LE
MONDE ET L'HUMANITÉ
DE LA CRÉATION
AU DÉLUGE
CHAPITRE XII
CONCLUSION : OMBRES ET LUMIÈRES
« Le péché se rase
à la porte. »
(Gen. 4:7.) « Je me tiens
à la porte. »
(Apoc. 3: 20.)
Au cours des onze études qui
précèdent, nous avons vu
l'antagonisme grandissant des deux puissances qui
se disputent la possession de l'homme. En
matière de résumé et de
conclusion, nous voudrions tracer deux tableaux par
lesquels nous terminerons cette série. Ils
ont pour motto, le premier la parole par laquelle
Dieu avertit et met en garde Caïn, l'autre,
celle par laquelle Jésus définit son
attitude à l'égard des siens, dans
les visions de l'Apocalypse. Le premier est
lugubre, traversé d'ombres sinistres et
mystérieuses propres à donner le
frison ; le second est lumineux, tout
rayonnant de clartés infiniment douces,
répandant le calme, la
sérénité, la paix et la joie.
Premier tableau.
À diverses reprises nous avons
dit que certains critiques taxent de puérils
les premiers récits bibliques. Telle leur
paraît aussi la parole divine :
« ... le péché se tient
à la porte ; son désir tend vers
toi. »
Et pourtant, il est peu de
déclarations dont les termes fussent aussi
appropriés aux circonstances et faciles
à comprendre par celui qui les entendit.
C'est une parole frappante de netteté et de
sens pratique. Non pour nous, il est vrai, qui la
lisons en un langage traduit. Mais, si l'on
étudie le texte original, quel trait de
lumière en jaillit !
Le verbe se tenir ne rend pas en effet
toute l'idée renfermée dans le terme
hébreu. Celui-ci désigne l'attitude
d'une bête féroce qui se tapit dans
l'ombre, prête à bondir sur sa proie.
Une version due à un orientaliste de talent
emploie ici une expression originale : le
péché se rase à la porte,
évoquant l'image de l'animal accroupi,
replié sur lui-même, dont les yeux
brillent de convoitise et qui agite
fébrilement ses pattes de devant sous son
menton avant de se détendre comme un ressort
et de fondre sur sa victime.
Cela, Caïn l'avait vu mainte et
mainte fois ; il avait assisté au
manège sournois du tigre en quête de
proie ; il avait vu l'innocente gazelle
s'approcher en gambadant, se baisser pour brouter
l'herbe fleurie, et n'avoir pas
le temps d'échapper au terrible ennemi qui,
prompt comme la flèche, lui tombait sur les
reins et l'emportait, pantelante, dans sa
gueule.
La nature est trop riche,
hélas ! en exemples pareils et aussi
suggestifs. Pour tout oeil attentif, elle est un
livre ouvert et enseigne la prudence, la
circonspection, révélant la
fréquence des pièges tendus et la
cruauté de celui qui s'y cache. Qui donc
n'aurait jamais observé l'araignée
tissant sa toile ? Quelle habileté,
quelle persévérance, quelle science,
quelle ruse et quelle patience ! Malheureuse
la mouche qui s'y laisse prendre ; son compte
est bientôt réglé : en un
rien de temps la voilà liée,
ligotée, emballée, et tenue à
disposition pour le moment fatal où sa
conquérante, ayant faim, lui enfoncera, sans
pitié, ses crocs et la videra de sa
substance.
Quelle définition du mal dans ces
cinq ou six mots de la Genèse ! C'est
plus qu'un long traité de philosophie, ou de
morale, ou de théologie.
Le péché, disent les
moralistes modernes, c'est l'absence de bien
imputable à l'ignorance seule ; c'est
l'obscurité qu'il faut dissiper en
répandant les clartés de la
science ; c'est la distance qui nous
sépare de l'idéal entrevu.
Cela, le péché ?
Ah ! bien oui ! semble dire la
Genèse. Le péché, c'est un
animal féroce, c'est une bête sauvage
qu'il faut redouter et dont il est urgent de se
garer ; c'est un ennemi auquel il faut
échapper.
Saint Pierre écrira :
« Le diable, votre ennemi, tourne autour
de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il
pourra dévorer. »
Il recherche l'obscurité parce
qu'il y cache mieux son jeu. Quand le soleil se
lève, les bêtes de proie regagnent
leur gîte.
Pour la première fois qu'il est
fait mention du péché, il est donc
représenté comme un être
vivant, personnel, qui agit avec ruse, qui se
cache, et qui est d'une féroce
méchanceté : il lui faut la vie
de ses victimes.
La définition va plus
loin :
« Son désir tend vers
toi. »
Il y a dans cette puissance quelque
chose qui la pousse irrésistiblement vers
l'homme. Il semble qu'elle ne trouve à se
satisfaire qu'en l'entraînant au mal ;
elle a soif du sang de l'homme, elle s'acharne
après lui. Le coeur de l'homme est un aimant
qui attire cette énergie infernale ;
c'est son champ d'action
préféré, c'est là
qu'elle accumule ses ravages.
L'animal n'est pas tourmenté par
elle ; la bête n'est pas
sollicitée par le péché ;
elle est livré à son seul instinct,
qui s'affine parfois grâce à
l'éducation que l'homme peut lui
donner.
Pourquoi donc cet ardent désir,
cette attirance vers l'homme ?
Ah ! si l'homme n'était pas
le porteur d'un trésor, il n'allumerait pas
la convoitise du grand larron. Ce sont ceux qui
portent de l'or dans leur poche qui sont
exposés à être
dévalisés. Ceux qui n'ont rien
jouissent de plus de sécurité.
Quoique, à vrai dire, de nos jours la
puissance du mal soit si
déchaînée que partout et
à chaque instant on élève une
main meurtrière sans qu'elle puisse
même, après cela, se remplir de
quelque argent.
« Le péché se
rase à la porte. Ses désirs tendent
vers toi. »
Pouvait-on donner, en Eden, une
meilleure définition du
péché ? Les paroles de Dieu sont
toujours merveilleusement adaptées aux
circonstances. Peut-être, au moment où
il ouït cet avertissement, Caïn
était-il ému encore et tout tremblant
d'une scène pareille à laquelle il
venait d'assister.
« Voilà le
péché, qui te guette, toi aussi, qui
s'acharne après toi et qui veut ta
perte. »
Toi, domine sur lui !
C'est une question de vie ou de
mort : to be or not to be. » Et
cette parole retentit à travers les
siècles : « 0 homme, domine
sur le péché, si tu ne veux pas
être écrasé par
lui. »
Hélas ! l'histoire humaine
est tissée de ces ruses, de ces manoeuvres
fourbes, de ces sauvages agressions, et des
faiblesses, des chutes, des infortunes de l'homme.
En Eden, c'est le serpent qui se glisse,
qui s'insinue, qui guette. Son désir tend
vers la femme ; ses yeux étincellent
d'envie quand il la considère ; avec
une habileté consommée, il allume en
elle convoitise des yeux, convoitise de la chair,
orgueil de la vie !
La pauvre Eve en sort
découronnée et vouée à
la mort.
Caïn est victime de sa jalousie et
de sa haine. Haine et jalousie, voilà le
fourré dans l'obscurité duquel le
serpent ancien rampe avec prédilection,
sûr de ne pas manquer sa proie.
Et le déluge vint parce que toute
chair avait corrompu sa voie et que la terre
était pleine d'impureté et de
violence.
« Le péché se
rase à la porte ; ses désirs
tendent vers toi. »
Je voudrais être artiste pour
concevoir et exécuter un tableau assez
sombre et assez saisissant pour inspirer à
notre génération une salutaire
frayeur.
Dans un musée allemand, l'on peut
voir un tableau devant lequel tout visiteur ne
manque pas de s'arrêter. Il est
intitulé : Die Sünde, le
péché. D'un fond très sombre,
presque noir, se détache le corps d'une
superbe femme nue. Ses cheveux abondants flottent
sur ses épaules, sa poitrine opulente fait
saillie et reçoit quelques rayons de
lumière. Les yeux, noirs et brillants ont un
éclat provocateur. Dans la partie gauche du
tableau, à hauteur du cou, il y a comme
des paillettes dorées
dont la présence ne s'explique pas tout de
suite. À y regarder mieux, l'on
découvre que ce sont les écailles de
la tête d'un serpent que l'on n'avait pas
aperçu d'abord. Enroulé autour du
corps de la séductrice, il avance la
tête par-dessus son épaule et regarde
fixement, lui aussi, le spectateur qui s'en va
bientôt en tremblant.
« Quand la convoitise a
conçu, elle enfante le péché,
et le péché, étant
consommé, engendre la
mort. »
Pauvre humanité, si elle
était livrée sans défense
à cette puissance infernale !
Deuxième tableau.
Mais nous avons vu qu'à
l'occasion même du déluge s'ouvre une
ère nouvelle. À l'heure où
périt l'humanité, qui a
épuisé et lassé la patience
divine, s'ouvre une porte réservée
par les dispensations de la Providence. Le
péché avait régné et
accumulé ses ruines depuis la chute,
jusqu'à l'anéantissement de la race
humaine. Une étoile brille au Ciel, un astre
nouveau se lève.
Noé trouva grâce devant
Dieu.
Grâce, c'est la première
fois qu'apparaît ce mot dans l'histoire. La
grâce, c'est la miséricorde qui
appelle, qui pardonne et qui sauve.
« J'établirai mon
alliance avec toi. »
Désormais, chaque année
sera un temps de grâce. la grâce divine
plane sur les annales de l'humanité,
jusqu'à ce qu'elle se manifeste en
Jésus-Christ. Son dernier accomplissement
sera le rétablissement du Paradis, Dieu
dressant son tabernacle au milieu des
hommes.
Cette alliance peut se résumer en
un tableau qui est le pendant du
précédent, mais fait avec lui le
contraste le plus aigu. Il s'inspire de la parole
de Jésus à l'Eglise de
Laodicée : « Voici, je me
tiens à la porte et je frappe, si quelqu'un
entend ma voix et m'ouvre la porte, J'entrerai chez
lui et je souperai avec lui, et lui avec
moi. »
Voici ! que ce simple mot, à
lui seul, est riche de sens. Voici,
c'est-à-dire en grec : Voyez,
regardez ! Nous voilà aux antipodes des
procédés du prince des
ténèbres.
« Je me tiens à la
porte. » L'homme est chez lui, dans sa
maison ; il n'a pas été
attiré dans un traquenard, ni ébloui,
ni aveuglé, ni trompé par de fausses
et basses manoeuvres.
L'homme est là tout entier, loin
du monde, dans le calme, dans le silence propice
à la réflexion et aux saines et
saintes résolutions.
« Je... » Pas de
camouflage, point de déguisement. Il vient
à visage découvert. Il se donne pour
ce qu'il est, nul n'en peut ignorer. C'est Celui
qui a dit : « Je suis la
lumière du monde ; je suis le chemin,
la vérité et la vie. »
- C'est moi, c'est moi, ton Sauveur,
- Je veux entrer dans ton coeur :
- Pourquoi me laisser attendre ?
- Ouvre, c'est un bienfaiteur
- Qui, chez toi, s'offre à
répandre
- Tous les trésors du bonheur.
Et le sollicité de s'écrier :
- Vraiment, vraiment, c'est sa
voix !
- C'est lui, c'est lui, je le
vois !
En pleine lumière, debout, à la
porte, il frappe !
Le chat qui poursuit sa proie pose ses
pieds sans bruit, le lion fait patte de
velours ; le Tentateur se garde bien de
déceler sa présence par quelque
bruit.
Il frappe... en répandant et
multipliant ses bienfaits. Quand l'homme est
intelligent, il ouvre son coeur à Celui qui
est l'auteur de tous les biens. Le Psalmiste
s'écrie : « Que rendrai-je
à l'Éternel ? tous ses bienfaits
sont sur moi ! Mon âme, bénis
l'Éternel et n'oublie pas un de ses
bienfaits ! C'est lui qui pardonne toutes tes
iniquités, qui guérit toutes tes
infirmités !... » Les
bienfaits sont les cordeaux d'amour par lesquels le
Seigneur cherche à saisir le coeur de
l'homme et à l'attirer à Lui.
Il frappe... aussi en permettant
l'épreuve, la souffrance, la tribulation.
Voilà en effet le sillon profond et
douloureux dans lequel la bonne semence germe et se
développe le mieux. « Il m'est bon
d'avoir été
affligé », dit encore le
Psalmiste, « car auparavant je
m'égarais ; maintenant je garde tes
commandements. »
Il permet parfois aussi une faute grave,
une chute lourde pour que l'homme comprenne
à quel point il a besoin d'être
guidé et secouru ; tel
péché, en humiliant le coupable, peut
servir à lui ouvrir les yeux, tandis que le
diable cherche à l'aveugler.
« Je
frappe !... » Ah ! certes, il
n'est jamais en défaut. Qui donc pourrait se
plaindre et accuser Jésus de ne l'avoir pas
suffisamment appelé, sollicité,
supplié ?
Sans doute, chacun sait ce qu'il lui en
coûterait d'obéir. Cela non plus n'est
pas caché. « Si quelqu'un veut
venir après moi, qu'il renonce à
soi-même, qu'il se charge chaque jour de sa
croix, et qu'il me suive. » Chemin
difficile, certes, qui exige le sacrifice, mais
chemin montant qui conduit à la vie, tandis
que la voie large descend et mène à
la perdition.
Ce chemin, il est urgent de le prendre,
c'est une question de vie ou de mort. Il faudrait
ici une injonction impérative, comme celle
qu'entendit Caïn :
« Toi, domine sur
lui ! »
« Si quelqu'un... »
Non, nul n'est contraint. Dieu s'incline
devant la liberté, qui est le joyau le plus
précieux de la couronne de l'homme. Quelle
dignité glorieuse que d'être
libre ! Mais aussi quelle effroyable
responsabilité : en vertu de cela,
l'homme est l'artisan de son bonheur ou de son
malheur éternel. Aux réprouvés
il sera dit comme à l'impie
Jérusalem : « Que de fois
j'ai voulu rassembler tes enfants... mais vous ne
l'avez pas voulu ! »
« Vous ne l'avez pas
voulu ! » C'est la raison pour
laquelle ils grinceront des dents, quand ils
entendront la sentence inexorable qui les frappera
pour toujours.
Oui, enfermé dans sa maison,
l'homme est souverain pour l'heure, comme
charbonnier est maître chez soi. Il peut
écouter... ou faire la sourde oreille,
ouvrir... ou caler la porte.
« Si quelqu'un entend ma voix
et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui, et je
souperai avec lui et lui avec
moi. »
« J 'entrerai chez
lui... »
Par cette entrée, la vie de
l'homme sera transformée. Le coeur humain
est fait pour Jésus, et Jésus pour le
coeur. C'est quand il reçoit Jésus
que l'homme retrouve sa vraie destinée et
parvient à sa majorité spirituelle.
À cette heure, il connaît la vie
véritable.
Saint Jean dans sa première
épître, résume en
ces mots lapidaires ce qu'il
sait de Jésus : « La vie a
été manifestée. » Ce
dont les apôtres furent témoins
pendant trois ans et demi, c'est la manifestation
de la vie, telle que Dieu la voulait, telle que
l'homme avait à la vivre. L'image divine qui
est en lui a été souillée,
altérée profondément par le
péché. Dans la communion avec
Jésus, cette image retrouve son éclat
primitif et le coeur humain reflète à
nouveau la pure lumière du ciel.
Et quelles prérogatives
attachées à cette communion :
« Je souperai avec lui. » Le
divin visiteur prend place au foyer, s'assied
à l'humble table, prend sa part des joies
modestes de son hôte, sa part surtout de ses
fardeaux, qu'il assume tout entiers.
« Et lui soupera avec
moi... »
À son tour, Il dressera la
table ; à son tour Il y conviera son
hôte ; et Il fera les frais du
festin ; il mettra les richesses du ciel
à portée de son ami.
Ici, nous touchons à
l'indescriptible. Jésus-Christ nous a
été fait, de la part de Dieu,
sagesse, justice, sanctification et
rédemption. Sondez ces termes, si vous le
pouvez ; énumérez ces
trésors.
Il faudrait introduire ici les accents
d'allégresse entonnés par les
rachetés qui ont eu en partage les richesses
incompréhensibles de Christ, et auxquels Il
a dit, comme à saint Paul :
« Ma grâce te suffit ;
ma force s'accomplit dans la
faiblesse. » C'est pourquoi cet
apôtre pouvait dire avec une conviction
vécue : « Soyez toujours
joyeux ; réjouissez-vous toujours en
notre Seigneur. »
Et que dire de ceux qui se seront
bouché les oreilles et se seront
obstinés à ne pas
ouvrir ?
Hélas ! par un juste retour
des choses, au jour du grand festin des noces de
l'Agneau, quand, poussés par la soif du
bonheur et de la vie, ils viendront aussi, ils
trouveront la porte fermée ; ils y
frapperont et entendront, venant de
l'intérieur, la voix bien connue leur
crier : « je ne vous connais
pas ! »
Et ils auront la bouche fermée,
car c'est précisément là ce
qu'ils avaient répondu, au temps favorable,
à l'heure de la grâce, à l'ami
qui les pressait de lui ouvrir.
« Celui qui me confessera
devant les hommes, je le confesserai devant les
anges de mon Père ; mais celui qui aura
eu honte de moi devant les hommes, j'aurai aussi
honte de lui devant les anges de mon
Père. »
Les deux tableaux que j'ai
cherché à tracer sont marqués
du sceau de la vérité
éternelle, et tous deux concourent au
même but, l'un en nous inspirant
l'horreur des
ténèbres, l'autre en nous pressant de
devenir des enfants de lumière.
Il est facile de faire une application
de l'un et de l'autre aux temps actuels. La guerre
mondiale les a copieusement illustrés, En
dehors de la question irritante des
responsabilités encourues, qui ne voit
qu'elle est une suggestion du diable qui a
déployé à cette occasion des
ruses infernales inouïes ? Que l'on se
rappelle les auspices favorables sous lesquels
s'ouvrait notre siècle. Le progrès du
sentiment de la solidarité internationale,
les efforts pour assurer la paix, les
Congrès de La Haye, tout semblait rendre la
guerre impossible, au moins entre peuples
civilisés. Et l'Évangile marchait
à pas de géant à la
conquête des pays païens. Nous avons
rappelé déjà la devise
généreuse, hardie,
héroïque de l'armée des
« Volontaires du
Christ » : « faire Christ
roi du monde pendant cette
génération ».
L'empire du diable était
sérieusement menacé. Quoi ? Plus
de mêlées fratricides ! et
l'Évangile porté partout,
c'est-à-dire bientôt plus de
païens, la lumière éclairant
toute la terre !
La porte allait-elle s'ouvrir toute
grande à Celui qui frappe et convie les
individus et les nations à
l'affranchissement, au salut, à la
liberté ?
Mais Satan veillait. Avec quelle
habileté il réussit à
détourner à son profit les
énergies qui semblaient
avoir juré sa
perte ! Tandis que les chrétiens
tressaient déjà des couronnes pour le
Roi des rois, lui gonflait ses suppôts de
l'orgueil qui va devant l'écrasement, de la
fierté d'esprit qui court au-devant de la
ruine. Quels dithyrambes dans la littérature
mondaine pour célébrer les
conquêtes de l'intelligence ! C'est
à l'homme qu'on dressait un
piédestal. Retombant dans l'erreur antique,
on le divinisait déjà, on l'appelait
le Surhomme !
Et avec quelle ruse ce loup
enragé sut se vêtir d'une peau de
brebis ! Il était là, à
La Haye, ricanant et retenant de ses doigts crochus
ceux que le vulgaire considérait comme les
colonnes du Temple de la paix, mais qui, en
réalité, se livraient sournoisement
depuis de longues années aux
préparatifs de la plus formidable guerre qui
ait jamais éclaté. Le moment venu,
tandis que toute la jeunesse, universitaire et
autre, se laissait entraîner par un souffle
d'enthousiasme pacifique vers la fraternité
des nations, un crime politique, un assassinat
ténébreux et mystérieux mit le
feu aux poudres. C'était à
Séraïévo. Changement de
décor foudroyant, branle-bas de bataille.
Coup sur coup, vingt-deux déclarations de
guerre... et le monde est mis à feu et
à sang.
Le monde chrétien ! Ce que
l'ennemi eût voulu, c'était
anéantir les nations chrétiennes et
traîner dans la boue le nom du Christ.
En va-t-il autrement
aujourd'hui ?
Jamais les efforts pour assurer la paix
n'ont été aussi grands ni aussi
sincères de la part des âmes
généreuses et loyales. Depuis la
constitution de la Société des
Nations, que de rencontres, que de
conférences, que de traités ! Le
pacte Kellogg met désormais la guerre hors
la loi. Il la bannit, avec un légitime
mépris, du programme de la politique. Des
plans s'élaborent pour fonder les
États-Unis d'Europe, en attendant qu'on
parle des États-Unis universels.
Sublime ambition ; nobles esprits
que ceux qui travaillent à son triomphe.
Paix sur la terre !
- J'ai vu la Paix descendre sur la terre
- Semant de l'or, des fleurs, des
épis.
C'est donc la fin prochaine du cauchemar dans
lequel s'agitent les individus et les peuples
depuis le meurtre d'Abel !
« Je me tiens à la
porte, et je frappe !... »
Il est la lumière, qui non
seulement éclaire le présent, mais
projette aussi ses rayons dans le futur. Un jour
ses disciples, fiers sans doute d'un sentiment
nationaliste, lui montrent les assises du
temple : « Maître, regarde
quelles pierres et quels
bâtiments ! » À quoi Il
répondit : « Je vous dis en
vérité qu'il n'en restera pierre sur
pierre qui ne soit
dévastée. » Puis, sondant
l'avenir d'un regard
prophétique, Il annonce
les tribulations qui attendent les Juifs et tous
les peuples jusqu'à la fin du monde. Voici,
dit-Il en concluant, je vous ai tout prédit,
les cieux et la terre passeront, mais mes paroles
ne passeront point. »
De 1914 à 1918, arraché
à ses utopies pacifistes, le monde a
assisté à la réalisation
littérale d'une partie de ces
prédictions.
Elles ne sont pas encore
épuisées.
« Quand ils diront paix et
sûreté, une ruine subite les
surprendra, comme les douleurs surprennent une
femme enceinte. »
Que d'ombres sinistres planent
déjà sur l'Europe, et sur l'Asie, et
ailleurs ! Non, certes, le diable n'a point
désarmé. Des rumeurs sourdes alarment
les peuples ; à plus d'une reprise le
ciel politique s'est voilé. Ceux qui
rêvent des États-Unis d'Europe et du
Monde agissent avec une hâte fébrile,
pour prévenir si possible un retour des
hostilités et ne pas se laisser devancer par
ceux qui les ourdissent. Qui arrivera
premier ?
La plupart des hommes d'État, les
esprits réfléchis ne se font
guère d'illusion. Aussi, tout en organisant
la paix, se prépare-t-on à la guerre
éventuelle, probable même. Et quelle
guerre ! À peine ose-t-on y
penser ! Plus terrible sûrement que la
dernière, plus meurtrière et plus
lâche aussi, car conformément
aux méthodes nouvelles,
on frappera surtout à l'arrière, les
villes ouvertes dont on asphyxiera les occupants,
afin de démoraliser ceux qui seront
engagés au front et combattront aux
avant-postes.
Si Satan pouvait être
démasqué, si ses préparatifs
infâmes apparaissaient au jour, si ceux qui
lui servent d'instruments, si tous ses agents
étaient dénoncés, quelle
révélation !
« Malheur à vous,
habitants de la terre, car le diable est descendu
vers vous avec une grande fureur, sachant qu'il ne
lui reste que peu de
temps ! »
Oui, peu de temps. Car le dernier mot ne
lui appartient pas. Le monde ne finira pas dans les
ténèbres, la lumière se
lèvera. Il ne s'écroulera pas dans la
mort, car le Fils de Dieu a mis en évidence
la vie et l'immortalité par
l'Évangile. Il ne sombrera pas dans l'Enfer,
car Jésus a dit : « Venez,
vous les bénis de mon Père, et
possédez en héritage le royaume qui a
été préparé pour vous
dès la fondation du
monde. »
Jésus se tient encore à la
porte, et Il frappe. Il frappe à coups
redoublés par les événements
mêmes que nous traversons et qui sont autant
d'appels adressés à ceux qui ont des
oreilles pour entendre autre chose que les bruits
de la terre.
L'heure s'apprête à sonner
où la porte s'ouvrira, non seulement la
porte du coeur, mais la porte du ciel; où la
rencontre avec le Seigneur deviendra
réalité, la
grande, la glorieuse
réalité ; où nous
prendrons place à Sa table, pour être
à jamais avec Lui.
« Quand vous verrez que ces
choses commenceront d'arriver, levez les yeux,
levez la tête, car votre délivrance
approche. » « Voici, je viens
bientôt. »
Et la prière, de l'Eglise,
aujourd'hui comme aux premiers siècles, est
encore :
« Amen, oui, Seigneur
Jésus, viens ! »
|