Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



REINE BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary Slessor, missionnaire au Calabar



PREMIÈRE PARTIE

En Écosse. - En famille et à la fabrique.
1848-1876


CHAPITRE II

 

La première chose que le Seigneur donna à faire à Mary hors de chez elle fut de tenir un groupe de petites filles à l'école du dimanche. Elle commença donc à enseigner avant d'être tout-à-fait instruite elle-même. Ce ne sont pas toujours ceux qui ont le plus appris qui savent le mieux tenir un groupe.

Mary avait le coeur si plein lorsqu'elle parlait de Jésus que sa figure en était comme illuminée : ses yeux brillaient, sa bouche souriait. On voulait aimer Celui qu'elle aimait d'un tel amour.

Dans le quartier qu'elle habitait, les rues étaient pleines, dès que venait le soir, de grands garçons et de grandes filles qui n'avaient pas de chez eux, et flânaient quand ils ne se battaient pas. Mary se dit que peut-être elle pourrait être utile à ces vagabonds. Une salle d'évangélisation ayant été ouverte à leur intention, elle alla trouver le directeur et lui dit à brûle pourpoint :
- Voulez-vous de moi comme monitrice ?
- Avec plaisir, répondit celui-ci.

Mais son interlocutrice paraissait si petite, si délicate, qu'il fut persuadé qu'avant longtemps elle trouverait la tâche au-dessus de ses forces.
En effet, les débuts de Mary furent pénibles, Cette jeunesse indépendante ne désirait nullement que l'on s'occupât d'elle. Garçons et filles n'entraient dans la salle que pour y faire du tapage, et ceux qui restaient dehors jetaient des pierres aux fenêtres, et faisaient de leur mieux pour troubler l'ordre des réunions. Mais, toujours souriante et brave, Mary tenait tête aux agitateurs. Quelques-uns d'entre eux finirent par avoir honte de lui donner tant de fil à retordre et se rangèrent ouvertement de son côté. D'autres cependant, yeux menaçants et poings fermés, restèrent sur la défensive et s'efforcèrent de lui rendre la situation insupportable.

Un soir, une demi-douzaine des plus déterminés de ces terribles garçons attendirent Mary dans un endroit sombre, et celle-ci se trouva tout à coup en plein camp hostile. On lui criait : « Nous vous ferons votre affaire, si vous ne nous laissez pas tranquilles ». Tremblant de peur, sans toutefois le laisser paraître, elle demanda au Seigneur de la protéger contre ses agresseurs.,
- Non, dit-elle, regardant ceux-ci bien en face, je continuerai à m'occuper de vous. Faites de moi ce que vous voudrez.
- Très bien ! s'écria le chef de la bande, un grand et robuste garçon. Allons-y !

Et, tirant de sa poche un fil à plomb, il le fit tourner dangereusement autour de la tête de Mary.

UNE RUELLE A DUNDEE

Les autres regardaient, retenant leur respiration, étonnés du courage de cette jeune fille. Le plomb approchait toujours plus de la figure de Mary ; il rosa son front. Pâle, calme, ferme, Mary attendait le coup qui allait la terrasser. Mais soudain, jetant son arme loin de lui, le bourreau se tourna vers ses camarades et leur dit : « Après tout, on ne peut pas la forcer. Elle tient le coup ».

L'oreille basse, ces garçons suivirent Mary à la salle de réunion et s'assirent dans son groupe. À partir de ce moment, il n'y eut plus de tapage dans la salle, et chacun aida Mary à maintenir l'ordre.

Le samedi après-midi, Mary emmenait son groupe faire des promenades à la campagne, afin d'éviter à ces jeunes garçons les tentations de la rue. Quelques-uns des plus mauvais sujets furent convertis, et devinrent des hommes utiles. Bien des années plus tard, vous auriez pu voir, accrochée à la muraille de la hutte de Mary, en Afrique, la photographie d'un groupe familial : père, mère et enfants. Or, ce père était précisément le jeune garçon qui avait jadis menacé Mary de son fil à plomb ! Il avait envoyé cette photographie à son ancienne monitrice comme témoignage d'affection et de reconnaissance.

Qu'est-ce donc qui donnait à Mary une telle influence sur ces natures incultes et indisciplinées ? Rien dans sa personne n'attirait l'attention. Était-ce son ardente affection pour ses élèves ? Peut-être bien : l'amour vrai, profond, qui fait qu'on s'oublie pour penser aux autres, est la plus grande puissance du monde.

Mary apprit à connaître les mères et les soeurs de ses élèves. Elle visita toutes ces pauvres demeures. D'autres n'allaient qu'à deux dans ces tristes quartiers, mais elle était presque toujours seule. Un jour, rentrant chez elle après une absence plus longue que de coutume, elle dit en riant :
- Aujourd'hui, j'ai dîné chez les Macdonald !
- Vraiment ? répondit quelqu'un, est-ce qu'on t'a donné une cuillère et une assiette propres ?
- Peu importe ! répliqua-t-elle ; l'important c'est que j'ai trouvé un moyen d'être reçue chez eux, et qu'on m'a demandé de revenir ; le reste m'est bien égal.

Ces visites, elle les faisait dans le même esprit que Jésus les aurait faites. Parfois elle s'asseyait au coin du feu et prenait un bébé sur ses genoux ; un autre jour elle prenait le thé avec une famille, en se servant d'une tasse plus qu'ébréchée ; en d'autres occasions elle aidait la mère de famille à finir son ouvrage. Partout elle encourageait, égayait et laissait à son départ paix et lumière là où tout était auparavant ténèbres et découragement.
En sa compagnie chacun se sentait meilleur ; et sous son influence beaucoup de ses amies donnèrent leur coeur au Seigneur Jésus.

« Trois semaines après avoir fait la connaissance de Mary Slessor, je fus toute changée », raconta une de ses camarades de fabrique. Et Mary elle-même disait : « Je me demande ce que nous oserions braver pour Jésus ! Aurions-nous le courage de monter sur un bûcher ? Donnerions-nous nos vies pour l'amour de lui ? » - « Ce qu'elle travaillait dur ! dit quelqu'un d'autre. Elle mettait son coeur et sa volonté à tout ce qu'elle faisait. »

Lorsqu'on changea le local de la salle où se tenaient les réunions, le directeur demanda qu'on lui trouvât une femme de ménage pour nettoyer la nouvelle salle.
- Allons donc ! s'écria Mary : nous le ferons bien nous-mêmes !
- Vous, Mesdames ?
- « Mesdames » ! répliqua-t-elle, nous ne sommes pas des dames ; nous ne sommes que des ouvrières.

Et, le lendemain soir, Mary et une autre des monitrices, manches retroussées et revêtues de grands tabliers, nettoyèrent à fond la salle, à grand renfort de vastes seaux d'eau chaude, de savon et d'huile de bras !
N'allez pas croire que Mary fût toujours sérieuse. Loin de là ! D'un caractère gai et ayant pris de bonne heure l'excellente habitude de toujours regarder les choses par leur bon côté, elle aimait s'amuser et rire, tout comme le commun des mortels. En voici un exemple (Notez bien que je ne vous le donne pas comme exemple à suivre, mais simplement pour vous aider à mieux connaître Mary) :

Pendant qu'elle se promenait avec une amie, elle tira vivement la sonnette d'une porte d'entrée et se sauva à toutes jambes avant qu'on ne vînt ouvrir.
- Mary ! j'ai honte de toi, lui dit son amie.

Mais Mary répondit en riant :
- Les plus sérieux se permettent une petite bêtise de loin en loin !

Quelqu'un qui l'avait connue pendant ses années de jeunesse fait d'elle ce portrait :
« Mary avait toujours l'air heureux ; sa figure rayonnait. En raison de son teint frais et rose, de ses boucles de cheveux, de sa bouche si décidée, elle me faisait toujours penser à une jeune fermière allant au marché vendre son beurre et ses oeufs ! »

Durant toute l'époque dont il vient d'être question, la vie de Mary fut une préparation à celle qui l'attendait plus tard. Évidemment elle devait en avoir un pressentiment ; de plus en plus clairement elle se voyait, en imagination, servant le Seigneur dans des contrées lointaines... là-bas au-delà des mers.
Pourtant elle ne parlait encore à personne de ce qui remplissait son esprit, parce qu'elle savait bien que sa mère espérait voir son second fils, Jean, devenir le missionnaire de la famille. Mais ce fils-là mourut lui aussi. Il avait toujours été délicat. On espéra le sauver en l'envoyant sous le beau climat de la Nouvelle-Zélande ; mais, à peine débarqué, il succomba.

Ce nouveau vide fut pour Mme Slessor et pour Mary un immense chagrin. Toutefois, malgré sa tristesse, Mary ne pouvait s'empêcher de penser : « Est-ce donc moi qui serai missionnaire ? » À travers la brume des tristes rues de Dundee, son imagination lui faisait contempler des visions : paysages des tropiques, rivières paresseuses, fourrés inextricables, huttes primitives entourées de palmiers, etc. À la fabrique, le vacarme des métiers lui semblait dominé par les cris des petits enfants dans la brousse. Oh ! comme il lui tardait de quitter l'Écosse, pour se rendre là où elle savait qu'on avait tant besoin de secours ! Cependant elle voyait beaucoup d'obstacles sur sa route : tout d'abord son manque d'éducation, puis le fait qu'elle était le principal soutien de la famille et que sa mère s'appuyait tant sur elle. N'importe : elle avait l'intime conviction que Dieu aplanirait tous ces obstacles et la conduirait au but.

Elle était devenue, petit à petit, une des meilleures ouvrières de la fabrique, et gagnait un salaire élevé. Elle faisait aussi des heures supplémentaires afin de mettre un peu d'argent de côté. De plus, elle étudiait toujours plus courageusement, et acceptait parfois de prendre la parole dans des réunions, afin de s'habituer à mettre de l'ordre dans ses idées et à s'exprimer clairement et simplement.
Ces années de vie double, pour ainsi dire, furent pour elle une très grande fatigue. Depuis quatorze ans elle travaillait à la fabrique.
Hélas ! combien d'autres ouvrières de cette même fabrique travaillaient ainsi d'année en année, et n'avaient toujours en perspective que cette même vie monotone ! « Marche, esclave, marche ! » semblaient dire les roues, les courroies, les engrenages, dans leur perpétuel tournoiement, paraissant entraîner dans leur course folle le coeur de ces jeunes filles, les murs, le plafond, tout enfin !
Pauvres filles ! leurs châteaux en Espagne, et tout ce qu'elles attendaient d'un avenir bien lointain, devaient suffire à leur donner patience et courage.

Tout à coup arriva en Écosse un télégramme qui causa dans tout le pays une vive émotion et un profond chagrin. Ce télégramme annonçait que David Livingstone, l'intrépide explorateur écossais, était mort, seul, dans une hutte au coeur de l'Afrique. Or, qui disait alors « Afrique » disait pays mystérieux, inconnu, terre de l'esclavage et du paganisme. À force d'héroïsme, de courage, de persévérance et de foi, Livingstone en avait exploré de vastes territoires, y avait découvert des rivières et des lacs, et s'y était initié aux coutumes de ses peuplades sauvages. À plusieurs reprises, l'Europe était restée sans nouvelles de lui pendant des années ; et maintenant on apprenait sa mort ! Chacun se demandait : « Qui va continuer l'oeuvre de ce vaillant pionnier ? Qui ira vivre au milieu de ces tribus païennes ? »

Pour Mary Slessor, la mort de Livingstone fut comme un coup de clairon l'appelant à son poste. Elle alla trouver sa mère.
- Maman, dit-elle, je vais offrir mes services aux Missions. Ne t'inquiète de rien. Je te donnerai une partie de mes appointements. Entre les soeurs et moi nous prendrons soin de toi.
- Ma chérie, répondit Mme Slessor, je suis prête à te laisser partir. Tu feras une excellente missionnaire, et Dieu te gardera.

Mais quelques amis s'étonnèrent. Comment ! Mary qui était si timide et qui avait peur même d'un chien ! « Quand elle voit un chien descendre la rue, elle se cache ! » dit quelqu'un. Et c'était parfaitement exact. Mais, comme le dit la Parole de Dieu, « l'amour parfait bannit là crainte » ; et Mary aimait le Dieu qu'elle désirait aller servir au loin.

Donc, en mai 1875, Mary Slessor demanda à la Société écossaise des Missions étrangères de l'accepter comme l'une de ses missionnaires. Elle exprima son grand désir d'être envoyée au Calabar, mais promit cependant d'aller où l'on jugerait bon de l'envoyer.
Anxieusement elle attendit la réponse à sa lettre. Lorsque cette réponse arriva Mary courut à sa mère :
« Maman ! on m'accepte. Je vais être envoyée au Calabar, comme institutrice ».
Puis, ce qui était bien rare chez elle, elle fondit en larmes.

Ainsi donc, après ces longues années d'attente et de patience, années passées entre les quatre murs de la fabrique, Mary allait dire adieu à son métier à tisser. Dans l'une des contrées les plus sauvages de l'Afrique, elle allait tisser, non plus des étoffes mais des vies humaines.


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