LE
MONDE ET L'HUMANITÉ
DE LA CRÉATION
AU DÉLUGE
CHAPITRE II
LA FORMATION DU GLOBE TERRESTRE
LES SIX JOURS DE LA CRÉATION
Genèse I
Comment faut-il envisager la première
page de la Bible ? Est-ce, ainsi qu'on l'a
prétendu, un récit puéril et
légendaire ? Serait-ce là
l'explication donnée par un homme qui aurait
réfléchi à l'origine du
monde ?
Ou bien est-ce une donnée de la
Révélation qui s'imposerait à
la foi sans égard aux exigences de la
raison, un mystère à accepter les
yeux fermés, comme un dogme intangible,
indiscutable ?
Essayons sans parti pris d'analyser ce
document extraordinaire, qui débute par la
phrase la plus énigmatique qui
soit :
« La
terre était informe et vide ; il y
avait des ténèbres à la
surface de l'abîme, et l'Esprit de Dieu se
mouvait au-dessus des
eaux. »
Quand j'explique la Création aux
enfants du catéchisme, j'ai coutume,
arrivé à ce passage, de
dire à l'un d'eux :
prends de la craie et dessine au tableau noir
l'image qu'évoquent dans ta tête ces
mots : « la terre était
informe et vide, les ténèbres
couvraient l'abîme et l'Esprit de Dieu se
mouvait sur les eaux. »
L'élève reste bouche
bée ; et cela se conçoit, car il
n'y a rien dans cette phrase qui puisse être
reproduit par le dessin, ni même clairement
défini.
C'est ici assurément l'une des
paroles les plus étonnantes et les plus
ambiguës. Et j'ose affirmer qu'elle est au
contraire d'une merveilleuse clarté et d'une
surprenante profondeur. Ou bien, en effet, c'est la
déclaration d'un génie qui a
deviné le premier état de notre
globe, ou bien c'est une vérité
inspirée à l'auteur par un acte de
révélation.
Ces termes définissent
l'état chaotique primitif de notre
planète, et cet état était,
pour employer le langage hébraïque
lui-même, le tohu-bohu.
Que faut-il entendre par
là ?
La science établit que tous les
corps sont susceptibles de passer par trois
états : gazeux, liquide, solide. Les
astres ont commencé par être des
nébuleuses, masses gazeuses en mouvement
(car tout se meut dans l'univers), qui se sont peu
à peu liquéfiées et
solidifiées. Le mot nébuleuse dit
assez la chose ; il désigne un corps
nuageux, imprécis.
Ce début nous reporte donc au
moment où notre globe était, dans
l'espace, une masse gazeuse, évidemment
détachée du soleil.
Les ténèbres couvraient
l'abîme.
Une photographie de la voûte
céleste décèle au firmament
d'étranges étendues
ténébreuses qui ne sont autre chose
que des nébuleuses encore plongées
dans l'obscurité.
Dans le langage biblique, le terme
abîme désigne toujours la masse
bouillonnante des eaux. Au centre de cette masse
gazeuse, qui se refroidissait graduellement
à cause de son éloignement du soleil,
commençaient à s'amasser les eaux,
plongées dans les ténèbres.
Cette nuit n'était point celle de la mort,
c'était l'obscurité féconde
d'où devait sortir la vie :
« L'Esprit de Dieu se
mouvait sur les eaux. »
Esprit signifie originairement souffle,
vent. Les anciens commentateurs juifs ont
traduit : un vent puissant.
Se mouvait ; en
hébreu, ce mot comporte une double
notion : planer, comme un aigle qui
agite ses ailes, et couver. L'Esprit de Dieu
est donc représenté ici comme le
principe de la vie physique et morale qu'il va
communiquer au monde. Ainsi, dans ce verset
biblique, nous nous trouvons en présence de
la matière et de la puissance organisatrice
qui la féconde en
l'animant de mouvement et en y semant les germes de
tous les êtres qui allaient éclore
dans son sein. La matière est
l'étoffe riche de virtualités, de
potentiels ; l'Esprit, l'énergie
divine, est le garant de l'évolution. Cet
état chaotique n'était donc pas
désordonné, mais embryonnaire et
prometteur d'une éclosion puissante.
Six jours nous font assister au
développement progressif de cette
nébuleuse ; six phases successives au
cours desquelles elle devient graduellement le
monde que nous connaissons. Leur durée ne
nous est pas connue, et la science ne saurait
l'établir. Qu'il nous suffise de
répéter ici, pour couper court
à toute discussion, la parole
biblique : « Aux yeux de Dieu, un
jour est comme mille ans. » (II Pierre
III, 8.) Pour qui n'est pas aveugle, il est
évident que les jours de la création
sont des périodes d'une durée
indéfinie au cours desquelles la terre,
obéissant aux lois que le Créateur
lui a prescrites, s'est peu à peu
transformée pour réaliser la
pensée de Dieu, qui voulait en faire
l'habitation destinée à l'homme,
couronnement de son oeuvre
créatrice.
Chacun de ces jours s'ouvre par la
même formule : « Dieu
dit... »
Alors que, dans les cosmogonies
païennes, le monde est une émanation de
la divinité, il est, dans
la Bible, le produit d'un acte de
volonté. Dieu reste le Souverain, il est la
personnalité suprême, qui pense,
parle, veut, agit et demeure infiniment
élevée au-dessus de toute son oeuvre.
Il est le Tout-Puissant, le Très-Haut. Ses
paroles sont autant de décrets qui ont
aussitôt force de loi, l'Esprit qui plane sur
la face de l'abîme est l'agent tout-puissant
qui exécute les ordres de la parole
créatrice.
Esquissons en quelques mots cette oeuvre
sublime.
Premier jour. Dieu dit :
« Que la lumière
soit ! »
On ne saurait penser ici à la
clarté du soleil qui n'apparaît qu'au
quatrième jour. Il s'agit d'une
lumière diffuse, avec laquelle les aurores
boréales éclairant les régions
polaires durant six mois ont une analogie certaine.
Il y a dans le monde entier des énergies
formidables capables d'engendrer à tout
moment la lumière ; l'étincelle
électrique peut jaillir de partout.
La nébuleuse semble s'allumer
tout entière. Dieu est lumière. Le
divin ouvrier ne besogne pas dans les
ténèbres ; son premier soin,
dans l'organisation de notre monde, est de
l'éclairer.
Deuxième jour. Dieu
dit : « Qu'il y ait une
étendue. » Et Dieu fit
l'étendue, et il sépara les eaux qui
sont au-dessous de l'étendue d'avec les eaux
qui sont au-dessus. Il appela l'étendue
ciel.
Jusqu'ici la nébuleuse formait un
tout ; tandis qu'au centre
se pressaient les eaux et les
éléments solides, à la
périphérie s'étendait une
buée épaisse et lourde, qu'on a
comparée fort justement à un nuage
d'usine et de laboratoire enveloppant le globe de
ses tourbillons ; les substances gazeuses dont
elle était saturée se
précipitèrent à l'état
liquide ou solide, et le globe ne fut plus
entouré que de cette enveloppe transparente
et légère que nous appelons
l'atmosphère, c'est-à-dire l'air
respirable : c'est là l'étendue.
Mais elle renfermait encore des vapeurs plus
légères que l'air, qui furent
emportées par un mouvement ascensionnel et
se condensèrent en nuées en arrivant
dans les régions plus froides ; un dais
de nuages impénétrables entourait la
terre. Mais celle-ci était désormais
revêtue de l'atmosphère, comme d'une
robe. L'oeuvre du second jour était donc la
préparation indispensable des suivants, car
tout ce qui allait naître à la vie
végétale ou animée est
conditionné par l'existence de cette
atmosphère, dénommée ici
l'étendue. Quant au ciel, il
désignait les eaux d'en haut,
c'est-à-dire les nuages, alors encore
impénétrables, formant autour de
toute la terre comme une cuirasse sans
défaut.
Troisième jour. Dieu
dit : « Que les eaux qui sont
au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu,
et que le sec paraisse. Que la terre produise de
l'herbe... et des arbres fruitiers. »
Le sol habitable apparaît par la
séparation de l'eau d'avec la terre, c'est
la formation des continents au sein des
mers.
Plusieurs ont pensé que les
continents ne formaient à l'origine qu'un
seul bloc, entouré de toutes parts par les
océans. L'antique légende de
l'Atlantide, continent qui aurait relié
l'Ancien au nouveau Monde, confirmerait cette
hypothèse, qu'alimentent également
les surprenantes analogies de races, de langues,
d'architecture, etc., que l'étude
comparative des Basques du Golfe de Gascogne, des
Astèques de l'Amérique du Nord et
même des Nippons a mises à jour
récemment. Ceux qui se rangent à
cette opinion s'appuient aussi sur un passage
biblique à la fois énigmatique et
suggestif
(Genèse X, 25) :
« Du temps de Péleg, descendant de
Japhet, la terre fut
partagée. » Que signifie ces
mots étranges ? Ils laissent la porte
ouverte à toutes les suppositions. Mais
pareille étude ne rentre pas dans le cadre
de celle-ci.
La terre émergeant des eaux se
couvre aussitôt d'une luxuriante
végétation. La nature est
animée d'une force qui lui appartient
désormais en propre : « Que
la terre pousse son jet, qu'elle produise de la
verdure. » Les plantes ne sont pas
apparues toutes formées mais ont
passé de l'état de germes à
celui d'organismes
développés, doués à
leur tour d'une vitalité propre : ayant
en soi leur
« semence ».
À quelle lumière
croissaient ces plantes, le soleil n'étant
pas encore apparu ? La science nous fournit
ici une contribution précieuse. La
composition chimique de la houille prouve que les
plantes dont les débris ont constitué
le charbon de pierre n'ont pas poussé
à la lumière du soleil, car elles ne
renfermaient pas de chlorophylle, qui est due
précisément à la seule action
des rayons solaires. La première
végétation s'épanouit donc
à la clarté de la lumière
diffuse du premier jour.
« Dieu vit que cela
était bon. » Ce refrain signifie
que tous ces développements étaient
conformes à son plan général.
Le sol cultivable était bon en tant que base
du futur travail humain et en tant que condition
nécessaire à l'existence des plantes.
Ces dernières sont bonnes en tant que
condition de la vie animale ; ce sont elles,
en effet, qui tirent du sol les matières
inorganiques et les transforment en matières
organiques, seule forme sous laquelle elles
puissent servir à l'entretien de la vie
animale.
Quatrième jour. Dieu
dit : « Qu'il y ait des luminaires
dans l'étendue du ciel pour séparer
le jour d'avec la nuit. »
Les cieux ayant été
créés au début, il est
évident qu'il ne s'agit
plus ici de leur naissance, mais de leur apparition
sur la terre.
Le chapitre II de la Genèse
décrit précisément
l'état antérieur à
l'apparition du soleil. Voici ce passage qui est
une révélation :
« Lorsque l'Éternel
Dieu fil une terre et des cieux, aucun arbuste des
champs n'était encore sur la terre, et
aucune herbe des champs ne germait encore :
car l'Éternel n'avait pas fait pleuvoir sur
la terre et il n'y avait point d'homme pour
cultiver la terre ; mais une vapeur
s'élevait de la terre et arrosait toute la
surface du sol. »
À l'origine, la terre
était donc comme une chaudière en
ébullition ; les vapeurs qui s'en
dégageaient montaient dans
l'atmosphère, s'y condensaient et
retombaient en rosée ; la terre
était tout entourée d'un dais
épais de nuées sans solution de
continuité. Mais à mesure qu'elle se
refroidit, l'évaporation diminuant, les
nuées se font moins denses. Le dais finit
par se déchirer, et les rayons du soleil se
frayent un chemin jusqu'à la terre
elle-même.
Dès lors, il y aura des jours de
vingt-quatre heures, réglés par la
rotation de la terre autour du soleil.
Cinquième jour. Dieu
dit : « Que les eaux produisent en
abondance des animaux vivants, et que des oiseaux
volent sur la terre vers l'étendue du
ciel. »
Dieu créa donc les
poissons, ainsi que tout oiseau
ailé.
C'est le commencement de la vie
proprement dite. Nouvelle intervention
directe : Dieu créa les poissons et les
oiseaux.
La matière ne peut produire
d'elle-même les phénomènes
vitaux ; elle n'est que le substratum de la
vie, lui donnant uniquement ses conditions de
manifestation. La vie est donc une nouvelle
communication de Dieu à la nature.
Sixième jour. Dieu fit les
animaux de la terre, selon leur espèce,
bétail et reptiles.
Puis Dieu dit :
Il se recueille au moment de
réaliser le but de toute son
oeuvre :
« Faisons l'homme à
notre image et à notre ressemblance et qu'il
domine sur les poissons, les oiseaux, les animaux
terrestres. »
Faisons ! Les uns ont vu
dans cette parole le pluriel de
majesté.
D'autres ne s'expliquent cette forme que
par le fait de la Trinité, Dieu
s'étant révélé à
nous comme Père, Fils et Saint-Esprit. Sa
personnalité tout entière concourt
à ce dernier acte, couronnement de son
activité, la création de l'homme, roi
de cette nature merveilleuse.
Septième jour. Dieu
avant achevé son oeuvre, se reposa au
septième jour. Il le bénit et le
sanctifia.
Ce repos divin n'est pas l'inaction,
mais la fin de l'activité créatrice.
Il n'est autre chose que l'exercice de Sa
Providence. Et nous sommes encore dans ce
septième jour.
Remarques.
Objet du mépris des ignorants et de
l'admiration des hommes intelligents, ce
récit fait passer devant nous un
ruissellement de vie. Dieu est Le Vivant,
disions-nous. La création tout
entière est un déploiement imposant,
un épanouissement incomparable de cette
vie.
Et quel ordre merveilleux !
Dieu crée d'abord le milieu, la
matière, considérée
aujourd'hui par les hommes de science comme
manifestation d'énergie. Tout est force
agissante dans l'univers. Dans ce milieu originel,
dont l'immensité et la perfection confondent
l'esprit, Dieu fait palpiter la vie
végétale et la vie animale. Dans
cette vie, point d'arrêt, mais des
transformations successives, une évolution
ininterrompue. Durant l'hiver, les plantes sont en
travail constant ; les arbres émettent
sous terre le chevelu, radicelles menues qui
fouillent le sol et y pompent les sucs qui, du
printemps à l'automne,
alimenteront la sève et se mueront en
frondaisons opulentes, en fleurs et en
fruits.
Le corps d'un animal est une usine qui
marche à feu continu. Le coeur humain est
une petite pompe aspirante et refoulante, de quinze
centimètres de haut sur dix de large
environ. Cette pompe fonctionne 70 fois par minute,
4.200 fois par heure, 100.000 fois par jour,
36.792.000 fois par an et 2.575.440.000 fois en
soixante-dix ans. À chacun de ses
battements, le coeur lance en moyenne une centaine
de grammes de sang dans la circulation, 7 litres
par minute, 420 par heure et 10 tonnes par jour. Ce
petit organe, à lui seul, déploie
chaque jour une force capable d'élever 46
tonnes à un mètre de hauteur.
Tout s'agite, tout se meut dans
l'univers, de l'infiniment petit à
l'infiniment grand.
Sur la terre, la vie atteint son plus
grand degré de perfection avec l'homme, le
dernier des êtres créés, le roi
de la nature.
Le récit biblique serait-il en
contradiction avec la science ?
En suivant ligne après ligne ses
étapes, il se trouve que nous avons suivi
aussi, pas à pas, la théorie de
Laplace, célèbre mathématicien
et astronome français
(1749-1827), inventeur du système
cosmogonique qui porte son nom.
Révélation et science
n'ont donc rien à redouter l'une de l'autre,
elles ne sont nullement en opposition
réciproque, ainsi que beaucoup l'ont
prétendu.
Le croyant n'a point à trembler
devant la science. Lorsque celle-ci
s'éclaire, non plus des lueurs chatoyantes
d'hypothèses aujourd'hui renversées,
mais des rayons de la vérité
suffisamment contrôlée et
éprouvée, elle confirme les
données de la
Révélation.
Nous disions que le chapitre premier de
la Genèse est comme un portique majestueux
dressé au seuil de l'histoire. Sur le
fronton se lit : « Au commencement
Dieu créa les cieux et la
terre. »
Six colonnes le supportent, ce sont les
six jours de la création.
il repose sur un vaste socle soutenant
tout l'édifice : la Providence divine,
l'oeuvre du septième jour, qui se poursuit
encore.
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