LE
MONDE ET L'HUMANITÉ
DE LA CRÉATION
AU DÉLUGE
CHAPITRE VIII
PREMIER SACRIFICE - PREMIER MEURTRE
Les deux premiers fils d'Adam - celui-ci
fut sans doute à la fois cultivateur et
berger - se partagèrent cette double
activité. Ceci contredit les conceptions
philosophiques selon lesquelles l'humanité
aurait dû passer par trois stades
successifs : chasse, élevage des
bestiaux, agriculture. Il n'est guère
d'enfant qui, dans son bas âge, n'ait
rêvé de cultiver la terre ou
d'élever des troupeaux ; l'homme
était naturellement destiné à
ce travail, qui est demeuré toujours le plus
normal.
Après un certain temps, Caïn
offrit des produits de la terre en oblation
à l'Éternel. L'hébreu peut se
traduire : à la fin de l'année,
ce qui désignerait alors le moment de la
récolte, et c'est la vue de la
récompense de son travail, la moisson
abondante, qui aurait suggéré au
laboureur cet acte de piété !
Ces sacrifices ne paraissent pas, en effet, avoir
été réclamés par
Dieu ; ils furent plutôt
spontanés.
Cet acte est révélateur
des sentiments profonds qui naissent dans le coeur
de l'homme. La chute n'a point
éteint en lui
l'étincelle divine, elle l'a voilée
seulement, et celle-ci projette des lueurs à
travers tous les temps. Les biens de la terre,
même s'ils abondent, laissent l'homme
insatisfait et ne comblent pas ses voeux. Ardent au
travail et couronné de succès, il
n'en sent pas moins sa dépendance
complète et considère comme un don
immérité le pain quotidien qui a fait
perler la sueur sur son front. Et le
péché qui le tourmente le convainc de
son indignité.
L'on prétend que, dans un grain
de blé, est renfermée une parcelle de
lumière ; s'il est jeté en
terre, cette parcelle aspire à retrouver son
élément ; là serait le
secret de la germination. L'image divine que
l'homme porte en lui tend sans cesse à
remonter à sa source, à renouer le
lien rompu. Ce besoin, l'homme l'a conservé
à travers les siècles et le porte
encore en lui sous tous les cieux. Partout
où l'homme a laissé des traces de son
passage, on relève des vestiges de sa
propension à la piété, si bien
que l'on affirme aujourd'hui scientifiquement que
le sentiment religieux est un élément
constitutif de son être. C'est quand il
cherche Dieu, c'est quand il prie, qu'il parvient
à sa majorité morale, à la
vraie dignité de sa personnalité. La
prière est le point culminant de son
activité ; il n'y abdique rien de son
individualité, au contraire, il s'y retrouve
lui-même, il y retrempe ses énergies.
Le spectacle de ces deux hommes offrant
un sacrifice reste un modèle pour toutes les
générations.
Mais d'où vient qu'au souvenir de
ce premier culte se rattache étroitement
celui du premier crime ?
Hélas ! quelle confirmation
de ce que nous disions dans le
précédent discours, de la force
d'expansion du mal !
Le tentateur avait bien réussi
à se glisser dans le jardin d'Eden, alors
que celui-ci était tout entier un
sanctuaire, dans lequel l'homme s'entretenait
librement avec son Créateur ! Il
parvient aussi à s'insinuer même dans
le coeur qui prie. Si étrange que cela
paraisse, c'est un fait indéniable et il
n'est aucun chrétien qui ne l'ait
expérimenté. Quand nous sommes
à genoux, le diable vient se placer à
côté de nous et nous murmure à
l'oreille des propos impurs, éveille dans
notre imagination des pensées
souillées, suggère à notre
coeur des projets iniques. Que de gens se sont
découragés de prier parce que le
recueillement fournissait au diable un
prétexte de les assaillir et de troubler
leurs âmes !
Chacun connaît la légende
de la Tentation de saint Antoine. Ce moine pieux
s'était retiré dans une grotte pour y
fuir le monde, échapper à ses
convoitises et se livrer tout entier à la
prière et à la méditation. Au
lieu de cela, il y fut en butte à toutes les
séductions, le diable multiplia devant lui
tous les pièges et le
cribla de ses flèches empoisonnées.
Vérité psychologique profonde :
c'est une chose sainte et grande que la
prière, mais c'est aussi une chose
redoutable. Le diable laisse assez tranquilles
l'indifférent et l'incrédule ;
il s'acharne après celui qui cherche la
présence de Dieu.
Or, l'Éternel regarda Abel et son
oblation ; mais il n'eut pas égard
à Caïn et à son
sacrifice.
D'où provient cette
différence ? Non point, ainsi qu'on l'a
dit quelquefois, du fait que Caïn n'offrait
que des fruits de la terre, tandis qu'Abel
présenta des victimes sanglantes. Mais bien
plutôt des pensées de leur coeur et de
la sincérité de leurs
sentiments.
La suite du récit montre à
quel point Caïn était ouvert aux
impulsions mauvaises. Son sacrifice ne fut sans
doute qu'un acte extérieur auquel il se
croyait obligé pour donner satisfaction aux
exigences de sa conscience : ni
humilité, ni consécration de
soi-même, ni joie. Peut-être Abel
avait-il été le premier à
agir ; alors Caïn, pour ne pas se laisser
devancer par lui, n'eût été
guidé que par l'esprit
d'imitation ?
Toujours est-il que l'un fut
agréé, et l'autre pas.
Comment s'en rendirent-ils compte ?
Y eut-il un indice extérieur de
l'approbation, comme du déplaisir de
Dieu ?
Il ne manque pas de gens qui se flattent
de connaître leur Bible et
qui cependant répondent sans
sourciller : « Mais
certainement ! la fumée du sacrifice
d'Abel, blanche et légère, montait
droit au ciel tandis que celle de Caïn, noire
et pesante, se traînait lourdement sur la
terre ! »
Eh bien ! non, il n'y a pas un mot
de cela dans la Bible. Les peintres qui ont
traité ce sujet l'ont
interprété de cette
façon-là, très
ingénieuse à la vérité,
et l'imagination populaire a associé le
langage de l'artiste à celui de la
Genèse.
Cependant, l'expression :
« L'Éternel regarda Abel et son
oblation » donne à entendre que
cette approbation fut perceptible. Dieu doit avoir
manifesté d'une façon intelligible,
à l'un son contentement, à l'autre
son déplaisir. Le texte reste muet. La
supposition la plus plausible, c'est que le feu du
ciel descendit sur l'holocauste d'Abel, comme plus
tard sur celui d'Elie.
Caïn en fut irrité et son
visage fut abattu. Cet abattement sinistre est le
présage de mauvais desseins.
Mais Dieu n'abandonne point le
pécheur à lui-même ; il
lui parle pour le rendre conscient de sa faute et
l'empêcher de se plonger plus avant dans le
mal. Il lui fait comprendre que rien encore n'est
perdu, quand même son sacrifice n'a pas
été reçu, et que son
relèvement ne
dépend que de lui : » Si tu
fais bien, ne seras-tu pas
agréé ? Mais, si tu ne fais pas
bien, le péché se tient à la
porte ; son désir tend vers toi, et
toi, tu dois dominer sur lui. »
Paroles naïves, enfantines,
symboliques ? Paroles pleines de profondeur et
de vérité, d'une vérité
de tous temps, si bien qu'on devrait les crier
encore aujourd'hui assez haut pour que toutes les
oreilles les entendent et pour que l'homme
évolué du XXe siècle
tâche d'en tirer un meilleur profit que ne
fit Caïn.
Une version traduit l'avertissement de
l'Éternel de façon toute
littérale : le péché se
rase à la porte. C'est le sens exact de
l'hébreu qui emploie ici l'image de la
bête féroce qui se tapit pour guetter
une proie. et qui semble, de ses griffes, se raser
la gorge en s'apprêtant à
bondir.
Saint Pierre dira plus tard aussi :
« Le diable, votre ennemi, tourne autour
de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il
pourra dévorer. »
Quelle réalité redoutable
sous cette comparaison et quelle force dans cet
avertissement ! Caïn avait vu la
bête féroce accroupie, les yeux
luisants de convoitise, trépignant avec
impatience, puis se détendant comme un
ressort pour sauter sur la pauvre gazelle.
« Prends garde !
voilà le danger que tu cours, toi aussi. Le
désir du péché tend vers toi.
Mais toi, domine sur lui ! »
Le péché guette l'occasion
favorable pour pousser sa victime à
commettre l'acte qui achèvera de la perdre.
Il se tient à la porte ; dès
qu'elle s'ouvrira, il s'y
précipitera.
Ici, un rapprochement linguistique
intéressant : en assyrien, le
même mot, figurant dans le récit
hébreu, signifie « se tenir en
embuscade ». et sert à
désigner une classe de démons. Une
inscription cunéiforme contient le passage
suivant : ces démons, la porte ne les
retient pas, la barre de la porte ne les repousse
pas ; dans la porte ils s'introduisent comme
les serpents.
Que nous sommes près de ces
choses antiques, et qu'elles sont encore
actuelles ! Nos expériences
personnelles ne confirment-elles pas, à
notre confusion, ces récits vieux comme
l'humanité ? Il n'y a rien de nouveau
sous le soleil, dit l'Ecclésiaste. Malheur
à qui ne veille pas et se laisse
surprendre !
Tu dois dominer sur lui !
C'est une question de vie ou de
mort.
Heureusement, le croyant n'est point
seul à lutter. Le diable est en embuscade,
soit ! Mais le lion de Juda, celui qui a
vaincu, lui aussi dit : « le me
tiens à la porte et je frappe ; si
quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte,
j'entrerai chez lui... et je souperai avec lui, et
lui avec moi. »
Caïn, hélas ! fit la
sourde oreille et n'écouta que les
insinuations maudites de la jalousie, bientôt
dégénérée en haine.
Seul avec son frère dans la campagne, il lui
parla, s'éleva contre lui... le tua.
Saint Paul écrit cette parole
remarquable :
« Le péché, pour
paraître péché, m'a
donné la mort par une chose qui était
bonne (le commandement divin) ».
« Le péché, pour
paraître péché ».
Expression obscure au premier abord, qui
s'éclaire parfaitement par le début
de l'histoire humaine. En Eden, un fruit
défendu ensorcelle une créature
faible, imprudente et curieuse ! Y avait-il
grand mal à cela ? Dieu ne fut-il pas
trop sévère ?
Tournez une page : la
sévérité de Dieu trouve sa
justification dans ce récit où le
péché paraît vraiment
péché ; si fourbe, si hardi, si
mauvais, si meurtrier, qu'il prend prétexte
d'un sacrifice offert au Dieu Saint pour faire d'un
homme... l'assassin de son frère.
Quiconque hait son frère est
meurtrier, dira saint Jean. Le meurtre est en germe
dans la haine, comme la haine dans la jalousie. Le
diable est aux aguets. Quand il tient quelqu'un par
le petit doigt, il lui saisit la main, puis le
bras... le corps entier y passe.
C'était en Suisse, il y a une
cinquantaine d'années. Un paysan,
remplissant les fonctions d'ancien
d'Eglise, avait aidé en
un jour de Pâques à la distribution de
la Sainte Cène. Mais il avait un
interdit : une rancune contre un
notaire.
« Si tu apportes ton offrande
à l'autel, dit Jésus, et que
là tu te souviennes que ton frère a
quelque chose contre toi, laisse là ton
offrande et va premièrement te
réconcilier avec ton frère, puis
viens et présente ton
offrande. »
« Si tu ne fais pas bien, le
péché se tient à la porte. Ses
désirs tendent vers toi, Mais toi, domine
sur lui. »
Or il arriva qu'en regagnant sa maison,
l'ancien d'Eglise rencontra le notaire ; il
entra précipitamment chez lui, saisit le
fusil d'ordonnance dont tout soldat suisse a la
garde, sortit fiévreusement, mit en joue...
et abattit son ennemi...
Les yeux de Caïn, cependant, ne
s'ouvrirent pas tout de suite. Et nous assistons
ici à un nouveau phénomène
caractéristique du péché, une
aggravation du mal, consistant dans
l'endurcissement du coupable, qui en vient à
imposer silence à sa conscience.
À combien de mensonges fut-il
conduit pour cacher sa faute à ses parents,
qui devaient se consumer d'angoisse !
La faute serait demeurée
ignorée... s'il n'y avait un Dieu
juste ! La conscience est une instance
insuffisante, car on peut la
bâillonner. Mais Dieu ne reste pas muet. Il
élève sans cesse une protestation
contre les abominations commises.
La même voix, qui avertit avant le
crime, juge après qu'il est
consommé ! Dieu interroge le coupable
pour l'amener à confesser sa faute.
Adam avait avoué en tremblant.
Caïn ment effrontément et brave son
juge avec arrogance : « Suis-je
gardien de mon
frère ? »
Caïn ayant refusé
d'atténuer son crime en l'avouant,
l'interrogatoire fait place à la
sentence : « Qu'as-tu
fait ? » Question indignée
qui n'attend nulle réponse et devrait faire
rentrer en lui-même le fratricide
endurci.
« La voix du sang de ton
frère crie de la terre jusqu'à
moi. » Caïn, qui a cru pouvoir
cacher son crime en le niant, se sent avec effroi
en face de Celui qui voit et sait tout.
Le sang innocent répandu à
la surface de la terre crie vers le Ciel,
siège du juge suprême, jusqu'à
ce qu'il soit vengé.
Vérité fondamentale
proclamée aux premiers jours de l'histoire
pour servir d'avertissement, de frein à tous
les descendants d'Adam.
Le prophète Esaïe
développe cette même pensée
(XXVI, 21) : « Voici.
l'Éternel va sortir de son lieu
pour visiter l'iniquité
que les habitants de la terre ont commise contre
lui ; alors la terre découvrira le sang
qu'elle aura reçu et elle ne cachera plus
ceux qu'on aura mis à
mort. »
Le récit biblique tient en peu de
mots. On peut lire entre les lignes et reconstituer
dans son imagination cette scène sauvage du
premier assassinat : Caïn assaillant Abel
sans raison, l'accusant faussement, le frappant,
l'assommant à coups de gourdin puis creusant
un trou dans la terre, y enfouissant le corps
inerte de sa victime, et recouvrant avec soin le
tout, pour qu'il n'en paraisse rien.
L'oeuvre du diable s'étale ici
dans toute son horreur.
Pauvre Adam, pauvre Eve, quand ils
découvrirent enfin le cadavre inanimé
et décomposé du fils qu'ils
chérissaient ! Quels cris, quelles
lamentations, quel
déchirement !
Peut-être n'osèrent-ils pas
réprimander sévèrement
l'assassin ; un souvenir cuisant devait
arrêter les reproches sur leurs
lèvres, celui de l'heure où Dieu leur
avait dit : « Au jour où vous
en mangerez, vous mourrez ! » Ils
durent s'avouer l'un à l'autre :
« C'est nous qui sommes les vrais
coupables ! » Et désormais le
deuil, le plus effroyable des deuils, s'assit
à leur foyer.
Comment un homme contesterait-il avec
Dieu ? Il faut peu de chose pour
désarmer le fanfaron, confondre son
arrogance et le faire trembler. Caïn
s'effondre en entendant la sentence qui le
frappe : « Tu es maudit par la terre
qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le
sang de ton frère : tu seras errant et
fugitif sur la terre. »
Ainsi la terre devient l'instrument de
la justice divine, en ce qu'elle ne pourra
supporter le meurtrier ; elle lui refusera le
repos, le sommeil réparateur ; elle se
peuplera pour lui d'ombres sinistres, de
fantômes effrayants rappelant le forfait
commis. Longtemps Caïn crut entendre la voix
d'Abel protestant, implorant, suppliant. Il ne
pouvait rester en place, il fut errant et
fugitif.
Sa douleur n'a rien de touchant, rien de
grand ; ce n'est pas même du repentir,
c'est de la crainte et c'est de la
lâcheté. Il est rempli de terreur
à la pensée que quiconque le
rencontrera le tuera ; il tremble à la
perspective de quitter le lieu où habite sa
famille.
Singulière contradiction,
relevée chez nombre de meurtriers qui,
après n'avoir pas hésité
à ôter la vie, ont peur qu'on ne
vienne à prendre la leur !
Voici ce que l'on raconte de Troppmann,
de sinistre mémoire, qui avait coupé
la gorge à plusieurs enfants.
Il se hâta de gagner le port
d'Anvers pour s'embarquer à destination de
l'Amérique, et mettre ainsi l'Océan
entre son crime et lui. Au matin, comme il payait
son écot avant de joindre le bateau, il dit
négligemment à l'hôtesse :
« Qui sont ces enfants dans la chambre
voisine de celle où j'ai
couché ? »
Interloquée, la maîtresse
d'hôtel répondit :
« Mais, il n'y a point d'enfants dans
cette chambre, je vous assure. » -
« Pardon, rétorqua le criminel, je
les ai entendus crier toute la
nuit ! » - Ces paroles
étranges éveillèrent la
méfiance ; et, comme les journaux du
matin relataient l'odieux crime, Troppmann fut
appréhendé avant le départ du
transatlantique.
La terre était maudite à
cause de lui, elle ne lui laissait point de
repos.
En attendant son supplice, il tremblait
et claquait des dents ; les cris
s'étranglaient dans sa gorge. La veille du
jour fatal, il essayait de faire parvenir un billet
à son frère pour réclamer du
chloroforme avec lequel il endormirait le
geôlier et le soldat qui le gardaient, afin
de prendre l'uniforme du second pour
s'évader. Il voulait aussi une boussole pour
s'orienter. « Si tu n'as pas d'argent
pour la boussole et le chloroforme, fais-moi
parvenir un flacon d'acide prussique. Au moins vous
n'aurez pas la honte de me savoir
guillotiné. » Il mourut en
lâche.
Et quel aveu sort de la bouche de
Caïn : « je
serai caché de devant ta
face ! » Il a encore, en
dépit de lui, le sentiment que c'est de Dieu
que provient tout bonheur, et toute
sécurité ! Aussi redoute-t-il de
s'éloigner d'Eden, le lieu où Dieu
s'était manifesté.
Le malheur suprême, encore
aujourd'hui, c'est quand le ciel, le ciel de Dieu
se ferme pour l'homme ! Rien n'égale
cette détresse-là !
Caïn ne connaissait que la
contrée où il avait vécu
jusqu'alors, et il pouvait fort bien se
représenter la terre où il allait
être errant et fugitif comme peuplée
d'autres hommes. Ainsi s'explique la parole :
« Quiconque me rencontrera me
tuera. »
L'Éternel le rassure ; la
justice divine se réserve à elle
seule le droit de punir le meurtrier.
L'humanité ne devait être
constituée en société et la
peine capitale instituée qu'après le
déluge. En le protégeant ainsi,
l'Éternel témoigne à Caïn
une compassion semblable à telle dont il
avait usé envers Adam et Eve en s'occupant
encore d'eux après leur chute. Dieu se
chargera d'infliger à quiconque porterait la
main sur Caïn des tourments sept fois plus
douloureux que ceux dont il est affligé
lui-même.
Quel est le signe que Dieu mit sur lui
pour le garantir contre ceux qui voudraient le
frapper ? Ce fut sang doute une expression
sinistre et désespérée
sur les traits de son
visage : Il devait inspirer, par les remords
cuisants qui le rongeaient, une pitié telle
que nul n'eût pu songer à aggraver
encore son infortune. Il était assez
puni.
Le sacrifice des méchants est en
abomination à l'Éternel.
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