Aussi, aimant leurs ennemis, prient-ils pour leurs persécuteurs.

Quand l'amour est le jaillissement naturel de la vie nouvelle, il est aussi l'accomplissement parfait de la loi qui dit : «Tu aimeras ton prochain. » Jésus nous fait toucher du doigt le contraste entre cet amour spontanément ressenti et l'amour voulu et provoqué par un effort moral, dans cette parole : «Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis. » Car le fait qu'il s'étend à tous, indistinctement et sans réserve, est la preuve infaillible de son authenticité. En effet, cela n'est possible que s'il est une force impulsive de la vie nouvelle, un instinct autonome de la personnalité indépendant de tout stimulant extérieur, une libre manifestation du moi qui fait irruption et se répand au dehors sans tenir compte de rien. Ceux qui vivent encore dans l'ancien ordre de choses, ceux dont l'amour est provoqué par une impression de satisfaction ou de pitié, sont incapables d'aimer ainsi. Tout au plus réussissent-ils par un tour de force moral à simuler l'amour pour leurs ennemis. Mais on n'aime véritablement que lorsqu'on ne peut s'en empêcher. L'amour pour nos ennemis, pour être authentique, doit donc, lui aussi, être l'expression tout impulsive d'un sentiment spontané. Cela est impossible à notre ancienne nature; c'est une nécessité de nature pour l'être nouveau. Aussi l'amour des ennemis est-il en effet une chose « extraordinaire », l'épanouissement splendide de notre vie originelle.

Il y aurait encore une infinité de choses à dire sur la nature, le caractère, l'origine et la portée de cet amour qui est l'inimitable façon d'être des enfants de Dieu, nés à sa vie. Mais cela nous mènerait trop loin (1). Si nous sommes « nés de nouveau», nous en ferons tout naturellement l'expérience.

«Soyez donc parfaits, comme votre Père qui est aux cieux est parfait. »

Cette parole est la clef de voûte des enseignements de Jésus sur la morale nouvelle. Il faut nous placer à ce point de vue pour la comprendre; sinon nous la repoussons d'emblée, et elle devient pour nous une pierre d'achoppement.

On ne peut exiger d'aucun homme la perfection, car l'imperfection est inhérente à la nature humaine. «Il n'y a de bon que Dieu seul », a dit Jésus. Si, sur la foi de son ordre, nous nous faisons forts de réaliser la perfection, si dans l'ardeur d'une exaltation religieuse, nous prétendons à une abstention complète de tout péché, nous ne réussissons qu'à nous tromper nous-mêmes et nous échouons lamentablement.

Mais tel n'est point le sens de la parole de Jésus. La perfection qu'il réclame, - tout comme la justice supérieure qu'il nous prescrit - ne constitue point une différence de degré, mais une différence de nature. Elle n'implique pas l'absolu de la quantité, mais de la substance. La perfection opposée à l'imperfection, c'est la morale primesautière, accomplissante, créatrice, de l'ordre nouveau, opposée à la morale insuffisante et mesquine de l'ordre ancien. Car elle est parfaite en son essence, quelque embryonnaire, imperceptible ou embarrassée qu'elle soit peut-être encore, tandis que la morale ancienne est et reste imparfaite de sa nature, quel que soit le sommet auquel la porte notre effort.

Jésus ferme ainsi le cercle de ses instructions sur la morale nouvelle en revenant à son point de départ : «Si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu. » En effet, dans le royaume de Dieu règne la morale parfaite; dès que le royaume de Dieu - sous sa forme individuelle et personnelle qui est l'être originel - s'instaure dans un être humain, elle s'y développe aussi nécessairement que lève la semence jetée en terre. Voilà pourquoi Jésus peut dire : « Soyez parfaits ». Il ne commande point; il appelle les chercheurs à concourir au développement des germes de vie qu'ils sentent travailler en eux, si réellement leur être originel est sorti de son sommeil. Or tous ceux chez lesquels s'opère cette transformation radicale, éprouvent certainement les premiers symptômes d'une moralité nouvelle. Qu'ils prennent donc soin d'en favoriser les progrès et qu'ils s'appliquent à laisser s'épanouir purement et librement dans leur vie cette perfection qui est la réalisation de leur véritable humanité.

Cette parole : « comme votre Père céleste est parfait », indique l'origine de la morale absolue de l'être nouveau : en elle se retrouvent les traits du Père. Jésus relève un de ces traits, l'amour, lorsqu'il nous recommande d'aimer sans réserve et sans bornes, comme le Père qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants. Mais sa déclaration a une portée générale. Tous les caractères distinctifs de la morale nouvelle - la souveraineté dont elle témoigne, la spontanéité de ses manifestations, sa conformité rigoureuse à la loi, sa liberté primesautière, son «accomplissement » positif et créateur, - sont, aussi bien que sa vie débordante d'amour, des traits de la nature du Père. Or, tel est le Père, tels sont ses enfants, mais seulement ceux qui sont « nés de lui ». Aussi ne reproduirons-nous son caractère que lorsque notre être véritable, issu de Dieu, sera né en nous.


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(1) Comp.: Joh. MULLER. Von den Quellen des Lebens. Die Liebe (pages 194-250).

 

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