Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE V

LA VIE COMMUNE RÉALISÉE
(Matthieu VII, 1-6 et 12.)

2. Le caractère de la vie commune.

«Pourquoi regardes-tu le brin de paille qui est dans l'oeil de ton frère, tandis que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton oeil? Ou comment peux-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter la paille de ton oeil, lorsqu'il y a une poutre dans le tien ? Hypocrite, enlève d'abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras à retirer la paille de l'oeil de ton frère.»

Même quand on ne condamne pas, on rend volontiers les autres attentifs à leurs défauts, on cherche à les en corriger. Jésus taxe ce procédé d'hypocrisie, parce que celui qui en use s'enorgueillit dans le sentiment de sa propre justice et agit d'une façon tout extérieure. C'est secourir son prochain à la manière de l'ordre ancien, et cet exemple nous fait voir comment la meilleure volonté du monde et les intentions les plus nobles échouent nécessairement lorsque nous ne sommes pas nous-mêmes dans l'ordre, et parce que nous agissons contrairement aux lois immanentes de la vie. Dans ce cas, le bien même devient un mal.

Nous avons sans cesse l'occasion de le constater. Ceux qui s'intéressent au développement de la vie morale, à la manière de l'ordre ancien, considèrent comme leur premier devoir d'améliorer leurs semblables, de leur «dire la vérité », de contribuer à leurs progrès. Dans leur zèle moralisateur, ils foncent sur eux arbitrairement et se mettent en devoir de pratiquer l'opération nécessaire. Mais ils ne font qu'empirer le mal. En effet nul ne saurait tolérer un procédé pareil, car nul ne se laisse imposer un secours qu'il ne réclame pas, surtout lorsqu'il sent instinctivement que celui qui intervient de cette façon ferait mieux de balayer devant sa porte. En conséquence, le patient se défend et prend involontairement fait et cause pour ce que l'autre veut éliminer, et cela d'autant plus que l'importun médecin, superficiellement renseigné, se méprend généralement sur le mal qu'il veut guérir et fournit ainsi à sa victime une base de défense justifiée. Il ne fait donc qu'enfoncer plus profondément dans l'oeil le brin de paille qu'il en voulait retirer, et par conséquent aggraver la situation. Il entrave le travail purificateur déjà commencé peut-être, ou nuit en fouillant sans discernement dans une plaie qui n'était pas mûre encore pour le remède et pour la guérison. En outre, par la résistance et la contradiction qu'il provoque, il incite celui qu'il reprend à manquer de sincérité envers lui-même, et il l'endurcit dans sa faute. Impossible de venir véritablement en aide à notre prochain par ce moyen. Ce genre d'assistance est bien plutôt un ferment d'irritation et de haine parmi les hommes.

Jésus nous exhorte en revanche à nous occuper d'abord de nous-mêmes et de notre propre salut; car nous ne saurions porter secours aux autres avant d'avoir réellement et complètement recouvré nous-mêmes la santé. Cet avertissement met en lumière la loi de l'entr'aide pratiquée selon l'ordre nouveau, loi que nous a révélée le début du Sermon sur la montagne. Lorsque la vue du mal chez les autres éveille en nous le désir de les secourir, il ne suffit point que ce désir soit sincère et que nous restions conscients de nos propres manquements, il faut encore nous y prendre de la bonne manière. À la disposition convenable, doit s'ajouter la méthode convenable : charité bien ordonnée commence par soi-même. Pour faire quelque chose pour notre prochain, il faut d'abord être devenu quelqu'un, car nous ne l'aidons que par ce que nous sommes. C'est aux bien portants seuls à soigner les malades. C'est pourquoi nous avons à nous débarrasser nous-mêmes des corps étrangers avant de songer à en débarrasser les autres. Dans la mesure où nous vivons la vérité, nous devenons capables de la répandre, car ainsi seulement nous acquérons la puissance de guérison, et la faculté de secourir.

Mais cette loi du royaume des cieux a encore une autre raison d'être. Toutes nos relations avec nos semblables doivent reposer sur l'action immédiate d'individu à individu, et être maintenues et déterminées par elle. C'est là ce qui leur donne un caractère organique et personnel, ce qui leur permet de se manifester d'une manière opportune, efficace, et conforme à une nécessité interne. Autrement elles ne sont que des rapports mécaniques, extérieurs, conventionnels, d'où résultent des procédés arbitraires, impropres et manqués. Dans le premier cas seulement s'établit une vie véritablement commune. Dans le second, ce ne sont que frottements, conflits ou accommodements. On comprend donc aisément que l'un des traits caractéristiques de la vie collective chaotique et barbare, c'est précisément cette habitude de jeter ses conseils et son aide à la tête des autres, quitte à échouer et même à nuire; tandis que là où se constitue une vie collective véritablement commune, toute aide efficace naît de l'influence immédiate d'un être sur un autre. Le charlatanisme malfaisant fait place à l'action directe de la personnalité déployant spontanément sa puissance de guérison.

Voulons-nous donc venir en aide aux autres? Veillons à ce que des torrents d'eau vive découlent de nous. Nous ne pouvons leur être utiles que dans la mesure où nous devenons pour eux un secours vivant, par notre personnalité même et son épanouissement dans la vie. Alors émanent incessamment de notre être des vertus bienfaisantes et libératrices qui se communiquent à ceux qui en ont besoin et qui sont prêts à les recevoir. Ainsi s'opère tout naturellement une sélection de ceux auxquels nous pouvons et devons prêter assistance à ce moment précis. Il n'est plus question de foncer arbitrairement sur le premier venu. Celui-là seul est notre prochain qui se trouve confié à notre sollicitude, par le fait de notre relation directe avec lui.

Dans la plupart des cas, l'influence salutaire immédiate sera suffisante. Les corps étrangers enfoncés dans l'oeil de notre frère seront attirés au dehors par le magnétisme de notre vie personnelle. Mais lorsqu'une intervention directe sera nécessaire, le patient la réclamera lui-même. Attendons en paix son appel; agir plus tôt serait prématuré. Quand il nous en priera, ce sera le moment d'intervenir, car nous serons alors l'un envers l'autre dans une situation normale. Il ne nous est donc pas permis de lui dire : Halte-là, frère, je vais retirer de ton oeil un brin de paille. C'est à lui de nous dire : Frère, retire-le. Si c'est nous qui nous imposons, il restera récalcitrant; si c'est lui qui recherche notre aide, nous le trouverons docile, traitable, patient.

Toutefois cette intervention même ne pourra procéder que d'un contact personnel avec celui qui la réclame. Il n'y a de secours efficace qu'à ce prix. Nous ne saurions autrement comprendre le mal, découvrir le traitement qui en triomphera, trouver la manière et le mot justes. Dans les opérations de la vie personnelle, le cas-type disparaît, il est modifié par une foule d'éléments individuels. En conséquence, ces opérations doivent revêtir dans chaque cas donné un caractère spécial. C'est ce qui se produit tout naturellement lorsqu'elles se fondent sur un contact intérieur immédiat avec le malade. Or l'amour est le vivant contact d'une âme avec une autre âme; celui qui aime est donc seul capable de secourir.

Le caractère primesautier de la vie nouvelle s'affirme ici encore, non seulement dans les mobiles, mais aussi dans les procédés, de toute aide efficace. Aussi plus notre assistance doit être immédiate, c'est-à-dire impulsive, plus nous est indispensable la puissance de guérison que nous ne possédons que lorsque nous avons été nous-mêmes complètement guéris. Travaillons donc à notre propre salut, si nous désirons concourir à celui des autres.


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