Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE IV

LA VIE QUOTIDIENNE
(Matthieu VI, 19-34.)

3. Le point d'appui.

«C'est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez ou boirez, ni pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux? D'ailleurs, qui de vous, à force de soucis, pourrait ajouter une coudée à sa taille? Et quant au vêtement, pourquoi vous en inquiéter?
Considérez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent ni ne filent. Cependant je vous déclare que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. Si Dieu revêt de la sorte l'herbe des champs, qui existe aujourd'hui et demain sera jetée au four, ne le fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi? Ne vous mettez donc point en peine, disant: Que mangerons-nous, que boirons-nous? De quoi nous vêtirons-nous? Car ce sont les païens qui recherchent toutes ces choses et votre Père céleste sait que vous en avez besoin. »

Ces paroles sont en rapport étroit avec les précédentes «C'est pourquoi, dit Jésus, ne vous inquiétez pas.» Si nous ne pouvons servir en même temps Dieu et Mammon, notre inquiétude ne saurai pas non plus avoir simultanément pour objet la croissance de notre être originel et l'acquisition des biens matériels. En outre, si notre centre de gravité est en nous-mêmes, nous ne saurions nous laisser troubler par la préoccupation de la nourriture et du vêtement. De là la double affirmation de Jésus : impossible de vous inquiéter, car l'âme et la vie sont plus que le corps et le vêtement, et votre intérêt va à ce qui est essentiel; inutile de le faire, car si vous servez Dieu, vous êtes sous la garde de sa sollicitude paternelle. Un regard jeté sur les oiseaux suffit à vous convaincre de ce qu'il y a d'anormal dans vos alarmes. Ils ne sèment ni ne moissonnent, ni n'amassent aucune provision dans des greniers. Néanmoins le Père céleste les nourrit. Quelle différence n'y a-t-il pas entre eux et vous cependant! D'abord les hommes sèment, moissonnent, engrangent. Pourquoi donc ajouter des soucis à leurs soins et à leur prévoyance? Dieu ne les nourrira-t-il pas à plus forte raison, eux qui gagnent leur pain à la sueur de leur front ? Et puis, de combien leur prix ne dépasse-t-il pas celui des oiseaux? Vos soucis témoignent d'un incroyable manque de confiance en Dieu; si vous portez en vous le germe d'une vie éternelle, comment votre Père vous laisserait-il manquer des biens passagers, et périr faute du nécessaire?

Pour toucher du doigt l'absurdité de nos inquiétudes, il suffit de constater que tout ce qu'il y a d'important dans notre vie échappe à notre action. Nous ne saurions ajouter un millimètre à notre taille; ni le temps qu'il fait, ni notre sort, ne sont entre nos mains. Si donc nous n'avons aucun pouvoir sur les conditions mêmes de notre existence et de notre activité, il ne sert de rien de nous mettre en peine des choses capitales de la vie. Alors, à quoi bon nous tourmenter des choses accessoires?

Pour nous rassurer davantage encore, Jésus attire notre attention sur les fleurs des champs. Elles ne se mettent point en souci de leur parure, elles n'ont qu'une destinée éphémère, et cependant elles sont revêtues d'une incomparable beauté. Combien plus le Père vous revêtira-t-il, ô fils de Dieu ! Hommes de peu de foi, revenez donc à la raison. Les païens s'agitent au sujet de toutes ces choses, mais votre Père, qui est dans les cieux, sait bien que vous en avez besoin. Pourquoi donc vous laisseriez-vous troubler, vous qui connaissez votre Père?

Quiconque a lu ces paroles avec attention est saisi d'étonnement en entendant objecter que de semblables exhortations pouvaient s'adresser aux Orientaux de ces temps reculés, et dans l'attente prochaine de la fin du monde, mais qu'on ne saurait donner les moineaux et les anémones en exemple aux hommes de notre temps que consume la lutte pour l'existence. De nos jours, dit-on, quiconque ne se met point en peine est perdu.

Raisonner ainsi, c'est méconnaître absolument le sens des paroles de Jésus et le fond même de la question. Jésus n'a pas songé à nous. donner en exemple les oiseaux et les fleurs inconscientes. Il a voulu nous faire sentir la différence prodigieuse qu'il y a entre leur vie et la nôtre, et nous faire comprendre que si Dieu pourvoit à leur existence fragile, insignifiante et oisive, nous pouvons à plus forte raison compter sur sa sollicitude. Il en résulte que tout homme qui vit d'une façon vraiment humaine et qui vaque honnêtement à son travail, peut avoir la certitude mille fois plus absolue que Dieu prendra fait et cause pour lui, car il se fait l'allié de ceux qui portent son caractère et de tout travail effectif. Or cette assurance est infiniment plus précieuse et plus opportune dans notre siècle de fer qu'au moment où elle fut prononcée. Elle est un message rédempteur pour notre génération qui, dans la poursuite avide du pain quotidien, court le plus grand danger de perdre la vie.

Le souci ne consiste ni dans la peine que nous prenons pour nous procurer le nécessaire et pour nous assurer des conditions d'existence tolérables, ni dans l'effort que nous consacrons à notre carrière et à nos progrès dans tous les domaines. Le souci consiste dans l'anxiété que nous éprouvons à ce sujet et qui résulte du sentiment de notre impuissance en face des devoirs et des hasards de la vie. Prévoir, pourvoir, calculer, administrer sagement, ce n'est point nous mettre en peine. Tout au contraire, c'est créer notre avenir et maîtriser la vie; c'est prouver que nous dominons la situation et que nous tenons le gouvernail de notre existence. Il est indispensable, pour cela, d'examiner les circonstances avec calme et circonspection, de nous demander sérieusement, par exemple, si nous sommes capables d'entreprendre tel ou tel travail ou s'II dépassera nos forces, de prévenir les contretemps fâcheux, de peser les éventualités, de combiner les moyens et de prévoir le cours des choses, afin de créer des conditions favorables. Tous ces soins ne sont pas des soucis, ils témoignent d'une calme assurance qui déploie ses effets dans la vie. Aussi Jésus n'a-t-il pas songé à les déprécier et à décourager notre effort. Car c'est cet effort même qui nous distingue des fleurs et des oiseaux.

Se mettre en peine, c'est ressentir péniblement les obligations de la vie, en être intérieurement troublé, ballotté, absorbé, oppressé. Le souci, c'est l'agitation et la dépression que produisent notre incapacité de vivre, notre assujettissement aux choses extérieures, notre dépendance intérieure de nos conditions d'existence. C'est la neurasthénie de la vie personnelle. Nous avons un intérêt majeur à en être délivrés, car il est devenu la maladie du temps actuel, l'obstacle le plus considérable à notre triomphe sur la vie. Or nous pouvons, aujourd'hui encore, en être affranchis, si nous suivons le chemin que Jésus nous trace. Non pas tous, il est vrai, mais ceux-là seulement qui ne peuvent servir Dieu et Mammon, parce que leur centre de gravité est en eux-mêmes et non en dehors d'eux, parce qu'ils éprouvent l'effet de l'attraction divine et que, par conséquent, l'effort de leur vie porte tout entier sur la croissance de leur être originel et non sur la poursuite de biens périssables et d'idéals passagers. Quant aux autres, quelque convaincus qu'ils puissent être de l'inanité des soucis et de leur influence désastreuse, ils continueront à s'inquiéter, c'est-à-dire à trembler et haleter sous le joug qu'ils ont à porter. Seul, celui qui a conquis la liberté intérieure restera paisible en face des hasards de la vie et sans souci pour sa subsistance, parce qu'il a placé ses véritables intérêts dans le domaine de l'impérissable et que la réalisation de sa destinée est indépendante des circonstances et des événements.

Il peut, en effet, demeurer en paix, car il éprouve la présence active du Père qui sait de quoi nous avons besoin. Celui qui s'alarme au sujet de sa santé, de son pain, de son avancement, du succès de ses efforts, est un homme de peu de foi ; car il ne connaît que dans une faible mesure l'expérience immédiate de Dieu. Plus ses yeux s'ouvriront pour distinguer le Père, plus la vie originelle deviendra la puissance qui éclaire et enrichit son existence, plus aussi se dissiperont ses alarmes. II en est ainsi de nos jours aussi bien qu'autrefois. Car cet affermissement et ce soulagement intérieurs reposent sur des lois naturelles, immuables, indépendantes de toutes les conditions de lieu, de temps et de culture. Heureux donc les chercheurs ! Ils sont affranchis des soucis : la neurasthénie de la vie intérieure est vaincue par la croissance de l'être originel en eux.

Jésus ne touche ici qu'à la question des soucis. Mais l'état intérieur de l'âme enracinée en Dieu exerce ses effets dans tous les domaines et triomphe de tous les désordres. L'arbitraire fait place à la nécessité de la vie nouvelle qui nous dicte d'instant en instant la conduite à tenir. Asservis naguère aux hommes, aux choses, aux événements, nous acquérons une souveraineté intérieure qui assure la liberté de nos mouvements et de notre croissance. À la faiblesse, à l'incapacité de vivre se substitue une puissance de vie qui fait concourir à notre salut les rencontres les plus tragiques de la destinée. Aux tâtonnements succède la certitude profonde qui découle du contact personnel avec Dieu; à l'accablement, la joie et le goût de vivre qui se renouvellent en puisant aux sources divines; à la crainte, la vaillance qui peut tout par celui qui nous fortifie; au sentiment de l'abandon, l'assurance bienheureuse de la présence du Père, qui nous inonde de son amour. Ainsi le nouvel état intérieur que crée en nous la vie originelle fournit à notre vie journalière un point d'appui d'une 'valeur incomparable.


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