Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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REINE BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary Slessor, missionnaire au Calabar



DEUXIÈME PARTIE

Les débats au Calabar. - Initiation.
1876-1888

CHAPITRE II

 

Pendant quelque, temps les gens obéirent aux lois nouvelles ; mais il n'est pas aisé de rompre avec des habitudes vieilles de plusieurs siècles, et peu à peu les indigènes retournèrent à leurs coutumes coupables. Seulement, ils firent en cachette ce qu'autrefois ils faisaient ouvertement. Ma se rendit compte que la lutte ne faisait que commencer ; et elle s'y jeta de toute son énergie et de tout son courage.

Elle lisait constamment sa Bible, et apprenait à se confier toujours mieux en l'amour de Jésus et en sa puissance. Elle avait en son Seigneur la pleine confiance qu'il la protégeait lorsqu'elle allait, seule, dans les pires repaires de la ville, ou au loin dans les villages isolés. Souvent elle remontait la rivière en pirogue, abordait à des endroits où aucune femme blanche ne s'était encore aventurée. Elle soignait les malades, et, assise au bord du chemin, écoutait tout ce que les gens lui racontaient ; puis, à son tour, elle leur parlait du Sauveur du monde. Parfois il lui était impossible, tant elle était occupée, de revenir chez elle le même jour ; alors elle couchait sur la paille, ou dans une hutte sale, sur un paquet de guenilles, ou encore - ce qui valait bien mieux, mais ne pouvait se faire que par le beau temps - en plein air sur un lit de feuillage.

Une fois, accompagnée de tous les enfants qui habitaient avec elle, elle partit pour un long voyage sur la rivière. Il s'agissait d'aller faire visite à un chef exilé, qui demeurait dans une contrée hantée par des éléphants. Il avait été décidé que l'on se mettrait en route de bon matin. Mais en Afrique les choses se font tout à la douce et sans se presser ! Il était nuit avant que tout fût prêt. On partit à la lueur des torches. Le roi nègre de Creek Town (autre ville du Calabar), appelé Eyo Honnêteté VII (quel nom !), était chrétien. Toujours bon pour Ma, il lui avait envoyé sa pirogue royale, peinte en couleurs brillantes, et lui avait fait parvenir le message suivant :

« Ma ne doit pas arriver en étrangère chez un peuple étranger, mais y arriver comme une dame, comme notre Mère. Ma pirogue sera à sa disposition tant qu'elle en aura besoin ».

PIROGUE TAILLÉE DANS UN TRONC D'ARBRE

Trente-trois nègres, n'ayant pour tout vêtement qu'un pagne attaché autour des reins, formaient l'équipage de la pirogue.

Lorsque l'embarcation quitta le rivage et glissa sur les eaux paisibles, un homme se mit à jouer du tambour pendant que l'équipage chantait :
« Ma ! notre magnifique, notre bien-aimée Mère est à bord ! Ho ! ho ! ho ! »

Le mouvement régulier de la pirogue la berçant, ainsi que les chants, Ma s'endormit. Elle ne se réveilla qu'au matin. Entourée de tous ces nègres sauvages elle n'avait pas peur ; son Dieu veillait sur elle, et sous sa garde elle reposa confiante comme un petit enfant.

À l'aurore la pirogue aborda sur la plage d'un village. On conduisit Ma dans une chambre primitive - des plus primitives ! - dans la cour du chef qu'elle était venue visiter, et là il lui fallut vivre quinze jours, ainsi que ses mioches, en compagnie de chiens, de poules, de rats, de lézards et de moustiques.

La plupart des indigènes n'avaient jamais vu un être blanc; ils avaient peur de toucher Ma. Elle, elle avait pitié de ces gens ignorants, nus et sales, et son premier soin fut de leur faire des vêtements. Elle s'occupa aussi des malades. Ceux-ci étaient en si grand nombre qu'elle dut envoyer à la station missionnaire la plus proche renouveler la provision de médicaments qu'elle avait apportée.
Le chef dans la cour duquel elle habitait lui dit un jour :
- Ma, deux de mes femmes ont fait quelque chose de très mal, et chacune d'elles va être battue de cent coups de fouet sur le dos. C'est l'habitude ici.

Saisie d'horreur, Ma s'écria :
- Mais qu'ont-elles donc fait ?
- Elles sont entrées dans une cour qui n'était pas la leur. Je sais bien qu'elles sont jeunes et étourdies puisqu'elles n'ont que seize ans, mais il faut leur donner une leçon.
- Oh ! quelle cruelle leçon ! dit Ma.
- Ce n'est pas tout, poursuivit le chef ; après les coups de fouet nous frotterons du sel dans les plaies, et peut-être même que nous couperons les oreilles de ces jeunes personnes. C'est la seule façon d'obtenir que les femmes nous obéissent !
- Non, non ! cela ne se fera pas ! continua Ma avec émotion. Réunis les gens pour un palabre (1).

La foule accourut. Les deux jeunes filles, les yeux baissés, l'air sombre, faisaient face à leurs accusateurs. C'est à elles que Ma s'adressa tout d'abord.
- « D'après les lois de votre pays vous avez mal agi, et vous méritez une punition, dit-elle ».

Et les hommes de sourire, ravis !
Se tournant vivement vers ceux-ci, Ma s'écria :
- « Mais vous êtes dans votre tort, vous aussi. Honte à vous d'avoir fait une loi qui oblige les filles à se marier si jeunes ! Quoi ! ces deux accusées ne sont que des enfants, après tout ! Elles aiment encore à s'amuser et à faire des bêtises. La faute qu'elles ont commise n'est pas grave et ne mérite pas une telle punition ».

Les hommes ne souriaient plus, vous pouvez le croire. Furieux, ils murmuraient des menaces contre Ma.
- « Qui es-tu donc, dirent-ils, pour te permettre de venir critiquer nos lois ! Ces jeunes filles nous appartiennent, donne-les nous ».

Ma tint ferme, et comme elle était l'hôte du village et digne d'honneur aux yeux des indigènes, on finit par lui promettre que le châtiment serait réduit à dix coups de fouet. Dans la crainte de tout compromettre, elle n'osa pas plaider davantage. Elle rentra dans sa chambre et prépara vite tout ce dont les jeunes filles auraient besoin après le terrible traitement qu'elles allaient subir, pendant que deux robustes gaillards saisissaient les « coupables » et leur administraient des coups de fouet cinglants. Les cris des victimes et les éclats de rire des spectateurs retentirent en même temps.

Échappées enfin des mains de leurs bourreaux, les jeunes filles coururent chez Ma ; celle-ci banda leurs plaies, et leur donna à boire un calmant qui les endormit.
« Comment s'attendre à autre chose ? pensait tristement Ma. Jamais encore ces pauvres gens n'ont entendu parler de Dieu ; ils ne savent pas même ce qu'est l'amour, ce qu'est la compassion, ce qu'est la miséricorde. » Et de son mieux elle instruisit ces ignorants dans les voies du Seigneur.

Le soir, leur travail terminé, les gens venaient s'accroupir sur le sol autour d'elle, les hommes en avant et les esclaves derrière eux, et Ma leur racontait l'histoire de Jésus. Ils écoutaient en silence ; parfois, ils posaient quelques questions, surtout au sujet de ce qui vient après la mort - mystère des mystères pour eux ; et, lorsque Ma avait fini de parler, ils se retiraient sans bruit, presque furtivement, et chez eux, ils discutaient cette étrange religion nouvelle, si différente de la leur.

Quinze jours se passèrent ainsi. Le moment était venu, pour Ma et sa petite bande, de retourner à Old-Town. Comme pour le voyage de l'aller, le départ se trouva grandement retardé, et l'après-midi était fort avancé lorsque la pirogue s'éloigna de la berge. Le repas du soir était à peine terminé que, tout à coup, de noirs nuages et des bourrasques de vent annoncèrent l'approche d'un orage. « Nous allons avoir une nuit de tempête », dit Ma, inquiète. Le ciel s'assombrissait toujours davantage, le tonnerre grondait, les eaux se soulevaient en courroux ; le vent saisit la pirogue, la fit tourner, comme si elle n'eût été qu'une coquille de noix, et tous les efforts des rameurs furent inutiles pour empêcher la frêle embarcation de dériver.

Voyant la panique gagner tout son monde, Ma oublia sa frayeur personnelle et donna des ordres. On parvint à pousser la pirogue vers la rive ; l'équipage sauta dans les branches d'un arbre et maintint la pirogue en sûreté. Ma avait de l'eau jusqu'aux genoux ; les enfants cachaient leurs têtes dans sa robe... Heureusement l'orage se dissipa aussi brusquement qu'il était arrivé ; en chantant un cantique on se remit en route. Mais Ma avait pris froid et se sentait tout à fait malade. N'importe : lorsqu'elle rentra chez elle, elle ne se mit au lit qu'après avoir fait du thé pour ses négrillons et les avoir tous couchés.

En 1882 un autre tourbillon de vent détruisit sa maison ; elle et les petits durent fuir à travers vent et pluie ; ils se réfugièrent chez des commerçants européens qui furent très bons pour eux.

Après toutes les expériences diverses par lesquelles elle avait passé, Ma tomba dangereusement malade, et, en 1883, on lui enjoignit de retourner en Écosse. Comme lors de son dernier départ elle dut être portée à bord du vapeur.
La petite Janie l'accompagnait, car Ma craignait que, si l'enfant était laissée au Calabar, les indigènes s'emparassent d'elle pour la tuer.

Un dimanche, dans l'église de Dundee, Janie fut baptisée. La petite négresse aux yeux graves captiva l'attention des enfants de l'école du dimanche ; ils firent cercle autour d'elle et chacun demanda la permission de la tenir dans ses bras « un tout petit moment » !

Ma emmena Janie à plusieurs des réunions auxquelles elle parla ; assise par terre sur l'estrade, la petite grignotait des biscuits, que d'ailleurs elle était toujours prête à partager avec d'autres ! Un soir Ma se rendit à Falkirk (ville d'Écosse) pour y parler à de nombreuses jeunes filles, membres d'une classe biblique. Elle parla avec beaucoup de puissance à des coeurs bien préparés ; la petite Janie, passée de mains en mains, donnait à ses récits leur couleur locale ! Les jeunes filles furent si intéressées par le bébé nègre qu'elles demandèrent la permission de pourvoir à son entretien d'une façon régulière. Mais les paroles de Ma eurent plus d'influence encore : six de ces jeunes filles se consacrèrent plus tard à l'oeuvre du Calabar. Deux d'entre elles, Mlle Wright et Mlle Peacok, devinrent dans la suite de chères amies de Ma et furent au nombre de ses meilleures aides.
Car Ma avait un don merveilleux pour s'attirer les sympathies et exercer, sur ceux avec lesquels elle prenait contact, une influence bénie.

Malgré son intense désir de retourner le plus vite possible en Afrique, Mary Slessor se rendit compte que la santé de sa soeur Janie réclamait des soins.

Elle demanda à la Société des Missions l'autorisation d'emmener sa soeur avec elle en retournant au Calabar ; mais la Société vit à ce projet beaucoup, d'objections. Alors, prompte dans ses décisions, et persuadée que Dieu ne pouvait pas lui donner deux devoirs à accomplir, dont l'un forcément exclurait l'autre, Mary résolut de se consacrer pour le moment à sa soeur. Elle s'établit avec celle-ci dans le beau comté du Devonshire, où Mme Slessor ne tarda pas à rejoindre ses filles. La malade, à ce beau soleil, dans ce doux climat, reprit promptement ses forces. Mary comprit que Dieu ouvrait de nouveau devant elle la porte du Calabar. Elle installa une amie auprès de ses bien-aimées pour s'occuper d'elles, puis leur dit adieu, se doutant bien peu qu'elle ne reverrait plus sur la terre ni sa mère, ni sa soeur.

Heureusement elle emportait avec elle, au fond de son coeur, des paroles qui furent une grande force pour elle, dans l'avenir qui l'attendait. Avant son départ, elle avait fait part à Mme Slessor de son ardent désir d'aller plus loin encore, dans le pays noir, d'avancer plus avant dans l'inconnu et, au lieu de l'en dissuader, sa mère avait répondu : « Enfant, Dieu t'a donnée à moi, et je t'ai donnée à lui en retour. Mon désir est que tu sois toujours où il a besoin de toi, que tu répondes toujours à son appel ».

Dès son retour au Calabar, en 1885, Mary fut envoyée, non plus à Old Town, mais à Creek Town. Là elle vécut plus simplement que jamais, afin de donner davantage à ses chéries. Mais, dès les premiers mois de 1886, elle apprit que sa mère était morte subitement, à la fin de décembre. Et trois mois plus tard, sa soeur Janie mourut aussi.

Ma fut inconsolable. « Après m'être occupée d'elles toute ma vie, même à distance, maintenant qu'elles sont parties je me sens seule, et comme désemparée », écrit-elle à une amie ; et à une autre : « Je n'ai plus personne à qui raconter mes histoires, mes difficultés, mes peines, mes bêtises aussi ». Mais elle ajoutait : « Maintenant le ciel est pour moi plus près que la Grande-Bretagne ; et personne ne s'inquiétera plus à mon sujet si je vais dans l'intérieur du pays ».

Privée de sa famille, Ma s'attacha de plus en plus aux enfants nègres, et la petite Janie, qui trottinait toute la journée à ses côtés, et dormait dans son lit la nuit, prit une large part dans ses affections. C'était une petite personne vive, gaie, aimant à s'amuser et à faire des niches. Pourquoi donc les gens avaient-ils si peur d'elle ? Personne n'osait la toucher, même en la présence de Ma.

Un jour un homme arriva à la maison missionnaire, et déclara qu'il était le père de Janie.
- Très-bien, dit Ma, alors venez la voir.
- Oh ! non, répondit l'homme, tremblant de peur. Impossible !..

Ma le regarda avec mépris.
- Avoir peur d'une petite fille ! s'écrie-t-elle ; qu'est-ce qu'elle pourra bien vous faire ? Venez.
- Je la regarderai de loin.
- Peuh !

Et saisissant son interlocuteur par le bras, Ma l'entraîna de force auprès de Janie, qui, craintive, se jeta dans les bras de sa maman d'adoption.
« Ma chérie, dit Ma, voilà ton papa. Va lui donner un gros baiser ».

L'enfant mit ses petits bras autour du cou de cet homme. Celui-ci se laissa faire ; sa figure s'adoucit, et s'asseyant par terre, il prit sa fillette sur ses genoux, la caressa, et fut tellement ravi des jolies petites manières de l'enfant, qu'il ne pouvait se décider à la quitter. Et dans la suite il revint souvent lui porter des friandises.

C'est ainsi que Ma s'efforçait de prouver aux indigènes que les bébés-jumeaux ne faisaient de mal à personne, et qu'il était cruel et insensé de les mettre à mort.

Elle avait autour d'elle, dans la maison missionnaire, des petits garçons et des petites filles qu'elle avait guéris, on arrachés à la mort. Elle leur enseignait à faire le ménage, la cuisine, le marché, et, lorsque le travail de la journée était terminé, elle leur donnait des leçons en efik. Peu à peu ces garçonnets et ces fillettes en surent assez pour l'aider dans les écoles, et pour la décharger d'une foule de petites besognes. L'aînée des filles avait treize ans, et s'appelait Inyam : vraie petite cendrillon qu'on était toujours sûr de trouver dans la cuisine ; mais fillette droite et véridique, et qui aimait Ma de tout son coeur.
De plus, Ma hébergeait de nombreux réfugiés ; par exemple une femme qui, maltraitée par ses maîtres, s'était enfuie de chez eux ; eu des jeunes filles, malades de corps et d'esprit, destinées à être

UN AMI DE MA : LE ROI EYO HONNÊTETÉ VII


Table des matières


(1) Délibération publique.

 

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