LE SERMON SUR LA
MONTAGNE
Transposé dans notre langage
et pour notre temps
CHAPITRE III
LA VIE PERSONNELLE
(Matthieu VI, 1-18.)
2. Nos relations avec Dieu.
(Suite 2)
« Et ne nous induis pas en tentation.
»
C'est-à-dire : Ne permets pas
qu'aucune chose nous soit en piège. Cette
demande a sa raison d'être, car il n'est rien
qui ne puisse devenir une tentation pour nous. Les
mêmes impressions, les mêmes devoirs,
les mêmes expériences qui nous
appellent à glorifier le Père,
à faire triompher notre nouvelle nature en
réalisant d'instant en instant ses
intentions et en puisant en toutes choses des
éléments de vie, sont autant de
sollicitations séductrices. Elles agissent
en sens contraire de notre vocation qui est de les
saisir et de les juger à la lumière
de notre expérience immédiate de
Dieu, et de les faire servir à notre vie
comme à celle des autres, en prenant envers
elles la position qui convient.
Elles nous désarment en
provoquant en nous la crainte, les soucis, les
déceptions, l'accablement; elles tentent de
nous asservir en éveillant nos convoitises
ou en absorbant notre intérêt. Elles
risquent de troubler notre jugement, de paralyser
notre énergie et de nous livrer à la
fausseté, à l'arbitraire, à
l'absurde.
Si nous cédons à leur
attrait, notre intuition de Dieu s'obscurcit, notre
contact personnel avec lui s'interrompt, la
sève de l'être originel cesse de
monter, son développement s'arrête et
son activité s'étiole. C'est
là le redoutable péril auquel sont
sans cesse exposés les hommes qui « de.
viennent». Il n'est aucune chose dont notre
vieille nature ne s'efforce de composer un poison
subtil qui nous surexcite, nous enivre, et
s'infiltre en nous pour détruire notre
véritable moi. Toute âme
réveillée connaît ce danger et
en éprouve continuellement les atteintes.
Les plus sobres et les plus
vigilants en ont ressenti la puissance
séductrice, semblable au regard fascinateur
d'un monstre qu'il s'agit d'affronter. Aussi nous
écrions-nous le coeur serré de
détresse : Rends-nous invulnérables,
ô Père. afin qu'aucune tentation n'ait
de prise sur nous! C'est implorer de lui la force
de résister aux impressions funestes, de
nous affranchir des apparences illusoires, de
rester supérieurs à tous les
événements comme à toutes les
influences. Tiens-toi près de nous, lui
disons-nous, afin que les courants contraires
viennent se briser contre notre fermeté; que
notre regard reste assez limpide pour distinguer
les véritables éléments de vie
et discerner en tout l'essentiel. Accorde-nous la
victoire dans toute nos épreuves et affirme
la souveraineté de l'être nouveau en
réduisant à néant tous les
efforts du mal.
« Mais délivre-nous du mal.
»
En présence des
séductions de la vie, aux prises avec leur
importunité ensorcelante, nous
découvrons la puissance colossale du mal qui
partout pénètre, dévaste et
détruit; nous touchons du doigt la
dépravation, le retour à la barbarie,
la dégénérescence,
l'intoxication morale, la folie d'auto-destruction
qui ravagent notre humanité chaotique. Et de
l'effroi que nous inspire l'énergie sinistre
de la corruption, de notre sollicitude anxieuse
pour la croissance de l'être originel qui
semble livré à ses assauts, de notre
aspiration à un salut libérateur,
à une rénovation de tout ce qui est
humain et à la révélation de
la gloire divine, monte à Dieu notre
requête : Délivre-nous du mal!
Dans ces sept demandes
s'écoule le torrent des émotions qui
jaillissent du contact de notre vie personnelle
avec le Père. En elles retentissent les
battements de la vie que les béatitudes nous
ont fait connaître, d'une vie tout autre et
toute nouvelle. En elles monte et bouillonne la
sève de la vie originelle. En elles vibrent
les aspirations de la recherche et du devenir. Ceux
qui peuvent prier ainsi sans hypocrisie, les hommes
du coeur desquels jaillissent impétueusement
ces désirs, doivent avoir subi une
transformation intérieure complète :
ils sont nés de nouveau.
Le moi passe à
l'arrière-plan de ces requêtes. Et
pourtant chacune d'elles est
pénétrée d'une ardeur
passionnée et toute personnelle. C'est que
le moi n'est plus le centre et l'objet de la
prière, mais le foyer d'où en jaillit
la flamme. Il ne sort de l'ombre que pour se mettre
au service de l'ensemble dont il s'est fait partie
intégrante. Son autocentrie
égoïste est vaincue. Tous ses
intérêts individuels ont disparu.
Toutes ces demandes ont un caractère
d'objectivité, résultat de
l'expérience immédiate d'une
réalité objective. L'amour pour le
Père est la dominante qui y retentit avec
une force égale d'un bout à
l'autre.
Dans le coeur de ceux qui prient
ainsi, le Père est parfaitement
glorifié, et cela d'une manière
immédiate, car tout s'y fond en un sentiment
filial spontané. En trouvant Dieu, ils se
sont retrouvés eux-mêmes. Devant leur
regard qui cherche le Père,
s'évanouit tout ce qui n'est
qu'extérieur, apparent,
éphémère; les sources
profondes, bouillonnantes, créatrices font
irruption dans l'âme, qui perçoit
l'écho du travail mystérieux de la
divinité. Le sort de l'humanité, sa
nouvelle création, son avenir priment tout
le reste. Tout est considéré en vue
du but auquel tend notre
devenir. L'aspiration
séculaire à la rédemption
trouve son expression personnelle; elle devient une
certitude fondée sur l'expérience
concrète. Plus rien n'est voulu ni
raisonné, tout est le fruit d'un
développement naturel. Des profondeurs de la
vie Intérieure élémentaire, la
prière jaillit comme le trop plein qui
déborde.
On s'étonne à tort de
tout ce qu'on peut introduire dans chacune des
requêtes de l'oraison dominicale; on a tort
aussi de se figurer que pour la prier
véritablement, il faut en épuiser en
pensée toute l'étendue et toute la
profondeur. C'est ne pas comprendre ce que
Jésus nous dit de la prière. il n'est
point surprenant qu'on y puisse découvrir
des trésors inépuisables. Car chacune
de ces sept demandes n'est qu'une
échappée ouverte sur dés
horizons infinis. Mais pour qu'elles soient la
révélation impulsive de notre
relation vivante avec Dieu, il faut que chacune
n'exprime que ce que nous ressentons
spontanément. Dès que nous y
mêlons l'effort de notre volonté
réfléchie, l'intégrité
de notre vie intime est troublée, nous
quittons le terrain de la vérité et
de la vie. Chez tout être qui prie
véritablement, les désirs
formulés dans chaque demande
particulière jaillissent de l'impression
puissante de la réalité qu'il vit et
dont il souffre. Mais il en est comme d'une
contrée qu'on embrasse d'un coup d'oeil et
où le détail disparaît dans
l'ensemble. On ne prie en vérité
l'oraison dominicale que lorsque chacune de ses
requêtes est une unité, non une
énumération.
Cette prière,
énoncé d'impressions simples, portera
l'empreinte de la vie personnelle de celui qui la
prononce. Autrement elle ne serait point un
phénomène vital
élémentaire. Il n'y aurait donc pour
nous qu'un médiocre intérêt
à savoir quelle
était la vision intérieure de
Jésus et de ses disciples lorsqu'ils
prononçaient l'oraison dominicale, à
supposer même qu'il nous fût possible
de le déterminer. Ce qui importe, c'est
qu'elle soit la forme sous laquelle se
décharge notre courant de vie le plus
intense et le plus profond. C'est ce qui a lieu
lorsque les aspirations et les désirs qui
animaient autrefois ces hommes du devenir, vivent
pareillement dans notre âme, quelque
différemment du reste qu'ils se formulent
dans notre esprit, et lorsque la même
opération créatrice se poursuit en
nous, quelque dissemblables qu'en puissent
être les symptômes.
Comprise de cette façon,
l'oraison dominicale illustre d'une manière
concrète les enseignements de Jésus
sur la prière. Toute autre
interprétation nous entraînerait
précisément à la façon
de prier contre laquelle il a mis en garde ses
disciples.
La doxologie qui, selon certains
manuscrits, termine l'oraison dominicale :
«Car c'est à toi qu'appartiennent dans
tous les siècles le règne, la
puissance et la gloire», n'est sans doute pas
authentique. C'est une conclusion liturgique, mise
en usage par l'Église, et grâce
à laquelle la prière du Seigneur
s'achevait dans un hymne de louange.
Mais Jésus lui-même y
ajoute un éclaircissement dont l'importance
fondamentale n'est pas encore suffisamment
appréciée.
« Car si vous pardonnez aux hommes
leurs offenses, votre Père céleste
vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez
pas aux hommes, votre Père ne pardonnera pas
non plus vos offenses. »
Il y a donc des conditions à
l'exaucement de notre prière. Celui qui n'y
satisfait pas ne saurait s'étonner que sa
prière reste sans écho. Jésus,
comme à son ordinaire, ne nous montre
à l'oeuvre que sur un seul point la loi de
nature dont il s'agit ici : pour que Dieu
réponde par une communication de grâce
et de force à notre demande de pardon, il
faut que nous répondions aux manquements de
notre prochain par une miséricorde
surabondante. Les béatitudes nous ont
déjà révélé cet
enchaînement des processus intimes et nous le
rencontrerons de nouveau dans notre chapitre
traitant de la vie en commun. Il se vérifie
dans tous les domaines. Nous n'éprouvons
l'effet des lois constitutives du royaume de Dieu
que dans la mesure où nous les observons
dans notre vie.
Il faut que notre prière
n'exprime que ce qu'exprime en même temps
notre vie, sinon elle reste mensongère, vide
et par conséquent stérile, parce
qu'elle n'est pas une manifestation vitale
immédiate. Impossible de prier
véritablement d'une façon et d'agir
de façon contraire. Car nos émotions
spontanées s'actualisent aussi
involontairement dans notre conduite qu'elles se
formulent dans notre esprit si nous n'intervenons
pas intentionnellement. Ces deux
phénomènes sont aussi
inséparables que la flamme et la
lumière, le goût et le jugement. Il ne
s'agit donc point ici d'une attitude
spéciale envers le prochain, que Dieu
exigerait comme condition de l'exaucement, mais
d'un caractère de la prière
véritable, auquel Jésus nous rend
attentifs. Si nos prières sont l'expression
de sentiments d'emprunt, elles ne seront jamais en
harmonie avec notre vie, quelque peine que nous
nous donnions pour adopter une conduite
correspondante. Les prières
spontanées, au contraire, ne
peuvent manquer de rayonner dans
chacun des mouvements de notre vie.
Nul ne peut en vérité
donner à Dieu le nom de père sans
être son enfant. Nul ne souhaite avec ardeur
de le voir glorifié en tout et partout sans
déployer dans la vie sa puissance
rénovatrice. Nul n'aspire à la venue
du royaume de Dieu sans régler sa conduite
sur les lois divines. Nul ne soupire après
l'accomplissement de. sa volonté sans la
réaliser instinctivement. Celui qui confie
tout à Dieu ne saurait continuer à
craindre et à s'inquiéter. Toute
prière authentique devient ainsi le ressort
de la vie. Or la prière authentique est
seule exaucée. Dieu n'entend que les appels
qui montent de notre vie, comme nous-mêmes
n'entendons sa voix que dans la vie; les mots
rendent un son creux quand ce n'est pas elle qui
les soutient et les interprète. Veillez donc
à ce que votre prière s'embrase au
plus profond de votre être, afin que son
ardeur cachée pénètre votre
existence tout entière.
N'oublions pas cependant que la
prière n'est qu'une manifestation parmi
beaucoup d'autres de notre relation personnelle
avec Dieu, et que la loi naturelle que Jésus
nous découvre ici s'applique à toutes
également. Considérons-en donc
brièvement la portée
générale.
Quand notre contact avec Dieu est
une réalité positive, un fait
objectif dont l'action sur notre vie personnelle se
manifeste tout d'abord par un malaise
intérieur et par une. recherche
inquiète, puis, arrivé à un
certain degré de force, nous devient
directement conscient, nous nous trouvons en
présence de phénomènes vitaux
s'accomplissant dans le tréfonds de
l'être humain. Si donc Dieu est en nous une
puissance objective,
créatrice, vivifiante, illuminante et
libératrice, son énergie doit jaillir
des sources profondes de notre être et
déployer ses effets d'une manière
immédiate et générale. Si au
contraire notre « communion avec Dieu »
n'est qu'un élément subjectif de
notre vie, une croyance, une idée, une
tendance, une disposition, elle est un état
ou une création de notre esprit, que nous
sommes obligés d'entretenir par des
procédés de culture
appropriés, un point de vue qui n'a aucune
influence directe sur notre vie elle-même,
mais uniquement sur notre conception de la vie,
dont nous tirons parti en vertu d'un raisonnement,
et que nous nous efforçons
péniblement de faire valoir dans la
pratique.
Vous donc, ô chercheurs, qui
éprouvez, si faiblement que ce soit,
l'action de la puissance de vie universelle,
gardez-vous d'imiter ceux qui prétendent
connaître la communion avec Dieu, mais qui ne
font en réalité qu'entretenir le
culte d'une idée dont ils attendent un effet
sur leur conduite. Protégez du contact
superficiel de votre entourage la vie qui travaille
en vous. Ne la livrez en proie ni à autrui
par une dévotion qui attire les regards, ni
à vos propres méditations en
cherchant à la formuler en théories
abstraites. Dans le premier cas vous
étoufferiez son énergie vitale sous
des dehors pieux; dans le second, vous la
désâmeriez.
Ne parlez point de ce qui se passe
en vous, ne cherchez pas à l'analyser. N'en
faites état ni devant les autres ni devant
vous-même. Ou notre relation avec Dieu
s'exprime sans y songer, ou elle s'interrompt. Ne
révélez point la source divine de
votre nouvelle vie, n'en affichez pas la nature
spéciale, ne mettez pas en scène la
foi qui vous anime, mais
respectez le mystère de votre nouvelle
naissance et les origines de votre caractère
nouveau et impulsif. Que sa beauté
transparaisse inconsciemment dans la vie, afin que
les hommes contemplent en vous la
vérité et, en elle,
aperçoivent le Père. Que votre
expérience de Dieu ne devienne pas le jouet
de votre pensée, le divertissement spirituel
de vos loisirs; qu'elle soit le soleil dont
l'éclat pur et virginal illumine et
pénètre toute votre
existence.
Ne croyez pas que la vie que vous
puisez en Dieu doive apparaître partout au
grand jour. Elle doit au contraire être
partout cachée, comme dans la nature. Dieu
pénètre toute chose, même le
moindre brin d'herbe; dès que nous le
cherchons et que nos yeux s'ouvrent pour
l'apercevoir, nous le découvrons partout.
Mais partout il est le mystère sous-jacent
que nous dérobe la surface. Nulle part il ne
se laisse saisir et démontrer. Aussi
quiconque ne s'est pas réveillé et
n'a pas senti son âme passer d'un immense
émerveillement au pressentiment du divin,
puis à la vision de Dieu en toutes choses,
ne découvrira jamais aucun signe de sa
présence. Il en est ainsi de la vie qui nous
vient de Dieu. Elle doit rendre à notre
Père un témoignage silencieux. Quand
nous le voilons aux regards, notre vie le
révèle involontairement. Lorsque nous
voulons l'exhiber, il nous échappe. À
force de parler de lui, les hommes ont perdu son
contact et dès lors ce n'est plus de Dieu
qu'ils ont parlé et vécu, mais de
leur idée de lui.
Ne cherchons donc pas à
produire sur les autres une impression
édifiante et ne nous demandons pas si nos
manifestations vitales rendent témoignage
à notre Dieu. La piété voulue
et affectée est un outrage envers lui; elle
tue les élans spontanés de sa vie en
nous. Ce qui ne jaillit pas
naturellement ne vient pas de la
source. Ne réglons pas notre vie »
selon Dieu», si nous voulons qu'elle soit
née de lui. Ne faisons rien « pour la
gloire de Dieu », si nous désirons
vivre de lui. Laissons-le se déployer
librement, et n'érigeons pas en nous, en
échange de son action libre et
créatrice, un édifice religieux et
moral, si admirable fût-il. Le plus beau
transparent ne remplace pas le soleil.
N'en croyons pas plus sur Dieu que
nous n'en éprouvons. N'en disons pas plus
à son sujet que ce que notre vie exprime
sans le vouloir. Respectons sa présence
mystérieuse en nous et n'ayons pas la
témérité de l'enfermer dans
des formules; notre raison est aussi incapable d'en
pénétrer le secret que celui de notre
moi. Défions-nous donc de la
théologie, même de la nôtre;
elle obstrue les sources. Elle veut savoir et
enseigner plus que nous n'en savons. La
vérité ne peut nous apparaître
que dans la mesure où elle grandit en nous
et notre savoir ne peut embrasser que ce que nous
avons vécu. Les constructions de notre
esprit ne sont que des chimères.
Si quelqu'un cependant nous demande
compte de ce qui vit en nous, ne nous
répandons pas en paroles, ne formulons pas
de doctrine, mais disons simplement ce qui est. Que
notre témoignage soit l'expression exacte et
concise de notre expérience vivante et
personnelle. Notre contact doit en faire
naître le pressentiment, en sorte que notre
confession ne fasse qu'élucider ce qu'on
devinait obscurément et témoigner de
ce qu'on se refusait à reconnaître.
Son seul rôle est de corroborer les
impressions et les effets que produit notre vie.
Elle doit être le son clair que rendent au
moindre attouchement les cordes fortement
tendues.
Dieu n'a pas besoin de notre
dévotion religieuse. Ne
faisons donc pas de lui - et
encore moins du Christ - un objet de culte, comme
le font les païens, mais visons à
devenir simplement les organes de son action
créatrice et éducatrice. Notre culte
consiste à le manifester nettement et
pleinement dans chacun des mouvements de notre vie;
notre dévotion, à laisser vibrer en
nous sa vie palpitante. À quoi bon des
oeuvres spécialement religieuses quand le
Père remplit la vie tout entière?
Veillons à ce que notre vie en Dieu ne
devienne pas une spécialité, un sport
de notre activité propre; c'est dans notre
existence quotidienne qu'elle doit rayonner en
silence. Gardons-nous de nous contempler et de nous
occuper de nous-mêmes, dans un but
d'édification. Le seul moyen de nous
édifier véritablement, c'est de faire
à tout moment ce que Dieu veut, de donner
ainsi à chaque instant son sens et sa valeur
cachée, de persévérer dans la
recherche et le devenir, et de tendre
invariablement au royaume de Dieu. Les exercices
religieux ne font qu'entraver l'échange
vital. Vous n'entendrez nulle part la parole de
Dieu si vous ne la percevez dans toutes les
obligations de l'existence.
Une activité spéciale
n'est pas nécessaire non plus au
progrès de l'évolution
véritable. Toute fonction dans laquelle
s'actualise le nouvel ordre de choses et s'incarne
la vérité est un travail pour le
règne de Dieu. Toute oeuvre humaine doit
l'être et peut le devenir aussi bien, et
mieux peut-être, que les oeuvres dans
lesquelles on a toujours à la bouche le nom
de Dieu. L'exploitation d'une fabrique dont
l'organisation repose sur les principes de vie du
Christ, concourt davantage à
l'établissement du règne de Dieu
qu'une oeuvre missionnaire qui pratique le
prosélytisme, car celle-ci ne favorise pas
la venue de ce règne, mais la
retarde au contraire. Plus la
tension est grande entre l'Église et le
royaume de Dieu, - car non seulement le droit
canon, mais toute l'économie
générale de l'Église, sont en
contradiction avec la vie que Jésus nous a
révélée et avec ses lois, -
plus aussi il sera difficile qu'une activité
ecclésiastique incarne et réalise le
règne divin. Mais il est évident que
cela est possible si les hommes qui deviennent
trouvent dans leur vie nouvelle la source d'un
véritable «accomplissement» des
oeuvres et des institutions
ecclésiastiques.
Dans la mesure où la relation
personnelle de l'homme avec Dieu devient vivante et
vraie, et crée en lui un être
disparaissent donc la vie originelle et une nature
nouvelle, et l'activité spécialement
religieuses à la façon des
païens et des hypocrites.
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