Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



REINE BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary Slessor, missionnaire au Calabar



TROISIÈME PARTIE

La Conquête de l'Okoyong
1881-1902.

CHAPITRE I

 

Depuis deux ans déjà, Mary Slessor sollicitait de la Société des Missions l'autorisation d'avancer encore plus loin dans l'intérieur du pays. Mais jusque là ses collègues avaient obtenu qu'on l'en empêchât, à cause des dangers auxquels elle aurait été exposée.

La région dans laquelle Ma désirait se rendre n'était habitée par aucun blanc ; les quelques missionnaires qui avaient tenté de s'y établir en avaient été promptement chassés, après avoir couru grand risque d'être mangés par les indigènes. C'était une région de vastes forêts et de rivières, dont les habitants vivaient plutôt comme des bêtes sauvages que comme des êtres humains. On y commettait les plus terribles crimes du paganisme sans que personne s'en mît en peine.

« Alors, pensa Ma, c'est là aussi qu'il y a une oeuvre immense à faire pour Jésus. Oh ! si seulement je pouvais aller au milieu de ce peuple, lutter contre ces affreuses coutumes jusqu'à ce qu'elles soient abolies ! »

Une partie de ce pays, au nord de Creek Town, située entre deux rivières et appelée Okoyong, avait une triste renommée. La tribu qui l'habitait, puissante, orgueilleuse, guerrière, était la terreur de ses voisins. Pas un homme, pas une femme, pas un enfant même, qui ne portât des armes ; la nuit chacun dormait avec son fusil et son glaive à ses côtés. Pendant la journée des bandes rôdaient le long des chemins de la forêt, et malheur à qui se trouvait sur leur route ! Il était attaqué, fait prisonnier, vendu comme esclave, ou envoyé au loin pour servir de pâture aux cannibales. Ces gens détestaient cordialement les habitants de la côte.
Ma savait tout cela. Et c'était précisément à cause de tout cela qu'elle demandait si ardemment à ceux qui dirigeaient la mission à Duke Town de lui permettre de pénétrer dans ce pays.
- Je n'ai pas peur, disait-elle, et il n'y a plus personne de ma famille pour s'inquiéter à mon sujet.
- Non, non ; c'est encore trop dangereux d'aller là-bas, lui répondait-on.

Et les commerçants, ses amis, lui disaient : « Ce qu'il faut à ces gens-là, Ma, en fait de missionnaire, c'est un consul et une canonnière ».
N'importe, Ma tint bon et prit patience.

Souvent ainsi Dieu astreint ses serviteurs à une certaine tâche, alors qu'eux-mêmes en choisiraient une autre. Il sait ce qui est bon pour eux : il ne se trompe pas. C'est dans la patience et la confiance qu'il faut attendre le moment qu'il a lui-même choisi. C'est ce que fit Mary Slessor.
La voyant si persuadée que Dieu l'appelait en Okoyong, on l'autorisa enfin à faire les démarches nécessaires pour s'assurer qu'elle y serait bien reçue. À trois reprises, Ma, accompagnée de quelques missionnaires, se rendit dans le pays ; mais elle y rencontra une grande hostilité.
« Nous ne voulons pas de missionnaires, ni hommes, ni femmes », dirent les gens.

Que faire ? Renoncer à apporter l'Évangile de Jésus-Christ à ces païens ? Laisser la victoire à Satan ? Jamais ! Les disciples du Sauveur, comme leur Maître, se tiennent à la porte, et frappent jusqu'à ce qu'on leur ouvre.
Au bout d'un an de démarches infructueuses, Ma se dit : « J'irai seule voir ce qu'il en est ».

En juin 1888, par une chaude journée, elle partit à bord de la pirogue du roi Eyo, prêtée pour la circonstance, et remonta la rivière Calabar. Une scène de toute beauté se déroulait sous ses yeux : les eaux paisibles étincelaient aux rayons du soleil, les rives étaient couvertes de cotonniers, de bananiers, de palmiers ; de brillants oiseaux et des papillons aux mille couleurs voltigeaient en tous sens. On n'entendait que le bruit régulier des rames, et les voix des rameurs qui improvisaient des chants en l'honneur de leur Ma.
Celle-ci se mit à songer à ce qui l'attendait dans ce pays inconnu vers lequel elle voguait, aux dangers de la forêt, à la colère que manifesteraient les sanguinaires habitants de l'Okoyong. Avait-elle eu tort de s'aventurer ainsi toute seule ?

« Commençons par une tasse de thé, pour nous éclaircir les idées », dit-elle. Et elle voulut allumer le petit poêle de la pirogue, mais découvrit qu'on avait oublié d'emporter des allumettes ! Heureusement, on approchait d'une ferme dont Ma connaissait le propriétaire, homme important de la contrée. La pirogue aborda ; Ma descendit à terre, alla à la recherche d'allumettes, et s'en procura. La pirogue aussitôt se remit en route.

Lorsque le thé fut prêt, Ma ouvrit une boîte de conserves, se tailla, une belle tranche de pain, et dit :
- Fais-moi passer une tasse, s'il te plaît.
- Une tasse ? répondit le garçon auquel elle s'adressait. Il n'y a pas de tasse ; je l'ai oubliée, Ma.
- Quel ennui ! Comment vais-je m'en tirer ?
- Je laverai la boîte de conserves, Ma.
- Bonne idée ! Se servir de ce qu'on a est le meilleur moyen de ne jamais être à court.

Mais... la boîte de fer blanc s'échappa des mains du bonhomme, et tomba au fond de la rivière.
Ma poussa un soupir ; puis, philosophiquement, elle versa son thé dans une soucoupe !

De coup de rame en coup de rame on approchait du but.
Timide comme elle l'était, elle avait peur quand elle se trouvait dans une foule en Écosse !
- Qu'est-ce donc qui donnait à Ma le courage de s'avancer ainsi, seule, dans des régions inconnues, pour se trouver bientôt face à face avec des sauvages ? C'était sa foi en Dieu. Convaincue que Dieu l'appelait à ce nouveau champ de travail, elle était également sûre qu'il y veillerait sur elle. Jamais elle ne portait d'armes d'aucune sorte. David, pour vaincre Goliath, n'avait fait usage que de sa fronde et d'une pierre ; Ma allait maintenant au-devant d'un autre géant, n'ayant, pour l'aider dans le combat, que son joyeux visage et un coeur débordant d'amour et de sympathie. Comme Jésus, elle faisait face à l'ennemi revêtue de la puissance du Saint-Esprit.

Les rameurs débarquèrent Ma sur une étroite plage ; le coeur lui battait bien fort ; elle traversa seule la forêt ; et, après avoir fait six kilomètres, elle atteignit un village aux huttes de terre, nommé Ekenge.
Aussitôt qu'on l'aperçut, des cris se firent entendre : « Ma est arrivée ! Ma est arrivée ! » Et bientôt elle fut entourée d'une foule bruyante. À sa grande surprise, tous avaient l'air content de la voir.
« C'est brave d'être venue toute seule, lui dit-on ; vous avez bien fait. »

Le chef, appelé Edem, était sobre ce jour-là, et il ne voulut pas permettre à Ma d'aller au village voisin, où tous étaient ivres et pourraient la maltraiter. Ma passa donc la nuit à Ekenge.

CARTE DE LA MISSION DU CALABAR ET DES PAYS VOISINS

« J'ai appris à ne pas être très difficile quant à mon lit, raconta-t-elle plus tard à une amie ; mais quand je me vis étendue sur quelques sales morceaux de bois recouverts de sales copeaux, en compagnie de rats, d'insectes, de plus d'une douzaine de chèvres, de moutons, de vaches, d'innombrables chiens, et par-dessus le marché de trois femmes et d'un bébé nouveau-né, vous ne vous étonnerez pas que je n'aie guère fermé l'oeil ! Mais, au fin fond de mon coeur, la nuit a été bonne et paisible, »

Avant de se coucher elle avait réuni autour d'elle les garçons de la suite du roi, et avait fait avec eux le culte du soir, en présence de la foule assemblée. Les garçons répétèrent à l'unisson : « Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. »

Le lendemain, Ma reçut les chefs de la contrée, et tint un palabre. Le charme de sa personne, sa franchise, son intrépidité, eurent bientôt fait de lui gagner les coeurs de ces sauvages. Ils s'engagèrent à lui donner un terrain pour y bâtir une église et une école, tant à Ekenge qu'à lfako, à quelques kilomètres plus loin. A la demande de Ma ils promirent aussi que, lorsque les bâtiments de la Mission seraient achevés, ils serviraient de lieu de refuge à tous les accusés jusqu'à ce que leur cause fût jugée.

Joyeuse, émue, reconnaissante, Ma traversa de nouveau la forêt par la pluie battante, et retrouva sa pirogue sur la plage. L'on se mit en route pour le voyage de retour. Mais la marée était contraire, et il fallut s'arrêter pendant une couple d'heures dans une petite anse, après avoir attaché la pirogue à un arbre. Ma, fatiguée, ayant très froid, observait les crabes qui se battaient dans la vase, mais elle n'osait pas dormir, pour le cas ou quelque crocodile ou serpent jugerait à propos d'attaquer la frêle embarcation. Elle entendait les rameurs se dire tout doucement les uns aux autres : « Chut ! laissons Ma dormir ! » ou encore : « Ne secouez pas la pirogue de peur de réveiller Ma ! »
Comme ils l'aimaient, leur Ma, ces rudes fils de l'Afrique !

Lorsqu'on partit de nouveau, Ma s'endormit, et ne se réveilla qu'en approchant de Creek Town, dont les lumières brillaient dans la nuit.
Deux mois plus tard, tous ses préparatifs achevés, Ma était prête à aller s'établir pour de bon dans l'Okoyong. Une dernière fois on essaya de la dissuader de son projet.
À quoi bon aller là-bas ? Croyez-vous donc que ces gens vous écouteront ? » disait l'un.
« Est-ce que vous vous imaginez qu'à cause de vous ils mettront de côté leurs armes ? » demandait un autre.
« Plus jamais nous ne vous reverrons. »
« Vous serez massacrée. » Et ainsi de suite.

Étrange façon de donner du courage à quelqu'un qui en avait tant besoin !
Ma se contentait de sourire. Elle savait bien que Jésus l'accompagnerait et qu'avec lui elle n'avait rien à craindre.

À ses amis d'Écosse elle écrivait : « Je vais aller vivre au milieu d'une nouvelle tribu, tout à fait à l'intérieur du pays. C'est une tribu féroce et cruelle, et tout le monde me dit que les indigènes me tueront. Mais je ne crains rien. Seulement je me rends bien compte qu'il me faudra du courage et de la fermeté pour lutter contre toutes leurs coutumes sauvages ».

Le départ fut fixé au 3 août (1888). Il plut à verse toute la nuit précédente. Ma pensait à trop de choses pour pouvoir dormir, et, dès qu'elle entendit arriver les hommes qui devaient porter les bagages à la pirogue, elle se leva. La pluie continuait à tomber à torrents ; les porteurs, de fort mauvaise humeur, grognaient et se disputaient entre eux, et Ma, après sa nuit sans sommeil, était fatiguée et triste. Heureusement pour elle, le bon roi Eyo fut bientôt sur les lieux, et se chargea de diriger les préparatifs. Voyant combien Ma était émue, il s'assit à côté d'elle, l'encouragea de son mieux et lui promit d'envoyer de temps en temps, en secret, des messagers pour savoir comment elle allait, comment les choses marchaient, etc. Il ajouta qu'elle-même, de son côté, devait s'adresser à lui si elle avait besoin d'aide. Ma, de nouveau pleine de courage, s'embarqua, accompagnée de sa suite de cinq enfants. Les adieux avaient été pénibles, et s'étaient faits au bruit de sanglots.

« Adieu ! adieu ! » cria Ma une dernière fois, comme la pirogue gagnait le large et disparaissait dans la brume et la pluie.

Lorsqu'on aborda sur la plage boueuse, il faisait nuit noire : les nuages cachaient les étoiles. Ma descendit de la pirogue, et, contemplant la forêt qu'il fallait maintenant traverser, songeant au long trajet à faire à pied avec ses petits, et au but final de tant d'efforts, soudain, le coeur lui manqua. Qui sait ? Elle allait peut-être se perdre dans la forêt ? Ou bien elle y rencontrerait des bêtes féroces ? Qui sait encore ? Peut-être que les indigènes seraient ivres et refuseraient de la recevoir ? Oh ! que de terreurs peuplèrent son imagination ! Ce fut en pensant à Jésus et à ce qu'il avait fait pour elle qu'elle sentit les forces et l'énergie lui revenir. Jésus, lui, n'avait jamais reculé ; calme, et en pleine possession de lui-même, il s'était avancé vers la Croix. Ma, revenue de sa faiblesse d'un instant, réunit les enfants, et, avec eux, résolument plongea dans les sombres profondeurs de la forêt.

Quelle étrange procession ! L'aîné des garçons, âgé de onze ans, ouvrait la marche, portant sur sa tête une boîte qui contenait du pain, du thé et du sucre ; après lui venait un garçonnet de huit ans chargé d'une bouillotte et de plusieurs pots, suivi à son tour par un tout petit de trois ans qui trottinait de son mieux, mais en pleurant comme si son coeur allait se briser ! Janie venait après lui, sanglotant, elle aussi, à fendre l'âme. Ma, la maman blanche de tout ce petit monde noir, fermait la marche, portant sur son épaule le bébé Annie, petite fille née en esclavage. Elle chantait en marchant pour encourager les enfants ; mais quelque chose la prenait parfois à la gorge, lorsque retentissait le cri d'un vampire, ou qu'elle entendait, tout près, les pas furtifs ou les sourds grognements d'animaux sauvages.

Effleurant des branches ruisselantes de pluie, trébuchant dans la boue noire et glissante, misérable, éreinté, affamé, ce bizarre cortège arriva enfin à Ekenge.
Mais tout y était étrangement tranquille. Personne pour leur souhaiter la bienvenue...
« C'est singulier », pensa Ma, qui savait que les réceptions sont toujours bruyantes dans ces villages païens. Elle appela à haute voix et deux, esclaves apparurent.
- Où est le chef ? Où sont les gens ? demanda-t-elle.
- Tout le monde est parti pour lfako, le village voisin, pour assister à la fête d'un mort.
- Alors apportez-moi du feu et de l'eau.

Vite elle fit du thé pour les enfants, les déshabilla, et les coucha pêle-mêle dans un coin. Après quoi elle s'assit, toujours avec ses vêtements trempés, et attendit patiemment les porteurs qui devaient arriver avec les caisses contenant vêtements de rechange, nourriture, etc. Hélas ! au lieu de porteurs, ce fut un messager qui finit par se présenter devant elle, l'informant que les porteurs se déclaraient trop éreintés pour apporter quoi que ce fût avant le lendemain.

« Les paresseux ! » s'écria-t-elle. Ils avaient compté sans leur hôte ! Lasse comme elle l'était, d'un bond Ma fut debout, et, nu-tête, nu-pieds, elle s'enfonça de nouveau dans la forêt pour retourner à la rivière. À peine avait-elle fait quelques pas en courant qu'elle entendit quelqu'un courir derrière elle. Elle s'arrêta brusquement.

« Ma ! Ma ! » appelait une voix. C'était le messager de tout-à-l'heure qui offrait de lui tenir compagnie, ce qu'elle accepta de bon coeur. Ils se mirent à courir ensemble ; souvent ils trébuchaient, parfois ils tombaient, ou encore ils se heurtaient contre un arbre. À plusieurs reprises ils s'arrêtèrent en tremblant, car un cri tout près d'eux leur avait révélé la présence d'une bête fauve.

Ils atteignirent la berge. Ma alla droit à la pirogue, et, soulevant la bâche, elle réveilla les dormeurs. Ceux-ci ne se gênèrent pas pour témoigner de leur mécontentement ! N'empêche que ces hommes rudes ne purent résister à Ma : chargeant les colis sur leurs têtes, ils se mirent en route, à la file indienne, pour Ekenge. Ma les suivait, faisant ainsi le même fatigant trajet pour la troisième fois dans la même demi-journée. Les colis furent déposés dans la hutte qu'Edem, le chef, avait donnée à Ma ; ils remplissaient cette hutte, même empilés les uns sur les autres. Il était plus de minuit lorsque Ma put enfin s'étendre sur ses colis et s'y endormir d'un profond sommeil.

Oh ! cette hutte I.. Petite, sale, aux murs de terre glaise, sans fenêtres, et un trou en guise de porte ! Elle était située dans la cour réservée aux femmes du chef. Le premier soin de Ma fut de faire une lessive en règle des murs et du sol, puis elle fit mettre une porte devant le trou béant, fit percer l'emplacement d'une fenêtre et y suspendit des dessus de lits en guise de rideaux pour se protéger des regards indiscrets. Après quoi elle fit déblayer une partie du terrain qu'on lui, avait donné, et l'entoura d'une palissade.

Tous ces divers arrangements étaient terminés lorsque le chef et sa suite revinrent de la fête d'Ifako. Ils souhaitèrent bruyamment la bienvenue à Ma, car c'était un grand honneur d'avoir parmi eux une femme blanche ; mais quant à changer, à cause d'elle, leurs habitudes et leurs coutumes, ils n'y pensaient guère. Jour et nuit ils buvaient du rhum et de l'eau-de-vie, dansaient, offraient des sacrifices à leurs dieux, qu'ils appelaient « jujus ». Parfois le tapage était tel que Ma ne pouvait fermer l'oeil de la nuit. La cour était pleine de femmes à demi-vêtues qui grondaient et se disputaient. Quelques-unes d'entre elles, méchantes, remplies de haine contre Ma étaient résolues à obliger celle-ci à quitter le pays. Cependant l'une de ces femmes, soeur du chef et nommée Emé Eté, se fit au contraire l'amie de Ma à qui elle raconta un jour sa triste histoire.

Voici cette histoire.
Emé Eté avait épousé un chef qui l'avait très maltraitée ; lorsque ce chef mourut, on déclara que c'était la faute de l'une ou l'autre de ses femmes. Toutes furent arrêtées et amenées devant les juges. Étrange la façon dont ces juges décidaient de l'innocence ou de la culpabilité des accusées ! À mesure que chacune des femmes du chef s'avançait, on coupait la tête à une poule, et, suivant la manière dont le corps de la pauvre poule tombait à terre, on disait : « Cette femme est innocente », ou : « Cette femme est coupable ». Lorsque vint son tour, Emé Eté tremblait de frayeur. Elle fut déclarée innocente, et s'évanouit.

Grande, large de corps, Emé Eté était large aussi de coeur. Lorsqu'elle eut décidé de traiter Ma en amie, elle se conduisit envers elle comme aurait pu le faire une amie intime à la peau blanche ! Elle veilla sur sa sûreté, l'entoura de soins attentifs et affectueux, l'accompagna à ses réunions et l'aida dans son travail. Et Ma lui rendit son affection. Mais, malgré tout cela, Emé Eté resta païenne jusqu'à la fin de sa vie ! Elle qui désirait voir les gens abandonner leurs habitudes païennes n'abandonna jamais les siennes, et continua à sacrifier aux idoles.

Ce fut pour Ma un douloureux mystère, car, de toutes les femmes indigènes qu'elle rencontra pendant sa vie, aucune ne lui prit le coeur comme Emé Eté.


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CHAPITRE Il - C'est au sujet d'un petit enfant que commença vraiment l'œuvre de Ma dans l'Okoyong
 

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