Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE IV

LA VIE QUOTIDIENNE
(Matthieu VI, 19-34.)

2. La lumière de la vie.

« L'oeil est la lumière du corps. Si ton oeil est sain, tout ton corps est dans la lumière; mais si ton oeil est en mauvais état, ton corps tout entier est dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien grandes seront les ténèbres!»

Ce qu'est l'oeil pour le corps, l'esprit l'est pour la vie. Il est l'organe qui lui transmet la lumière. C'est par son moyen que nous considérons le monde et que nous regardons en nous-mêmes. Les choses qu'il ne perçoit pas nous demeurent cachées, car elles restent enveloppées d'obscurité. Notre esprit est l'organe intérieur qui réfléchit tout ce qui surgit en nous ou nous atteint du dehors, qui saisit et comprend, juge et décide, et grâce auquel l'impression reçue se transforme en vie active. Il est le réservoir de vie personnelle auquel affluent toutes les impressions et d'où émanent les résolutions et les clartés. Si la faculté visuelle lui fait défaut, notre vie entière est dans les ténèbres. Nous restons aussi aveugles que le serait un corps sans yeux, aussi inertes qu'un être privé de ses sens. Rien ne saurait faire entendre plus clairement, que cette comparaison avec l'oeil et le rôle qu'il joue dans notre existence corporelle, l'importance qu'a pour notre vie notre conscience du monde et de nous-mêmes.

Mais si notre faculté visuelle a une importance aussi capitale, il s'agit avant tout de savoir non ce que nous voyons, mais comment nous voyons. L'essentiel n'est pas d'avoir une conception générale du monde et des choses car, après tout, nous voyons tout ce dont nous faisons l'expérience et, par conséquent, nous embrassons à chaque instant du regard tout notre monde. Ce qui importe, c'est que notre vision soit exacte et juste, puisque, c'est elle qui déterminera notre conduite. C'est d'elle que dépendra notre attitude à l'égard des faits et des événements comme des obligations de la vie. Jésus laisse donc à l'arrière-plan la question, estimée en général si intéressante, de l'abondance et du classement des impressions sur lesquelles se fonde notre jugement, et s'attache, en revanche, à marquer l'influence décisive qu'exerce sur notre vie la netteté de ces impressions.

Mais la justesse de notre vue dépend de l'excellence de notre organe. Si notre oeil intérieur est limpide, c'est-à-dire non prévenu, s'il perçoit les images simplement, directement, s'il ne se laisse ni illusionner, ni éblouir, nous sommes dans la lumière et tout nous apparaît clair et distinct. Nous discernons exactement ce que nous avons à faire et nous touchons toujours juste. Si au contraire notre oeil est en mauvais état, s'il est troublé ou obscurci, s'il louche, S. il voit double ou faux, nous sommes sujets à toutes les erreurs, nous n'avançons qu'à tâtons et nous nous égarons enfin. Veillons donc à ce que notre vue soit saine si nous tenons à accomplir heureusement le voyage de la vie.

Cette vue saine, nous ne la possédons pas d'emblée. Notre façon de considérer toutes choses est habituellement troublée par des idées préconçues qui nous les font voir et juger, à notre insu, sous un certain jour. Une fois notre oeil intérieur affranchi de ces aberrations, il découvre la haute valeur que recèlent les objets les plus insignifiants et la monstruosité de faits tout ordinaires; il discerne le vain éclat de gloires universellement célébrées, la puérilité des systèmes les plus vantés et l'absurdité extraordinaire de notre train de vie. Dans ces instants de clairvoyance, l'atmosphère subjective qui nous enveloppe tous se déchire, et nous entrons en contact direct avec la vie objective.

C'est peut-être notre demeure ou notre vêtement qui nous produisent une impression si étrange que nous ne nous sentons plus à notre aise dans notre peau de civilisés. Ce sont le ton et les manières de la société qui nous apparaissent si affectés, si exagérés et si ridicules qu'il nous devient impossible de nous y associer. La vanité nous fait l'effet d'un atavisme Simiesque, l'ambition d'une démence, l'égoïsme d'une étroitesse stupide, la cupidité d'une imbécillité. Nous constatons avec étonnement que chacun peut donner la plus minime de ses découvertes pour la pierre philosophale. sans que personne s'avise de douter de sa raison, que l'on prend au sérieux ceux qui jonglent avec des théories religieuses ou philosophiques, tandis que, bien loin d'obéir aux simples lois de la vie, on se borne à les admirer comme un jeu de la pensée. Alors nous nous épouvantons d'avoir vécu si longtemps, sans nous en douter, non de réalités, mais de mots tout faits et de notions abstraites.

Et que de préjugés dans les domaines les plus divers ne voyons-nous point, par exemple, les enfants considérés comme la propriété des parents, la femme comme subordonnée à l'homme, la souffrance comme un malheur, la mort comme une délivrance, et ainsi de suite? Lorsque nos yeux, jusqu'alors retenus, recouvrent la clarté, nous remarquons que nous avons tout envisagé à l'envers. II semble que l'influence suggestive de la tradition et des conventions, notre superficialité, notre étroitesse et notre folie aient faussé notre oeil en sorte qu'au lieu de voir les choses telles qu'elles sont, nous ne les apercevons qu'étrangement voilées et déformées. Notre sens de la réalité est altéré, atrophié même. Il faut que l'objectivité de notre vie nouvelle dissipe ces préventions subjectives et que la vérité grandissant en nous éclaire notre regard, pour que nous acquérions la faculté de contempler la vie sans idées préconçues et comme d'un autre monde.

Notre faculté visuelle dépend donc absolument de notre état personnel. C'est nous-mêmes que nous voyons en tout. Notre conception des choses n'est que le reflet de notre être, et notre vision l'effet de ce que nous sommes. Sommes-nous sincères, nos impressions sont franches. Sommes-nous compliqués, tout nous paraît enchevêtré. S'il y a de l'unité dans notre vie, il y en a dans nos conceptions. Dépendons-nous de notre humeur du moment, tout se teinte de sa nuance particulière. La vérité intérieure nous fait-elle défaut, nous ne voyons que ce que nous voulons voir. Manquons-nous de décision, tout miroite et chatoie. Le désordre règne-t-il en nous, tout se brouille et se confond. C'est donc de la pureté, de la simplicité et de l'ingénuité de notre esprit que dépend la question de savoir si notre vision des choses est, ou non, une force éclairante pour notre vie.

Mais cette question dépend pour le moins autant de notre attitude personnelle à l'égard de la vie. Si notre centre de gravité se trouve en dehors de nous, dans n'importe quels biens ou quels idéals, notre esprit tombe en leur pouvoir. Il en est si possédé, si pénétré, que ce n'est plus lui en réalité qui conçoit et qui juge, mais bien plutôt la puissance qui nous subjugue: nous voyons par les yeux de Mammon, de nos passions, de nos intérêts dominants. Tout ce à quoi nous attachons notre coeur nous paraît précieux, indispensable, et capable de nous satisfaire. Le domaine de l'apparent, du périssable, de l'éphémère devient pour nous l'essentiel. Un train de vie dépourvu de sens et de valeur nous semble assez important pour y consacrer notre existence, tandis que nous n'avons pas un regard pour ce qu'il y a de réel dans la vie humaine, même lorsque quelque effroyable désastre nous ouvre un instant les yeux sur notre folie : notre édifice magnifique s'écroule, il gît à nos pieds comme un amas de décombres, mais nous sommes incapables de discerner les valeurs vitales et les biens permanents ensevelis sous ces ruines. Dès que nous nous affranchissons, au contraire, de nos esclavages, nos illusions se dissipent; les brouillards qui nous dérobaient la vue du monde vrai se déchirent et nous l'apercevons dans sa réalité.

Précisons davantage encore. Nos yeux ne s'ouvrent véritablement et définitivement que lorsque s'empare de nous l'inquiétude intime qui met en question tout ce que nous sommes et tout ce que nous possédons. Alors s'évanouissent les vaines apparences auxquelles nous avions attribué jusque là du prix, de la stabilité, de la réalité. La substance des choses, qui réside sous les phénomènes, se révèle à nous. L'élément métaphysique de notre être entre en rapport avec l'élément métaphysique du monde. Nous pressentons le pouvoir paternel qui régit notre vie. L'organisme vivant de nature spirituelle qui se dérobe sous l'aspect d'un mécanisme de fer, sans âme et sans vie, nous devient évident dès que nous prenons conscience de notre place dans sa structure. Nous discernons le sens et l'énergie motrice de tout ce qui vit. Les véritables valeurs se dévoilent. La fatalité de l'ordre ancien nous apparaît aussi distinctement que les lois naturelles du nouveau devenir. Sous l'éclat de la lumière divine reflétée par un regard limpide, l'enchaînement organique de notre vie, notre situation, le programme et les lois de notre existence s'illuminent d'une clarté nouvelle. Nous comprenons ce que c'est que vivre et ce qu'être homme signifie. Nous savons ce qui importe et ce que nous avons à faire. Le voyage au large peut commencer. En avant, ô chercheurs, dans les yeux desquels rayonne le regard du Père. Vous trouverez.

Veillons donc à ce que notre oeil reste sain, de peur de retomber dans les ténèbres. Tant que frémit en nous l'inquiétude d'une âme qui cherche, tant que grandit notre être originel, tant que nous saisissons tout «par la foi », c'est-à-dire selon notre intuition immédiate de Dieu, nous marchons à la pleine lumière de la vérité et de la vie. Mais dès que les instincts et les passions de la vieille nature recommencent à vibrer en nous, notre sang qui bouillonne injecte nos yeux et obscurcit notre regard. Nous devenons insensibles aux sollicitations divines qui, comme des ondes lumineuses, émanent de tous les phénomènes et de tous les faits de la vie, et nous en révèlent la réalité profonde. L'obscurité descend, et l'éclairage artificiel au moyen duquel nous cherchons à l'illuminer, jette un faux jour sur toute chose. Alors c'est l'incertitude, la confusion, les préventions subjectives. On devient infidèle à sa vraie nature, on perd son chemin, on succombe aux tentations. C'est la ruine complète.

« Si donc la lumière qui est en toi - celle qui illumine les chercheurs quand ils trouvent le Père - devient ténèbres, combien sera profonde l'obscurité de ta vie ! » Jésus suppose ici le cas où le rayon de soleil divin tombé dans l'âme s'éteint et se change en ténèbres. Il ne dit point : Si tu es aveugle, mais : Si la lumière qui est en toi, c'est-à-dire l'intuition vivante de Dieu, devient ténèbres, c'est-à-dire devient une croyance dépourvue de vie et de réalité, impossible d'imaginer l'obscurité qui t'enveloppera.

Combien d'êtres cependant vivent dans cette obscurité! Que d'aveugles qui se croient voyants parce qu'ils professent des convictions chrétiennes! Ils ne discernent point Dieu dans la vie, mais ils croient en Dieu et font des doctrines chrétiennes les luminaires qui doivent dissiper leurs ténèbres. Ils considèrent leur vie à la lueur factice et voulue des théories toutes faites et déclarent que les choses sont telles qu'ils les voient. Ils ne les distinguent pas dans leur vérité et dans leur principe, ils s'en font une représentation imaginaire, et qui a cependant sa méthode et son système; mais à supposer même que cette représentation fût exacte, il lui manquerait la vie que donne l'impression directe, et par conséquent la puissance originelle. Ils n'aperçoivent point involontairement les phénomènes et les faits et n'en saisissent point spontanément la signification, comme le font ceux qui sont dans la lumière, mais ils sont obligés de les examiner d'abord et de les analyser, pour se rendre compte de ce qu'il en est et de ce qu'il convient de faire, «au point de vue chrétien». Il leur manque l'instinct de la vérité, l'intuition des rapports et des enchaînements, le pressentiment des situations, et la certitude impulsive de ce qui est nécessaire en soi. En conséquence, ils ne sont pas plus capables de comprendre leur vie et de la diriger que les aveugles de juger des couleurs. N'ayant aucune idée de ce dont Il s'agit, ils sont hésitants et incapables, ils tombent dans les contradictions et l'absurdité, ils entreprennent tout à l'envers et sont en état non seulement de commettre, mais d'élever à la hauteur d'un principe, les plus extraordinaires insanités. Jésus nous en donne un exemple :

« Nul ne peut servir deux maîtres, car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. »

Ou l'un ou l'autre. L'un exclut l'autre. Nous ne pouvons à la fois marcher dans deux directions différentes, avoir deux centres de gravité opposés, vivre en vertu de deux principes contraires. Quiconque a des yeux qui voient en constate l'impossibilité. Pourtant aux yeux éteints des chrétiens de nom, cela parait non seulement possible, mais commode et simple. Combien doivent être grandes leurs ténèbres! Ils réussissent à placer le fondement de leur existence dans leurs biens terrestres, dans les intérêts les plus divers, et à se figurer en même temps qu'il est au ciel. Ils sont esclaves de l'argent ou de l'ambition exactement comme les autres hommes, ils se passionnent pour les choses passagères, vaines et périssables, trompent la faim de leur âme au moyen de misérables futilités, mais ils tiennent Dieu en réserve à tout hasard. C'est qu'ils n'ont jamais été changés intérieurement; ils ne sont pas nés de nouveau, mais ils restent embarrassés dans leur vieille nature. Cependant, ce sont des gens très religieux. Possédés des démons de la vie présente, ils ont conclu avec Dieu un contrat privé : ils lui rendront son culte spécial, il pourra réclamer d'eux de l'intérêt pour les choses religieuses, une dévotion et une morale chrétiennes, la participation aux oeuvres de charité de leur église. En échange, il leur assurera son appui dans tout ce qui leur tient à coeur, c'est-à-dire dans le domaine des choses périssables. Cependant on ne peut servir deux maîtres qu'en subordonnant l'un à l'autre. On fait donc de Dieu l'esclave de Mammon, mais officiellement on le craint, on l'aime, on se confie en lui par-dessus tout. Et l'on est capable de persévérer sa vie durant dans cette grotesque aberration. N'est-ce point vivre dans les plus épaisses ténèbres? Tout s'est éteint, même la conscience.

Quant à vous, ô chercheurs, vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. Car dans votre inquiétude se manifeste l'appel du Père; c'est sa force qui opère dans votre devenir, et l'instinct de la vérité qui anime votre être renouvelé vous fait voir toute chose à sa lumière. Comment, par quoi, vous laisseriez-vous assujettir? Grâce à la force d'attraction divine qui domine votre vie, votre centre de gravité est dans le salut et l'avenir de votre être. Servez donc Dieu, Dieu seul, si vous aspirez à sauver votre âme, à vous enrichir de vie originelle. À ce prix seulement, votre oeil restera limpide et vous pourrez vivre à la clarté du soleil divin.


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