Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE V

LA VIE COMMUNE RÉALISÉE
(Matthieu VII, 1-6 et 12.)

3. La condition de la vie commune.

«Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et que, se retournant, ils ne vous déchirent.»

Cette parole signifie simplement que certains êtres sont à l'égard de ce que nous avons de plus précieux et de plus sacré, ce que sont les chiens à l'égard des choses saintes et les pourceaux à l'égard des perles : ils n'ont aucune intelligence de ces choses, il n'y a entre eux et elles aucun rapport, elles leur demeurent étrangères, et indifférentes. Le langage de Jésus n'a donc rien d'injurieux pour eux; il ne veut que marquer la nature et le degré de leur insensibilité en face de la vie nouvelle.

Jésus nous recommande d'observer envers eux une réserve extrême. Gardez-vous, nous dit-il, de leur livrer, si peu que ce soit, votre trésor; ils le fouleraient aux pieds avec mépris et se jetteraient sur vous pour vous déchirer. Pour reconnaître à quel point cet avertissement est nécessaire, il suffit de constater que l'une des occupations habituelles, non seulement des *croyants » mais d'un grand nombre de chercheurs, consiste à jeter des perles devant les pourceaux, et que la réaction annoncée par Jésus se produit alors invariablement : la parole est repoussée avec mépris, bafouée, passée au crible de la critique et ses porteurs traités d'hypocrites ou de benêts; on cherche à les déchirer moralement. Cependant ils ne sont point des martyrs, ils portent le châtiment mérité par leur manque de doigté.

Toutes les fois que nous ne pouvons nous attendre à être compris, il ne nous reste qu'à nous taire. Inutile de parler de ce qui vit en nous à ceux qui n'y sont point préparés. Tant que leur réceptivité n'est pas éveillée, ils ne sauraient en tirer parti. Or ce ne sont pas les paroles qui créent cette réceptivité. Elle naît de l'inquiétude intérieure que les expériences quotidiennes provoquent dans l'intimité de l'âme. Quant à l'intelligence de la vie nouvelle, elle ne s'acquiert que par le contact avec cette vie réalisée. Aussi Jésus a-t-il dit aux chercheurs : Que votre lumière luise dans le monde, afin que les hommes voient vos oeuvres, c'est-à-dire votre vie, et y découvrent le Père; mais ne parlez pas. C'est pourquoi aussi le seul moyen d'exciter chez les autres l'inquiétude intérieure consiste dans le frottement que provoque notre vie de recherche, la vibration de notre propre inquiétude se propageant parmi notre entourage.

La proclamation de l'évangile peut évidemment éveiller dans une âme la réceptivité et l'intelligence du message du Christ. Mais il faut pour cela d'une part que l'auditeur y soit prédisposé, d'autre part que la parole soit l'expression directe et vivante de la vie nouvelle, une révélation immédiate du Dieu qui l'anime. (Comparez les déclarations de l'apôtre Paul à ce sujet dans la 1ère Épître aux Corinthiens.) Ce fait et cette possibilité n'infirment donc pas l'exhortation de Jésus à la prudence et à la réserve; au contraire, connaissant la condition de toute prédication efficace, nous nous garderons d'autant plus de prononcer des paroles qui, au lieu de faire entendre la voix de Dieu, livreraient aux chiens notre sanctuaire. Pour annoncer l'évangile dans l'esprit de Jésus, il faut avoir la certitude d'y être appelé par, Dieu et de trouver accès dans les coeurs. Or Jésus ne s'adresse pas ici à des apôtres; il parle à des chercheurs et ceux-ci ont à retenir sérieusement ses paroles : Ne jetez pas vos perles devant les pourceaux.

Mais comment savoir si nous avons affaire à des âmes accessibles à l'Évangile? Il est aisé de s'en assurer. Nous l'avons vu, c'est du sein de nos aspirations que naît toute vie originelle. Ne parlons donc de notre perle de grand prix qu'à ceux qui aspirent à la posséder, et, pour n'avancer qu'à coup sûr, attendons simplement qu'ils s'en enquièrent.

Il suffira d'un regard interrogateur pour desceller nos lèvres. Mais tant que nous n'y sommes pas sollicités, nous n'avons pas le droit de parler. Et notre coeur fût-il près d'éclater, gardons le silence et contentons-nous de laisser rayonner la lumière de notre vie nouvelle jusqu'à ce que notre prochain nous interroge. Alors seulement il sera disposé à nous entendre et ne traitera pas notre message comme les pourceaux le font des perles. Notre parole trouvera en lui un terrain propice et, à défaut d'intelligence, au moins du respect; il la conservera dans son coeur jusqu'à ce qu'elle y lève, le moment venu.

Ne répondons, d'ailleurs, qu'autant qu'il nous questionne et selon ce qu'il est capable d'assimiler; ses questions mêmes et la manière dont il accueillera nos réponses nous renseigneront à ce sujet. Mieux nous doserons la nourriture, mieux il l'absorbera; mieux nos éclaircissements seront gradués, plus nous lui en faciliterons l'assimilation. L'acquiescement à la vérité doit aller de pair avec l'expérience, sur laquelle il repose; sinon il devient une adhésion théorique, c'est-à-dire une illusion qui ne fait que retarder l'entendement, parce qu'elle entrave l'expérience.

Cette réserve prudente nous est donc imposée non seulement par le respect envers nous-mêmes et envers la sainteté de la vérité que nous portons en nous, mais avant tout par les égards dus à ceux auxquels nous désirons venir en aide. En effet, ce que nous livrons à leur incompréhension non seulement ne leur sert de rien, mais leur est positivement nuisible. Toute impression, tout conseil qui n'affectent et n'ébranlent pas réellement, émoussent. Quand l'Évangile ne touche pas le coeur, il l'endurcit. Pour l'émouvoir de nouveau, il faudra un choc infiniment plus puissant. Telle est la raison du fait, inexplicable autrement, que le Christ ne produit aucune impression vivante sur ceux qui entendent continuellement parler de lui; la surabondance des impressions reçues les a insensibilisés avant qu'ils fussent mûrs pour les recevoir.

Cet état de choses que nous devons nous borner à signaler, mais qui vaudrait la peine d'être étudié de plus près, résulte du caractère organique du nouveau devenir et de la vie nouvelle qui en est le fruit. Tout procédé mécanique. importun, intempestif, manque nécessairement le but, et cela non seulement dans le domaine de la parole, mais dans tous les domaines de la vie commune.

La vie en commun est une vie organique, un échange vital, une action directe des uns sur les autres, une emprise mutuelle de la vie personnelle. Elle repose donc sur certaines conditions préalables sans lesquelles elle est impossible, mais desquelles elle découle spontanément.

Elle exige un contact intérieur et des relations personnelles. C'est la nature de ce contact qui détermine le degré de la communion et le caractère de la vie collective. Sans ce contact, pas de communion réelle. Les paroles se croisent, mais ne portent pas; nous restons hésitants, embarrassés, maladroits et impuissants en face les uns des autres. Nous ne pressentons ni les dissemblances personnelles, ni les circonstances spéciales qui en sont la cause, et nous ne pouvons par conséquent vivre selon l'intuition que nous en aurions : dès lors, nous manquons de tact, nous ne trouvons pas l'attitude juste et tout va de travers.

Sans contact intérieur, il nous est impossible de nous pénétrer mutuellement; en dépit de ses efforts pour sortir de lui-même, chacun reste en réalité seul et confiné en soi. Impossible de rien échanger, à plus forte raison de porter ensemble les fardeaux, de prendre fait et cause les uns pour les autres, de s'entr'aider véritablement.

Le contact intérieur peut seul nous faire pressentir le caractère particulier de nos rapports mutuels, qui marque de son empreinte spéciale chacune des relations humaines. Il nous avertit de ce que notre prochain attend de nous, des impressions que nous provoquons chez lui; il nous apprend jusqu'à quel point nous pouvons nous occuper de lui et entrer dans son intimité. Il détermine la mesure, le temps et le rythme de la vie commune. C'est grâce à lui qu'elle se constitue organiquement.

La vie commune repose sur l'intuition que nous avons des autres, de leur nature, de leur état intérieur, de leurs circonstances. Sans intuition. il ne peut y avoir ni compréhension, ni rapprochement véritable, nous sommes séparés par un abîme. Aussi les égoïstes ne sauraient-ils vivre réellement d'une vie commune: ils n'ont aucun instinct de leur prochain. Autant attendre des aveugles un échange mutuel, avec cette différence cependant qu'il reste aux aveugles d'autres sens qui les renseignent, tandis que les égoïstes n'ont aucun sens qui les mette en rapport avec leurs semblables. C'est pourquoi leur vie en commun n'est qu'une collision perpétuelle.

De cette intuition immédiate et de ce contact intérieur naît spontanément une vie de communion, par le fait que les éléments qui constituent chacune des personnalités en présence et qui déterminent leurs rapports réciproques, se dégagent et sont mis en valeur tout naturellement. La vie qui n'en est point l'effet involontaire, n'est jamais originale, judicieuse, harmonieuse, féconde; elle n'a aucune valeur vitale parce qu'elle ne s'est point développée organiquement, mais extérieurement et mécaniquement et qu'elle n'a aucun fondement intérieur. C'est une réplique, non une réaction, l'effet d'une initiative individuelle, non le fruit d'une communion mutuelle. Qu'on envisage l'importance du développement organique de la vie en commun sous ses formes les plus simples, dans les relations entre époux, entre parents et enfants, entre maîtres et élèves, par exemple, et l'on se rendra compte qu'il peut seul établir entre les hommes une vie véritablement commune.

 


4. Le principe de la vie commune.

 

« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le aussi pour eux; car c'est la loi et les prophètes. »

Cette courte sentence résume tout ce que nous avons à faire pour les autres et à leur donner : tout ce que nous leur demandons nous-mêmes. Or ce que nous leur demandons en réalité, ce que nous cherchons auprès d'eux, c'est la vie. C'est là la raison profonde qui nous pousse vers nos semblables. Nous ne pouvons nous passer d'eux, parce qu'ils sont nécessaires à notre vie. Aussi nous sentons-nous pressés de nous rapprocher d'eux, même lorsque la timidité, la misanthropie, le mépris nous font désirer de les éviter. Celui qui parvient à se retrancher complètement de la société humaine se perd lui-même et prouve ainsi que nous ne saurions exister seuls.

Ce que, dans leur soif de vivre, les hommes réclament les uns des autres est aussi divers que ce qu'ils entendent par vivre. Ceux qui mènent une vie d'apparence cherchent auprès de leurs semblables des éléments de vie fictifs, et trouvent en suffisance les excitants et les poisons destructeurs de la vie. Quant à nous qui sommes sur le chemin de la vérité et de la vie réelle, nous cherchons en eux des germes et des forces de vie divine, nous leur demandons des valeurs éternelles, des impulsions qui stimulent notre être originel, le contact avec le nouveau devenir, et les expériences de la vie véritable. Et dans la mesure où nous entrons en contact avec eux, nous savons aussi ce que nous avons à leur donner.

Ce que nous recherchons pour nous-mêmes, un enrichissement de vie originelle, nous devons aussi le vouloir pour eux. Or si toute notre existence est en rapport étroit avec le développement de notre être véritable, si dans chacun de nos mouvements vibre le désir de réaliser le règne de Dieu, la vie qui nous anime se trahira involontairement en toute rencontre, et se communiquera à notre prochain. Elle le fera sans effort, si elle palpite véritablement en nous et nous inspire pour lui une sollicitude toute spontanée. Tel sera le cas si nous nous sentons membres les uns des autres, car chaque membre vit et souffre avec tous. Alors notre manière d'être à leur égard correspond à leur degré de réceptivité. Nous laissons simplement déborder sur eux le trop-plein de notre coeur. Ils nous trouvent à leur côté quand ils ont besoin de nous. Leur cause devient la nôtre et nous portons avec eux leurs fardeaux. Nous mettons à leur service tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes; bref, nous les aimons de l'amour qui est propre à l'être nouveau.

Cette parole : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le aussi pour eux », n'est que l'énoncé différent du principe identique formulé dans ce commandement : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Aussi Jésus ajoute-t-il : «C'est la loi et les prophètes. » On ne saurait définir plus brièvement le principe de la vie commune : nous avons à nous donner mutuellement la vie. Or là où la communion est réelle, se transmet du même coup la vie véritable.

Telles sont les indications que Jésus nous donne sur l'établissement d'une véritable vie commune résultant tout naturellement de l'épanouissement de la vie originelle dans notre vie extérieure, et du lien que crée spontanément entre les hommes le nouveau devenir. Ces indications sont assez claires pour nous laisser entrevoir la terre merveilleuse qui est encore pour nous un mystère et nous montrer la voie qui peut nous en ouvrir l'entrée.


Table des matières

 

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