Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE III

LA VIE PERSONNELLE
(Matthieu VI, 1-18.)

2. Nos relations avec Dieu.

«Lorsque vous priez, ne faites pas comme les hypocrites, car ils aiment à prier debout dans les synagogues et au coin des rues, afin d'être vus de tous les hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont leur récompense. Pour toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre et, la porte close, prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra. »

Ce qui est vrai de nos relations avec notre prochain, l'est de nos relations avec Dieu. Les unes et les autres aussi doivent porter le même caractère. Que les hommes qui «deviennent » se gardent de faire état de la vie qui leur vient de Dieu, et de poursuivre par son moyen quelque but étranger à l'impulsion personnelle qui en est la seule raison d'être. C'est dans le secret qu'ils ont à chercher Dieu; ce qui se passe dans l'intimité de l'âme ne doit point sortir de cette chambre close. Que les païens et les hypocrites en agissent à leur gré; ceux qui suivent la voie de la vérité ne sauraient les imiter.

Jésus nous en donne un exemple dans ce qu'il nous dit de la prière. La prière authentique est la vivante expression du contact personnel avec Dieu qui s'établit chez tout homme qui cherche, et dont il prend tôt ou tard clairement conscience. La vie universelle, créatrice, stimulante et façonnante, vient battre de ses flots puissants le seuil de notre être et devient pour nous une réalité vécue. Si nous lui ouvrons l'accès de notre être intime, elle nous communique son élan. Les vibrations d'une vie nouvelle nous ébranlent, un esprit nouveau nous envahit. Nous nous sentons en son pouvoir et percevons distinctement ses impulsions. Dans cette expérience, c'est Dieu qui parle, agit sur nous et nous conduit. Tous les événements, toutes les obligations de l'existence, nous apportent un message divin, une fois que nous avons appris, comme des enfants attentifs, à comprendre le langage de la puissance paternelle qui régit notre vie.

Quand Dieu nous parle, il est impossible que nous ne lui parlions pas à notre tour. Une réaction succède à son action; à ses communications notre réponse. Lorsqu'il s'ouvre à nous, nous nous ouvrons à lui et tout ce qui surgit en nous reflue vers lui. À sa confiance, dont chacune de nos afflictions nous apporte le témoignage, répond notre confiance : comme il compte sur nous pour les faire concourir à notre vie, nous comptons sur lui pour nous secourir miséricordieusement. Son désir de nous voir le glorifier en toutes choses appelle sur nos lèvres les souhaits qui surgissent en nous au choc de la vie.

C'est en cela que consiste la prière. Elle est un élan spontané et involontaire répondant au Dieu qui se fait entendre à nous. C'est quand nous éprouvons sa présence que nous nous tournons vers lui. À son appel mystérieux qui se traduit dans notre, inquiétude intime, tout notre être reflue vers les profondeurs obscures d'où nous sentons monter en nous cette impulsion indéfinissable. S'il nous devient assez proche pour que nous entendions son langage dans tous les détails de notre vie, nous lui ouvrons à notre tour librement notre coeur; et à mesure que nous faisons l'expérience toujours plus merveilleuse de son amour paternel qui nous dispense toutes choses, nous nous adressons à lui «comme des enfants chéris à leur père bien-aimé ». Alors tout ce que Jésus nous a révélé de notre Père céleste nous devient sensible et familier et son invitation à lui présenter toutes nos requêtes nous inspire une confiance de plus en plus simple.

Mais si la prière est essentiellement une émotion toute spontanée, un élan du coeur qui se tourne vers Dieu lorsqu'il éprouve consciemment ou inconsciemment son attrait, elle réclame, de ce fait même, le secret le plus absolu. Car elle est le courant mystérieux qui, de l'âme, remonte au principe de toute vie, l'opération la plus intime qui puisse se produire dans les profondeurs cachées de l'être humain.

La prière est la révélation de l'homme à Dieu répondant à la révélation de Dieu dans l'homme. Cette action réciproque du principe métaphysique en nous et du principe métaphysique de l'univers, en vertu de laquelle la puissance de la vie divine devient l'énergie motrice de notre vie personnelle, repose sur la spontanéité de nos impressions intimes qui nous ouvre à son influence. L'élément qui la transmet, c'est la sensibilité de notre être nouveau qui, dans tout ce qui l'émeut, perçoit une vibration divine et est ainsi constamment sollicité de réagir. Aussi notre prière ne saurait-elle rendre un son clair et puissant que si elle retentit spontanément et avec une candeur absolue.

Plus la prière est et demeure ainsi un mouvement involontaire, une manifestation impulsive de notre vie profonde, plus elle est vivante, sincère, objective. Tous les enseignements de Jésus sur la nécessité de voiler aux autres et à nous-mêmes les phénomènes originaux de la vie personnelle s'appliquent donc plus directement encore, si possible, à nos relations avec Dieu. Aussi Jésus dit-il à ceux qui «deviennent»: Quand vous cherchez la face de Dieu, faites-le dans le secret.

Toute perturbation de la spontanéité fait cesser le contact avec Dieu. Ici, comme dans tous les domaines, intervenir dans les phénomènes vitaux, c'est causer la mort. Les méditations, les états d'âme dans lesquels ne se traduit pas d'une façon directe et sommaire ce que nous éprouvons spontanément, les réflexions, les sentiments, les appréciations, les arrière-pensées qui se mêlent à notre prière la paralysent. L'élan de notre coeur doit nous absorber tout entiers. Mais cela n'est possible que si nous avons coupé toutes les autres communications. Pour nous ouvrir à Dieu, il faut donc nous fermer à tout le reste.

Mais si l'intégrité de la prière dépend du secret qui l'enveloppe, il en est de même de l'exaucement. C'est dans les profondeurs de notre sensibilité spontanée que Dieu entre en contact avec nous. S'il y trouve un écho vibrant, il s'y manifestera. Alors notre prière libérera les énergies et les clartés qui émanent de l'être éternel et acquerra la portée que mesurent seuls ceux qui en ont fait l'expérience. Car elle sera un véritable dégagement de vie, un phénomène naturel élémentaire qui, en vertu d'une nécessité interne, mettra en mouvement la puissance de vie universelle, au service de la vie humaine et personnelle. Que notre prière reste donc ignorée, préservons-en à tout prix la pudeur. Ne livrons en proie ni à nous-mêmes, ni aux autres, l'émoi divin dans lequel monte vers Dieu ce qui palpite au plus profond de notre être.

Telle est l'instante recommandation que Jésus adresse à ceux qui aspirent et qui cherchent. Il ne le fait pas sans motif, car cette manière de prier n'est point ordinaire. La où religiosité des âmes satisfaites s'exprime d'autre sorte. La révélation de Dieu n'est pas devenue pour elles un événement personnel. Elles ne le perçoivent pas intuitivement, mais théoriquement, sans que leur âme frémisse sous les vibrations de sa vie. Sinon, comment persisteraient-elles dans leur inertie? L'idée seule de Dieu n'émeut personne, elle tranquillise au contraire. C'est pourquoi leur croyance les imprègne de religion, mais non de Dieu.
Dans la mesure où Dieu s'est révélé à nous, nous nous révélons à lui. Notre prière est ce qu'est notre foi. Aussi leur prière est-elle une cérémonie religieuse, un culte, un effort pour entretenir leur « communion avec Dieu », une oeuvre, mais non une vie. Car elle ne procède pas de l'expérience immédiate de Dieu, mais d'enseignements sur lui et sur ses relations avec nous, devenus articles de foi. Elle est stimulée par des exhortations et entretenue par des considérations et des motifs intéressés. Elle est un acte de piété, un recours en cas de détresse, donc corrompue dans son essence et destinée à dégénérer fatalement, en superstition d'abord, et en ce qui s'appelle «tenter Dieu ». Toutefois Jésus ne relève pas ici ce côté de la question. Il ne nous signale que la perversion qui se produit lorsque la prière cesse d'avoir son but en elle-même et n'est plus qu'un moyen de parvenir à des fins résidant en dehors d'elle; lorsque celui qui prie cesse d'être seul avec son Dieu dans le secret du coeur, se tâte et se contemple au lieu de se plonger en Dieu; lorsqu'il prie, non parce qu'il ne saurait faire autrement, mais parce qu'il veut prier, soit en vue d'un auditoire, soit afin de gagner Dieu à sa cause; lorsqu'il nourrit des intentions accessoires ou poursuit des effets secondaires.

Jésus nous met en garde contre la prière qui dégénère en mise en scène. Mais ce n'est là qu'une des conséquences naturelles de son manque de spontanéité. Les désordres qui résultent de l'atteinte portée à l'intimité et à la candeur de la prière, sont aussi complexes que l'être humain, car une fois dépouillée du secret qui l'enveloppe et la protège, elle se trouve livrée à l'arbitraire de tous les instincts dénaturés.

Dès que la prière cesse d'être une manifestation tout impulsive, l'expression instinctive d'un mouvement de l'âme, elle tourne à l'hypocrisie. S'en servir pour produire une impression sur soi-même ou sur autrui, c'est souiller l'expérience du divin; en faire un procédé d'édification, c'est la prostituer. Peu importe qu'il s'agisse d'exercer une influence religieuse sur autrui, ou seulement de s'édifier soi-même, d'imprimer un élan pieux à d'autres âmes, ou seulement à la sienne propre, dans l'un et l'autre cas, on profane le contact de l'âme avec Dieu, et l'on fait vibrer intentionnellement la corde la plus intime de la vie personnelle, afin d'en tirer parti, au lieu de l'abandonner au rythme naturel de ses oscillations involontaires. La prière passée au rang d'institution, de démonstration publique, de profession de foi et de protestation contre l'impiété, la prière devenue un exercice religieux ou ascétique, un instrument d'édification, de conversion ou de «réveil», attente à sa vérité et à son essence même. Elle peut, il est vrai, lorsqu'elle est sincère, produire l'effet que l'on cherche à provoquer abusivement par son moyen, mais ce n'est pas à cette fin que nous devons prier. Certes, il est des instants où, sous l'empire d'une impulsion intérieure irrésistible, le coeur déborde et se répand au dehors, comme lorsque Jésus s'écria, transporté : « je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et les as révélées aux enfants. » Sans doute aussi, l'émotion collective de quelques âmes intimement unies peut, à un moment donné, s'exprimer tout haut. Mais la prière inscrite au programme, partie intégrante du service divin, appartient certainement à la tendance que Jésus réprouve (1).

Si donc il n'y a pas de prière véritable là où manque l'intuition directe et vivante de Dieu, la prière cesse d'être une opération profonde et spontanée de la vie personnelle partout où l'on cultive une idée de Dieu, une doctrine, une croyance, OÙ l'on entretient une dévotion correspondante, où l'on organise ecclésiastiquement la vie religieuse. Elle revêt alors le caractère d'un devoir de piété, avec toutes les conséquences qu'entraîne cette déformation. Jésus ne s'élève point ici contre ces choses, - il les tenait sans doute pour inévitables provisoirement, et il se bornait à saluer de loin le temps où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; d'ailleurs, il ne voulait point abolir la prière telle que les Juifs la pratiquaient, mais l'accomplir; - mais il dit aux chercheurs qui pressentent Dieu dans l'inquiétude de leur coeur : Quand vous priez, faites-le dans le secret, car vous pouvez prier véritablement. Les autres en sont incapables, c'est là leur excuse; aussi émeuvent-ils malgré tout la miséricorde divine. Mais pour vous, toute prière qui n'émane pas comme un rayon invisible de votre relation cachée avec Dieu, est une hypocrisie.

La répugnance instinctive qu'inspire aux chercheurs de nos jours la manière dont la prière est pratiquée dans la chrétienté, l'impossibilité où ils se trouvent de s'y conformer, sont en parfait accord avec cet ordre de leur maître. Leur instinct de vérité se révolte contre cet abus et ils ont raison de l'écouter. Gardons-nous donc de prier lorsque nous ne nous sentons pas pressés de le faire. Et quand nous prions, que ce soit dans le secret, afin que notre prière soit une manifestation tout impulsive, l'adoration en esprit et en vérité, qui s'élève vers Dieu dans une chasteté complète.

«Quand vous priez, ne multipliez pas les paroles, comme les païens qui s'imaginent être exaucés à force de prononcer des mots. Ne leur ressemblez pas car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. »

Lorsque tout ce qui constitue notre vie intérieure s'élève à Dieu dans nos prières comme les vapeurs s'élèvent des champs après l'ondée, elles ne sont, en réalité, que les émotions suscitées en nous par la vie quotidienne remontant vers leur source involontairement, sans paroles, sans enchaînement logique, et cherchant le contact avec Dieu. Cependant elles ont besoin de trouver leur expression, même défectueuse. Il ne leur suffit pas de s'exhaler dans un soupir ou dans un cri de joie; il faut qu'elles se formulent. Comme toutes les opérations de notre vie mentale, la prière réclame des représentations intelligibles et une expression nette.

Toutefois les mots et les représentations ne sont pas la substance de la prière, mais seulement ses aspects. Elle est essentiellement un mouvement spontané du coeur, l'écho que le divin éveille en nous. Si elle emprunte le langage humain, c'est pour se faire entendre, non de Dieu, mais de nous-mêmes. Dieu comprend de loin nos pensées. Il perçoit plus distinctement que nous ne le ferons jamais, les sensations obscures qui s'agitent en nous, notre angoisse indicible et les maladroits battements d'ailes de notre âme inquiète. Il entend notre requête, affranchie des formules, des obscurités, des petitesses humaines et subjectives. Il démêle nos véritables désirs. Car il les saisit dans leur réalité, dégagée des voiles dont la recouvre notre nature bornée.

Ce n'est donc pas pour lui que les paroles sont nécessaires, mais bien pour nous; car si ce qui monte de notre coeur ne nous devient pas conscient, il est difficile que nous entrions en un contact personnel avec Dieu, et si nous ne lui parlons pas clairement, nous ne percevons pas non Plus clairement sa réponse. Il parait donc impossible que les impulsions qui nous viennent de lui se transforment en vie personnelle si nous ne nous rendons pas nettement compte de cet échange réciproque. Or le moyen de nous en rendre compte et la preuve qu'il s'effectue véritablement, c'est la représentation concrète, l'expression distincte. Nous parlons avec Dieu, parce que pour nous, êtres humains, la parole est l'organe par lequel nous communiquons ce qui est en nous. Et quand notre contact avec lui arrive à son expression parfaite, nous discernons aussi en toutes choses la « parole » qu'il nous adresse.

L'essentiel cependant, c'est que tout ce que formule notre prière vive en nous personnellement, si peu qu'il soit d'ailleurs possible et nécessaire de l'épuiser en mots. Il faut que la parole naisse et découle de nos émotions spontanées. Si elle énonce autre chose que ce qui déborde naturellement de notre âme, elle devient mensongère. Nous faisons des phrases. La bouche seule parle, le contact avec Dieu cesse. Nous jouons un rôle et notre être Intime renie notre prière au lieu d'y ajouter son amen. Nous prenons le nom de Dieu en vain, nous profanons le sanctuaire, nous nous rendons coupables d'hypocrisie intime.

Aussi Jésus dit-il : « Quand vous priez, ne multipliez pas les paroles comme les païens qui s'imaginent qu'à force de prononcer des mots, ils seront exaucés. » Peut-être dirait-il aujourd'hui : «comme les chrétiens», car leurs prières, soit libres, soit prescrites, sont tout aussi prolixes, et ils nous tiennent de plus près que les païens que nous ne connaissons guère que par ouï-dire. Aujourd'hui encore on croit pouvoir remplacer l'émotion jaillissante par une ferveur artificielle qui se grise de paroles entraînantes, et provoquer l'exaucement par une verbosité infatigable. Tout cela est païen. Car ce n'est pas filial.

Ne les imitez donc pas. Votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez. Il n'est point nécessaire de le mettre laborieusement au courant de la situation. Un mot suffit pour lui donner à entendre ce qui se passe en vous. Il connaît alors mieux que vous-même votre véritable désir. Quand nous nous adressons aux hommes nous sommes obligés pour être compris de nous expliquer en détail et sous diverses formes. Car, dans ce cas, l'intelligence dépend de l'expression, de nos paroles qui sont trop souvent défectueuses. Mais quand il s'agit de Dieu, les mots ne sont point nécessaires, à proprement parler. Son contact personnel avec nous lui révèle nos pensées. Quand donc l'élan de notre coeur nous pousse vers lui, adressons-nous à lui comme des enfants à leur père, simplement, brièvement, directement, sans circonlocutions et sans verbiage. Gardons-nous du pathos et de la rhétorique pieuse. Ne nous écoutons point parler. La prière doit être le murmure d'une source cachée qu'on ne perçoit qu'en y prêtant l'oreille, et non le tapage indiscret d'un jet d'eau.

À cet enseignement, Jésus joint le modèle :

«Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié; que ton règne vienne; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien; et remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs; et ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du mal. »

Peu importe pour nous que Jésus ait réellement ajouté à ce moment-là l'oraison dominicale à ses instructions sur la prière, ou qu'il l'ait prononcée en réponse à la demande de ses disciples : «Seigneur, apprends-nous à prier », puisqu'elle est en tous cas une requête conforme à sa volonté et une illustration de la manière dont nous devons prier. Non qu'il nous en impose les termes ou la forme : en le faisant, il. se contredirait lui-même. Nous n'avons le droit de la répéter après lui que s'il nous est réellement possible de le faire, c'est-à-dire si elle est l'expression exacte de ce que nous ressentons spontanément. L'oraison dominicale qu'on récite en s'efforçant de vibrer à l'unisson est un jargon pieux, semblable à celui des païens, et qui s'en distingue tout au plus par la brièveté. Il importe donc de nous rendre compte de ce qu'elle signifie.

Il le faut pour une autre raison encore. Jésus l'a enseignée aux chercheurs, à ceux qui marchent sur ses traces. Si elle est, comme elle doit l'être, l'expression de leurs émotions spontanées, elle nous permet de jeter un coup d'oeil dans leur âme et de reconnaître ce qui s'y passe. Elle acquiert pour nous, de ce fait, une importance extraordinaire. car elle devient le miroir qui nous révèle le point auquel nous sommes parvenus dans notre recherche et sur le chemin de la vérité.

Elle complète ainsi les béatitudes. Celles-ci nous avaient fait connaître les expériences intimes des chercheurs et la transformation qui commence à s'opérer en eux, lorsque, ébranlés par l'annonce du royaume de Dieu, ils entrent dans le courant de la vie. L'oraison dominicale nous découvre le flot des émotions et des aspirations que la vie nouvelle fait éclore en nous en s'y épanouissant. Cette vie en est-elle à ses débuts, elles seront faibles et intermittentes; mais à mesure qu'elle se développera, elles deviendront de plus en plus intenses, abondantes et fructueuses.

L'emploi de l'oraison dominicale en esprit et en vérité ne dépend donc pas d'un certain degré d'épanouissement de la vie nouvelle dans une âme, mais seulement du fait que cette vie nous anime réellement. Que ne pouvons-nous l'entendre comme pour la première fois, afin d'en recevoir une impression neuve et originale ! Elle a été si déflorée par l'usage, et nous sommes si insensibilisés par l'habitude! Et cependant, cela ne suffirait point encore à nous la faire saisir dans sa réalité vivante. Nous ne le pourrons que lorsque les désirs qu'elle a formulés auront en quelque mesure pris vie en nous. Nous ne saurons ce qu'elle signifie que lorsque ses requêtes exprimeront nos propres


Table des matières


(1) Elle n'est exempte d'hypocrisie, au sens où j'entends Jésus, que lorsque orateur et auditeurs se rendent compte qu'il ne s'agit point en réalité d'une prière, mais d'un discours sous forme de prière. Est-elle, même alors, compatible avec le sens délicat de la vérité et de la spontanéité ? Cela dépend de la mesure où on le possède.

 

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